Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 avril 1940 01 avril 1940
Description : 1940/04/01 (A18,N202)-1940/04/30. 1940/04/01 (A18,N202)-1940/04/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9759224s
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
72
Louis Malleret, et rappelons, à titre d'échan-
tillon, les Récits marocains de Maurice Le Glay,
qui, en un temps où notre installation au
Maroc était toute récente encore, ont donné du
tempérament berbère l'image la plus juste, la
plus complète, la plus vigoureuse.
Il va de soi que cette tradition, orale ou écrite,
est loin de contenir tout ce qu'il faudrait savoir
des populations coloniales. Un portrait psycho-
logique, c'est par essence une ébauche qui reste
enveloppée de brume et qui exige de perpétuelles
retouches. Le meilleur bénéfice qu'on en doive
attendre, c'est qu'il maintienne le problème
posé sous nos yeux et nous murmure à tous les
tournants de la route : « Attention ! Ce n'est pas
de l'homme tout court qu'il s'agit, mais
d'hommes, qui sont nos frères sans doute et ne
sont pas nécessairement nos semblables. »
...Et nos coloniaux actuels ne sont
pas différents de leurs prédécesseurs...
Il apparaît, en fin de compte, que nos grandes
réussites coloniales ont été, par-dessus tout,
l'aboutissement d'un « travail politique », c'est-
à-dire d'un patient effort de pénétration psy-
chologique, et que tous nos grands coloniaux,
tous sans exception, ont été non des conquérants
brutaux, mais des manieurs de foules, soucieux
de comprendre avant d'agir, et bien décidés à
ne se servir de la force que si la force était ad-
mise par leurs adversaires comme une nécessité
proprement morale. Passez en revue tous les
noms de tous les temps, qui font notre orgueil,
Montcalm au Canada, Dupleix dans l'Inde,
Faidherbe au Sénégal, Brazza au Congo, Pigneau
de Béhaine en Annam, Pavie au Laos, Gallieni
à Madagascar, Duveyrier, Foureau, Laperrine
et le Père de Foucauld au Sahara, Lyautey au
Maroc, et tant d'autres, par centaines, qui sont
passés en légende ou mériteraient d'y passer :
quand on les suit dans le détail de leurs dé-
marches, ce n'est pas le sabre au poing que se
lèvent dans notre mémoire même ceux d'entre
eux qui portaient galons sur les manches, c'est
occupés à de minutieuses palabres, assis au
milieu d'indigènes attentifs et séduits, tout
entiers tendus à deviner ce qu'il faut dire pour
être écoutés. Or, l'art de la palabre ne s'improvise
pas : il suppose, chez les mieux doués, une longue
pratique, l'héritage de menus et délicats secrets,
toute une science des âmes qui varie avec les
groupements et qu'il serait vain de vouloir
réduire en formules.
Pourquoi cette préoccupation du pro-
blème psychologique ne nous vaut-elle
pas une connaissance plus profonde de
nos voisins séculaires ?
Comment expliquer qu'ayant fait merveille
en Afrique ou en Asie ce genre de connaissance
se soit si peu développé sur notre tumultueux
continent ou, du moins, qu'il y soit demeuré
à l'état de pure spéculation, qu'il ne soit point
parvenu à guider la politique ? Nos relations
avec les Germains, pour ne parler que de ces
mauvais voisins, sont pourtant autrement an-
ciennes que nos relations avec les Touareg ou les
Laotiens. On ne prétendra pas non plus que
l'âme allemande est plus difficile à percer que
celle du nomade saharien ou du Moï : elle est
dessinée à gros traits appuyés, elle a subi les
plus fortes influences — christianisme, culture
classique, philosophie et science modernes, —
sans se transformer sensiblement. Alors ?
Voici la clé du mystère !
Eh bien ! la clé du mystère, c'est, semble-
t-il, cette vieille conception que les Blancs
d'Europe sont tous du même type, appartiennent
à la même civilisation, obéissent aux mêmes
règles de vie et de moralité. Devant un Noir ou
un Jaune, on se croit tenu à quelque précaution,
on admet dès l'abord qu'il a ses façons de penser
bien à lui et l'on cherche spontanément à s'adap-
ter à son caractère. Devant un Blanc, orné d'une
cravate et coiffé d'un chapeau, on ne se méfie
pas. Même quand on voyage en Europe, on ne
s'arrête guère qu'au pittoresque, on s'attendrit
sur des spectacles extérieurs, ou l'on généralise
avec précipitation : bien rares sont ceux qui, une
fois la frontière franchie, laissent entrer en eux
l'âme du pays pour l'examiner à loisir, sans
parti pris. Et c'est ainsi qu'on se trouve, un beau
jour, saisi de vertige, au bord d'un abîme d'in-
compréhension mutuelle.
Souhaitons qu'elle serve désormais, la leçon
des coloniaux.
Georges HARDY.
LES FRONTS DE GUERRE
15 FÉVRIER -r 20 MARS 1940
SITUATION GÉNÉRALE
DEPUIS le 15 fé\Tier, la situation militaire
n'a pas subi de modification sensible.
On a cependant noté une recrudes-
cence de^ l'activité des patrouilles allemandes
qui paraît correspondre au besoin d'entraîner
les troupes et de chercher des renseignements
sur les positions exactes et les intentions des
Alliés.
Sur mer, le principal événement fut l'abor-
dage, dans les eaux norvégiennes, du navire
allemand Altmark, armé en croiseur auxiliaire
et transportant deux cent quatre-vingt-dix-
neuf marins anglais prisonniers. L'affaire, passée
du plan épisodique sur le plan politique peut
avoir des conséquences qu'il est encore difficile
d'apprécier. L'arrivée, à New-York, du paquebot
géant Queen Elizabeth est venue démontrer
d'une manière particulièrement saisissante que
les Alliés sont bien maîtres de l'Atlantique.
Dans les airs, toutes les fois que les circons-
tances atmosphériques l'ont permis, les missions
de reconnaissance et de chasse ont été actives
dans les deux camps, mais les Allemands
semblent depuis quelque temps ménager leurs
appareils, ou leur essence, ou leurs pilotes.
11 faut signaler le survol de plus en plus
fréquent des territoires belges et hollandais par
des avions à croix gammée, malgré les protes-
tations des deux gouvernements auprès des
autorités du Reich. L'attaque récente par un
bombardier nazi des appareils qui défendaient
pacifiquement l'intégrité de l'air belge et la
destruction de l'un d'eux ont soulevé une émotion
considérable que n'ont pas calmée les explica-
tions embarrassées et les promesses de répara-
tions des autorités allemandes.
Sur le terrain politique, le Reich, tout en
faisant répandre par sa propagande les affirma-
tions les plus diverses sur ses intentions offen-
sives, semble surtout préoccupé de tirer le
maximum d'avantages économiques de ses
accords avec la Russie. Mais il n'en continue
pas moins la guerre des nerfs et intensifie ses
services d'espionnage.
L'arraisonnement, par la marine anglaise, des
charbonniers transportant du combustible en
provenance d'Allemagne a provoqué de vives
réactions en Italie. La récente destruction d'un
vapeur italien par un avion allemand aidera
peut-être les bonnes volontés qui cherchent à
résoudre la question par un accord économique.
A UN TOURNANT
La conférence de Copenhague, les diverses
étapes en Europe de M. Sumner Welles, obser-
vateur envoyé par le président Roosevelt et
dont la mission paraît être seulement d'informa-
tion, les visites de Ribbentrop à Rome, où il a
vu le duce, le roi et le pape, la capitulation
de la Finlande, les manœuvres diplomatiques
des agresseurs pour terminer, au bénéfice d'une
paix de compromis, la guerre qu'ils ont déchaînée
et qu'ils ne peuvent espérer gagner par les
armes imposent aux Alliés un vigoureux redres-
sement. Seule, leur victoire totale pourra rendre
à l'Europe et au monde une paix durable.
En bref, concluait récemment Le Temps,
« il faut faire la guerre et non la subir ; devancer
l'ennemi, et non le suivre ; forcer la victoire et
non l'attendre. Cela comporte des risques ?
Certes, et des risques sérieux. Mais le risque
suprême serait de s'exposer à tout perdre pour
ne rien savoir risquer. »
FRONT OCCIDENTAL
Une assez grande activité de reconnaissances
et de patrouilles entre Moselle et Rhin n'a
cessé de régner. L'ennemi s'est montré parti-
culièrement mordant à l'est de la Moselle.
Le 25 février, un coup de main a été tenté par
les Allemands sur un front de près de 2 kilo-
mètres avec préparation d'artillerie, par un
effectif relativement important. Il a échoué
sous nos feux d'artillerie, de mortiers et d'armes
automatiques.
En somme, la situation reste la même, ame-
nant les mêmes incidents de contact entre les
troupes ennemies et ne permettant pas de choisir
entre les hypothèses qui peuvent être faites
logiquement.
Aviation. —Les conditions atmosphériques,
devenues meilleures, ont amené une reprise
générale de l'activité aérienne, aussi bien sur le
front qu'en arrière des lignes. L'ennemi a
effectué des reconnaissances profondes dans le
Nord, l'Est, le Centre et la région parisienne.
De son côté, l'aviation franco-britannique a
survolé le centre de l'Allemagne, poussant
jusqu'à Prague, Berlin et même la Pologne
occidentale. Les aviateurs anglais qui ont
effectué de nombreux vols au-dessus du Reich
se sont étonnés des réactions relativement
faibles de l'aviation ennemie ; mais il est hors
de doute que nos adversaires poursuivent d'une
manière intense l'entraînement de leurs équi-
pages aériens.
Sur mer. — L'aviation allemande a pour-
suivi ses attaques contre les bâtiments naviguant
dans les eaux britanniques. Elles ont été particu-
lièrement nombreuses le 3 février où on a compté
vingt-six attaques dont sept sur des neutres,
six sur des bâtiments de commerce anglais, onze
sur des bâtiments de guerre ou armés par la ma-
rine britannique, deux sur des convois protégés'
Les navires ont été attaqués à la bombe incen-
diaire et à la mitrailleuse.
L'événement important à signaler depuis
notre compte rendu dernier est l'abordage, dans
les eaux territoriales norvégiennes, du navire
allemand Altmark. L'opération a été effectuée
par le destroyer britannique Cossak, dans le
fjord de Jossing, un peu au nord de Stavenger,
après que le bâtiment eut été repéré par l'avia-
tion anglaise. L'Altmark était accompagné par
deux torpilleurs norvégiens.
La guerre sous-marine s'est poursuivie par
le torpillage d'un certain nombre de navires
anglais et neutres et d'un français. Par contre,
le torpilleur français Simoun a grenadé avec
succès, le 23 février, un submersible ennemi.
D'autre part, l'aviation britannique aurait
détruit deux sous-marins.
On doit encore signaler que, sur trois cargos
allemands qui s'étaient échappés de Vigo, l'un
a été capturé par les Français, un deuxième par
les Anglais et le troisième s'est sabordé.
IL N'Y A PLUS DE FRONT
RUSSO-FINLANDAIS
Le 12 mars a été signé au Kremlin le traité
qui met fin à la guerre russo-finlandaise. Un
nouveau crime contre la civilisation, contre le
droit de vivre des petits peuples, a été consommé.
Sixcent mille Finlandais, chassantleurs troupeaux
devant eux, sont obligés de quitter leur terre
et leurs foyers. La conscience universelle se
révolte. La Finlande, que les Russes n'ont pu
vaincre militairement, a, par son courage, mérité
l'admiration du monde civilisé.
Les Alliés, de qui la Finlande avait reçu un
appui substantiel, étaient prêts à venir au
secours de la Finlande. Leur volonté d'action
a été mise en échec par l'opposition des États
scandinaves à toute action à travers leurs
territoires, en faveur de leur voisin attaqué.
Le maréchal Mannerheim a fixé ainsi la
vérité historique dans son dernier ordre du
jour.
« L'aide précieuse promise par les puissances
occidentales n'a pu être réalisée, nos voisins
occidentaux, soucieux de leur propre sort,
n'ayant pas permis aux troupes des puissances
alliées de traverser leurs territoires. Après seize
semaines de combat sanglant, notre armée
est encore invaincue et le front intérieur, sous
des bombardements aériens innombrables qui
ont semé la mort et la terreur parmi les enfants
et les femmes, n'a pas vacillé. »
LES NON-BELLIGÉRANTS
ET LES NEUTRES
A la suite de la capitulation de la Finlande et à
la faveur du voyage d'information de M. Sumner
Welles en Europe, on assiste à un effort
redoublé de l'Allemagne, d'accord avec la Russie,
pour une paix de compromis et pour une pres-
sion sur les non-belligérants et sur les neutres.
Le Duce et le Führer ont eu au Brenner, en ter-
ritoire italien, une entrevue diversement com-
mentée et dont il faut attendre les suites avant
de se prononcer.
La presse nazie annonce : « Le triangle Berlin-
Rome-Moscou va couvrir l'espace des Balkans,
zone d'influence réservée aux nations jeunes ».
De nombreuses missions allemandes se rendent
en Roumanie. Le comte Teleki, président du
Conseil de Hongrie, est parti pour l'Italie. L'in-
quiétude va croissant en Yougoslavie. Les
Alliés confirment leur volonté de secourir la
Turquie, au cas où elle serait attaquée. Quant
aux pays baltes et scandinaves, ils sentent se
rapprocher le danger.
« Nous avons le droit, proclame lord Halifax,
de demander aux peuples qui désirent être libres
d examiner leur situation ; il serait folie de croire
que l agression couronnée de succès peut être
localisée ».
*** Albert LORIN.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 202 ........... AVRIL 1940
Louis Malleret, et rappelons, à titre d'échan-
tillon, les Récits marocains de Maurice Le Glay,
qui, en un temps où notre installation au
Maroc était toute récente encore, ont donné du
tempérament berbère l'image la plus juste, la
plus complète, la plus vigoureuse.
Il va de soi que cette tradition, orale ou écrite,
est loin de contenir tout ce qu'il faudrait savoir
des populations coloniales. Un portrait psycho-
logique, c'est par essence une ébauche qui reste
enveloppée de brume et qui exige de perpétuelles
retouches. Le meilleur bénéfice qu'on en doive
attendre, c'est qu'il maintienne le problème
posé sous nos yeux et nous murmure à tous les
tournants de la route : « Attention ! Ce n'est pas
de l'homme tout court qu'il s'agit, mais
d'hommes, qui sont nos frères sans doute et ne
sont pas nécessairement nos semblables. »
...Et nos coloniaux actuels ne sont
pas différents de leurs prédécesseurs...
Il apparaît, en fin de compte, que nos grandes
réussites coloniales ont été, par-dessus tout,
l'aboutissement d'un « travail politique », c'est-
à-dire d'un patient effort de pénétration psy-
chologique, et que tous nos grands coloniaux,
tous sans exception, ont été non des conquérants
brutaux, mais des manieurs de foules, soucieux
de comprendre avant d'agir, et bien décidés à
ne se servir de la force que si la force était ad-
mise par leurs adversaires comme une nécessité
proprement morale. Passez en revue tous les
noms de tous les temps, qui font notre orgueil,
Montcalm au Canada, Dupleix dans l'Inde,
Faidherbe au Sénégal, Brazza au Congo, Pigneau
de Béhaine en Annam, Pavie au Laos, Gallieni
à Madagascar, Duveyrier, Foureau, Laperrine
et le Père de Foucauld au Sahara, Lyautey au
Maroc, et tant d'autres, par centaines, qui sont
passés en légende ou mériteraient d'y passer :
quand on les suit dans le détail de leurs dé-
marches, ce n'est pas le sabre au poing que se
lèvent dans notre mémoire même ceux d'entre
eux qui portaient galons sur les manches, c'est
occupés à de minutieuses palabres, assis au
milieu d'indigènes attentifs et séduits, tout
entiers tendus à deviner ce qu'il faut dire pour
être écoutés. Or, l'art de la palabre ne s'improvise
pas : il suppose, chez les mieux doués, une longue
pratique, l'héritage de menus et délicats secrets,
toute une science des âmes qui varie avec les
groupements et qu'il serait vain de vouloir
réduire en formules.
Pourquoi cette préoccupation du pro-
blème psychologique ne nous vaut-elle
pas une connaissance plus profonde de
nos voisins séculaires ?
Comment expliquer qu'ayant fait merveille
en Afrique ou en Asie ce genre de connaissance
se soit si peu développé sur notre tumultueux
continent ou, du moins, qu'il y soit demeuré
à l'état de pure spéculation, qu'il ne soit point
parvenu à guider la politique ? Nos relations
avec les Germains, pour ne parler que de ces
mauvais voisins, sont pourtant autrement an-
ciennes que nos relations avec les Touareg ou les
Laotiens. On ne prétendra pas non plus que
l'âme allemande est plus difficile à percer que
celle du nomade saharien ou du Moï : elle est
dessinée à gros traits appuyés, elle a subi les
plus fortes influences — christianisme, culture
classique, philosophie et science modernes, —
sans se transformer sensiblement. Alors ?
Voici la clé du mystère !
Eh bien ! la clé du mystère, c'est, semble-
t-il, cette vieille conception que les Blancs
d'Europe sont tous du même type, appartiennent
à la même civilisation, obéissent aux mêmes
règles de vie et de moralité. Devant un Noir ou
un Jaune, on se croit tenu à quelque précaution,
on admet dès l'abord qu'il a ses façons de penser
bien à lui et l'on cherche spontanément à s'adap-
ter à son caractère. Devant un Blanc, orné d'une
cravate et coiffé d'un chapeau, on ne se méfie
pas. Même quand on voyage en Europe, on ne
s'arrête guère qu'au pittoresque, on s'attendrit
sur des spectacles extérieurs, ou l'on généralise
avec précipitation : bien rares sont ceux qui, une
fois la frontière franchie, laissent entrer en eux
l'âme du pays pour l'examiner à loisir, sans
parti pris. Et c'est ainsi qu'on se trouve, un beau
jour, saisi de vertige, au bord d'un abîme d'in-
compréhension mutuelle.
Souhaitons qu'elle serve désormais, la leçon
des coloniaux.
Georges HARDY.
LES FRONTS DE GUERRE
15 FÉVRIER -r 20 MARS 1940
SITUATION GÉNÉRALE
DEPUIS le 15 fé\Tier, la situation militaire
n'a pas subi de modification sensible.
On a cependant noté une recrudes-
cence de^ l'activité des patrouilles allemandes
qui paraît correspondre au besoin d'entraîner
les troupes et de chercher des renseignements
sur les positions exactes et les intentions des
Alliés.
Sur mer, le principal événement fut l'abor-
dage, dans les eaux norvégiennes, du navire
allemand Altmark, armé en croiseur auxiliaire
et transportant deux cent quatre-vingt-dix-
neuf marins anglais prisonniers. L'affaire, passée
du plan épisodique sur le plan politique peut
avoir des conséquences qu'il est encore difficile
d'apprécier. L'arrivée, à New-York, du paquebot
géant Queen Elizabeth est venue démontrer
d'une manière particulièrement saisissante que
les Alliés sont bien maîtres de l'Atlantique.
Dans les airs, toutes les fois que les circons-
tances atmosphériques l'ont permis, les missions
de reconnaissance et de chasse ont été actives
dans les deux camps, mais les Allemands
semblent depuis quelque temps ménager leurs
appareils, ou leur essence, ou leurs pilotes.
11 faut signaler le survol de plus en plus
fréquent des territoires belges et hollandais par
des avions à croix gammée, malgré les protes-
tations des deux gouvernements auprès des
autorités du Reich. L'attaque récente par un
bombardier nazi des appareils qui défendaient
pacifiquement l'intégrité de l'air belge et la
destruction de l'un d'eux ont soulevé une émotion
considérable que n'ont pas calmée les explica-
tions embarrassées et les promesses de répara-
tions des autorités allemandes.
Sur le terrain politique, le Reich, tout en
faisant répandre par sa propagande les affirma-
tions les plus diverses sur ses intentions offen-
sives, semble surtout préoccupé de tirer le
maximum d'avantages économiques de ses
accords avec la Russie. Mais il n'en continue
pas moins la guerre des nerfs et intensifie ses
services d'espionnage.
L'arraisonnement, par la marine anglaise, des
charbonniers transportant du combustible en
provenance d'Allemagne a provoqué de vives
réactions en Italie. La récente destruction d'un
vapeur italien par un avion allemand aidera
peut-être les bonnes volontés qui cherchent à
résoudre la question par un accord économique.
A UN TOURNANT
La conférence de Copenhague, les diverses
étapes en Europe de M. Sumner Welles, obser-
vateur envoyé par le président Roosevelt et
dont la mission paraît être seulement d'informa-
tion, les visites de Ribbentrop à Rome, où il a
vu le duce, le roi et le pape, la capitulation
de la Finlande, les manœuvres diplomatiques
des agresseurs pour terminer, au bénéfice d'une
paix de compromis, la guerre qu'ils ont déchaînée
et qu'ils ne peuvent espérer gagner par les
armes imposent aux Alliés un vigoureux redres-
sement. Seule, leur victoire totale pourra rendre
à l'Europe et au monde une paix durable.
En bref, concluait récemment Le Temps,
« il faut faire la guerre et non la subir ; devancer
l'ennemi, et non le suivre ; forcer la victoire et
non l'attendre. Cela comporte des risques ?
Certes, et des risques sérieux. Mais le risque
suprême serait de s'exposer à tout perdre pour
ne rien savoir risquer. »
FRONT OCCIDENTAL
Une assez grande activité de reconnaissances
et de patrouilles entre Moselle et Rhin n'a
cessé de régner. L'ennemi s'est montré parti-
culièrement mordant à l'est de la Moselle.
Le 25 février, un coup de main a été tenté par
les Allemands sur un front de près de 2 kilo-
mètres avec préparation d'artillerie, par un
effectif relativement important. Il a échoué
sous nos feux d'artillerie, de mortiers et d'armes
automatiques.
En somme, la situation reste la même, ame-
nant les mêmes incidents de contact entre les
troupes ennemies et ne permettant pas de choisir
entre les hypothèses qui peuvent être faites
logiquement.
Aviation. —Les conditions atmosphériques,
devenues meilleures, ont amené une reprise
générale de l'activité aérienne, aussi bien sur le
front qu'en arrière des lignes. L'ennemi a
effectué des reconnaissances profondes dans le
Nord, l'Est, le Centre et la région parisienne.
De son côté, l'aviation franco-britannique a
survolé le centre de l'Allemagne, poussant
jusqu'à Prague, Berlin et même la Pologne
occidentale. Les aviateurs anglais qui ont
effectué de nombreux vols au-dessus du Reich
se sont étonnés des réactions relativement
faibles de l'aviation ennemie ; mais il est hors
de doute que nos adversaires poursuivent d'une
manière intense l'entraînement de leurs équi-
pages aériens.
Sur mer. — L'aviation allemande a pour-
suivi ses attaques contre les bâtiments naviguant
dans les eaux britanniques. Elles ont été particu-
lièrement nombreuses le 3 février où on a compté
vingt-six attaques dont sept sur des neutres,
six sur des bâtiments de commerce anglais, onze
sur des bâtiments de guerre ou armés par la ma-
rine britannique, deux sur des convois protégés'
Les navires ont été attaqués à la bombe incen-
diaire et à la mitrailleuse.
L'événement important à signaler depuis
notre compte rendu dernier est l'abordage, dans
les eaux territoriales norvégiennes, du navire
allemand Altmark. L'opération a été effectuée
par le destroyer britannique Cossak, dans le
fjord de Jossing, un peu au nord de Stavenger,
après que le bâtiment eut été repéré par l'avia-
tion anglaise. L'Altmark était accompagné par
deux torpilleurs norvégiens.
La guerre sous-marine s'est poursuivie par
le torpillage d'un certain nombre de navires
anglais et neutres et d'un français. Par contre,
le torpilleur français Simoun a grenadé avec
succès, le 23 février, un submersible ennemi.
D'autre part, l'aviation britannique aurait
détruit deux sous-marins.
On doit encore signaler que, sur trois cargos
allemands qui s'étaient échappés de Vigo, l'un
a été capturé par les Français, un deuxième par
les Anglais et le troisième s'est sabordé.
IL N'Y A PLUS DE FRONT
RUSSO-FINLANDAIS
Le 12 mars a été signé au Kremlin le traité
qui met fin à la guerre russo-finlandaise. Un
nouveau crime contre la civilisation, contre le
droit de vivre des petits peuples, a été consommé.
Sixcent mille Finlandais, chassantleurs troupeaux
devant eux, sont obligés de quitter leur terre
et leurs foyers. La conscience universelle se
révolte. La Finlande, que les Russes n'ont pu
vaincre militairement, a, par son courage, mérité
l'admiration du monde civilisé.
Les Alliés, de qui la Finlande avait reçu un
appui substantiel, étaient prêts à venir au
secours de la Finlande. Leur volonté d'action
a été mise en échec par l'opposition des États
scandinaves à toute action à travers leurs
territoires, en faveur de leur voisin attaqué.
Le maréchal Mannerheim a fixé ainsi la
vérité historique dans son dernier ordre du
jour.
« L'aide précieuse promise par les puissances
occidentales n'a pu être réalisée, nos voisins
occidentaux, soucieux de leur propre sort,
n'ayant pas permis aux troupes des puissances
alliées de traverser leurs territoires. Après seize
semaines de combat sanglant, notre armée
est encore invaincue et le front intérieur, sous
des bombardements aériens innombrables qui
ont semé la mort et la terreur parmi les enfants
et les femmes, n'a pas vacillé. »
LES NON-BELLIGÉRANTS
ET LES NEUTRES
A la suite de la capitulation de la Finlande et à
la faveur du voyage d'information de M. Sumner
Welles en Europe, on assiste à un effort
redoublé de l'Allemagne, d'accord avec la Russie,
pour une paix de compromis et pour une pres-
sion sur les non-belligérants et sur les neutres.
Le Duce et le Führer ont eu au Brenner, en ter-
ritoire italien, une entrevue diversement com-
mentée et dont il faut attendre les suites avant
de se prononcer.
La presse nazie annonce : « Le triangle Berlin-
Rome-Moscou va couvrir l'espace des Balkans,
zone d'influence réservée aux nations jeunes ».
De nombreuses missions allemandes se rendent
en Roumanie. Le comte Teleki, président du
Conseil de Hongrie, est parti pour l'Italie. L'in-
quiétude va croissant en Yougoslavie. Les
Alliés confirment leur volonté de secourir la
Turquie, au cas où elle serait attaquée. Quant
aux pays baltes et scandinaves, ils sentent se
rapprocher le danger.
« Nous avons le droit, proclame lord Halifax,
de demander aux peuples qui désirent être libres
d examiner leur situation ; il serait folie de croire
que l agression couronnée de succès peut être
localisée ».
*** Albert LORIN.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 202 ........... AVRIL 1940
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