Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-03-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mars 1940 01 mars 1940
Description : 1940/03/01 (A18,N201)-1940/03/31. 1940/03/01 (A18,N201)-1940/03/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592256
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
64
AU CAMEROUN NORD
AVEC LA MISSION DU PROFESSEUR A. URBAtNj
PAGAYEURS ET TAM-TAM
EN PLEIN MOYEN AGE
CHIRURGIE D'ABORD
De gauche à droite : André
Mercier , Armand Henri
Flassch et le Dr Maurice
Mathis à leur départ de
Yaoundé pour leur voyage vers
le Cameroun nord.
Cour intérieure du « tata » (palais) du Lamido de Tibati. Derrière le mur de gauche se trouve
le gynécée.
Chanteurs et musiciens de la tribu des Kirdi-Kapsiki, montagnards de la région de Téguélen.
fl
En janvier 1939, sur la demande du médecin-général M. Blanchard, Inspecteur
général du Service de Santé des Colonies, le DT Maurice Mathis, de l'Institut Pasteur, <
était adjoint, par le ministre des Colonies, à la mission du professeur A. Urbain au
Cameroun, en vue d'y étudier la fièvre jaune de la jungle.
Dans un numéro précédent ( 1 ), nous avons publié une remarquable étude du professeur
A. Urbain sur la vie et l'habitat des gorilles. Nous publions aujourd'hui quelques notes
du Dr Maurice Mathis.
LE récent voyage que j'ai effectué au Cameroun, avec la mission du professeur
A. Urbain, m'a permis de visiter cet immense territoire du sud au nord et
de l'est à l'ouest. En quelques semaines, j'ai parcouru plus de 5 000 kilo-
mètres en camion et pu me rendre compte de la variété de cette magnifique
colonie. Il se dégage de l'ensemble de mes observations quelques notions géné.
rales : l'ampleur de l'œuvre colonisatrice accomplie, et le grand attachement des
populations indigènes à la France.
Le Cameroun comprend deux régions géographiques bien distinctes : le Nord,
avec ses zones de savane et de désert, et le Sud, caractérisé par l'immense forêt
primaire dans toute sa splendeur végétale.
Voici quelques notes de ce voyage dans le Cameroun nord que j'ai effectué
avec MM. A.-H. Flassch, rédacteur au « Journal », et A. Mercier, industriel
parisien, fanatique de la grande chasse. Le professeur A. Urbain prospectait à
ce moment la région d'Ambam, particulièrement riche en gorilles. Je devais le
retrouver à Yaoundé, pour parcourir avec lui les territoires de l'Est et du Sud
jusqu'à la limite du Congo belge.
LE BAC DE LA SANAGA
« Les Noirs ont poussé au maximum
le " hi-han " de nos bûcherons,
le " hô-hô" de nos forts des Halles.»
A 7 heures du matin, le 4 février, nous passons le bac de la Sanaga. L'air est
tiède. Sur les bancs de sable, au loin, dorment les crocodiles, telles des souches de
bois inertes abandonnées par le flot. Le soleil arrive à peine à percer le brouillard
qui s'élève de cette énorme masse d'eau. Après la descente du camion sur le plan
incliné qui joint la route au bac, et l'amarrage obligatoire, sous peine de grave
accident, les pagayeurs attaquent le fleuve de leurs petites rames pointues. Deux
d'entre eux, jouant le rôle de « chanteurs-entraîneurs », donnent la cadence en
frappant, avec de petites barres de fer, sur des caisses de résonance constituée
par des cylindres de bois creusés. Les pagayeurs rament et frappent le rebord
des embarcations au rythme du chant. Ce mouvement de frapper, perpendicu-
laire au mouvement de ramer, rompt la cadence musculaire normale et devrait
être un élément de fatigue. En fait, il n'en est rien. Il y a un véritable rapport entre
les sons et les contractions musculaires. Tout se passe comme si les muscles étaient
commandés en dehors du cerveau, par simple réflexe. Ce bac de la Sanaga me
fait comprendre le sens des danses qui durent toute la nuit, sans aucune fatigue
apparente, au son d'un tam-tam. Les Noirs ont poussé au maximum le « hi-han »
de nos bûcherons, le « hô-hô » de nos forts des Halles, en vue d'une plus grande
économie de leur énergie nerveuse. Le Blanc qui veut comprendre la nature vit
en individu isolé ; au contraire, le Noir se groupe avec d'autres hommes autour
d'un tam-tam. Cette manière de faire est un des caractères des peuples africains.
Je ne prétends pas réduire le « tam-tam » a une si petite chose, mais à l'expliquer
en partie. Il est bien évident que cette musique martelée, qui vous prend tout
entier au long d'une longue nuit, semble saisir quelque chose des grands mys-
tères accablants de la nature. Expression de l'humain universel, cette association
du rythme sonore et des contractions musculaires nous permet de découvrir en
nous des richesses que nous n'avions qu'à l'état embryonnaire.
t
LE LAMIDO DE TIBATI
« Et, là, brusquement, je crois être
plongé au temps des Croisades.»,
Après avoir traversé des zones de forêts coupées de savanes, nous arrivons peu
à peu dans la savane proprement dite. Un souffle chaud et sec nous annonce un
changement de climat, donc de race. Nous sommes dans la partie la plus au sud,
soumise à l'influence musulmane. Un sultan noir, le Lamido, règne sur le PaYs,
sous la surveillance de l'Administration française. En notre honneur et après avoir
consenti à faire enregistrer quelques chants de sa musique, le sultan de Tibati
commande une fantasia. Et, là, brusquement, je crois être plongé au temps des
Croisades. L'illusion est d'autant plus réelle que je reconnais des armures en cottes
de mailles. D'où viennent-elles ? Les chefs locaux soumis au Lamido, entourés de
leurs vassaux, constituent autant de troupes autonomes d'importance variable.
Les rencontres de ces troupes à cheval qui s'écartent quand elles sont lancées les
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
Ne 20 1 ......... MARS 1940
AU CAMEROUN NORD
AVEC LA MISSION DU PROFESSEUR A. URBAtNj
PAGAYEURS ET TAM-TAM
EN PLEIN MOYEN AGE
CHIRURGIE D'ABORD
De gauche à droite : André
Mercier , Armand Henri
Flassch et le Dr Maurice
Mathis à leur départ de
Yaoundé pour leur voyage vers
le Cameroun nord.
Cour intérieure du « tata » (palais) du Lamido de Tibati. Derrière le mur de gauche se trouve
le gynécée.
Chanteurs et musiciens de la tribu des Kirdi-Kapsiki, montagnards de la région de Téguélen.
fl
En janvier 1939, sur la demande du médecin-général M. Blanchard, Inspecteur
général du Service de Santé des Colonies, le DT Maurice Mathis, de l'Institut Pasteur, <
était adjoint, par le ministre des Colonies, à la mission du professeur A. Urbain au
Cameroun, en vue d'y étudier la fièvre jaune de la jungle.
Dans un numéro précédent ( 1 ), nous avons publié une remarquable étude du professeur
A. Urbain sur la vie et l'habitat des gorilles. Nous publions aujourd'hui quelques notes
du Dr Maurice Mathis.
LE récent voyage que j'ai effectué au Cameroun, avec la mission du professeur
A. Urbain, m'a permis de visiter cet immense territoire du sud au nord et
de l'est à l'ouest. En quelques semaines, j'ai parcouru plus de 5 000 kilo-
mètres en camion et pu me rendre compte de la variété de cette magnifique
colonie. Il se dégage de l'ensemble de mes observations quelques notions géné.
rales : l'ampleur de l'œuvre colonisatrice accomplie, et le grand attachement des
populations indigènes à la France.
Le Cameroun comprend deux régions géographiques bien distinctes : le Nord,
avec ses zones de savane et de désert, et le Sud, caractérisé par l'immense forêt
primaire dans toute sa splendeur végétale.
Voici quelques notes de ce voyage dans le Cameroun nord que j'ai effectué
avec MM. A.-H. Flassch, rédacteur au « Journal », et A. Mercier, industriel
parisien, fanatique de la grande chasse. Le professeur A. Urbain prospectait à
ce moment la région d'Ambam, particulièrement riche en gorilles. Je devais le
retrouver à Yaoundé, pour parcourir avec lui les territoires de l'Est et du Sud
jusqu'à la limite du Congo belge.
LE BAC DE LA SANAGA
« Les Noirs ont poussé au maximum
le " hi-han " de nos bûcherons,
le " hô-hô" de nos forts des Halles.»
A 7 heures du matin, le 4 février, nous passons le bac de la Sanaga. L'air est
tiède. Sur les bancs de sable, au loin, dorment les crocodiles, telles des souches de
bois inertes abandonnées par le flot. Le soleil arrive à peine à percer le brouillard
qui s'élève de cette énorme masse d'eau. Après la descente du camion sur le plan
incliné qui joint la route au bac, et l'amarrage obligatoire, sous peine de grave
accident, les pagayeurs attaquent le fleuve de leurs petites rames pointues. Deux
d'entre eux, jouant le rôle de « chanteurs-entraîneurs », donnent la cadence en
frappant, avec de petites barres de fer, sur des caisses de résonance constituée
par des cylindres de bois creusés. Les pagayeurs rament et frappent le rebord
des embarcations au rythme du chant. Ce mouvement de frapper, perpendicu-
laire au mouvement de ramer, rompt la cadence musculaire normale et devrait
être un élément de fatigue. En fait, il n'en est rien. Il y a un véritable rapport entre
les sons et les contractions musculaires. Tout se passe comme si les muscles étaient
commandés en dehors du cerveau, par simple réflexe. Ce bac de la Sanaga me
fait comprendre le sens des danses qui durent toute la nuit, sans aucune fatigue
apparente, au son d'un tam-tam. Les Noirs ont poussé au maximum le « hi-han »
de nos bûcherons, le « hô-hô » de nos forts des Halles, en vue d'une plus grande
économie de leur énergie nerveuse. Le Blanc qui veut comprendre la nature vit
en individu isolé ; au contraire, le Noir se groupe avec d'autres hommes autour
d'un tam-tam. Cette manière de faire est un des caractères des peuples africains.
Je ne prétends pas réduire le « tam-tam » a une si petite chose, mais à l'expliquer
en partie. Il est bien évident que cette musique martelée, qui vous prend tout
entier au long d'une longue nuit, semble saisir quelque chose des grands mys-
tères accablants de la nature. Expression de l'humain universel, cette association
du rythme sonore et des contractions musculaires nous permet de découvrir en
nous des richesses que nous n'avions qu'à l'état embryonnaire.
t
LE LAMIDO DE TIBATI
« Et, là, brusquement, je crois être
plongé au temps des Croisades.»,
Après avoir traversé des zones de forêts coupées de savanes, nous arrivons peu
à peu dans la savane proprement dite. Un souffle chaud et sec nous annonce un
changement de climat, donc de race. Nous sommes dans la partie la plus au sud,
soumise à l'influence musulmane. Un sultan noir, le Lamido, règne sur le PaYs,
sous la surveillance de l'Administration française. En notre honneur et après avoir
consenti à faire enregistrer quelques chants de sa musique, le sultan de Tibati
commande une fantasia. Et, là, brusquement, je crois être plongé au temps des
Croisades. L'illusion est d'autant plus réelle que je reconnais des armures en cottes
de mailles. D'où viennent-elles ? Les chefs locaux soumis au Lamido, entourés de
leurs vassaux, constituent autant de troupes autonomes d'importance variable.
Les rencontres de ces troupes à cheval qui s'écartent quand elles sont lancées les
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
Ne 20 1 ......... MARS 1940
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