Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1918-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1918 01 janvier 1918
Description : 1918/01/01 (N1,A28)-1918/12/31 (N12,A28). 1918/01/01 (N1,A28)-1918/12/31 (N12,A28).
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9789150r
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/08/2017
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 71
mpossible d'empêcher, vint montrer le peu de valeur des
accords conclus à Algésiras. La conviction se répandit
dans le peuple allemand que notre politique étrangère
était faible, qu'elle reculait devant « l'encerclement », et
que nos gestes retentissants étaient suivis de concessions
pusillanimes.
M. de Kiderlen, dont on a du reste exagéré la valeur
d'homme d'Etat, eut du moins le mérite de liquider l'heri-
tage marocain et de s'accommoder d'une situation à
laquelle il n'y avait plus'rien à changer. Quant au coup
d'Agadir, le monde eut-il raison de s'en effrayer ? G est une
question que je laisse en suspens. En Allemagne, cet évé-
nement fut accueilli avec une vive faveur ; mais, en Angle-
terre, il inquiéta l'opiDion d'autant plus que le gouver-
nement attendit en vain trois semaines une déclaration de
notre part au sujet de nos intentions. Le résultat de cette
attitude fut le discours de M. Lloyd George, destiné à nous
donner un avertissement. Avant la chute de M. Delcassé
et avant Algésiras, nous aurions pu avoir un port et des
territoires sur la côte occidentale du Maroc ; après, cela
devint impossible.-
Le programme de sir Edward Grey.
Lorsque j'arrivai à Londres, en novembre 1912, on s'était
rassuré au sujet du Maroc, parce qu'entre temps Berlin
s'était mis d'accord avec la France. D'autre part, la mission
Haldane avait échoué, parce que nous réclamions une pro-
messe de neutralité, au lieu de nous contenter d'un traité
qui nous mît à. l'abri de toute agression effectuée par la
Grande-Bretagne ou avec son appui.
Mais sir Edward Grey n'avait pas renoncé à l'idée d'arri-
ver à un accord avec nous. Il chercha d'abord à réaliser
cette idée dans le domaine colonial et dans le domaine éco-
nomique. Par l'intermédiaire de M. de Kuhlmann, diplo-
mate très doué et très expert en affaires, des pourparlers
avaient été engagés pour le renouvellement du traité colo-
nial portugais, et au sujet de la Mésopotamie (c'est-à-dire
du chemin de fer de Bagdad). Leur but, sous entendu, était
de diviser les colonies en Question, ainsi que l'Asie
Mineure, en sphères d'influence.
L'homme d'Etat anglais, les vieux litiges de l'Angleterre
avec la France ayant été réglés, voulait arriver avec nous
à une entente du même genre Son dessein était, non pas
de nous isoler, mais au contraire de faire de nous, dans la
mesure du possible/des membres participants à l'associa-
tion ainsi constituée. De même qu'entre la Grande-Bretagne
et la France, la Grande-Bretagne et la Russie on était par-
venu à concilier les points de vue opposés, de même il
voulait supprimer, dans la mesure du possible, tout anta-
gonisme germano-britannique, et garantir la paix du
monde par un ensemble de traités. Un accord sur la mal-
heureuse question de la flotte devait sans doute faire
partie de cet ensemble. Notre politique antérieure avait
déjà abouti à l'association solidaire des puissances de
l'Entente, qui constituait une sorte d'assurance mutuelle
contre le risque de guerre.
Tel était le programme de Sir Edward Grey. Suivant ses
propres paroles : sans porter atteinte aux amitiés existantes
(avec la France et avec la Russie), qui ne visaient à aucun
but agressif et qui n'impliquaient pas d'engagements
absolus pour l'Angleterre, il voulait arriver à un rappro-
chement amical et à un accord avec l'Allemagne ; il voulait
< rapprocher les deux groupes » .(to bring the two groups
nearer).
Cette dénonciation de l'a politique marocaine
du. gouvernement de Berlin est bien sommaire et
dépourvue de force. On y relève des erreurs sur
l'attitude de la France et même sur celle de l'Al-
lemagne, que le prince Lichnowski aurait cepen-
dant dû bien connaître. Lorsqu'il écrit que, avant
la chute de M. Delcassé, l'Allemagne aurait pu
obtenir « un port et des territoires sur la côte
occidentale du Maroc », il se fait sans doute
illusion sur ce que le Quai d'Orsay était disposé à
céder. Il est douteux que notre diplomatie eût
accepté, surtout en traitant avec une puissance
comme l'Allemagne, de méconnaître à ce point la
réalité marocaine. En outre, la politique anglaise
était alors dirigée par lord Lansdowne, et elle
avait un souci très vigilant d'écarter tout voisinage
dangereux des eaux du détroit de Gibraltar. Quant
à dire que M. de Kiderlen « eut le mérite de liqui-
der l'héritage marocain », c'est proprement mon-
trer la diplomatie allemande comme le contraire
de ce qu'elle a été. Jamais Berlin n'a voulu liquider
l'affaire marocaine et les traités de février 1909 et
de novembre 1911, conclus après l'incident des
légionnaires déserteurs de Casablanca et après le
coup,d'Agadir, étaient soigneusement conçus de
manière à laisser ouvertes toutes les possibilités
d'intervention allemande et ils ne furent pour nous
que duperie. Ils réglèrent si peu l'affaire marocaine
que le premier n'empêcha pas la surprise d'Agadir
et que, après le second, on s'attendait à voir le
Maroc servir de prétexte aune nouvelle crise euro-
péenne qui aurait sans doute été marocaine si la
politique allemande n'avait trouvé dans l'assassi-
nat de l'archiduc François-Ferdinand une occa-
sion qu'elle crut excellente de faire éclater la
guerre à propos de la Serbie. Le prince Lich-
nowski, qui veut confondre la Wilhelmstrasse, a
une singulière manière de gaspiller les arguments
formidables que le Maroc lui avait fournis.
Et cependant, malgré le laisser aller de son argu-
mentation, il indique bien en gros ce qu'a été la
politique marocaine de l'Allemagne : « Elle était
cause, écrit-il, qu'on nous soupçonnait de ne pas
savoir exactement ce que nous voulions ou de
vouloir tenir l'Europe en alerte et humilier les
Français à l'occasion. Un collègue autrichien qui
avait été longtemps à Paris me disait : « Chaque
« fois que les Français commençaient à oublier la
« revanche, vous avez régulièrement réveillé leurs
« souvenirs par quelque bon coup de pied. » Cette
dénonciation de la politique allemande est un peu
flou, mais le fond des choses y est du moins in-
diqué. Le but de l'Allemagne était évident pour
ceux qui ne se refusaientpas à étudier et à j uger son
jeu : elle ne voyait qu'un prétexte dans l'objet
qu'elle affectait sans cesse de poursuivre. Elle
a prétendu défendre au Maroc ses intérêts et
ceux des autres puissances, alors que, en vérité,elle
n'avait d'autre politique que d'y contrarier ceux
de la France. Et elle le faisait pour prendre sur
nous une hypothèque dont elle nous ferait payer
la levée le plus cher possible. Le Maroc était dans
son jeu une sorte de plaie qu'elle devait entre-
tenir sur notre dos pour nous faire marcher comm e
l'ânier moghrebin stimule sa bourrique en piquant
la blessure qu'il maintient toujours à vif sur l'échine
de la bête. Et c'est vers l'asservissement total de
notre politique que l'on pensait nous acheminer
par ce moyen. L'opération a été menée pendant
assez longtemps, de 1905 jusque vers l'explosion
de 1914, pour que l'on connaisse bien sa méthode.
L'Allemagne, usant de toutes les restrictions ins-
crites à Algésiras dans le droit international ap-
plicable au Maroc, ou bien brandissant purement
et simplement. son sabre, contrariait, arrêtait
mpossible d'empêcher, vint montrer le peu de valeur des
accords conclus à Algésiras. La conviction se répandit
dans le peuple allemand que notre politique étrangère
était faible, qu'elle reculait devant « l'encerclement », et
que nos gestes retentissants étaient suivis de concessions
pusillanimes.
M. de Kiderlen, dont on a du reste exagéré la valeur
d'homme d'Etat, eut du moins le mérite de liquider l'heri-
tage marocain et de s'accommoder d'une situation à
laquelle il n'y avait plus'rien à changer. Quant au coup
d'Agadir, le monde eut-il raison de s'en effrayer ? G est une
question que je laisse en suspens. En Allemagne, cet évé-
nement fut accueilli avec une vive faveur ; mais, en Angle-
terre, il inquiéta l'opiDion d'autant plus que le gouver-
nement attendit en vain trois semaines une déclaration de
notre part au sujet de nos intentions. Le résultat de cette
attitude fut le discours de M. Lloyd George, destiné à nous
donner un avertissement. Avant la chute de M. Delcassé
et avant Algésiras, nous aurions pu avoir un port et des
territoires sur la côte occidentale du Maroc ; après, cela
devint impossible.-
Le programme de sir Edward Grey.
Lorsque j'arrivai à Londres, en novembre 1912, on s'était
rassuré au sujet du Maroc, parce qu'entre temps Berlin
s'était mis d'accord avec la France. D'autre part, la mission
Haldane avait échoué, parce que nous réclamions une pro-
messe de neutralité, au lieu de nous contenter d'un traité
qui nous mît à. l'abri de toute agression effectuée par la
Grande-Bretagne ou avec son appui.
Mais sir Edward Grey n'avait pas renoncé à l'idée d'arri-
ver à un accord avec nous. Il chercha d'abord à réaliser
cette idée dans le domaine colonial et dans le domaine éco-
nomique. Par l'intermédiaire de M. de Kuhlmann, diplo-
mate très doué et très expert en affaires, des pourparlers
avaient été engagés pour le renouvellement du traité colo-
nial portugais, et au sujet de la Mésopotamie (c'est-à-dire
du chemin de fer de Bagdad). Leur but, sous entendu, était
de diviser les colonies en Question, ainsi que l'Asie
Mineure, en sphères d'influence.
L'homme d'Etat anglais, les vieux litiges de l'Angleterre
avec la France ayant été réglés, voulait arriver avec nous
à une entente du même genre Son dessein était, non pas
de nous isoler, mais au contraire de faire de nous, dans la
mesure du possible/des membres participants à l'associa-
tion ainsi constituée. De même qu'entre la Grande-Bretagne
et la France, la Grande-Bretagne et la Russie on était par-
venu à concilier les points de vue opposés, de même il
voulait supprimer, dans la mesure du possible, tout anta-
gonisme germano-britannique, et garantir la paix du
monde par un ensemble de traités. Un accord sur la mal-
heureuse question de la flotte devait sans doute faire
partie de cet ensemble. Notre politique antérieure avait
déjà abouti à l'association solidaire des puissances de
l'Entente, qui constituait une sorte d'assurance mutuelle
contre le risque de guerre.
Tel était le programme de Sir Edward Grey. Suivant ses
propres paroles : sans porter atteinte aux amitiés existantes
(avec la France et avec la Russie), qui ne visaient à aucun
but agressif et qui n'impliquaient pas d'engagements
absolus pour l'Angleterre, il voulait arriver à un rappro-
chement amical et à un accord avec l'Allemagne ; il voulait
< rapprocher les deux groupes » .(to bring the two groups
nearer).
Cette dénonciation de l'a politique marocaine
du. gouvernement de Berlin est bien sommaire et
dépourvue de force. On y relève des erreurs sur
l'attitude de la France et même sur celle de l'Al-
lemagne, que le prince Lichnowski aurait cepen-
dant dû bien connaître. Lorsqu'il écrit que, avant
la chute de M. Delcassé, l'Allemagne aurait pu
obtenir « un port et des territoires sur la côte
occidentale du Maroc », il se fait sans doute
illusion sur ce que le Quai d'Orsay était disposé à
céder. Il est douteux que notre diplomatie eût
accepté, surtout en traitant avec une puissance
comme l'Allemagne, de méconnaître à ce point la
réalité marocaine. En outre, la politique anglaise
était alors dirigée par lord Lansdowne, et elle
avait un souci très vigilant d'écarter tout voisinage
dangereux des eaux du détroit de Gibraltar. Quant
à dire que M. de Kiderlen « eut le mérite de liqui-
der l'héritage marocain », c'est proprement mon-
trer la diplomatie allemande comme le contraire
de ce qu'elle a été. Jamais Berlin n'a voulu liquider
l'affaire marocaine et les traités de février 1909 et
de novembre 1911, conclus après l'incident des
légionnaires déserteurs de Casablanca et après le
coup,d'Agadir, étaient soigneusement conçus de
manière à laisser ouvertes toutes les possibilités
d'intervention allemande et ils ne furent pour nous
que duperie. Ils réglèrent si peu l'affaire marocaine
que le premier n'empêcha pas la surprise d'Agadir
et que, après le second, on s'attendait à voir le
Maroc servir de prétexte aune nouvelle crise euro-
péenne qui aurait sans doute été marocaine si la
politique allemande n'avait trouvé dans l'assassi-
nat de l'archiduc François-Ferdinand une occa-
sion qu'elle crut excellente de faire éclater la
guerre à propos de la Serbie. Le prince Lich-
nowski, qui veut confondre la Wilhelmstrasse, a
une singulière manière de gaspiller les arguments
formidables que le Maroc lui avait fournis.
Et cependant, malgré le laisser aller de son argu-
mentation, il indique bien en gros ce qu'a été la
politique marocaine de l'Allemagne : « Elle était
cause, écrit-il, qu'on nous soupçonnait de ne pas
savoir exactement ce que nous voulions ou de
vouloir tenir l'Europe en alerte et humilier les
Français à l'occasion. Un collègue autrichien qui
avait été longtemps à Paris me disait : « Chaque
« fois que les Français commençaient à oublier la
« revanche, vous avez régulièrement réveillé leurs
« souvenirs par quelque bon coup de pied. » Cette
dénonciation de la politique allemande est un peu
flou, mais le fond des choses y est du moins in-
diqué. Le but de l'Allemagne était évident pour
ceux qui ne se refusaientpas à étudier et à j uger son
jeu : elle ne voyait qu'un prétexte dans l'objet
qu'elle affectait sans cesse de poursuivre. Elle
a prétendu défendre au Maroc ses intérêts et
ceux des autres puissances, alors que, en vérité,elle
n'avait d'autre politique que d'y contrarier ceux
de la France. Et elle le faisait pour prendre sur
nous une hypothèque dont elle nous ferait payer
la levée le plus cher possible. Le Maroc était dans
son jeu une sorte de plaie qu'elle devait entre-
tenir sur notre dos pour nous faire marcher comm e
l'ânier moghrebin stimule sa bourrique en piquant
la blessure qu'il maintient toujours à vif sur l'échine
de la bête. Et c'est vers l'asservissement total de
notre politique que l'on pensait nous acheminer
par ce moyen. L'opération a été menée pendant
assez longtemps, de 1905 jusque vers l'explosion
de 1914, pour que l'on connaisse bien sa méthode.
L'Allemagne, usant de toutes les restrictions ins-
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