Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1931-02-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 février 1931 01 février 1931
Description : 1931/02/01 (A32,N2)-1931/02/28. 1931/02/01 (A32,N2)-1931/02/28.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97427598
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 5
tion française dans l'Afrique du Nord, le che-
min de ter de la sécurité. Enfin, au fort de
cette agitation, voici qu'un groupement de tri-
bus tunisiennes des frontières, les Kroumirs, a
pénétré dans la province de Constantine; un
combat s'est engagé; les tribus sont armées de
fusils à tir rapide par des mercantis qui ne sont
sans doute pas uniquement des commerçants. Le
vase déborde. M. Roustan s'adresse au Bey; le
Bey conseillé, on sait trop par qui, se dérobe.
Il ne veut rien savoir. A nous de lui ouvrir les
yeux.
Le gouvernement français est saisi: faut-il re-
culer et laisser la place à l'intrigue avec les des-
sous dangereux qu'elle cache? Faut-il baisser
la tête ? Ne vaut-il pas mieux prendre, une
bonne fois, le parti de la vigueur mais dans
quelle mesure?
Cta politique coloniale
exposée par 3uice XC"y
A Paris, les conseils se sont réunis. La note
rédigée par M. Waddington et rendant compte
des conversations de Berlin, est sur la table.
Jules Ferry n'est ignorant ni de la question tuni-
sienne en particulier, ni de la question coloniale
dans son ensemble. Ancien ministre à Athènes.
il s'est initié aux problèmes méditerranéens; à
la Chambre, il a fait partie des commissions qui
ont étudié les questions économiques, commercia-
les, industrielles; il a une idée arrêtée sur le pro-
blème des débouchés. Plus tard, dans une de
ces envolées puissantes qui caractérisent l'expres
sion de sa. pensée, il dira: « La politique colo
rnale est fille de la politique industrielle...
L'exportation est un facteur essentiel de la pros-
périté publique; le champ d'emploi des capitaux.
comme la demande du travail, se mesurent à
l'étendue du marché étranger. Tout le monde
aujourd'hui veut filer et tisser, forger et distil-
ler... L'entrée en scène des derniers venus de la
grande industrie, les Etats-Unis, l'Allemagne, la
Suisse, à la vie industrielle sous toutes ses for-
mes, entraîne l'Occident tout entier sur une pente
que l'on ne remontera pas... » Ce n'est donc pas
seulement la question des débouchés, c'est la ques-
tion éminemment démocratique de la demande
du travail, c'est-à-dire du chômage, qui est po-
sée devant l'opinion avec une prescience admi-
rable. Heureux les peuples dont les guides voient
les choses de si loin !
Adhésion des gouvernements avertis
Au point de vue diplomatique, toutes les pré-
cautions sont prises d'ores et déjà. La déclara-
tion de Lord Salisbury à M. Waddington sert de
point d'appui. Les puissances ont été prévenues.
Dès le mois d'octobre 1878, quelques semaines
après l'échange des lettres avec Lord Salisbury,
le gouvernement italien a reçu, par l'intermé-
diaire du marquis de Noailles, une communica-
tion qui ne lui permet d'entretenir aucune illu-
sion: « Rien de ce qui se passe à Tunis ne peut
être indifférent au gouvernement français; aussi,
depuis longtemps, a-t-il considéré la régence
comme un pays destiné à graviter dans l'orbite
des intérêts français et devant être soumis à
notre influence... Il est absolument nécessaire que
le gouvernement italien se pénètre bien de cette
idée que l'Italie ne peut caresser de rêves de
conquête en Tunisie sans se heurter à la volonté
de la France et sans risquer de conflit avec
elle... » En présence d'un parti pris si net et si
déclaré, nulle objection, nulle résistance de la
part d'aucun cabinet. Par une aussi ferme habi-
leté, et qui peut servir de modèle, chaque puis-
sance est avertie sans être ni provoquée ni frois-
sée.
La préparation du fait a suivi de près la décla-
ration du droit; les dernières démarches de con-
ciliation et d'accord ayant été repoussées à Tu-
nis, Jules Ferry porte devant le Sénat, le 4 avril
1881, la résolution prise par le gouvernement:
« Je viens dire au Sénat que cette situation im-
pose au Gouvernement des devoirs qu'il saura
remplir. Toutes les mesures sont prises pour met-
tre un terme à une situation intolérable. Des for-
ces suffisantes sont réunies, en ce moment, pour
châtier ces populations insoumises et pour les
mettre hors d'état de recommencer leurs agres-
sions. D
Nous n'avons pas à raconter ici l'expédition,
admirablement préparée, contenue dans de
justes limites, comme une simple opération
de frontière, par le général Forgemol de Bost-
quennard, commandant de la division de Cons-
tantine, la colonne du général Logerot opérant
dans le sud. Les dispositions étaient si bien pri-
ses et la puissance du corps expéditionnaire si
écrasante qu'il ne rencontra qu'une résistance
insignifiante.
Il suffit de considérer ici l'issue diplbmatique
et politique d'une pareille action.
Les remparts de Sousse, au bord de la mer (d'après une aquarelle de Ch. Laliemand).
'Caractère amical
du traité du Sardo
Là aussi, tout était prêt. Quand le général
Bréart, venu de Djédeidah, est reçu à Ksar-Said
près du Bardo, par le Bey qu'on n'a pas laissé
s'enfuir, il est accompagné de M. Roustan qui a
toujours entretenu avec le Bey lui-même et les
autorités tunisiennes des rapports de convenance
et même de cordialité, se montrant non un ennemi
mais un sage conseiller. Le représentant de la
France a dans sa poche un projet d'accord ins-
piré par tant d'arrangements analogues anté-
rieurs et qui est soumis ne varietur à la signa-
ture du Bey. Celui-ci n'a pas à discuter. Il si-
gne. C'était ni plus ni moins que l'acte d'insti-
tution du protectorat.
Jules Ferry explique, dans une déclaration
aux Chambres, faite pour être lue surtout au delà
des frontières, ce que la France a voulu et ce
qu'elle veut: a Il faut, à notre sûreté, des gages
durables et c'est au Bey de Tunis que nous les
demandons. Nous n'en voulons ni à son terri-
toire ni à son trône ; la République française a
répudié solennellement, en commençant cette
expédition, tout projet d'annexion, toute idée de
conquête... Mais le gouvernement du Bey est
tenu de nous laisser prendre sur son territoire,
pour la sauvegarde de nos possessions et dans
la limite de nos intérêts, ies mesures de précau-
tion qu'il est manifestement hors d'état d'assurer
par ses propres forces. Des conventions devront
mettre à l'abri de retours hostiles et des aventu-
res notre légitime influence dans la régence... »
Le traité du Bardo, qui consacrait diplomati-
quement les liens ainsi créés entre la France et
la Régence, est tout entier dans son article V :
« Le Gouvernement de la République sera repré-
senté auprès de Son Altesse le Bey de Tunis
par un ministre résident, qui veillera à l'exécu-
tion du présent acte et qui sera l'intermédiaire
des rapports du gouvernement français avec les
autorités tunisiennes pour toutes les affaires com-
munes aux deux pays... »
Et les intentions formelles et substantielles
du gouvernement étaient exposées enfin dans la
déclaration des Chambres qui devenait la charte
de notre politique si droite et si adroite à l'égard
de la Tunisie : « Nous y gagnerons, pour notre
part, la sécurité absolue de notre grande colonie
africaine... La Tunisie y gagne tous les bien-
faits que lui apportera notre civilisation... Nous
n'avons, pour le Bey de Tunis, que les senti-
ments d'une sincère bienveillance et nous som-
mes tout disposés à les lui prouver de nouveau,
aux termes du traité, si Son Altesse venait à être
menacée dans son autorité légitime et dans son
indépendance. »
Ni cette déclaration, ni l'expédition mili-
Page 5
tion française dans l'Afrique du Nord, le che-
min de ter de la sécurité. Enfin, au fort de
cette agitation, voici qu'un groupement de tri-
bus tunisiennes des frontières, les Kroumirs, a
pénétré dans la province de Constantine; un
combat s'est engagé; les tribus sont armées de
fusils à tir rapide par des mercantis qui ne sont
sans doute pas uniquement des commerçants. Le
vase déborde. M. Roustan s'adresse au Bey; le
Bey conseillé, on sait trop par qui, se dérobe.
Il ne veut rien savoir. A nous de lui ouvrir les
yeux.
Le gouvernement français est saisi: faut-il re-
culer et laisser la place à l'intrigue avec les des-
sous dangereux qu'elle cache? Faut-il baisser
la tête ? Ne vaut-il pas mieux prendre, une
bonne fois, le parti de la vigueur mais dans
quelle mesure?
Cta politique coloniale
exposée par 3uice XC"y
A Paris, les conseils se sont réunis. La note
rédigée par M. Waddington et rendant compte
des conversations de Berlin, est sur la table.
Jules Ferry n'est ignorant ni de la question tuni-
sienne en particulier, ni de la question coloniale
dans son ensemble. Ancien ministre à Athènes.
il s'est initié aux problèmes méditerranéens; à
la Chambre, il a fait partie des commissions qui
ont étudié les questions économiques, commercia-
les, industrielles; il a une idée arrêtée sur le pro-
blème des débouchés. Plus tard, dans une de
ces envolées puissantes qui caractérisent l'expres
sion de sa. pensée, il dira: « La politique colo
rnale est fille de la politique industrielle...
L'exportation est un facteur essentiel de la pros-
périté publique; le champ d'emploi des capitaux.
comme la demande du travail, se mesurent à
l'étendue du marché étranger. Tout le monde
aujourd'hui veut filer et tisser, forger et distil-
ler... L'entrée en scène des derniers venus de la
grande industrie, les Etats-Unis, l'Allemagne, la
Suisse, à la vie industrielle sous toutes ses for-
mes, entraîne l'Occident tout entier sur une pente
que l'on ne remontera pas... » Ce n'est donc pas
seulement la question des débouchés, c'est la ques-
tion éminemment démocratique de la demande
du travail, c'est-à-dire du chômage, qui est po-
sée devant l'opinion avec une prescience admi-
rable. Heureux les peuples dont les guides voient
les choses de si loin !
Adhésion des gouvernements avertis
Au point de vue diplomatique, toutes les pré-
cautions sont prises d'ores et déjà. La déclara-
tion de Lord Salisbury à M. Waddington sert de
point d'appui. Les puissances ont été prévenues.
Dès le mois d'octobre 1878, quelques semaines
après l'échange des lettres avec Lord Salisbury,
le gouvernement italien a reçu, par l'intermé-
diaire du marquis de Noailles, une communica-
tion qui ne lui permet d'entretenir aucune illu-
sion: « Rien de ce qui se passe à Tunis ne peut
être indifférent au gouvernement français; aussi,
depuis longtemps, a-t-il considéré la régence
comme un pays destiné à graviter dans l'orbite
des intérêts français et devant être soumis à
notre influence... Il est absolument nécessaire que
le gouvernement italien se pénètre bien de cette
idée que l'Italie ne peut caresser de rêves de
conquête en Tunisie sans se heurter à la volonté
de la France et sans risquer de conflit avec
elle... » En présence d'un parti pris si net et si
déclaré, nulle objection, nulle résistance de la
part d'aucun cabinet. Par une aussi ferme habi-
leté, et qui peut servir de modèle, chaque puis-
sance est avertie sans être ni provoquée ni frois-
sée.
La préparation du fait a suivi de près la décla-
ration du droit; les dernières démarches de con-
ciliation et d'accord ayant été repoussées à Tu-
nis, Jules Ferry porte devant le Sénat, le 4 avril
1881, la résolution prise par le gouvernement:
« Je viens dire au Sénat que cette situation im-
pose au Gouvernement des devoirs qu'il saura
remplir. Toutes les mesures sont prises pour met-
tre un terme à une situation intolérable. Des for-
ces suffisantes sont réunies, en ce moment, pour
châtier ces populations insoumises et pour les
mettre hors d'état de recommencer leurs agres-
sions. D
Nous n'avons pas à raconter ici l'expédition,
admirablement préparée, contenue dans de
justes limites, comme une simple opération
de frontière, par le général Forgemol de Bost-
quennard, commandant de la division de Cons-
tantine, la colonne du général Logerot opérant
dans le sud. Les dispositions étaient si bien pri-
ses et la puissance du corps expéditionnaire si
écrasante qu'il ne rencontra qu'une résistance
insignifiante.
Il suffit de considérer ici l'issue diplbmatique
et politique d'une pareille action.
Les remparts de Sousse, au bord de la mer (d'après une aquarelle de Ch. Laliemand).
'Caractère amical
du traité du Sardo
Là aussi, tout était prêt. Quand le général
Bréart, venu de Djédeidah, est reçu à Ksar-Said
près du Bardo, par le Bey qu'on n'a pas laissé
s'enfuir, il est accompagné de M. Roustan qui a
toujours entretenu avec le Bey lui-même et les
autorités tunisiennes des rapports de convenance
et même de cordialité, se montrant non un ennemi
mais un sage conseiller. Le représentant de la
France a dans sa poche un projet d'accord ins-
piré par tant d'arrangements analogues anté-
rieurs et qui est soumis ne varietur à la signa-
ture du Bey. Celui-ci n'a pas à discuter. Il si-
gne. C'était ni plus ni moins que l'acte d'insti-
tution du protectorat.
Jules Ferry explique, dans une déclaration
aux Chambres, faite pour être lue surtout au delà
des frontières, ce que la France a voulu et ce
qu'elle veut: a Il faut, à notre sûreté, des gages
durables et c'est au Bey de Tunis que nous les
demandons. Nous n'en voulons ni à son terri-
toire ni à son trône ; la République française a
répudié solennellement, en commençant cette
expédition, tout projet d'annexion, toute idée de
conquête... Mais le gouvernement du Bey est
tenu de nous laisser prendre sur son territoire,
pour la sauvegarde de nos possessions et dans
la limite de nos intérêts, ies mesures de précau-
tion qu'il est manifestement hors d'état d'assurer
par ses propres forces. Des conventions devront
mettre à l'abri de retours hostiles et des aventu-
res notre légitime influence dans la régence... »
Le traité du Bardo, qui consacrait diplomati-
quement les liens ainsi créés entre la France et
la Régence, est tout entier dans son article V :
« Le Gouvernement de la République sera repré-
senté auprès de Son Altesse le Bey de Tunis
par un ministre résident, qui veillera à l'exécu-
tion du présent acte et qui sera l'intermédiaire
des rapports du gouvernement français avec les
autorités tunisiennes pour toutes les affaires com-
munes aux deux pays... »
Et les intentions formelles et substantielles
du gouvernement étaient exposées enfin dans la
déclaration des Chambres qui devenait la charte
de notre politique si droite et si adroite à l'égard
de la Tunisie : « Nous y gagnerons, pour notre
part, la sécurité absolue de notre grande colonie
africaine... La Tunisie y gagne tous les bien-
faits que lui apportera notre civilisation... Nous
n'avons, pour le Bey de Tunis, que les senti-
ments d'une sincère bienveillance et nous som-
mes tout disposés à les lui prouver de nouveau,
aux termes du traité, si Son Altesse venait à être
menacée dans son autorité légitime et dans son
indépendance. »
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