Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1931-03-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mars 1931 01 mars 1931
Description : 1931/03/01 (A32,N3)-1931/03/31. 1931/03/01 (A32,N3)-1931/03/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9742758v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 5
Blidah et la Mitidja.
sage ininterrompu de bêtes, d'hommes et de marchandises. Je pen-
sais que la nuit, la ville allait s'endormir, parce que je venais de
la Métropole, où le plaisir alterne avec le travail; mais, chez ces
peuples ardents et mêlés, la sève est trop jeune et trop forte; elle
n'a pas besoin de repos. Aussi, quand un reporter voulant avoir
mes impressions pour son journal me demanda :
— Que pensez-vous de notre ville
— Je n'ai pas vu de ville, ai-je répondu, j'ai vu un boyau qui
sert d'exutoire aux produits des colons. J'ai vu un cellier et un
hangar, voilà ce qu'est Oran, réserve de vin et de blé.
Partout le travail utilise là-bas les moyens modernes les plus
perfectionnés; les ports sont encombrés de machines américaines,
les colons algériens n'ayant rien à envier comme audace, opiniâ-
En pays M'Zab : Ghardaïa.
treté et courage aux hardis pionniers du Far-West. Et c'est ce
travail que j'ai essayé de rendre dans mes livres.
Sarati le Terrible et Vénus,- voilà ce que n'ont pas su voir ou
noter avec assez de force la plupart des critiques. On s'est plu à
en raconter la trame romanesque, mais celle-ci ne servait qu'à
magnifier le travail. Sarati le Terrible est le poème du charbon
jailli du port d'Alger; Vénus, un hymne au blé que chante le port
d'Oran, et si les critiques ne les ont pas entendus les lecteurs y
furent sensibles et c'est ce qui fit le succès de ces deux livres qui,
portés au théâtre et au cinéma, constituent une propagande peut-
être unique de notre Algérie dans l'univers, puisqu'on dépensa
près de vingt millions de francs pour les réaliser à l'écran. On s'est
souvent demandé comment Sarati le Terrible avait pu naître dans
un cerveau îuétropolitain. La réponse est simple. Mon premier
séjour à Alger me causa au point de vue littéraire une grande
angoisse. « Comment rendre, pensai-je, cette activité, cette vie,
cette union dans le travail de toutes les races méditerranéennes
mêlées aux Soudanais, Marocains, Kabyles, nègres; de tous les
hommes blancs ou de couleur nés dans cette portion d'Afrique qui
s'étend de la mer jusqu'au Niger? » Fromentin avait magnifique-
ment décrit les Sahariens; Louis Eertrand s'était penché avec
autant de sincérité que de talent sur les Maltais, Espagnols, Ita-
liens, bâtisseurs de maisons et creuseurs de routes. Que restait-il
Et j'étais en train, pour la centième fois, de me poser la question
lorsque, sous mes yeux, l'armée noire des porteurs de briquettes,
des bouffeurs de Cardiff, la troupe sombre des charbonniers du
port, aux yeux rongés de créosote, quelques-uns portant sur la
tête le voile noir des parricides, traversa la ville à la hâte — ils
Vue du port d'Alger.
n'avaient pas le droit de s'y arrêter pour disparaître, par les
ruelles de la Kasbah. C'étaient ces hommes qu'il fallait peindre.
Le roman était trouvé. Si nous rappelons ce souvenir, c'est pour
prouver que nous avons eu raison; il y avait quelque chose a dire
sur notre Algérie, en la débarrassant du faux exotisme, de l'ar-
ticle de bazar littéraire.
Mais ce n'est pas seulement dans les ports, dans les grandes
villes qu'il faut voir les hommes au travail. Dès la sortie d'Alger,
d'Oran, de Constantine, l'on ne peut s'empêcher de crier d'admi-
ration devant les miracles des colons. Miracles, est-ce bien le mot?
Le miracle se produit tout d'un coup, sous l'effet de quelque inter-
cession divine; ici, c'est l'homme qui est tout, c'est son indéfec-
tible courage qui lui sert de providence et personne ne saura com-
bien de martyrs sont tombés, consumés par la fièvre et ruinés,
La côte près de Tipaza.
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Blidah et la Mitidja.
sage ininterrompu de bêtes, d'hommes et de marchandises. Je pen-
sais que la nuit, la ville allait s'endormir, parce que je venais de
la Métropole, où le plaisir alterne avec le travail; mais, chez ces
peuples ardents et mêlés, la sève est trop jeune et trop forte; elle
n'a pas besoin de repos. Aussi, quand un reporter voulant avoir
mes impressions pour son journal me demanda :
— Que pensez-vous de notre ville
— Je n'ai pas vu de ville, ai-je répondu, j'ai vu un boyau qui
sert d'exutoire aux produits des colons. J'ai vu un cellier et un
hangar, voilà ce qu'est Oran, réserve de vin et de blé.
Partout le travail utilise là-bas les moyens modernes les plus
perfectionnés; les ports sont encombrés de machines américaines,
les colons algériens n'ayant rien à envier comme audace, opiniâ-
En pays M'Zab : Ghardaïa.
treté et courage aux hardis pionniers du Far-West. Et c'est ce
travail que j'ai essayé de rendre dans mes livres.
Sarati le Terrible et Vénus,- voilà ce que n'ont pas su voir ou
noter avec assez de force la plupart des critiques. On s'est plu à
en raconter la trame romanesque, mais celle-ci ne servait qu'à
magnifier le travail. Sarati le Terrible est le poème du charbon
jailli du port d'Alger; Vénus, un hymne au blé que chante le port
d'Oran, et si les critiques ne les ont pas entendus les lecteurs y
furent sensibles et c'est ce qui fit le succès de ces deux livres qui,
portés au théâtre et au cinéma, constituent une propagande peut-
être unique de notre Algérie dans l'univers, puisqu'on dépensa
près de vingt millions de francs pour les réaliser à l'écran. On s'est
souvent demandé comment Sarati le Terrible avait pu naître dans
un cerveau îuétropolitain. La réponse est simple. Mon premier
séjour à Alger me causa au point de vue littéraire une grande
angoisse. « Comment rendre, pensai-je, cette activité, cette vie,
cette union dans le travail de toutes les races méditerranéennes
mêlées aux Soudanais, Marocains, Kabyles, nègres; de tous les
hommes blancs ou de couleur nés dans cette portion d'Afrique qui
s'étend de la mer jusqu'au Niger? » Fromentin avait magnifique-
ment décrit les Sahariens; Louis Eertrand s'était penché avec
autant de sincérité que de talent sur les Maltais, Espagnols, Ita-
liens, bâtisseurs de maisons et creuseurs de routes. Que restait-il
Et j'étais en train, pour la centième fois, de me poser la question
lorsque, sous mes yeux, l'armée noire des porteurs de briquettes,
des bouffeurs de Cardiff, la troupe sombre des charbonniers du
port, aux yeux rongés de créosote, quelques-uns portant sur la
tête le voile noir des parricides, traversa la ville à la hâte — ils
Vue du port d'Alger.
n'avaient pas le droit de s'y arrêter pour disparaître, par les
ruelles de la Kasbah. C'étaient ces hommes qu'il fallait peindre.
Le roman était trouvé. Si nous rappelons ce souvenir, c'est pour
prouver que nous avons eu raison; il y avait quelque chose a dire
sur notre Algérie, en la débarrassant du faux exotisme, de l'ar-
ticle de bazar littéraire.
Mais ce n'est pas seulement dans les ports, dans les grandes
villes qu'il faut voir les hommes au travail. Dès la sortie d'Alger,
d'Oran, de Constantine, l'on ne peut s'empêcher de crier d'admi-
ration devant les miracles des colons. Miracles, est-ce bien le mot?
Le miracle se produit tout d'un coup, sous l'effet de quelque inter-
cession divine; ici, c'est l'homme qui est tout, c'est son indéfec-
tible courage qui lui sert de providence et personne ne saura com-
bien de martyrs sont tombés, consumés par la fièvre et ruinés,
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