Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1940 01 janvier 1940
Description : 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31. 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592271
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
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Voici les nha-qués venus nombreux pour
toucher les montants de leurs prêts à la
caisse provinciale. Ils ont compris l'inté-
rêt du crédit mutuel organisé et viennent
de leurs villages au chef-lieu de province,
« faira leurs affairas » comme les paysans
de France.
EN INDOCHINE
UN FLÉAU DISPARAIT
L'USURE
LE nha-qué des deltas indochinois est le paysan le plus travailleur de
la terre.
Mais son lopin de rizière est petit, le riz lui est payé peu ; et puis,
lors de la fête du Têt, il faut honorer dignement les ancêtres Et les titres
et les dignités, au village même, se paient cher, qui autorisent à revêtir le
« sao » de dentelle et à marcher sous un beau parasol tenu par un boy.
Pour toutes ces raisons, le budget du nha-qué ne s équilibre presque
jamais.Il se trouve donc obligé d'emprunter pour se procurer même les moyens
de travail les plus nécessaires : ses semences, ses bumes de labour, et par-
fois même pour payer ses impôts.
Ces emprunts sont faits à n'importe quel taux, les ^
en effet pour se faire rembourser qu 'un intérêt de 10 a 12 p. 100 par mois
A qui emprunte le paysan indochinois? Dans le delta du Tonkin, le nha-
qué emprunte parfois à son voisin, cultivateur comme lui et momentané-
ment plus aisé, mais bien plus souvent l usurier est chinois.
En Cochinchine, le ta-dien s'adresse tout naturellement a son proprié-
taire qui a ainsi le moyen de le fixer à la terre et d en faire un véritable serf.
La naissance de l usure fut donc un pneno-
mène naturel en Indochine, comme dans d autres
pays voisins : Indes néerlandaises, îles Philip-
pines. Mais, quoi qu'il en soit, cette usure est deve-
nue un fléau des deltas, autant que les typhons
et les inondations..
L'Administration a dû s'efforcer de la faire
disparaître et s'est préoccupée pour cela d or-
ganiser le crédit agricole sur la base mutualiste.
Le terrain était assez favorable, car, tradi-
tionnellement, la coopération est pratiquée depuis
longtemps. Grâce à elle les nha-qués ont pu éle-
ver les digues et installer le réseau de leurs canaux
d'irrigation.
Sans doute, jamais encore la forme mutua-
liste n'avait été envisagée par les indigènes;
nous allons voir cependant que les efforts de
l'Administration pour la leur faire adopter n ont
pas été vains.
C'est en Cochinchine, où l'établissement fran-
çais est le plus ancien, que débutèrent les pre-
mières organisations de crédit agricole mutuel;
elles datent de 1913..
Les résultats furent au début peu satisfai-
sants, car les prêts étaient faits par l 'intermé-
diaire des communes, et les notables de celles-ci,
chargés des opérations, pratiquaient des spécula-
tions usuraires. ,
En dépit de ce premier insuccès, le crédit
agricole fonctionnait dès 1920 dans toutes les
provinces de la Cochinchine où des sociétés
indigènes avaient été organisées.
Actuellement, celles-ci fonctionnent régies par
un arrêté du 28 janvier 1928. Dans les pays de
protectorat l'organisation actuelle, date du décret
du 20 mai 1933 qui a créé l'Office indochinnois
de crédit agricole mutuel.
Quelle que soit leur origine, ces sociétés ont
pour unique objet de rendre plus faciles les divers
actes de la vie agricole. Peuvent en faire partie
les agriculteurs ou associations d'agriculteurs,
les syndicats ou sociétés coopératives agricoles de
la province intéressée, les communes de la pro-
vince et la province elle-même.
Le taux d'intérêt des prêts qui, primitivement,
avait été fixé à 12 p. 100 se monte actuellement
à 11 p. 100. En Cochinchine, il est resté fixé
en principe à 12 p. 100, mais, dans la pratique,
les taux sont fixés d'après la conjoncture éco-
nomique.
Sans doute, si on les compare aux taux usuels
en Europe occidentale, ces chiffres apparaissent
très élevés, mais, dans le cadre économique de
l'Indochine, ils (onstituent un énorme progrès.
Jusque vers 1931, le fonctionnement des caisses
de crédit agricole s'était montré fort satisfaisant.
Mais, en 1932-1933 surviennent la crise et la baisse
des cours du riz, certains abus sont commis par
des dirigeants indigènes, des caisses de crédit.
DPS mesures énersiaues s'imnosent.
Réorganisation administrative, amélioration du contrôle, aménagement.
des dettes, telles furent les dispositions prises.
Et les résultats obtenus peuvent être appréciés en considérant, comme
M. le gouverneur général Brévié le faisait le 20 octobre 1938 que l'investisse-
ment des prêteurs à taux usuraires est passé de 50 millions de piastres en
1930 à 20 millions.
Il est cependant facile pour le nha-qué d'emprunter au Chinois, car
celui-ci, avant la récolte, se rend chez lui, aux fins fonds de la campagne,
suppute la valeur de sa moisson et fait ses offres de service.
Mais le directeur de la Banque de Crédit agricole agit de même et ainsi
le paysan trouve à sa porte un prêteur bienveillant et beaucoup moins
exigeant.
Il l'y retrouve aussi quand il s'agit de rembourser le prêt, aussi ne faut-il
pas s'étonner du succès de cette propagande par l'action.
D'ailleurs, lorsque le nha-qué est familiarisé avec le mécanisme des
prêts, il vient « faire ses affaires » au chef-lieu de la province tout comme le
vigneron bourguignon ou l'éleveur normand.
Le crédit agricole indigène en Indochine, s'il eut à traverser des
périodes difficiles, a prouvé malgré tout sa vitalité et son intérêt.
Comparable aux sociétés indigènes de prévoyance en Afrique, mais,
mis à l'épreuve depuis de longues années en Cochinchine, depuis moins
longtemps dans les protectorats, il est établi en fonction du degré d'évolu-
tion et du tempérament du paysan indochinois.
Complétée, dans le cadre mutualiste, par des coopératives d'action et de
vente, cette organisation constitue un moyen des plus judicieux pour
assurer, en même temps que la rénovation des méthodes agricoles, l'amé-
lioration de la situation matérielle de spopulations rurales d'Indochine.
B. M.
Le directeur de la caisse provinciale est
venu au village, il examine les demandes
de prêts et les nha-qués, rassemblés autour
de lui, sont séduits par les taux bien infé-
rieurs à ceux de l'usurier chinois. -
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
No 199 ......... JANVIER 1940
Voici les nha-qués venus nombreux pour
toucher les montants de leurs prêts à la
caisse provinciale. Ils ont compris l'inté-
rêt du crédit mutuel organisé et viennent
de leurs villages au chef-lieu de province,
« faira leurs affairas » comme les paysans
de France.
EN INDOCHINE
UN FLÉAU DISPARAIT
L'USURE
LE nha-qué des deltas indochinois est le paysan le plus travailleur de
la terre.
Mais son lopin de rizière est petit, le riz lui est payé peu ; et puis,
lors de la fête du Têt, il faut honorer dignement les ancêtres Et les titres
et les dignités, au village même, se paient cher, qui autorisent à revêtir le
« sao » de dentelle et à marcher sous un beau parasol tenu par un boy.
Pour toutes ces raisons, le budget du nha-qué ne s équilibre presque
jamais.Il se trouve donc obligé d'emprunter pour se procurer même les moyens
de travail les plus nécessaires : ses semences, ses bumes de labour, et par-
fois même pour payer ses impôts.
Ces emprunts sont faits à n'importe quel taux, les ^
en effet pour se faire rembourser qu 'un intérêt de 10 a 12 p. 100 par mois
A qui emprunte le paysan indochinois? Dans le delta du Tonkin, le nha-
qué emprunte parfois à son voisin, cultivateur comme lui et momentané-
ment plus aisé, mais bien plus souvent l usurier est chinois.
En Cochinchine, le ta-dien s'adresse tout naturellement a son proprié-
taire qui a ainsi le moyen de le fixer à la terre et d en faire un véritable serf.
La naissance de l usure fut donc un pneno-
mène naturel en Indochine, comme dans d autres
pays voisins : Indes néerlandaises, îles Philip-
pines. Mais, quoi qu'il en soit, cette usure est deve-
nue un fléau des deltas, autant que les typhons
et les inondations..
L'Administration a dû s'efforcer de la faire
disparaître et s'est préoccupée pour cela d or-
ganiser le crédit agricole sur la base mutualiste.
Le terrain était assez favorable, car, tradi-
tionnellement, la coopération est pratiquée depuis
longtemps. Grâce à elle les nha-qués ont pu éle-
ver les digues et installer le réseau de leurs canaux
d'irrigation.
Sans doute, jamais encore la forme mutua-
liste n'avait été envisagée par les indigènes;
nous allons voir cependant que les efforts de
l'Administration pour la leur faire adopter n ont
pas été vains.
C'est en Cochinchine, où l'établissement fran-
çais est le plus ancien, que débutèrent les pre-
mières organisations de crédit agricole mutuel;
elles datent de 1913..
Les résultats furent au début peu satisfai-
sants, car les prêts étaient faits par l 'intermé-
diaire des communes, et les notables de celles-ci,
chargés des opérations, pratiquaient des spécula-
tions usuraires. ,
En dépit de ce premier insuccès, le crédit
agricole fonctionnait dès 1920 dans toutes les
provinces de la Cochinchine où des sociétés
indigènes avaient été organisées.
Actuellement, celles-ci fonctionnent régies par
un arrêté du 28 janvier 1928. Dans les pays de
protectorat l'organisation actuelle, date du décret
du 20 mai 1933 qui a créé l'Office indochinnois
de crédit agricole mutuel.
Quelle que soit leur origine, ces sociétés ont
pour unique objet de rendre plus faciles les divers
actes de la vie agricole. Peuvent en faire partie
les agriculteurs ou associations d'agriculteurs,
les syndicats ou sociétés coopératives agricoles de
la province intéressée, les communes de la pro-
vince et la province elle-même.
Le taux d'intérêt des prêts qui, primitivement,
avait été fixé à 12 p. 100 se monte actuellement
à 11 p. 100. En Cochinchine, il est resté fixé
en principe à 12 p. 100, mais, dans la pratique,
les taux sont fixés d'après la conjoncture éco-
nomique.
Sans doute, si on les compare aux taux usuels
en Europe occidentale, ces chiffres apparaissent
très élevés, mais, dans le cadre économique de
l'Indochine, ils (onstituent un énorme progrès.
Jusque vers 1931, le fonctionnement des caisses
de crédit agricole s'était montré fort satisfaisant.
Mais, en 1932-1933 surviennent la crise et la baisse
des cours du riz, certains abus sont commis par
des dirigeants indigènes, des caisses de crédit.
DPS mesures énersiaues s'imnosent.
Réorganisation administrative, amélioration du contrôle, aménagement.
des dettes, telles furent les dispositions prises.
Et les résultats obtenus peuvent être appréciés en considérant, comme
M. le gouverneur général Brévié le faisait le 20 octobre 1938 que l'investisse-
ment des prêteurs à taux usuraires est passé de 50 millions de piastres en
1930 à 20 millions.
Il est cependant facile pour le nha-qué d'emprunter au Chinois, car
celui-ci, avant la récolte, se rend chez lui, aux fins fonds de la campagne,
suppute la valeur de sa moisson et fait ses offres de service.
Mais le directeur de la Banque de Crédit agricole agit de même et ainsi
le paysan trouve à sa porte un prêteur bienveillant et beaucoup moins
exigeant.
Il l'y retrouve aussi quand il s'agit de rembourser le prêt, aussi ne faut-il
pas s'étonner du succès de cette propagande par l'action.
D'ailleurs, lorsque le nha-qué est familiarisé avec le mécanisme des
prêts, il vient « faire ses affaires » au chef-lieu de la province tout comme le
vigneron bourguignon ou l'éleveur normand.
Le crédit agricole indigène en Indochine, s'il eut à traverser des
périodes difficiles, a prouvé malgré tout sa vitalité et son intérêt.
Comparable aux sociétés indigènes de prévoyance en Afrique, mais,
mis à l'épreuve depuis de longues années en Cochinchine, depuis moins
longtemps dans les protectorats, il est établi en fonction du degré d'évolu-
tion et du tempérament du paysan indochinois.
Complétée, dans le cadre mutualiste, par des coopératives d'action et de
vente, cette organisation constitue un moyen des plus judicieux pour
assurer, en même temps que la rénovation des méthodes agricoles, l'amé-
lioration de la situation matérielle de spopulations rurales d'Indochine.
B. M.
Le directeur de la caisse provinciale est
venu au village, il examine les demandes
de prêts et les nha-qués, rassemblés autour
de lui, sont séduits par les taux bien infé-
rieurs à ceux de l'usurier chinois. -
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
No 199 ......... JANVIER 1940
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