Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-06-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juin 1929 01 juin 1929
Description : 1929/06/01-1929/06/30. 1929/06/01-1929/06/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97431338
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Parie i
Les Annales Coloniales
leil, le cap San Antonio, le rocher de Gi-
braltar, la baie d' Algésiras, Tanger la Blan-
che dans le soleil couchant.
Dimanche 2 mars, 7 heures.
Nous entrons dans l'archipel des Canaries.
Pourquoi cette jeune mère a-t-elle mis ce gro-
tesque petit casque à son bébé ? Respect des
rites. Je m enveloppe frileusement dans mon
pardessus.
L'étuve soudanaise
Je me rappellerai souvent — au cours du
voyage — ce « baby-casque ». On m'a fait
prendre, avant mon départ — suivant le rite
— tout un équipement tropical, des vêtements
de toile blancs, kaki, un casque, des lunettes
aux verres de couleur, etc. Mais, à Dakar, à
cette époque de l'année, on supporte très bien
un costume de drap et, dès cinq heures du soir,
il faut laisser le casque et prendre le par-
dessus.
Même à Kayes, nous trouverons une tem-
pérature qui n'est pas tout à fait inconnue à
Marseille, sur la Corniche — n'est-ce pas,
Sarroul ?
La vérité, c est que le climat guinéen et
même soudanais est anémiant à la longue,
mais non point aussi cruel à l'Européen que le
veut la légende.
On y résiste très bien, à condition de se
conformer à certaines règles d'hygiène, d'éviter
1 alcoolisme, de porter le casque, de prendre
25 centigr. de quinine chaque jour, au repas,
pour combattre préventivement le paludisme.
Saint-Louis et Dakar connaissent des tempé-
ratures qui s'abaissent jusqu'à 8 ou 90 et dé-
passent rarement 35°. En Guinée, dans la
zone côtière, la température oscille entre 22
et 25° minima et 28 et 32° maxima. Dans le
Fouta DjalIon, les amplitudes sont plus grandes
de 5 à 38°.
En Côte d 'Ivoire, le climat est caractérisé
par l'égalité presque constante de la tempé-
rature qui varie entre 20 et 30°. Dans le bas
Dahomey, la moyenne mensuelle de la tem-
pérature ne subit, d'un bout à l'autre de l'an-
née, que de très faibles variations, oscillant
entre 25 et 30°.
Certes, Kayes et Tombouctou et d'autres
« coins » ont un climat plus dur ; mais dans
1 ensemble, l'A.O.F. n'est point cette étuve
inhabitable que se représente notre imagination
de coloniaux parisiens.
Lundi 3 mars.
Le houle des Alizés nous pousse. Kalmine,
belladone... Je me livre au très aimable méde-
cin du bord et je laisse mon ami Delesalle ré-
sister à ce rude jouteur qu'est Pierre Deloncle
défendant son « transsaharien » comme peut,
seul, le faire l'auteur de la « Caravane aux
Eperons verts », si colorée, si savoureuse, si
riche de faits et d'idées.
Delesalle a pour lui tous les Africains de
l'A.O.F. qui sont tous adversaires du trans-
saharien, même quand ils n'osent pas ou ne
peuvent pas l'avouer, mais Deloncle a, der-
rière ou devant lui, tout le « prestige impérial »
et dame !
Mardi 4 mars.
M. Plaquet, un Belge, administrateur d'une
société franco-belge, pour l'exploitation du
kapok — dont je visiterai l'usine à Bamako
— profite de mon passage à la salle à man-
ger en pyjama, au petit déjeuner du matin, pour
me parler de son affaire et de la crise écono-
mique que je connais déjà par le dernier dis-
cours, devant le Conseil supérieur, de M. le
Gouverneur général Carde.
Naturellement, cet industriel insiste sur l'as-
pect « commercial » de la crise, accuse « les
Bordelais » comme on dit en A.O.F. de ne
pas vouloir s'adapter aux conditions économi-
ques nouvelles, de ne pas apprécier à sa juste
valeur la terrible concurrence des « syriens ».
Il faut passer franchement, dit-il, dans une
formule qui résume sa pensée, du stade du
troc au stade du commerce complexe. J'aurai
1 occasion de méditer souvent sur la formule au
cours de notre voyage, et aussi sur cette circu-
laire d'une Société bordelaise, que me fait lire
un de nos compagnons de voyage, qui précise
« que la mission devra être mise en garde
contre le danger d'encourager la concurrence
commerciale ».
Mais la crise n'est pas seulement écono-
mique Elle est morale aussi. Je l'apprends
avant même d'avoir mis le pied à Dakar, en
causant avec mes compagnons de voyage. Ce-
lui-ci accuse les programmes d'enseignement :
tel directeur général de l'enseignement avait,
dit-il, une « mentalité de colon » — et j'ap-
prendrai vite ce que cela veut dire — et ses
successeurs l'ont gardée en partie. Il faut déve-
lopper, non pas la culture classique et litté-
raire, mais une culture technique progressive,
tenant compte de la mentalité primitive, mais
très rapidement éducable, de l'indigène.
Mais, déjà, un autre me met en garde contre
les illusions et les dangers de l'éducation indi-
gène, contre la morgue et la prétention des
« écrivains » — on appelle ainsi les noirs
qui sont passés par l'école et ont renoncé aux
travaux manuels — de Dakar ou de Conakry.
Je devine là des problèmes complexes, dé-
licats, qu'on peut essayer de comprendre, mais
non pas se flatter de résoudre en quinze jours
de voyage.
Mercredi 6 février.
Nous avons salué les « Mamelles », dépassé
le Cap Vert. Nous stoppons, en rade, à partir
de 7 h. 30 entre la Côte et Gorée, pour atten-
dre l'heure de la réception officielle qui est
fixée à 8 h. 30.
A l'heure dite, nous accostons au quai.
Spectacle inoubliable Tous les navires, fran-
çais et étrangers, du port, ont hissé le grand
pavois. Sur le vaste terre-plein, devant les
hangars du quai, une immense foule entassée.
Au premier rang, les « boys-scouts » — pan-
talon blanc, ceinture rouge, face noire — de
la « préparation militaire » avec leur clique,
puis des groupes de noirs, de toutes races, ser-
rés autour de pancartes de caficot blanc,
dressées au-dessus des têtes, au bout de deux
hautes perches, et qui, toutes uniformément,
portent :
Village de
Vive Diagne
Vive la République
Au second plan, au milieu de la foule, un
espace libre, un groupe de femmes qui hurlent,
en battant des mains en cadence, tandis que,
dans l'arène, deux danseurs demi-nus simulent
un combat au bâton où chaque coup est scandé
de hurlements de spectateurs.
Et sur tout cela, inondé de soleil, un grouil-
lement de burnous, de couleurs, de cris, de
sonneries de clairons...
Je n'ai vu quelque chose d'analogue, comme
pittoresque, qu'à l'arrivée à Alexandrie du na-
vire qui ramenait la première mission de Za-
ghloul Pacha en Egypte...
Dès que la passerelle est jetée, du navire
au quai, c'est un envahissement par les nègres,
de tous les types imaginables, ornés des plus
fantastiques décorations, accusant tous les sta-
des de l'éducation noire, depuis celui qui sent
encore la brousse dans son rude burnous de
fête, jusqu'à l'élégant européanisé, en souliers
clairs et chapeau de paille, qui se pressent, se
bousculent, emplissent les ponts, les salons...
Et Diagne, à la coupée, serre des mains,
encore et toujours, embrasse, claque des dos,
triomphe.
Dans cette cohue, je finis par retrouver une
délégation de Corses qui m'attend pour me
souhaiter la bienvenue et m'inviter à un apé-
ritif d 'honneur. A leur tête, M. Jacobi, secré-
taire-adjoint de la mairie de Dakar et président
du groupe des Corses, et M. Giacomonni, an-
cien adjoint de Bastia, et aujourd hui avocat
à Dakar. C'est bon de retrouver après dix
jours de mer, à plus de 3.000 kilomètres de
la France, le parfum de la « petite patrie »',
c est bon et utile — ne soyez pas jaloux, ami
Péchin — car les Corses que je retrouverai à
presque toutes nos étapes, de Dakar à Cona-
kry, seront mes meilleurs guides et informa-
teurs.
La ville de Dakar
Nous quittons le bord vers 10 heures. Courte
visite de la ville. Cette première course dans
le quartier du port est assez décevante : des
docks, des entrepôts, des boutiquss sans éta-
lages, sans aucun luxe, des rues banales, une
grande place de chef-lieu de canton, des bâti-
ments administratifs sans élégance, pas un
grand hôtel moderne, pas un grand magasin.
Ce port ressemble à tous les ports. Ici encore,
les gens qui se disent bien informés en rendent
responsable la « méthode bordelaise ». Je ne
comprends pas encore, je comprendrai mieux
quand j'aurai passé au pays de la « traite des
arachides ».
Pour juger Dakar, il faut monter par l'ave-
nue Roume jusqu'au palais du Gouvernement
Général, sur le plateau. Alors, on voit se des-
siner une ville nouvelle aux longues et larges
avenues, bordées de villas déjà nombreuses,
encore qu'insuffisantes, aux monuments mcder-
nes imposants : hôpital colonial, école de mé-
decine, hôpital indigène, dominant la route
de Corniche qui doit courir tout le long de
la côte, autour de la ville, basilique, au
centre du quartier indigène désaffecté et déjà
transporté en partie à 1 kilomètre hors (le l'ag-
glomération, dans le village de Médini, mer-
veilleusement aménagé suivant toutes les règles
de l'urbanisme.
Mais cette ville est encore en gestation, si je
puis dire.
Elle est toute en travaux de construction et
en efforts d'aménagement. On admire l'acti-
vité ordonnée et ardente des autorités admi-
nistratives qui président à sa naissance ; on
admirera la ville dans quelques années.
C'est ici le lieu de dire le merveilleux effort
qui a été entrepris, depuis la création de la
circonscription de Dakar et dépendances, à la
fin de 1924, pour faire de cette ville la capi-
tale qu'elle veut être.
Signalons-en seulement les principales mani-
festations.
D'abord, en matière d'alimentation d'eau.
Au début de 1925, quelques puits des vieux
centres de captage de Hann et M'Bao et du
nouveau point B, fournissent à peine, par des
moyens de fortune, 2.300 à 2.600 mètres cu-
bes d'eau journellement. Aujourd'hui, on a
creusé 7 puits nouveaux, établi tout un réseau
de distribution, construit des réservoirs. La
ville dispose d'un réservoir de 2.200 mètres
cubes, de 2 de 1.000 mètres cubes et d'un
château d'eau de 1.200 mètres cubes, surélevé
de 25 mètres. Au total, 7.400 mètres cubes.
Le port dispose d'un réservoir de 3.600
mètres cubes et, à titre de réserves, de 2 ci-
ternes de 1.800 mètres cubes, chacune équipée
électriquement, le problème de l'eau est résolu.
Et celui de l'assainissement a pu être
abordé. On a construit des égouts, assuré le
lavage de tout le réseau à l'eau de mer et le
balayage de tous les gîtes à moustiques par un
courant rendant pratiquement impossible l'exis-
tence et le développement des larves.
Ces travaux d'assainissement firent déjà leurs
preuves dans la dernière épidémie de fièvre
jaune.
Depuis lors, ils ont été poursuivis et com-
plétés par l'organisation d'un service d'hygiène
qui comprend : 4 médecins, 1 chef de brigade,
3 gendarmes européens, 17 gendarmes indi-
gènes, 30 gardes d hygiène et 30 dératiseurs.
Aidé par 300 hommes prêtés par l'autorité
Les Annales Coloniales
leil, le cap San Antonio, le rocher de Gi-
braltar, la baie d' Algésiras, Tanger la Blan-
che dans le soleil couchant.
Dimanche 2 mars, 7 heures.
Nous entrons dans l'archipel des Canaries.
Pourquoi cette jeune mère a-t-elle mis ce gro-
tesque petit casque à son bébé ? Respect des
rites. Je m enveloppe frileusement dans mon
pardessus.
L'étuve soudanaise
Je me rappellerai souvent — au cours du
voyage — ce « baby-casque ». On m'a fait
prendre, avant mon départ — suivant le rite
— tout un équipement tropical, des vêtements
de toile blancs, kaki, un casque, des lunettes
aux verres de couleur, etc. Mais, à Dakar, à
cette époque de l'année, on supporte très bien
un costume de drap et, dès cinq heures du soir,
il faut laisser le casque et prendre le par-
dessus.
Même à Kayes, nous trouverons une tem-
pérature qui n'est pas tout à fait inconnue à
Marseille, sur la Corniche — n'est-ce pas,
Sarroul ?
La vérité, c est que le climat guinéen et
même soudanais est anémiant à la longue,
mais non point aussi cruel à l'Européen que le
veut la légende.
On y résiste très bien, à condition de se
conformer à certaines règles d'hygiène, d'éviter
1 alcoolisme, de porter le casque, de prendre
25 centigr. de quinine chaque jour, au repas,
pour combattre préventivement le paludisme.
Saint-Louis et Dakar connaissent des tempé-
ratures qui s'abaissent jusqu'à 8 ou 90 et dé-
passent rarement 35°. En Guinée, dans la
zone côtière, la température oscille entre 22
et 25° minima et 28 et 32° maxima. Dans le
Fouta DjalIon, les amplitudes sont plus grandes
de 5 à 38°.
En Côte d 'Ivoire, le climat est caractérisé
par l'égalité presque constante de la tempé-
rature qui varie entre 20 et 30°. Dans le bas
Dahomey, la moyenne mensuelle de la tem-
pérature ne subit, d'un bout à l'autre de l'an-
née, que de très faibles variations, oscillant
entre 25 et 30°.
Certes, Kayes et Tombouctou et d'autres
« coins » ont un climat plus dur ; mais dans
1 ensemble, l'A.O.F. n'est point cette étuve
inhabitable que se représente notre imagination
de coloniaux parisiens.
Lundi 3 mars.
Le houle des Alizés nous pousse. Kalmine,
belladone... Je me livre au très aimable méde-
cin du bord et je laisse mon ami Delesalle ré-
sister à ce rude jouteur qu'est Pierre Deloncle
défendant son « transsaharien » comme peut,
seul, le faire l'auteur de la « Caravane aux
Eperons verts », si colorée, si savoureuse, si
riche de faits et d'idées.
Delesalle a pour lui tous les Africains de
l'A.O.F. qui sont tous adversaires du trans-
saharien, même quand ils n'osent pas ou ne
peuvent pas l'avouer, mais Deloncle a, der-
rière ou devant lui, tout le « prestige impérial »
et dame !
Mardi 4 mars.
M. Plaquet, un Belge, administrateur d'une
société franco-belge, pour l'exploitation du
kapok — dont je visiterai l'usine à Bamako
— profite de mon passage à la salle à man-
ger en pyjama, au petit déjeuner du matin, pour
me parler de son affaire et de la crise écono-
mique que je connais déjà par le dernier dis-
cours, devant le Conseil supérieur, de M. le
Gouverneur général Carde.
Naturellement, cet industriel insiste sur l'as-
pect « commercial » de la crise, accuse « les
Bordelais » comme on dit en A.O.F. de ne
pas vouloir s'adapter aux conditions économi-
ques nouvelles, de ne pas apprécier à sa juste
valeur la terrible concurrence des « syriens ».
Il faut passer franchement, dit-il, dans une
formule qui résume sa pensée, du stade du
troc au stade du commerce complexe. J'aurai
1 occasion de méditer souvent sur la formule au
cours de notre voyage, et aussi sur cette circu-
laire d'une Société bordelaise, que me fait lire
un de nos compagnons de voyage, qui précise
« que la mission devra être mise en garde
contre le danger d'encourager la concurrence
commerciale ».
Mais la crise n'est pas seulement écono-
mique Elle est morale aussi. Je l'apprends
avant même d'avoir mis le pied à Dakar, en
causant avec mes compagnons de voyage. Ce-
lui-ci accuse les programmes d'enseignement :
tel directeur général de l'enseignement avait,
dit-il, une « mentalité de colon » — et j'ap-
prendrai vite ce que cela veut dire — et ses
successeurs l'ont gardée en partie. Il faut déve-
lopper, non pas la culture classique et litté-
raire, mais une culture technique progressive,
tenant compte de la mentalité primitive, mais
très rapidement éducable, de l'indigène.
Mais, déjà, un autre me met en garde contre
les illusions et les dangers de l'éducation indi-
gène, contre la morgue et la prétention des
« écrivains » — on appelle ainsi les noirs
qui sont passés par l'école et ont renoncé aux
travaux manuels — de Dakar ou de Conakry.
Je devine là des problèmes complexes, dé-
licats, qu'on peut essayer de comprendre, mais
non pas se flatter de résoudre en quinze jours
de voyage.
Mercredi 6 février.
Nous avons salué les « Mamelles », dépassé
le Cap Vert. Nous stoppons, en rade, à partir
de 7 h. 30 entre la Côte et Gorée, pour atten-
dre l'heure de la réception officielle qui est
fixée à 8 h. 30.
A l'heure dite, nous accostons au quai.
Spectacle inoubliable Tous les navires, fran-
çais et étrangers, du port, ont hissé le grand
pavois. Sur le vaste terre-plein, devant les
hangars du quai, une immense foule entassée.
Au premier rang, les « boys-scouts » — pan-
talon blanc, ceinture rouge, face noire — de
la « préparation militaire » avec leur clique,
puis des groupes de noirs, de toutes races, ser-
rés autour de pancartes de caficot blanc,
dressées au-dessus des têtes, au bout de deux
hautes perches, et qui, toutes uniformément,
portent :
Village de
Vive Diagne
Vive la République
Au second plan, au milieu de la foule, un
espace libre, un groupe de femmes qui hurlent,
en battant des mains en cadence, tandis que,
dans l'arène, deux danseurs demi-nus simulent
un combat au bâton où chaque coup est scandé
de hurlements de spectateurs.
Et sur tout cela, inondé de soleil, un grouil-
lement de burnous, de couleurs, de cris, de
sonneries de clairons...
Je n'ai vu quelque chose d'analogue, comme
pittoresque, qu'à l'arrivée à Alexandrie du na-
vire qui ramenait la première mission de Za-
ghloul Pacha en Egypte...
Dès que la passerelle est jetée, du navire
au quai, c'est un envahissement par les nègres,
de tous les types imaginables, ornés des plus
fantastiques décorations, accusant tous les sta-
des de l'éducation noire, depuis celui qui sent
encore la brousse dans son rude burnous de
fête, jusqu'à l'élégant européanisé, en souliers
clairs et chapeau de paille, qui se pressent, se
bousculent, emplissent les ponts, les salons...
Et Diagne, à la coupée, serre des mains,
encore et toujours, embrasse, claque des dos,
triomphe.
Dans cette cohue, je finis par retrouver une
délégation de Corses qui m'attend pour me
souhaiter la bienvenue et m'inviter à un apé-
ritif d 'honneur. A leur tête, M. Jacobi, secré-
taire-adjoint de la mairie de Dakar et président
du groupe des Corses, et M. Giacomonni, an-
cien adjoint de Bastia, et aujourd hui avocat
à Dakar. C'est bon de retrouver après dix
jours de mer, à plus de 3.000 kilomètres de
la France, le parfum de la « petite patrie »',
c est bon et utile — ne soyez pas jaloux, ami
Péchin — car les Corses que je retrouverai à
presque toutes nos étapes, de Dakar à Cona-
kry, seront mes meilleurs guides et informa-
teurs.
La ville de Dakar
Nous quittons le bord vers 10 heures. Courte
visite de la ville. Cette première course dans
le quartier du port est assez décevante : des
docks, des entrepôts, des boutiquss sans éta-
lages, sans aucun luxe, des rues banales, une
grande place de chef-lieu de canton, des bâti-
ments administratifs sans élégance, pas un
grand hôtel moderne, pas un grand magasin.
Ce port ressemble à tous les ports. Ici encore,
les gens qui se disent bien informés en rendent
responsable la « méthode bordelaise ». Je ne
comprends pas encore, je comprendrai mieux
quand j'aurai passé au pays de la « traite des
arachides ».
Pour juger Dakar, il faut monter par l'ave-
nue Roume jusqu'au palais du Gouvernement
Général, sur le plateau. Alors, on voit se des-
siner une ville nouvelle aux longues et larges
avenues, bordées de villas déjà nombreuses,
encore qu'insuffisantes, aux monuments mcder-
nes imposants : hôpital colonial, école de mé-
decine, hôpital indigène, dominant la route
de Corniche qui doit courir tout le long de
la côte, autour de la ville, basilique, au
centre du quartier indigène désaffecté et déjà
transporté en partie à 1 kilomètre hors (le l'ag-
glomération, dans le village de Médini, mer-
veilleusement aménagé suivant toutes les règles
de l'urbanisme.
Mais cette ville est encore en gestation, si je
puis dire.
Elle est toute en travaux de construction et
en efforts d'aménagement. On admire l'acti-
vité ordonnée et ardente des autorités admi-
nistratives qui président à sa naissance ; on
admirera la ville dans quelques années.
C'est ici le lieu de dire le merveilleux effort
qui a été entrepris, depuis la création de la
circonscription de Dakar et dépendances, à la
fin de 1924, pour faire de cette ville la capi-
tale qu'elle veut être.
Signalons-en seulement les principales mani-
festations.
D'abord, en matière d'alimentation d'eau.
Au début de 1925, quelques puits des vieux
centres de captage de Hann et M'Bao et du
nouveau point B, fournissent à peine, par des
moyens de fortune, 2.300 à 2.600 mètres cu-
bes d'eau journellement. Aujourd'hui, on a
creusé 7 puits nouveaux, établi tout un réseau
de distribution, construit des réservoirs. La
ville dispose d'un réservoir de 2.200 mètres
cubes, de 2 de 1.000 mètres cubes et d'un
château d'eau de 1.200 mètres cubes, surélevé
de 25 mètres. Au total, 7.400 mètres cubes.
Le port dispose d'un réservoir de 3.600
mètres cubes et, à titre de réserves, de 2 ci-
ternes de 1.800 mètres cubes, chacune équipée
électriquement, le problème de l'eau est résolu.
Et celui de l'assainissement a pu être
abordé. On a construit des égouts, assuré le
lavage de tout le réseau à l'eau de mer et le
balayage de tous les gîtes à moustiques par un
courant rendant pratiquement impossible l'exis-
tence et le développement des larves.
Ces travaux d'assainissement firent déjà leurs
preuves dans la dernière épidémie de fièvre
jaune.
Depuis lors, ils ont été poursuivis et com-
plétés par l'organisation d'un service d'hygiène
qui comprend : 4 médecins, 1 chef de brigade,
3 gendarmes européens, 17 gendarmes indi-
gènes, 30 gardes d hygiène et 30 dératiseurs.
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