Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1917-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1917 01 janvier 1917
Description : 1917/01/01 (N1,A27)-1917/12/31 (N12,A27). 1917/01/01 (N1,A27)-1917/12/31 (N12,A27).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97885087
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/07/2017
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 41
grande passion, la glorieuse aventure de sa vie.
Une vocation véritable, profonde, l'avait tout de
suite orienté vers ce mystérieux pays où ses itiné-
raires ont tracé un lumineux sillage. Partout où
il est passé discrètement, humblement déguisé
en pauvre juif, il ne reste rien à glaner. Son
enquête méthodique et sûre a recueilli tout ce
qu'il importait de savoir, ses croquis résument en
une claire synthèse tout ce qu'il a vu, ce qu'on
lui a rapporté ; il raconte tout cela dans un beau
langage où l'admiration passionnée perce par
endroits de façon si émouvante.
Beaucoup de voyageurs ont fait de plus longs, de
plus sensationnels voyages, aucun n'a fait une
œuvre plus complète, plus attachante.
Il s'y était préparé avec patience, avec soin,
conscient des dangers et des difficultés qu'il allait
affronter. Après avoir mûrement réfléchi, il
s'était décidé à prendre pour guide le rabbin Mar-
dochai Abî Souroûr qui habitait dans la vallée de
l'oued Draa et avait fait a travers le Maroc d'inté-
ressantes excursions. Ce choix commandait la
forme de son exploration, il l'astreignait au
d'éguisement juif, à toutes les vicissitudes d'un
rôle misérable. Le vicomte Charles de Fou-
cauld, lieutenant de cavalerie, officier d'état-
major, n'eut ni hésitation, ni dégoût, il revêtit la
sombre livrée, chéchia, lévite et belleras noires,
que les Marocains imposent aux israélites comme
une tenue infamante. Pour être certain qu'il tenait
bien son rôle, il prit un congé et s'imposa un
stage de trois mois sous ce déguisement. Un jour
— lui-même l'a raconté — il vint s'asseoir à
Tlemcen sur la place du Mechouar où son pelo-
ton devait passer. Les cavaliers défilèrent dis-
traits ou méprisants ; l'un d'eux, avec un rica-
nement, fit remarquer à ses camarades que ce petit
juif, accroupi, en train de manger des olives, avait
l'air d'un singe ; nul ne le reconnut. L'épreuve
lui parut concluante, il résolut de se mettre en
route.
Sa première tentative est peu connue; elle
n'eut pas le succès qu'il souhaitait. Il tenta de
pénétrer le Rif par l'Oranie en suivant laroute que
Duveyrier avaitautrefois suivie. La saison n'était
pas propice, le pays était en complète anarchie,
il dut revenir à son point de départ et se rendre,
par mer, à Tanger.
C'est de là qu'il partit, le 20 juin 4883, pour
cette vaste « Reconnaissance » qui devait durer
une année et tracer sur la carte du Maroc, du
Nord à. l'Extrême Sud et d'Ouest en Est, un itiné-
raire qui rénovait les connaissances géogra-
phiques, politiques, économiques, ethnolo-
giques que nous avions de l'Empire marocain.
Son exploration achevée, de Foucauld revint
en France, et publia soigneusement, luxueuse-
ment son bel ouvrage ; puis il donna sa démis-
sion et, sans bruit, discrètement, comme il
avait coutume de faire toute chose, il entra dans
un couvent de Trappistes en Arménie
Pendant sept ans, ses amis ne connurent plus
rien de lui. Pour nous autres Marocains, il était
entré déjà dans la légende. On parlait de lui au
passé comme d'un précurseur. Son livre demeu-
rait la seule lueur qui éclairât les mystérieuses
ténèbres de ce pays farouchement fermé dont il
semblait que P. de Foucauld dût être le premier
et le définitif explorateur. Un jour pourtant...
on apprit que le frère Charles de Jésus revenait
en Afrique sous l'habit religieux. La fascination
nostalgique, que tous les Africains connaissent,
avait hanté sa retraite, il avait sollicité et obtenu
sa sécularisation, et rêvait de vivre en anacho-
rète dans le Sahara.
Son premier ermitage fut Beni-Abbès où il
construisit de ses propres mains une minuscule
demeure et une petite chapelle qu'il avait indus-
trieusement ornée. Il couchait sur un banc,
devant le seuil de sa chapelle, et, tout le jour, il
apriit, soignait les malades, faisait du peu qu'il
LE ÈPRE DE FOUCAULD EN VOYAGE
Phot. du général Laperrine.
avait d'admirables aumônes. Il occupait les loi-
sirs de sa vie charitable et dévote à réunir les élé-
ments d'une grammaire et d'un dictionnaire de la
langue des Touareg qui constituera un des plus
précieux instruments de notre pénétration.
Mais son esprit n'était pas complètement
absorbé par cette existence mystique. Ses rêves
le ramenaient sans cesse à ce Maroc qu'il avait
tant aimé. Il m'écrivait en 1903, de Beni-Abbès,
dans une lettre que je conserve comme une pré-
cieuse relique :
L'amour commun pour le Maroc établit entre vous et
moi une union profonde... De tout mon cœur je prie Dieu,
du fond de mon ermitage, pour que. comme vous le dites,
l'ombre de notre drapeau s'étende un jour, s'étende bien-
tôt sur le Maroc... v
Et je ne peux résister à la tentation de citer
tout entière la sublime péroraison de cette
lettre :
Et comme tout passe, excepté Dieu, comme il est une
distance infinie entre la créature et le Créateur, comme la
vie mortelle ne nous est donnée que pour parvenir à la
pleine lumière de l'éternité, je prie Dieu, de toute mon
âme, qu'il vous accorde toute grâce, toute bénédiction, tout
don divin en ce monde et le ciel dans l'autre.
grande passion, la glorieuse aventure de sa vie.
Une vocation véritable, profonde, l'avait tout de
suite orienté vers ce mystérieux pays où ses itiné-
raires ont tracé un lumineux sillage. Partout où
il est passé discrètement, humblement déguisé
en pauvre juif, il ne reste rien à glaner. Son
enquête méthodique et sûre a recueilli tout ce
qu'il importait de savoir, ses croquis résument en
une claire synthèse tout ce qu'il a vu, ce qu'on
lui a rapporté ; il raconte tout cela dans un beau
langage où l'admiration passionnée perce par
endroits de façon si émouvante.
Beaucoup de voyageurs ont fait de plus longs, de
plus sensationnels voyages, aucun n'a fait une
œuvre plus complète, plus attachante.
Il s'y était préparé avec patience, avec soin,
conscient des dangers et des difficultés qu'il allait
affronter. Après avoir mûrement réfléchi, il
s'était décidé à prendre pour guide le rabbin Mar-
dochai Abî Souroûr qui habitait dans la vallée de
l'oued Draa et avait fait a travers le Maroc d'inté-
ressantes excursions. Ce choix commandait la
forme de son exploration, il l'astreignait au
d'éguisement juif, à toutes les vicissitudes d'un
rôle misérable. Le vicomte Charles de Fou-
cauld, lieutenant de cavalerie, officier d'état-
major, n'eut ni hésitation, ni dégoût, il revêtit la
sombre livrée, chéchia, lévite et belleras noires,
que les Marocains imposent aux israélites comme
une tenue infamante. Pour être certain qu'il tenait
bien son rôle, il prit un congé et s'imposa un
stage de trois mois sous ce déguisement. Un jour
— lui-même l'a raconté — il vint s'asseoir à
Tlemcen sur la place du Mechouar où son pelo-
ton devait passer. Les cavaliers défilèrent dis-
traits ou méprisants ; l'un d'eux, avec un rica-
nement, fit remarquer à ses camarades que ce petit
juif, accroupi, en train de manger des olives, avait
l'air d'un singe ; nul ne le reconnut. L'épreuve
lui parut concluante, il résolut de se mettre en
route.
Sa première tentative est peu connue; elle
n'eut pas le succès qu'il souhaitait. Il tenta de
pénétrer le Rif par l'Oranie en suivant laroute que
Duveyrier avaitautrefois suivie. La saison n'était
pas propice, le pays était en complète anarchie,
il dut revenir à son point de départ et se rendre,
par mer, à Tanger.
C'est de là qu'il partit, le 20 juin 4883, pour
cette vaste « Reconnaissance » qui devait durer
une année et tracer sur la carte du Maroc, du
Nord à. l'Extrême Sud et d'Ouest en Est, un itiné-
raire qui rénovait les connaissances géogra-
phiques, politiques, économiques, ethnolo-
giques que nous avions de l'Empire marocain.
Son exploration achevée, de Foucauld revint
en France, et publia soigneusement, luxueuse-
ment son bel ouvrage ; puis il donna sa démis-
sion et, sans bruit, discrètement, comme il
avait coutume de faire toute chose, il entra dans
un couvent de Trappistes en Arménie
Pendant sept ans, ses amis ne connurent plus
rien de lui. Pour nous autres Marocains, il était
entré déjà dans la légende. On parlait de lui au
passé comme d'un précurseur. Son livre demeu-
rait la seule lueur qui éclairât les mystérieuses
ténèbres de ce pays farouchement fermé dont il
semblait que P. de Foucauld dût être le premier
et le définitif explorateur. Un jour pourtant...
on apprit que le frère Charles de Jésus revenait
en Afrique sous l'habit religieux. La fascination
nostalgique, que tous les Africains connaissent,
avait hanté sa retraite, il avait sollicité et obtenu
sa sécularisation, et rêvait de vivre en anacho-
rète dans le Sahara.
Son premier ermitage fut Beni-Abbès où il
construisit de ses propres mains une minuscule
demeure et une petite chapelle qu'il avait indus-
trieusement ornée. Il couchait sur un banc,
devant le seuil de sa chapelle, et, tout le jour, il
apriit, soignait les malades, faisait du peu qu'il
LE ÈPRE DE FOUCAULD EN VOYAGE
Phot. du général Laperrine.
avait d'admirables aumônes. Il occupait les loi-
sirs de sa vie charitable et dévote à réunir les élé-
ments d'une grammaire et d'un dictionnaire de la
langue des Touareg qui constituera un des plus
précieux instruments de notre pénétration.
Mais son esprit n'était pas complètement
absorbé par cette existence mystique. Ses rêves
le ramenaient sans cesse à ce Maroc qu'il avait
tant aimé. Il m'écrivait en 1903, de Beni-Abbès,
dans une lettre que je conserve comme une pré-
cieuse relique :
L'amour commun pour le Maroc établit entre vous et
moi une union profonde... De tout mon cœur je prie Dieu,
du fond de mon ermitage, pour que. comme vous le dites,
l'ombre de notre drapeau s'étende un jour, s'étende bien-
tôt sur le Maroc... v
Et je ne peux résister à la tentation de citer
tout entière la sublime péroraison de cette
lettre :
Et comme tout passe, excepté Dieu, comme il est une
distance infinie entre la créature et le Créateur, comme la
vie mortelle ne nous est donnée que pour parvenir à la
pleine lumière de l'éternité, je prie Dieu, de toute mon
âme, qu'il vous accorde toute grâce, toute bénédiction, tout
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