Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-11-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 novembre 1929 01 novembre 1929
Description : 1929/11/01-1929/11/30. 1929/11/01-1929/11/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743128z
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
: Page 6
Les Annales Coloniales
iMPOCtaiiMg ©°ayj)©u^©'Hij)D
Cochinchine. — Le port de Saigon :
le courrier de France accoste au quai des Messageries maritimes.
La joie de partir, la satisfaction de ré-
pondre à l'appel de l'espace, de l'inconnu,
du nouveau, reste toujours, même chez celui
qu'une longue expérience de voyageur a
conduit à l'horreur de l'immobilité et à la
crainte du fastidieux déjà et toujours vu.
« L'amour des pantoufles », de son chez soi,
de son confort, n'arrive pas à enrayer ce
goût du voyage et réussit à faire réfléchir au
départ sans jamais faire regretter de l'avoir
décidé.
Quand ce voyage a pour but la visite d'un
pays inconnu de celui qui part, l'on peut
dire, si paradoxal que cela puisse paraître,
que la joie du départ est complète et sans
mélange, alors qu'il faut bien reconnaître
que revenir vers un pays que l'on a autrefois
Connu comporte souvent une tentation, une
crainte. L'actuelle réalité confirmera-t-elle
le souvenir gardé? Vérifiera-t-elle les repré-
sentations que l'on s'est imaginé de ses pro-
grès? Ou ne fera-t-elle pas naître le regret
d'une désillusion?
Avoir connu l'Indochine il y a 35 ou 30
ans et partir la revoir n'est certes pas sans
mettre le voyageur devant cette inquiétude
intérieure. Dès Paris, l'on a commencé à
sentir combien le temps a marché vite et com-
bien profondes sont les transformations qui
se sont opérées. L'Extrême-Orient n'est plus
un pays lointain. Il y a 3° ans, celui qui y
partait faisait figure d'un homme quelque
peu extraordinaire qui accomplissait une
chose originale et il avait la satisfaction
d'étonner ses contemporains. Aujourd'hui, il
n'en est plus de même, car l'on va en Indo-
chine comme à Bordeaux ou au Havre et
l'on ne surprend pius personne par une
humeur voyageuse que l'on considère comme
normale.
Marseille, porte du Sud, embarcadère de
l'Orient et de l'Extrême-Asie, péristyle de
Le port de Saigon. — Un aspect des quais.
notre empire colonial, a gardé sa même
physionomie de bruyante gaîté qui laisse de
la France à celui qui part une dernière vi-
sion de charmante sympathie et une impres-
sion d'accueillant au revoir. Ce n'est plus
dans le bassin fermé de la Joliette que l'on
embarque sur un bateau effilé et bas, « type
océanien D, qui, très marin, vous faisait ce-
pendant connaître dans un confort relatif
toutes les affres de la mer. Les bateaux des
lignes d'Extrême-Orient ont maintenant leur
amarrage le long des nouveaux quais, leurs
dimensions appelant d'autres postes d'amar-
rage que la Joliette. Ils sont devenus des
buildings imposants; ce sont des Palaces
flottants dont l'aspect calme les inquiétudes
du mal de mer. Les gens s'y reconnaissent
néanmoins car il y a une clientèle fidèle
d'usagers de la ligne. Mais les « nouveaux »
y sont si nombreux à chaque voyage que les
anciens renoncent à la traditionnelle joie
d'autrefois d'étonner les « bleus D.
Le fumoir minuscule à allure de petit
estaminet de campagne est devenu un grand
café avec terrasse sur la mer. Le salon à la
décoration criarde d'hôtel meublé et galant
des anciens bateaux, le salon de lecture qui
ressemblait à une chambre des cartes, sont
remplacés par des halls, des salons qui font
grand hôtel de plage à la mode. La salle à
manger n'est plus un réfectoire mais un
restaurant. L'on ne recherche plus le voya-
geur complaisant qui tiendra le piano, les
vocations d'artistes qui se découvraient à
chaque traversée sont éteintes, un orchestre
y supplée.
Je ne parlerai pas des étonnements que
procurent les escales. Port-Saïd inchangé
demeure un caravansérail peu engageant
Djibouti transformé ne permet plus de par-
ler du palmier du Jardin du Gouverneur
qui était son unique végétation, sa floraison
et ses frondaisons. Une belle ville ordonnée,
propre, où l'on sent les résultats d'un effort
qui a .dû tout créer, est le témoignage du splen-
dide travail réalisé. Colombo vous redonne la
première impression de l'Extrême-Orient et
vous impose le charme des couleurs crues de
sa verdure et de ses routes rouges, éclatantes
sous le soleil.
Singapour est méconnaissable, une plaine
a remplacé les collines qui séparaient le port
de la ville. Enfin, Saigon, l'Indochine, but
de mon voyage ! Tout en faisant revivre en
moi-même l'impression de mon premier
voyage, l'arrivée au quai de Saïgon montre
immédiatement qu'en Indochine le décor et
les personnages ont changé, le temps
a fait une ceuvre formidable. Le long
des quais longuement allongés, des ba-
teaux bien plus nombreux et de natio-
nalités très diverses, une activité incroyable;
Cholon déverse son riz vers les cargos
qui l'emporteront de Saigon. Un passager
obligeant me fait remarquer que cha-
que année il faut qu'un million cinq cent
mille tonnes de riz sortent ainsi de Saigon.
Ces chiffres rappellent à ma mémoire la
gloire que tirait Saïgon, il y a trente ans,
de ses 900.000 tonnes de riz annuellement
exportées.
Tout est, je le sais bien, relatif, et à ce
moment-là l'on se reportait au chiffre d'ex-
portation de riz en 1868 qui était de 60.000
tonnes.
La foule attend toujours l'arrivée du ba-
teau comme autrefois, mais elle n'a plus le
même aspect. Elle est devenue, certes, beau-
coup plus élégante et, malgré la tenue colo-
niale, la mode y est celle de France à peine
accommodée pour la chaleur de Saïgon. Une
chose me frappe dans cette foule: les Euro-
péens y sont plus nombreux qu'ils n'étaient
Les Annales Coloniales
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Cochinchine. — Le port de Saigon :
le courrier de France accoste au quai des Messageries maritimes.
La joie de partir, la satisfaction de ré-
pondre à l'appel de l'espace, de l'inconnu,
du nouveau, reste toujours, même chez celui
qu'une longue expérience de voyageur a
conduit à l'horreur de l'immobilité et à la
crainte du fastidieux déjà et toujours vu.
« L'amour des pantoufles », de son chez soi,
de son confort, n'arrive pas à enrayer ce
goût du voyage et réussit à faire réfléchir au
départ sans jamais faire regretter de l'avoir
décidé.
Quand ce voyage a pour but la visite d'un
pays inconnu de celui qui part, l'on peut
dire, si paradoxal que cela puisse paraître,
que la joie du départ est complète et sans
mélange, alors qu'il faut bien reconnaître
que revenir vers un pays que l'on a autrefois
Connu comporte souvent une tentation, une
crainte. L'actuelle réalité confirmera-t-elle
le souvenir gardé? Vérifiera-t-elle les repré-
sentations que l'on s'est imaginé de ses pro-
grès? Ou ne fera-t-elle pas naître le regret
d'une désillusion?
Avoir connu l'Indochine il y a 35 ou 30
ans et partir la revoir n'est certes pas sans
mettre le voyageur devant cette inquiétude
intérieure. Dès Paris, l'on a commencé à
sentir combien le temps a marché vite et com-
bien profondes sont les transformations qui
se sont opérées. L'Extrême-Orient n'est plus
un pays lointain. Il y a 3° ans, celui qui y
partait faisait figure d'un homme quelque
peu extraordinaire qui accomplissait une
chose originale et il avait la satisfaction
d'étonner ses contemporains. Aujourd'hui, il
n'en est plus de même, car l'on va en Indo-
chine comme à Bordeaux ou au Havre et
l'on ne surprend pius personne par une
humeur voyageuse que l'on considère comme
normale.
Marseille, porte du Sud, embarcadère de
l'Orient et de l'Extrême-Asie, péristyle de
Le port de Saigon. — Un aspect des quais.
notre empire colonial, a gardé sa même
physionomie de bruyante gaîté qui laisse de
la France à celui qui part une dernière vi-
sion de charmante sympathie et une impres-
sion d'accueillant au revoir. Ce n'est plus
dans le bassin fermé de la Joliette que l'on
embarque sur un bateau effilé et bas, « type
océanien D, qui, très marin, vous faisait ce-
pendant connaître dans un confort relatif
toutes les affres de la mer. Les bateaux des
lignes d'Extrême-Orient ont maintenant leur
amarrage le long des nouveaux quais, leurs
dimensions appelant d'autres postes d'amar-
rage que la Joliette. Ils sont devenus des
buildings imposants; ce sont des Palaces
flottants dont l'aspect calme les inquiétudes
du mal de mer. Les gens s'y reconnaissent
néanmoins car il y a une clientèle fidèle
d'usagers de la ligne. Mais les « nouveaux »
y sont si nombreux à chaque voyage que les
anciens renoncent à la traditionnelle joie
d'autrefois d'étonner les « bleus D.
Le fumoir minuscule à allure de petit
estaminet de campagne est devenu un grand
café avec terrasse sur la mer. Le salon à la
décoration criarde d'hôtel meublé et galant
des anciens bateaux, le salon de lecture qui
ressemblait à une chambre des cartes, sont
remplacés par des halls, des salons qui font
grand hôtel de plage à la mode. La salle à
manger n'est plus un réfectoire mais un
restaurant. L'on ne recherche plus le voya-
geur complaisant qui tiendra le piano, les
vocations d'artistes qui se découvraient à
chaque traversée sont éteintes, un orchestre
y supplée.
Je ne parlerai pas des étonnements que
procurent les escales. Port-Saïd inchangé
demeure un caravansérail peu engageant
Djibouti transformé ne permet plus de par-
ler du palmier du Jardin du Gouverneur
qui était son unique végétation, sa floraison
et ses frondaisons. Une belle ville ordonnée,
propre, où l'on sent les résultats d'un effort
qui a .dû tout créer, est le témoignage du splen-
dide travail réalisé. Colombo vous redonne la
première impression de l'Extrême-Orient et
vous impose le charme des couleurs crues de
sa verdure et de ses routes rouges, éclatantes
sous le soleil.
Singapour est méconnaissable, une plaine
a remplacé les collines qui séparaient le port
de la ville. Enfin, Saigon, l'Indochine, but
de mon voyage ! Tout en faisant revivre en
moi-même l'impression de mon premier
voyage, l'arrivée au quai de Saïgon montre
immédiatement qu'en Indochine le décor et
les personnages ont changé, le temps
a fait une ceuvre formidable. Le long
des quais longuement allongés, des ba-
teaux bien plus nombreux et de natio-
nalités très diverses, une activité incroyable;
Cholon déverse son riz vers les cargos
qui l'emporteront de Saigon. Un passager
obligeant me fait remarquer que cha-
que année il faut qu'un million cinq cent
mille tonnes de riz sortent ainsi de Saigon.
Ces chiffres rappellent à ma mémoire la
gloire que tirait Saïgon, il y a trente ans,
de ses 900.000 tonnes de riz annuellement
exportées.
Tout est, je le sais bien, relatif, et à ce
moment-là l'on se reportait au chiffre d'ex-
portation de riz en 1868 qui était de 60.000
tonnes.
La foule attend toujours l'arrivée du ba-
teau comme autrefois, mais elle n'a plus le
même aspect. Elle est devenue, certes, beau-
coup plus élégante et, malgré la tenue colo-
niale, la mode y est celle de France à peine
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