BULLETIN DU COMITÉ DE L'AFRIQUE FRANÇAISE
ment de méthode. « La France est la seule nation coloniale qui,
obéissant au sentiment, méconnaissant les faits, a, dès la première
heure, donné à ses sujets des droits politiques extraordinaires ;
la seule qui convie leurs élus non seulement dans des assemblées
locales, mais encore dans les assemblées métropolitaines. Ce fai-
sant, elle expose ses co'ons, sa domination, aux plus graves dan-
gers en même qu'elle dévoyé les populations. » Le moment est donc
venu de procéder à des réformes et c'est pourquoi le programme
de politique coloniale esquissé par M. Vignon contient des ensei-
gnements précieux non seulement pour ceux qui sont en fonctions
à l'heure actue'le, mais pour la jeune école, pour nos camarades
de demain qui auront à administrer ou plus exactement à contrôler
l'administration de notre immense empire colonial. Les événements
du xxe -sii,-Gle provoquent des idées nouvelles; pour les mettre à
exécution, il faut des hommes nouveaux. C'est pour ceux-ci que
le livre de M. Vignon sera un guide fidèle et sûr, rempli de vues
nouvelles. Louons l'auteur d'avoir eu une vision si nette de
l'avenir.
Les Noirs, par ALPHONSE SÉCHÉ; avec préface du gé-
néral Mangin; 1 vol. in-16 de 256 pages; 4 fr. 50. —Payot,
106, boulevard Saint-Germain.
C'est un bon livré, fait de documents officiels et de témoignages
vécus, et presque un historique de la participation de l'armée
noire à la guerre jusqu'à la fin de l'année 1917. M. Séché suit les
tirailleurs dans les grandes batailles où ils se sont illustrés et il
nous fait assister à leurs exploits. Deux chapitres, les plus émou-
vants, sont consacrés au loyalisme et à l'âme des Sénégalais, —
étant bien entendu que ce vocable englobe tous les soldats noirs.
Que d'anecdotes caractéristiques on peut glaner à travers le
récit de M. Séché! Il montre surtout l'étonnant dévouement des
tirailleurs à leurs officiers et il en déduit tout naturellement que le
mérite de ceux-là revient à la formation et à l'éducation guerrière
que leur ont données ceux-ci.
L'adjudant Moro Diallo lui fait cette réponse gagner, ça bon si nous sommes pas gagner c'est que Français tous
morts, Sénégalais aussi tous morts, car tous mourir auprès Fran-
çais. Français, vois-tu, c'est mon père; Français, c'est mon mère ;
Français, c'est mon frère. » A Reims bombardé, Daba Doumbia,
chargé de porter les œufs à la popote et muni de toutes les
recommandations de prudence qui étaient déjà de règle même en
ce temps où l'œuf n'était pas encore hors de prix, reste debout
au bruit de l'explosion d'une marmite, quoique le lieutenant ait
crié à tous de se mettre à terre contre les maisons : « Eh! Yeut'-
nant, dit-il après à son chef qui s'effare, toi dire moi y couché et
toi dire les œufs y pas casser; moi y a tenir les œufs. »
Le tirailleur Mamame est aux Dardanelles en tranchées et sous
un feu d'enfer. Qu'écrit-il à son frère ? Ceci « Je men vai te
parlai un peu deu mon tranchée. Je couche a cotai dun ruisseau
et les grenouilles m'empêche deu dormir et pis dans un trou y a
un rat qui m'empêche deu dormir la nuit. Il y a fait un trou et
quand je dor il me fait descendre deu la terre sur mon gueule, mais
moi y a boucher le trou, alors maintenant il me fera plus des-
cendre deu la terre sur mon gueule. » Voilà les détails qui
l'obsèdent, ce brave!
M. Séché campe ainsi de nombreux tirailleurs et il faut sou-
haiter que ce livre aille au grand public afin de faire mieux con-
naître l'âme du tirailleur africain. Dans une vigoureuse préface
qu'on a déjà lue ici le général Mangin tire quelques enseigne-
ments sur le rôle de l'armée noire et fait justice de quelques er-
reurs et de quelques légendes que les faits ont démenties.
Œuvres posthumes. Voyages, feuilles volantes,
journal de guerre, par AUGUSTIN GOYAU, suivis d'une
notice sur l'auteur, par PAUL JANET, professeur à la Sor-
bonne, 1919, in-8°, 142 p. Alcan.
Augustin Goyau, mort au champ d'honneur le 1er juillet 1917,
à l'âge de trente-trois ans, appartient par plus d'un côté à l'Afrique
française et aux coloniaux, et nous pouvons revendiquer ce jeune
héros comme un des nôtres. Fils du philosophe et poète Jean-
Marie Goyau, petit-fils d'Alfred Fouillée, il donnait aux questions
• africaines une part dans ses préoccupations, à côté de la philoso-
phie et de la science. Né à Menton, il avait passé son enfance et
sa jeunesse au bord de cette Méditerranée que son père avait
chantée en strophes mélodieuses et que lui-même aima sur son doux
rivage de France comme sur sa grève africaine. Il avait un goût
très vif pour les voyages; les pays neufs, les terres de soleil exal-
taient son enthousiasme il eût voulu y passer de longs .mois chaque
année et leur réserver, en tant qu'ingénieur, une part de son acti-
vité future. SPS OEuvres posthumes, publiées par les soins pieux
de sa mère, contiennent la relation d'une excursion dans le Sud-
Tunisien et en Tripolitaine (1913) et d'un voyage au Maroc (avril-
juillet 1914) Au cours de ses voyages, il notait presque chaque jour
incidents et sensations ; son récit, vivant et alerte, illustré de pho-
tographies intéressantes, fait apparaître, en même temps que les
paysages, les sentiments qu'ils évoquent dans l'âme d'élite de ce
jeune stoïcien Partout éclate sa sympathie pour la « nouvelle
France », suivie de retours passionnés vers l'ancienne France où
plus douces sont, les nuances .,et plus fraîches les brises, vers la
patrie à laquelle il devait bientôt s-e sacrifier. Sa physionomie
apparaît dans MS écrits posthumes, ainsi que dans la notice qui
les acconlpagn6, 'singulièrement attachante. Engagé volontaire,
pendant les trois années qu'il resta sous les armes, comme soldat
et comme sergent, jamais un mot de plainte ne lui échappa;
toujours il donna l'exemple de la bravoure et du sacrifice. « Une
intelligence lumineuse, écrit son maître Paul Janet, un cceur
généreux, l'ardent desir et la ferme volonté de faire œuvre utile,
voilà tout ce qui disparaît avec Augustin Goyau. Nous qui
restons, nous devons perpétuer ces souvenirs et rendre fécond le
sang qui a coulé. »
A. B.
TABLE SPÉCIALE
DES RENSEIGNEMENTS COLONIAUX
Nos 1 et 2. Janvier-Février. — Les champions de
la Mittel-Afrika (E. Bevan), 3. — Les crimes allemands
en Afrique : les témoignages belges (C. Martin), 22. —
L'enseignement en Afrique Occidentale Française
(G. François), 3-4. — Les frontières orientales du Congo
belge : la convention anglo-belge du 3 février 1913, 39.
— A travers le rapport sur le budget des colonies, 42.
Nos 3 et 4. Mars-Avril. — Les belles fourragères
d'Afrique: le 8c zouaves, 45; le bataillon somali, 51. —
Le Congrès panafricain (M. Delafosse), 53. — La conquête
de l'Afrique Orientale Allemande : rapport du général
Van Deventer, 60. — Le manifeste de la Ligue africaniste
espagnole, 69. —Les matières premières africaines, 73.
— Le troisième Livre gris belge, 78.
Nos 5 et 6. Mai-Juin. — A la gloire de la Division ma-
rocaine : 1 La Division marocaine en Lorraine et au Rhin,
83. — II. Le 4° tirailleurs tunisiens, 85. — III. Le 7e ti-
railleurs algériens, 91. — IV. Les chasseurs malgaches,
99. — V. L'artillerie de la Division marocaine, 104. — La
conquête de l'Afrique Orientale Allemande : rapport du
général Van Deventer, 107.
Nos 7 et 8. Juillet-Août. — Esquisse géologique du
Moyen-Congo (capitaine Jourdy), 113. — Les intérêts
français en Ethiopie : rapport de M. Louis Marin, 128.
Nos 9 et 10. Septembre-Octobre. — Historique suc-
cinct du 1er régiment de tirailleurs marocains (cap. Juin).
133. —L'automobile en Mauritanie (H. Hubert), 140. —
Le mouvement nationaliste en Afrique du Sud (P. Tap),
148. — Les clauses coloniales du traité de Paix allemand
devant le Parlement, 154.
Nos 11 et 12. Novembre-Décembre. — Les Con-
ventions internationales africaines, 173. — Les opéra-
tions glaoua en pays Aït-Atta, 183. — Une reconnaissance
dans la région d'Aozou (cap. Blaizot), 191. — Le Kittemo
(H. Galland), 199. — A travers le rapport de M. R^iberti.
201. r
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Le Gérant : T. LEGRAND.
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