Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1940 01 janvier 1940
Description : 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31. 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592271
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
' Au dessert, les tirailleurs font la conversation et, mal-
gré leurs origines très diverses, ils se comprennent
parce qu'ils parlent français.
La chambre individuelle du tirailleur est l'ancienne
cellule d'un élève du séminaire. A l'arrivée du contin-
gent la joie a été grande de se voir chacun nanti d'une
A la salle de lecture, on joue surtout aux dames, au
loto, aux cartes.
s'agit d'un stéréoscope, et d'autres tirailleurs montrent que c'est bien là l'objet
de leurs vœux. Nouvel avis.
Voici un maréchal des logis, au teint plus clair, aux yeux vifs. Il est malgache,
parle un français très correct, son père est médecin civil à Tananarive et a fait
des études en France. Lui est étudiant et il parle quatre langues. Pour la
première fois, il vient en France, pour faire la guerre, parce que tout le monde
fait la guerre. Tout le monde, cela veut dire les Français de France, les Sénéga-
lais, les Indochinois et les Malgaches comme lui. Ses souvenirs de guerre :
de la boue à mi-mollet, du froid, des coups de canon tirés sur un ennemi invi-
sible.
Il y a sur un tableau noir au fond de la salle, une carte de Madagascar, dessinée
à la craie, des noms sont indiqués, ceux des villages d'origine des Malgaches
en séjour.
En voici un autre tout jeune, célibataire, dit-il, et cultivateur à Diego-Suarez.
Il faisait pousser du manioc, de la vanille ; il a tout laissé, comme les camarades
sénégalais, pour venir faire la guerre.
Les soldats qui sont ici ont déjà subi l'épreuve du feu, quelques-uns ont la croix
de guerre, celle de 1939, mais ces braves sont très souvent invités et nous
ne verrons aucun d'eux aujourd'hui.
En voici un qui a la poitrine barrée de deux rubans.
— Où as tu gagné cela ?
— Au Maroc.
— Au Maroc, en 1933 ?
— Oui, en 1933.
Tous les hommes interrogés, sauf deux maréchaux des logis malgaches,
sont « cultivateurs » ; une seule exception parmi les Sénégalais : un tirailleur
déclare qu'il n'est pas cultivateur, il est catholique ! Il est impossible d'en savoir
plus sur ses occupations civiles.
Malgré lui, on réalise bien ici que la « paysannerie d'Empire » est une réalité.
A la soupe ! Il est onze heures et demie, le réfectoire est en face de la salle
de lecture, les soldats s'y rendent en hâte. Beaucoup sont un peu nerveux,
car une visite à Paris est prévue pour un certain nombre d'entre eux, cet
après-midi, et il est difficile d'obtenir quelques secondes d'immobilité pour
prendre une photo.
Le menu est confortable : beefsteak, nouilles au jus, crème, thé, pain et riz
à discrétion ; il est absorbé rapidement.
Au rassemblement avant le départ, en autobus, toutes les races sont mélan-
gées. Mêlons-nous au groupe.
— Vous parlez toujours français entre vous ?
— Oui, parce que lui parler sa langue, je comprends pas, et moi parler ma
langue, lui comprend pas.
— Mais, en français, vous vous comprenez bien ?
— Oui, nous nous comprenons bien !
Miracle de l'assimilation, la langue française est devenue le trait d'union entre
ces hommes qui, sans elle, seraient restés des étrangers, sinon des ennemis.
Il faut voir de près la camaraderie réelle qui existe entre eux, entre Mal-
gaches et Soudanais, entre Sénégalais et Côte d'Ivoiriens.
L'un d'eux, moins instruit que l'autre, a-t-il quelque difficulté pour com-
prendre nos paroles, ses compagnons lui expliquent avec gentillesse et persé-
vérance, en français le plus souvent.
Les syllabaires, les vocabulaires d'ailleurs sont nombreux sur les tables de
la salle de lecture et dans les poches des hommes, et au poste de garde, à
l'entrée du Séminaire, Vakantié Touré étudie, assis sur une borne, sa petite
grammaire franco-bambara.
Après le départ bruyant des autobus, le grand séminaire paraît vide, les
soldats ne sont pas tous partis visiter l'Arc de Triomphe et Notre-Dame, mais
beaucoup se promènent dans la campagne environnante.
Parcourons à nouveau les divers bâtiments et dépendances pour mieux
connaître cette demeure.
Nous visitons les chambres individuelles, les douches, la salle de théâtre ;
effectivement tout a été réuni pour assurer le bien être physique aussi bien que
moral des soldats hébergés.
Des soutanes rapides habitent encore les. escaliers et les couloirs.
Ce sont des Frères du Saint-Esprit, restés là avec les Pères les plus âgés, non
mobilisés. Ils sont les hôtes très discrets des soldats ; ce sont eux, en effet,
qui assurent leur entretien et nous bavardons avec les Frères qui dirigent
cuisine, boulangerie et buanderie.
Le vaste séminaire, aux clairs jardins et au cloître plein d'ombre, n'entend peut-
être plus autant de prières, mais il retentit d'appels joyeux adressés du Mossi
au Malgache, du Malgache au Bambara,
Que les Pères du Saint-Esprit en soient remerciés.
Jean CHÉNIÈRES.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 199 ......... JANVIER 1940
gré leurs origines très diverses, ils se comprennent
parce qu'ils parlent français.
La chambre individuelle du tirailleur est l'ancienne
cellule d'un élève du séminaire. A l'arrivée du contin-
gent la joie a été grande de se voir chacun nanti d'une
A la salle de lecture, on joue surtout aux dames, au
loto, aux cartes.
s'agit d'un stéréoscope, et d'autres tirailleurs montrent que c'est bien là l'objet
de leurs vœux. Nouvel avis.
Voici un maréchal des logis, au teint plus clair, aux yeux vifs. Il est malgache,
parle un français très correct, son père est médecin civil à Tananarive et a fait
des études en France. Lui est étudiant et il parle quatre langues. Pour la
première fois, il vient en France, pour faire la guerre, parce que tout le monde
fait la guerre. Tout le monde, cela veut dire les Français de France, les Sénéga-
lais, les Indochinois et les Malgaches comme lui. Ses souvenirs de guerre :
de la boue à mi-mollet, du froid, des coups de canon tirés sur un ennemi invi-
sible.
Il y a sur un tableau noir au fond de la salle, une carte de Madagascar, dessinée
à la craie, des noms sont indiqués, ceux des villages d'origine des Malgaches
en séjour.
En voici un autre tout jeune, célibataire, dit-il, et cultivateur à Diego-Suarez.
Il faisait pousser du manioc, de la vanille ; il a tout laissé, comme les camarades
sénégalais, pour venir faire la guerre.
Les soldats qui sont ici ont déjà subi l'épreuve du feu, quelques-uns ont la croix
de guerre, celle de 1939, mais ces braves sont très souvent invités et nous
ne verrons aucun d'eux aujourd'hui.
En voici un qui a la poitrine barrée de deux rubans.
— Où as tu gagné cela ?
— Au Maroc.
— Au Maroc, en 1933 ?
— Oui, en 1933.
Tous les hommes interrogés, sauf deux maréchaux des logis malgaches,
sont « cultivateurs » ; une seule exception parmi les Sénégalais : un tirailleur
déclare qu'il n'est pas cultivateur, il est catholique ! Il est impossible d'en savoir
plus sur ses occupations civiles.
Malgré lui, on réalise bien ici que la « paysannerie d'Empire » est une réalité.
A la soupe ! Il est onze heures et demie, le réfectoire est en face de la salle
de lecture, les soldats s'y rendent en hâte. Beaucoup sont un peu nerveux,
car une visite à Paris est prévue pour un certain nombre d'entre eux, cet
après-midi, et il est difficile d'obtenir quelques secondes d'immobilité pour
prendre une photo.
Le menu est confortable : beefsteak, nouilles au jus, crème, thé, pain et riz
à discrétion ; il est absorbé rapidement.
Au rassemblement avant le départ, en autobus, toutes les races sont mélan-
gées. Mêlons-nous au groupe.
— Vous parlez toujours français entre vous ?
— Oui, parce que lui parler sa langue, je comprends pas, et moi parler ma
langue, lui comprend pas.
— Mais, en français, vous vous comprenez bien ?
— Oui, nous nous comprenons bien !
Miracle de l'assimilation, la langue française est devenue le trait d'union entre
ces hommes qui, sans elle, seraient restés des étrangers, sinon des ennemis.
Il faut voir de près la camaraderie réelle qui existe entre eux, entre Mal-
gaches et Soudanais, entre Sénégalais et Côte d'Ivoiriens.
L'un d'eux, moins instruit que l'autre, a-t-il quelque difficulté pour com-
prendre nos paroles, ses compagnons lui expliquent avec gentillesse et persé-
vérance, en français le plus souvent.
Les syllabaires, les vocabulaires d'ailleurs sont nombreux sur les tables de
la salle de lecture et dans les poches des hommes, et au poste de garde, à
l'entrée du Séminaire, Vakantié Touré étudie, assis sur une borne, sa petite
grammaire franco-bambara.
Après le départ bruyant des autobus, le grand séminaire paraît vide, les
soldats ne sont pas tous partis visiter l'Arc de Triomphe et Notre-Dame, mais
beaucoup se promènent dans la campagne environnante.
Parcourons à nouveau les divers bâtiments et dépendances pour mieux
connaître cette demeure.
Nous visitons les chambres individuelles, les douches, la salle de théâtre ;
effectivement tout a été réuni pour assurer le bien être physique aussi bien que
moral des soldats hébergés.
Des soutanes rapides habitent encore les. escaliers et les couloirs.
Ce sont des Frères du Saint-Esprit, restés là avec les Pères les plus âgés, non
mobilisés. Ils sont les hôtes très discrets des soldats ; ce sont eux, en effet,
qui assurent leur entretien et nous bavardons avec les Frères qui dirigent
cuisine, boulangerie et buanderie.
Le vaste séminaire, aux clairs jardins et au cloître plein d'ombre, n'entend peut-
être plus autant de prières, mais il retentit d'appels joyeux adressés du Mossi
au Malgache, du Malgache au Bambara,
Que les Pères du Saint-Esprit en soient remerciés.
Jean CHÉNIÈRES.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 199 ......... JANVIER 1940
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