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LE « MAITRE » DU SAHARA
N'EST PLUS
par Pierre MILLE
LE professeur E.-F. Gautier vient de mourir
à Pontivy-Saint-Pierre, Quiberon. On pour-
rait dire par hasard : car, durant près d'un
demi-siècle, ce n'est guère que notre empire
extérieur, Madagascar, l'Afrique du Nord, le
Sahara, puis l'Afrique Occidentale, qui virent
la trace de ses pas. Depuis plusieurs années,
l'Académie des Sciences coloniales, dont il était,
depuis la fondation, membre correspondant,
avait tenu à honneur de l'accueillir comme
membre titulaire. Elle ne sera pas seule à
regretter profondément sa disparition ; sa perte
sera pareillement ressentie par les géologues, les
géographes, les historiens, les sociologues, les
coloniaux du monde civilisé tout entier. Même
l' « ancienne Allemagne » aujourd'hui disparue :
l'explorateur Sehweinfurth l'admirait.
Entré dans un bon rang à l'École normale
supérieure, E.-F. Gautier échoua pourtant, en
troisième année, aux examens pour l'agréga-
tion d'histoire et de géographie. Le fait est à
noter comme un de ces paradoxes où son bril-
lant esprit parfois se complaisait, puisque c'est
dans la géographie, la géologie et l'histoire
qu'il devait laisser une marque ineffaçable.
Après quelques années de séjour à l'étranger,
où il se perfectionna dans la connaissance de
l'allemand et de l'anglais, E.-F. Gautier fut
reçu à l'agrégation pour la langue allemande et
fut désigné pour l'enseignement de celle-ci au
collège Chaptal. Une situation si sédentaire
ne convenait ni à ses goûts d'activité, ni à sa
curiosité scientifique. Il sollicita et obtint une
mission gratuite pour Madagascar, île alors
indépendante, et qui n'était connue que par les
admirables travaux du grand explorateur et
savant Grandidier. Gautier débarqua à Diégo-
Suarez. Vingt-six mois plus tard, il arrivait à
Fort-Dauphin, ayant traversé l'île de part en
part — et en biais, comme il disait. Ce n'est pas
tout. Celui qui s'était fait refuser à l'agrégation
d'histoire et de géographie revenait en France
géologue et géographe accompli. L'agrégé de
langues vivantes avait ajouté le malgache à
l'allemand et à l'anglais. Enfin le trésor de ses
observations, de ses acquisitions scientifiques,
ethniques et politiques était tel qu'il recevait
la grande médaille d'or de la Société de géogra-
phie, et le ruban de la Légion d'honneur.
Cependant, les règlements de l'Université sont
stricts. Il dut retourner au collège Chaptal
comme professeur d'allemand. Mais l'idée de
Madagascar continuait à le hanter. Quand, après
la prise de Tananarive par le corps expédition-
naire commandé par le général Duchêne, un
résident général civil, M. Hippolyte Laroche,
fut désigné pour administrer notre nouvelle
possession, Gautier fut heureux d'y repartir
comme directeur de l'Enseignement. Toutefois,
l'Enseignement indigène n'existant guère encore
que sur le papier, sa parfaite possession du mal-
gache fit qu'il se vit attribuer les fonctions de
directeur des Affaires indigènes « par intérim » :
fonction que le général Gallieni, quand il eut
remplacé M. Laroche, lui confirma en lui
adjoignant un officier de grande valeur, mais
qui ne parlait pas encore le langage malayo-
polynésien, des habitants de l'Imerina.
Un moment vint pourtant où Madagascar
lui parut n'avoir plus rien à lui apprendre. Il
revint en France : mais, « devant » encore quel-
ques années de service à l'Université et ne
pouvant se résigner à rester dans une ambiance
métropolitaine qui lui paraissait trop étroite, il
obtint l'attribution d'une chaire — et d'histoire
cette fois ! — à l'École supérieure des Lettres
d'Alger, bientôt, transformée en Faculté.
C'est ainsi qu'après avoir vu ce qu'était une
colonie à ses débuts Gautier put constater à
quoi était parvenu, après trois quarts de siècle,
un domaine français dont le plein essor s'accen-
tuait. Ce spectacle l'emplit, en vérité, d'enthou-
siaste admiration. Il découvrit le colon algérien ;
il découvrit, en dessous, l'indéracinable fond
berbère, puis l'apport arabe, maintenant inti-
mement unis par l'Islam, et puis le Sahara,
enfin après le Sahara et toute l'Afrique, après
l'Afrique blanche, pour user de ses propres
termes, l'Afrique noire. Et, ap ès avoir rendu,
comme officier-interprète d'arabe et d'anglais,
aux Dardanelles, en Égypte, en Syrie, en Pales-
tine, des services singuliers, il retourna à son cher
Alger, à son cher Sahara, à sa chère Afrique tout
entière. Il ne cessait de la parcourir, d'observer,
de penser, d'écrire sur ce sujet unique et pour-
tant si divers. L'œuvre que, de la sorte, il laisse
après lui est nombreuse et de premier ordre.
L'ironie des premières pages d'A la conquête
du Sahara put dissimuler à quelques-uns la
profonde et originale exactitude de cet essai.
Déjà, comme en bien des choses, Gautier était
un précurseur. Et, comme, en même temps qu'un
prophète de l'africanisme, il était un homme
d'action, il eut l'idée qu'il manquait au Sahara
un « inventaire » et conçut le moyen de réaliser
celui-ci : parcourir d'abord ce grand désert, en
déterminer les principaux caractères, ce qu'il
fit, en plusieurs randonnées, en collaboration
avec le regretté Chudeau, puis dresser les têtes
de chapitre de cet inventaire, aller visiter per-
sonnellement les brillants officiers, chefs de nos
postes sahariens, et leur dire : « Choisissez dans
ces chapitres, pour votre région, ce qui vous
E.-F. GAUTIER.
intéresse et répondez : votre travail sera publié
sous votre nom ». Ce qui fut fait.
Pour lui, il en résulta l'œuvre scientifique
intitulée Le Sahara, partant de la géologie pour
se compléter par des aperçus ethniques et poli-
tiques. Dans ses grandes lignes, elle demeure
essentielle ; on ne pourra qu'y ajouter. Vinrent
ensuite ces ouvrages si personnels et révélateurs :
Le Passé de l'Afrique du Nord; Les Siècles obscurs,
1937, qu'avaient précédé Trois Héros, l'un de
ceux-ci étant le ministre malgache Rainandria-
manhandry, les deux autres, le général Laper-
rine et le Père de Foucauld, qu'il avait si bien
connus, et dont nul n'a parlé comme lui ;
Mœurs et coutumes des Musulmans et Un Siècle
de colonisation, un dyptique, en quelque sorte :
d'une part, la vision aiguë de cette civilisation
arabo-berbère-islamique, mais qui doit tant à
l'époque hellénistique et à toutes les anciennes
conceptions de la civilisation méditerranéenne ;
d'autre part, notre civilisation occidentale,
apparue avec notre conquête en 1830 ; Genséric,
roi des Vandales, où l'on voit apparaître, avec
la figure du grand saint Augustin, toute l'his-
toire imprévue de l'invasion de l'Afrique du
Nord, avec Hippone et la Tunisie pour centre,
par quelques milliers de barbares, Alains et
Vandales : des cavaliers qui venaient des rives
de la mer Noire, avaient traversé toute l'Europe
et, parvenus en Espagne, à l'aide des marins
andalous, s'étaient dotés d'une flotte, avaient
franchi le détroit de Gibraltar, traversé toute
l'Afrique du Nord et créé en Tunisie un royaume
qui, d'ailleurs, ne dura pas beaucoup plus d'un
siècle et ne laissa pas de traces. Cette flotte,
d'origine andalouse, n'osa jamais affronter celle
de Byzance; et, après la mort de Genséric, bien-
tôt, ce fut l'Empire constantinien qui, jusqu'à
l'invasion des Musulmans arabes, recommença
de dominer sur l'Afrique du Nord.
Tout cela inconnu, ou peu connu, était marqué <
par Gautier en termes originaux, dans la langue
la plus personnelle, appuyée sur une méthode '<
historiques impeccable. \
Mais toujours son idée maîtresse resta que
notre Afrique française, la blanche, celle du Nord,
et la noire, celle de l'Atlantique — c'est le titre :
Afrique noire occidentale, Afrique blanche —
était une, et qu'elles devaient se rejoindre,
comme dans l'antiquité, comme aux siècles
« obscurs J., à travers le Sahara. C'est pourquoi
il fut un des plus ardents défenseurs de la
construction, toujours reculée, du Transsaha-
rien.
C'est un esprit vigoureux et juste, un grand
explorateur, dont l'activité physique égalait, ce
qui est bien rare, l'exceptionnelle puissance
cérébrale. Peut-être a-t-il outrepassé ce qu'il
pouvait exiger de cette vigueur physique. Sans
quoi, le grand érudit, ce voyageur infatigable et
sobre, cet historien, ce géographe et géologue de
premier rang serait encore parmi nous. Il a
payé quarante ans d'errance dans la brousse
malgache et le désert saharien.
Pierre MILLE.
SUR LE CHEMIN DE FER DU YUN-NAN
(Suite et fin.)
a eu les mains plus libres en Extrême-Orient. Il a
donné des avertissements d'un ton plus ferme au
Gouvernement japonais. L'on n'a pas oublié le dis-
cours que prononçait cet automne, à Tôkyô, l'am-
bassadeur Grew. « n n'y a aucune raison, disait
l'ambassadeur des États-Unis, pour que des restric-
tions soient appliquées au principe de la « porte
ouverte » en Chine, alors que le Japon réclame
justement la liberté de commercer dans d'autres
parties du monde. »
De même, à la veille du bombardement qui nous
occupe, le Gouvernement américain protestait contre
les bombardements précédents, survenus en dé-
cembre 1939 et janvier 1940, sur la ligne du Yun-
nan.
Les États-Unis ont deux motifs principaux de s'in-
téresser à la liberté du trafic sur ce chemin de fer.
C'est la seule voie — on l'a dit — que peuvert em-
prunter et les ressortissants américains vers la
Chine nationale (par exemple, les nombreux mis-
sionnaires) et les marchandises. Et cet autre motif
de mécontentement : les exportations chinoises
d'huile de bois sont menacées. Or elles gagent
l'emprunt de 25 millions de dollars consenti par
les États-Unis en 1938, au moyen duquel les
Chinois achètent les camions américains, le pétrole
américain, et vendent ladite huile de bois en
éc '-tange.
Si l'on rappelle enfin que les États-Unis n'ont pas
renouvelé leur traité de commerce avec le Japon, on
a des raisons suffisantes de penser que la France
recevra les apaisements que commandent ses inté-
rêts bien défendus, son bon droit et la règle inter-
nationale.
Roger LÉVY.
LIAISONS AÉRIENNES
INTERIMPÉRIALES
Le Comité Algérie et Colonies :
Constatant que l'aviation a pris dans les
relations et les échanges coloniaux une impor-
tance de premier ordre et qu'elle s'est révélée
particulièrement apte à réaliser l'union des
Métropoles avec leurs possessions lointaines ;
Constatant que la Belgique, la France, la
Grande-Bretagne, l'Italie et le Portugal ont
surtout tenu compte, jusqu'à présent, dans l'éta-
blissement de leur réseau de voies aériennes, de la
satisfaction d'intérêts nationaux et locaux;
Considérant que la réalisation des grands axes
transafricains intercoloniaux, sur lesquels vien-
draient se greffer de multiples lignes d'apport,
fournirait une solution logique et économique
au problème des liaisons aériennes transafri-
caines et qu'il résulterait de l'établissement d'un /
tel système ordonné et cohérent une unité
d'action et de vue désirable entre les nations
colonisatrices d'Afrique amies et alliées ;
Au cours de sa dernière assemblée générale
du 7 décembre 1939, émet le vœu que :
Il soit constitué dans le moindre délai, sous
l'impulsion des Gouvernements intéressés, un
comité de coordination des liaisons aériennes à
l'intérieur de l'Afrique.
Ce Comité pourrait réunir, en un vaste plan
d'ensemble supprimant les doubles emplois et
comblant les lacunes existantes, les programmes
distincts de ses membres en vue d'intensifier
largement la fréquence des services aériens régu-
liers et de permettre au.x moindres frais la solu-
tion intégrale des besoins qui sont pour le mo-
ment encore bien loin d'être satisfaits.
. LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 201 ........... MARS 1940
LE « MAITRE » DU SAHARA
N'EST PLUS
par Pierre MILLE
LE professeur E.-F. Gautier vient de mourir
à Pontivy-Saint-Pierre, Quiberon. On pour-
rait dire par hasard : car, durant près d'un
demi-siècle, ce n'est guère que notre empire
extérieur, Madagascar, l'Afrique du Nord, le
Sahara, puis l'Afrique Occidentale, qui virent
la trace de ses pas. Depuis plusieurs années,
l'Académie des Sciences coloniales, dont il était,
depuis la fondation, membre correspondant,
avait tenu à honneur de l'accueillir comme
membre titulaire. Elle ne sera pas seule à
regretter profondément sa disparition ; sa perte
sera pareillement ressentie par les géologues, les
géographes, les historiens, les sociologues, les
coloniaux du monde civilisé tout entier. Même
l' « ancienne Allemagne » aujourd'hui disparue :
l'explorateur Sehweinfurth l'admirait.
Entré dans un bon rang à l'École normale
supérieure, E.-F. Gautier échoua pourtant, en
troisième année, aux examens pour l'agréga-
tion d'histoire et de géographie. Le fait est à
noter comme un de ces paradoxes où son bril-
lant esprit parfois se complaisait, puisque c'est
dans la géographie, la géologie et l'histoire
qu'il devait laisser une marque ineffaçable.
Après quelques années de séjour à l'étranger,
où il se perfectionna dans la connaissance de
l'allemand et de l'anglais, E.-F. Gautier fut
reçu à l'agrégation pour la langue allemande et
fut désigné pour l'enseignement de celle-ci au
collège Chaptal. Une situation si sédentaire
ne convenait ni à ses goûts d'activité, ni à sa
curiosité scientifique. Il sollicita et obtint une
mission gratuite pour Madagascar, île alors
indépendante, et qui n'était connue que par les
admirables travaux du grand explorateur et
savant Grandidier. Gautier débarqua à Diégo-
Suarez. Vingt-six mois plus tard, il arrivait à
Fort-Dauphin, ayant traversé l'île de part en
part — et en biais, comme il disait. Ce n'est pas
tout. Celui qui s'était fait refuser à l'agrégation
d'histoire et de géographie revenait en France
géologue et géographe accompli. L'agrégé de
langues vivantes avait ajouté le malgache à
l'allemand et à l'anglais. Enfin le trésor de ses
observations, de ses acquisitions scientifiques,
ethniques et politiques était tel qu'il recevait
la grande médaille d'or de la Société de géogra-
phie, et le ruban de la Légion d'honneur.
Cependant, les règlements de l'Université sont
stricts. Il dut retourner au collège Chaptal
comme professeur d'allemand. Mais l'idée de
Madagascar continuait à le hanter. Quand, après
la prise de Tananarive par le corps expédition-
naire commandé par le général Duchêne, un
résident général civil, M. Hippolyte Laroche,
fut désigné pour administrer notre nouvelle
possession, Gautier fut heureux d'y repartir
comme directeur de l'Enseignement. Toutefois,
l'Enseignement indigène n'existant guère encore
que sur le papier, sa parfaite possession du mal-
gache fit qu'il se vit attribuer les fonctions de
directeur des Affaires indigènes « par intérim » :
fonction que le général Gallieni, quand il eut
remplacé M. Laroche, lui confirma en lui
adjoignant un officier de grande valeur, mais
qui ne parlait pas encore le langage malayo-
polynésien, des habitants de l'Imerina.
Un moment vint pourtant où Madagascar
lui parut n'avoir plus rien à lui apprendre. Il
revint en France : mais, « devant » encore quel-
ques années de service à l'Université et ne
pouvant se résigner à rester dans une ambiance
métropolitaine qui lui paraissait trop étroite, il
obtint l'attribution d'une chaire — et d'histoire
cette fois ! — à l'École supérieure des Lettres
d'Alger, bientôt, transformée en Faculté.
C'est ainsi qu'après avoir vu ce qu'était une
colonie à ses débuts Gautier put constater à
quoi était parvenu, après trois quarts de siècle,
un domaine français dont le plein essor s'accen-
tuait. Ce spectacle l'emplit, en vérité, d'enthou-
siaste admiration. Il découvrit le colon algérien ;
il découvrit, en dessous, l'indéracinable fond
berbère, puis l'apport arabe, maintenant inti-
mement unis par l'Islam, et puis le Sahara,
enfin après le Sahara et toute l'Afrique, après
l'Afrique blanche, pour user de ses propres
termes, l'Afrique noire. Et, ap ès avoir rendu,
comme officier-interprète d'arabe et d'anglais,
aux Dardanelles, en Égypte, en Syrie, en Pales-
tine, des services singuliers, il retourna à son cher
Alger, à son cher Sahara, à sa chère Afrique tout
entière. Il ne cessait de la parcourir, d'observer,
de penser, d'écrire sur ce sujet unique et pour-
tant si divers. L'œuvre que, de la sorte, il laisse
après lui est nombreuse et de premier ordre.
L'ironie des premières pages d'A la conquête
du Sahara put dissimuler à quelques-uns la
profonde et originale exactitude de cet essai.
Déjà, comme en bien des choses, Gautier était
un précurseur. Et, comme, en même temps qu'un
prophète de l'africanisme, il était un homme
d'action, il eut l'idée qu'il manquait au Sahara
un « inventaire » et conçut le moyen de réaliser
celui-ci : parcourir d'abord ce grand désert, en
déterminer les principaux caractères, ce qu'il
fit, en plusieurs randonnées, en collaboration
avec le regretté Chudeau, puis dresser les têtes
de chapitre de cet inventaire, aller visiter per-
sonnellement les brillants officiers, chefs de nos
postes sahariens, et leur dire : « Choisissez dans
ces chapitres, pour votre région, ce qui vous
E.-F. GAUTIER.
intéresse et répondez : votre travail sera publié
sous votre nom ». Ce qui fut fait.
Pour lui, il en résulta l'œuvre scientifique
intitulée Le Sahara, partant de la géologie pour
se compléter par des aperçus ethniques et poli-
tiques. Dans ses grandes lignes, elle demeure
essentielle ; on ne pourra qu'y ajouter. Vinrent
ensuite ces ouvrages si personnels et révélateurs :
Le Passé de l'Afrique du Nord; Les Siècles obscurs,
1937, qu'avaient précédé Trois Héros, l'un de
ceux-ci étant le ministre malgache Rainandria-
manhandry, les deux autres, le général Laper-
rine et le Père de Foucauld, qu'il avait si bien
connus, et dont nul n'a parlé comme lui ;
Mœurs et coutumes des Musulmans et Un Siècle
de colonisation, un dyptique, en quelque sorte :
d'une part, la vision aiguë de cette civilisation
arabo-berbère-islamique, mais qui doit tant à
l'époque hellénistique et à toutes les anciennes
conceptions de la civilisation méditerranéenne ;
d'autre part, notre civilisation occidentale,
apparue avec notre conquête en 1830 ; Genséric,
roi des Vandales, où l'on voit apparaître, avec
la figure du grand saint Augustin, toute l'his-
toire imprévue de l'invasion de l'Afrique du
Nord, avec Hippone et la Tunisie pour centre,
par quelques milliers de barbares, Alains et
Vandales : des cavaliers qui venaient des rives
de la mer Noire, avaient traversé toute l'Europe
et, parvenus en Espagne, à l'aide des marins
andalous, s'étaient dotés d'une flotte, avaient
franchi le détroit de Gibraltar, traversé toute
l'Afrique du Nord et créé en Tunisie un royaume
qui, d'ailleurs, ne dura pas beaucoup plus d'un
siècle et ne laissa pas de traces. Cette flotte,
d'origine andalouse, n'osa jamais affronter celle
de Byzance; et, après la mort de Genséric, bien-
tôt, ce fut l'Empire constantinien qui, jusqu'à
l'invasion des Musulmans arabes, recommença
de dominer sur l'Afrique du Nord.
Tout cela inconnu, ou peu connu, était marqué <
par Gautier en termes originaux, dans la langue
la plus personnelle, appuyée sur une méthode '<
historiques impeccable. \
Mais toujours son idée maîtresse resta que
notre Afrique française, la blanche, celle du Nord,
et la noire, celle de l'Atlantique — c'est le titre :
Afrique noire occidentale, Afrique blanche —
était une, et qu'elles devaient se rejoindre,
comme dans l'antiquité, comme aux siècles
« obscurs J., à travers le Sahara. C'est pourquoi
il fut un des plus ardents défenseurs de la
construction, toujours reculée, du Transsaha-
rien.
C'est un esprit vigoureux et juste, un grand
explorateur, dont l'activité physique égalait, ce
qui est bien rare, l'exceptionnelle puissance
cérébrale. Peut-être a-t-il outrepassé ce qu'il
pouvait exiger de cette vigueur physique. Sans
quoi, le grand érudit, ce voyageur infatigable et
sobre, cet historien, ce géographe et géologue de
premier rang serait encore parmi nous. Il a
payé quarante ans d'errance dans la brousse
malgache et le désert saharien.
Pierre MILLE.
SUR LE CHEMIN DE FER DU YUN-NAN
(Suite et fin.)
a eu les mains plus libres en Extrême-Orient. Il a
donné des avertissements d'un ton plus ferme au
Gouvernement japonais. L'on n'a pas oublié le dis-
cours que prononçait cet automne, à Tôkyô, l'am-
bassadeur Grew. « n n'y a aucune raison, disait
l'ambassadeur des États-Unis, pour que des restric-
tions soient appliquées au principe de la « porte
ouverte » en Chine, alors que le Japon réclame
justement la liberté de commercer dans d'autres
parties du monde. »
De même, à la veille du bombardement qui nous
occupe, le Gouvernement américain protestait contre
les bombardements précédents, survenus en dé-
cembre 1939 et janvier 1940, sur la ligne du Yun-
nan.
Les États-Unis ont deux motifs principaux de s'in-
téresser à la liberté du trafic sur ce chemin de fer.
C'est la seule voie — on l'a dit — que peuvert em-
prunter et les ressortissants américains vers la
Chine nationale (par exemple, les nombreux mis-
sionnaires) et les marchandises. Et cet autre motif
de mécontentement : les exportations chinoises
d'huile de bois sont menacées. Or elles gagent
l'emprunt de 25 millions de dollars consenti par
les États-Unis en 1938, au moyen duquel les
Chinois achètent les camions américains, le pétrole
américain, et vendent ladite huile de bois en
éc '-tange.
Si l'on rappelle enfin que les États-Unis n'ont pas
renouvelé leur traité de commerce avec le Japon, on
a des raisons suffisantes de penser que la France
recevra les apaisements que commandent ses inté-
rêts bien défendus, son bon droit et la règle inter-
nationale.
Roger LÉVY.
LIAISONS AÉRIENNES
INTERIMPÉRIALES
Le Comité Algérie et Colonies :
Constatant que l'aviation a pris dans les
relations et les échanges coloniaux une impor-
tance de premier ordre et qu'elle s'est révélée
particulièrement apte à réaliser l'union des
Métropoles avec leurs possessions lointaines ;
Constatant que la Belgique, la France, la
Grande-Bretagne, l'Italie et le Portugal ont
surtout tenu compte, jusqu'à présent, dans l'éta-
blissement de leur réseau de voies aériennes, de la
satisfaction d'intérêts nationaux et locaux;
Considérant que la réalisation des grands axes
transafricains intercoloniaux, sur lesquels vien-
draient se greffer de multiples lignes d'apport,
fournirait une solution logique et économique
au problème des liaisons aériennes transafri-
caines et qu'il résulterait de l'établissement d'un /
tel système ordonné et cohérent une unité
d'action et de vue désirable entre les nations
colonisatrices d'Afrique amies et alliées ;
Au cours de sa dernière assemblée générale
du 7 décembre 1939, émet le vœu que :
Il soit constitué dans le moindre délai, sous
l'impulsion des Gouvernements intéressés, un
comité de coordination des liaisons aériennes à
l'intérieur de l'Afrique.
Ce Comité pourrait réunir, en un vaste plan
d'ensemble supprimant les doubles emplois et
comblant les lacunes existantes, les programmes
distincts de ses membres en vue d'intensifier
largement la fréquence des services aériens régu-
liers et de permettre au.x moindres frais la solu-
tion intégrale des besoins qui sont pour le mo-
ment encore bien loin d'être satisfaits.
. LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 201 ........... MARS 1940
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