Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-07-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1929 01 juillet 1929
Description : 1929/07/01-1929/07/31. 1929/07/01-1929/07/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743132v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Page 4
Les Annales Coloniales
labbrais pour la dernière fois avec cette
Conférence consultative que j'avais présidée
pendant douze ans et qui m'avait prêté un
concours que les événements de la guerre
avait rendu de plus en plus fervent et em-
pressé. On m'apporta en séance le radio
annonçant que les Allemands avaient accepté
et signé les conditions de l'armistice. Ce fut
une explosion de joie et je pourrais dire
d'ivresse. Etait-on assez heureux que ce fut
fini? Ceux qui regrettent qu'on n'ait pas
continué plus loin la poursuite de l'ennemi
ne se rappellent pas en quel état de lassi-
tude était le pays. La différence entre le
vainqueur et le vaincu était que le moral
de notre armée était intact, et que le moral
de l'ennemi, de l'armée comme de la nation,
était effondré. Mais de notre côté, tous les
ressorts étaient tendus à se rompre.
La séance du petit Parlement local fut
levée. La Conférence accompagna en corps
le Résident général à la Maison de France.
La nouvelle s'était répandue avec la vitesse
de l'éclair. Toute la population accourait,
Français, indigènes, israélites, Italiens, Mal-
tais. Chacun prenait sa part de la victoire
et de l'immense bienfait qu'on attendait de
la paix. On se félicitait, on s'embrassait,
on criait: « Vive la France ». Ceux qui
avaient au front des enfants ou des proches
que la guerre n'avait pas encore moissonnés
pleuraient de joie à la pensée que leur an-
goisse allait finir. Il n'y avait autour de
nous pas une parole, pas un geste qui ne
fût à l'unisson de l'allégresse commune.
C'était vraiment l'union sacrée et nous al-
lions quitter la Tunisie avec le sentiment que
cette union récompensait nos efforts.
Le service du ravitaillement avait été un
riiodèle de prévoyance. Le pays n'avait man-
qué de rien. L'ordre y avait été maintenu
presque jusqu'aux confins de la Tripolitaine.
Les contingents de soldats et de travailleurs
étaient partis vaillamment et avaient fait
sans murmurer leur devoir.
Tous avaient travaillé à gagner la guerre.
La France était sauvée. La Régence, sa pu-
pille, s'était acquittée de sa dette de recon-
naissance. Enfin, le souvenir, de la lutte gi-
gantesque soutenue en commun, paraissait
devoir rendre dans l'avenir avec les sujets
de l'empire britannique et du royaume d'Ita-
lie la collaboration plus fraternelle.
Les échos de l'ovation faite ce jour-là à
notre patrie, retentissaient encore à mes
oreilles lorsque quelques semaines plus tard,
je m'embarquais à Bizerte pour ma destina-
tion nouvelle, en exprimant le souhait bien
sincère qu'il demeurât dans le cœur de tous
ceux qui venaient d'acclamer la France
quelque chose des émotions qui l'avaient fait
vibrer avec tant de force et de la tendresse
fidèle dont il avait semblé rempli.
Agréez, Monsieur le Directeur, l'assurance
de mes sentiments bien distingués avec mes
remerciements pour l'envoi de votre belle li-
vraison illustrée.
G, ALAPETITE,
Ambassadeur de France.
Lucie DELARUE-MARDRUS
La Tunisie reste un des plus beaux
souvenirs de ma vie de voyageuse. La
place Halfaouine m'a laissé une nos-
talgie incurable. J'aimais aussi Bab el
Bahr qui sépare le monde européen et le
monde arabe, et ma pensée traîne bien
souvent dans les souks parfumés et
aussi dans le colimaçon blanc des peti-
tes rues musulmanes. De la coupole du
belvédère, je revois la ville pareille à un
parterre de marguerites.
A ceux qui m'interrogent, je conseille
La colonisation. — Elèves de la ferme-école indigène d'agriculture de Smindja.
Plantation d'asperges.
toujours d'aller à Tunis, si proche de la
France et si lointaine pour l'imagina-
tion. Mélancoliquement, je soupire :
Vive Tunis, Vive Tunis.
Lucie DELARUE-MARDRUS.
Elissa RUAIS
Il serait puéril de nier tout le bien que la
France a apporté à cette terre de Tunisie.
Elle en a fait un des pays les plus féconds,
les plus prospères du bassin méditerranéen.
L'oeuvre morale n'a pas été moindre. Libé-
rant le peuple du joug des caïds, elle a pro-
curé plus de justice, plus d'ordre, plus de
sécurité. A ce peuple nonchalant, elle a en-
seigné l'hygiène organisée, le dévouement à
l'Etat, le souci de l'avenir; elle a supprimé
l'épidémie et la famine.
Peut-on dire que d'une façon générale la
civilisation ait fait des indigènes des êtres
meilleurs? Ceci est une question plus com-
plexe. La Tunisie a les regards tournés vers
l'Orient; elle est de plus un carrefour où se
sont heurtés vingt peuples. La race n'y est
donc pas très pure, les influences difficiles
à dégager.
La bourgeoisie indigène a été, semble-t-il,
le plus réceptive au nouvel état de choses.
Rapidement, elle abandonne la gandourah
de soie et la « buveuse d'un demi-mè-
tre D (i) pour le costume européen. Elle
voyage, fréquente les villes d'eau et les sta-
tions à la mode, elle est de toutes les expo-
sitions, de toutes les foires, de toutes les
combinaisons commerciales. La civilisation a
développé en elle le goût du commerce. La
bourgeoisie tunisienne apporte là sa sou-
plesse native, l'activité d'un cerveau vierge,
l'optimisme de gens nés depuis peu à la lu-
mière. Le flouss devient roi. Ton vrai frère,
dit-elle, c'est le douro.
Les femmes de cette bourgeoisie sont moins
sévèrement retenues que leurs sœurs algé-
(1) C'est le gland très, long qui pend à la
chéchia du Tunisien, fortement blagué par les
Algériens et les Marocains.
La colonisation. — A gauche, les champs cultivés.
A droite, la brousse en voie de défrichement.
Les Annales Coloniales
labbrais pour la dernière fois avec cette
Conférence consultative que j'avais présidée
pendant douze ans et qui m'avait prêté un
concours que les événements de la guerre
avait rendu de plus en plus fervent et em-
pressé. On m'apporta en séance le radio
annonçant que les Allemands avaient accepté
et signé les conditions de l'armistice. Ce fut
une explosion de joie et je pourrais dire
d'ivresse. Etait-on assez heureux que ce fut
fini? Ceux qui regrettent qu'on n'ait pas
continué plus loin la poursuite de l'ennemi
ne se rappellent pas en quel état de lassi-
tude était le pays. La différence entre le
vainqueur et le vaincu était que le moral
de notre armée était intact, et que le moral
de l'ennemi, de l'armée comme de la nation,
était effondré. Mais de notre côté, tous les
ressorts étaient tendus à se rompre.
La séance du petit Parlement local fut
levée. La Conférence accompagna en corps
le Résident général à la Maison de France.
La nouvelle s'était répandue avec la vitesse
de l'éclair. Toute la population accourait,
Français, indigènes, israélites, Italiens, Mal-
tais. Chacun prenait sa part de la victoire
et de l'immense bienfait qu'on attendait de
la paix. On se félicitait, on s'embrassait,
on criait: « Vive la France ». Ceux qui
avaient au front des enfants ou des proches
que la guerre n'avait pas encore moissonnés
pleuraient de joie à la pensée que leur an-
goisse allait finir. Il n'y avait autour de
nous pas une parole, pas un geste qui ne
fût à l'unisson de l'allégresse commune.
C'était vraiment l'union sacrée et nous al-
lions quitter la Tunisie avec le sentiment que
cette union récompensait nos efforts.
Le service du ravitaillement avait été un
riiodèle de prévoyance. Le pays n'avait man-
qué de rien. L'ordre y avait été maintenu
presque jusqu'aux confins de la Tripolitaine.
Les contingents de soldats et de travailleurs
étaient partis vaillamment et avaient fait
sans murmurer leur devoir.
Tous avaient travaillé à gagner la guerre.
La France était sauvée. La Régence, sa pu-
pille, s'était acquittée de sa dette de recon-
naissance. Enfin, le souvenir, de la lutte gi-
gantesque soutenue en commun, paraissait
devoir rendre dans l'avenir avec les sujets
de l'empire britannique et du royaume d'Ita-
lie la collaboration plus fraternelle.
Les échos de l'ovation faite ce jour-là à
notre patrie, retentissaient encore à mes
oreilles lorsque quelques semaines plus tard,
je m'embarquais à Bizerte pour ma destina-
tion nouvelle, en exprimant le souhait bien
sincère qu'il demeurât dans le cœur de tous
ceux qui venaient d'acclamer la France
quelque chose des émotions qui l'avaient fait
vibrer avec tant de force et de la tendresse
fidèle dont il avait semblé rempli.
Agréez, Monsieur le Directeur, l'assurance
de mes sentiments bien distingués avec mes
remerciements pour l'envoi de votre belle li-
vraison illustrée.
G, ALAPETITE,
Ambassadeur de France.
Lucie DELARUE-MARDRUS
La Tunisie reste un des plus beaux
souvenirs de ma vie de voyageuse. La
place Halfaouine m'a laissé une nos-
talgie incurable. J'aimais aussi Bab el
Bahr qui sépare le monde européen et le
monde arabe, et ma pensée traîne bien
souvent dans les souks parfumés et
aussi dans le colimaçon blanc des peti-
tes rues musulmanes. De la coupole du
belvédère, je revois la ville pareille à un
parterre de marguerites.
A ceux qui m'interrogent, je conseille
La colonisation. — Elèves de la ferme-école indigène d'agriculture de Smindja.
Plantation d'asperges.
toujours d'aller à Tunis, si proche de la
France et si lointaine pour l'imagina-
tion. Mélancoliquement, je soupire :
Vive Tunis, Vive Tunis.
Lucie DELARUE-MARDRUS.
Elissa RUAIS
Il serait puéril de nier tout le bien que la
France a apporté à cette terre de Tunisie.
Elle en a fait un des pays les plus féconds,
les plus prospères du bassin méditerranéen.
L'oeuvre morale n'a pas été moindre. Libé-
rant le peuple du joug des caïds, elle a pro-
curé plus de justice, plus d'ordre, plus de
sécurité. A ce peuple nonchalant, elle a en-
seigné l'hygiène organisée, le dévouement à
l'Etat, le souci de l'avenir; elle a supprimé
l'épidémie et la famine.
Peut-on dire que d'une façon générale la
civilisation ait fait des indigènes des êtres
meilleurs? Ceci est une question plus com-
plexe. La Tunisie a les regards tournés vers
l'Orient; elle est de plus un carrefour où se
sont heurtés vingt peuples. La race n'y est
donc pas très pure, les influences difficiles
à dégager.
La bourgeoisie indigène a été, semble-t-il,
le plus réceptive au nouvel état de choses.
Rapidement, elle abandonne la gandourah
de soie et la « buveuse d'un demi-mè-
tre D (i) pour le costume européen. Elle
voyage, fréquente les villes d'eau et les sta-
tions à la mode, elle est de toutes les expo-
sitions, de toutes les foires, de toutes les
combinaisons commerciales. La civilisation a
développé en elle le goût du commerce. La
bourgeoisie tunisienne apporte là sa sou-
plesse native, l'activité d'un cerveau vierge,
l'optimisme de gens nés depuis peu à la lu-
mière. Le flouss devient roi. Ton vrai frère,
dit-elle, c'est le douro.
Les femmes de cette bourgeoisie sont moins
sévèrement retenues que leurs sœurs algé-
(1) C'est le gland très, long qui pend à la
chéchia du Tunisien, fortement blagué par les
Algériens et les Marocains.
La colonisation. — A gauche, les champs cultivés.
A droite, la brousse en voie de défrichement.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.48%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.48%.
- Auteurs similaires Ruedel Marcel Ruedel Marcel /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ruedel Marcel" or dc.contributor adj "Ruedel Marcel")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 4/28
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k9743132v/f4.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k9743132v/f4.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k9743132v/f4.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k9743132v
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k9743132v
Facebook
Twitter