Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1935-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1935 01 janvier 1935
Description : 1935/01/01 (T12,A13,N138)-1935/12/31... 1935/01/01 (T12,A13,N138)-1935/12/31 (T12,A13,N149).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9746657b
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/10/2016
- Aller à la page de la table des matièresIII
- TABLE DES MATIÈRES
- AGRICULTURE
- ARTS
- AVIATION
- .......... Page(s) .......... 23
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 37
- .......... Page(s) .......... 122
- .......... Page(s) .......... 188
- .......... Page(s) .......... 206
- .......... Page(s) .......... 231
- .......... Page(s) .......... 234
- .......... Page(s) .......... 237
- .......... Page(s) .......... 238
- .......... Page(s) .......... 241
- .......... Page(s) .......... 245
- .......... Page(s) .......... 246
- .......... Page(s) .......... 247
- .......... Page(s) .......... 248
- .......... Page(s) .......... 251
- .......... Page(s) .......... 253
- .......... Page(s) .......... 254
- .......... Page(s) .......... 257
- .......... Page(s) .......... 258
- .......... Page(s) .......... 260
- CHASSES
- CHEMINS DE FER
- .......... Page(s) .......... 116
- CINÉMA
- .......... Page(s) .......... 123
- ETHNOGRAPHIE
- FOIRES ET EXPOSITIONS
- .......... Page(s) .......... 8
- .......... Page(s) .......... 27
- .......... Page(s) .......... 37
- .......... Page(s) .......... 79
- .......... Page(s) .......... 49
- .......... Page(s) .......... 63
- .......... Page(s) .......... 67
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 135
- .......... Page(s) .......... 148
- HISTOIRE
- MARINE
- MATIÈRES PREMIÈRES
- MÉDECINE ET HYGIÈNE
- MINES
- .......... Page(s) .......... 150
- NÉCROLOGIE
- .......... Page(s) .......... 41
- .......... Page(s) .......... 60
- .......... Page(s) .......... 63
- .......... Page(s) .......... 77
- .......... Page(s) .......... 61
- .......... Page(s) .......... 118
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- POLITIQUE COLONIALE ÉTRANGÈRE
- POLITIQUE COLONIALE FRANÇAISE
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 58
- .......... Page(s) .......... 61
- .......... Page(s) .......... 70
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 57
- .......... Page(s) .......... 136
- .......... Page(s) .......... 194
- .......... Page(s) .......... 196
- .......... Page(s) .......... 213
- PORTS
- ROUTES
- .......... Page(s) .......... 195
- TOURISME ET SPORTS
- .......... Page(s) .......... 15
- .......... Page(s) .......... 24
- .......... Page(s) .......... 44
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 75
- .......... Page(s) .......... 76
- .......... Page(s) .......... 80
- .......... Page(s) .......... 90
- .......... Page(s) .......... 147
- .......... Page(s) .......... 151
- .......... Page(s) .......... 152
- .......... Page(s) .......... 154
- .......... Page(s) .......... 160
- .......... Page(s) .......... 224
- TRAVAUX PUBLICS
- VARIA
6 LE MONDE COLONIAL ILLuSTRÉ N° — JANVIER 1935.
Fig. 3. — Parure de danse de la Nouvelle-Calédonie.
Masque mixte à tête d'homme et à bec d'oiseau. Les
forces magiques de l'animal s'ajoutent à celles de l'homme.
(D'après le Musée du Trocadéro.)
grotte a été dénommée salle des talons, en raison des
empreintes multiples de talons d'adolescents dont
l'argile du sol est damée suivant cinq pistes régu-
lières. Au centre de la salle, se trouvent figurés
deux bisons sur le point de s'accoupler, dont l'ar-
tiste préhistorique a modelé avec un réalisme impres-
sionnant les attitudes de ruée chez le mâle, et d'at-
tente chez la femelle ; par terre, des boudins phalliques dissé-
minés. Eh bien, cette salle, qui servait très probablement de
lieu d'initiation des jeunes gens, présente une analogie singu-
lière avec des cavernes sacrées du Bandiagara (Soudan Fran-
çais), où les Dogon pratiquant à l'heure actuelle un rite d'ini-
tiation identique caractérisé
par une danse des talons
et la présence d'objets cul-
tuels phalliformes (Mission
Griaule, Daar-Djibouti).
Enfin, dernier approche-
ment : on peut voir dans les
vitrines de l'exposition une
série de figurines chinoises,
en terre cuite polychrome,
provenant, soit de collec-
tions particulières, soit des
musées nationaux, et qui.
en dehors de leur grande
valeur artistique, ont été
réunies là pour montrer les
gestes d'une danse spéciale
à l'Orient, appelée danse
ondulée à manches longues.
Une femme se tient debout,
sur une hanche, le ventre
en avant, un bras pendant
le long de la robe traînante
qui dissimule les pieds,
l'autre tendu verticale-
ment. Au niveau des deux
poignets, la manche longue
fait une cassure à angle droit, de ce geste particulier
aux danseuses asiatiques, et pend au dessous de la
main en recouvrant celle-ci tout entière, donnant
l'impression d'un membre supplémentaire (ou
plus exactement encore d'un individu en train d'en-
filer une chemise dont les manches boutonnées ne
lui permettraient pas de passer les mains). Or, cette
figure chorégraphique, assez peu commune, était
non seulement pratiquée en Chine, comme le mon-
trent trois de ces statuettes Soué et Tang, mais
était également connue des Persans à des époques
bien différentes, si nous en jugeons par la décora-
tion d'un bol du XIIIe siècle et par plusieurs minia-
tures du xvie.
LES MASQUES ATTRIBUTS DE LA DANSE.
Si l'étude morphologique de la danse permet d'en
éclairer la structure interne et de déterminer sa
signification première, la connaissance de ses
attributs donnera parfois la clé du mécanisme par
lequel le rite acquiert son maximum d'efficacité,
vis-à-vis des puissances sollicitées. Car les orne-
ments dont s'affuble l'exécutant deviennent acces-
soires usuels de magie, destinés à décupler le pou-
voir de l'incantation par un effet, soit direct sur
le danseur lui-même, soit indirect sur les assistants.
Ainsi s'explique la panoplie, qui nous paraît étrange
des seins postiches augmentant la fertilité de
l'homme par une combinaison des deux sexes, des
cagoules voilant l'individualité de l'exécutant, des
couleurs vives dont le scintillement provoquera
l'extase propice, des jupes de fibre prolongeant
l'ondulation des corps, des éventails, bracelets ou
diadèmes de plumes amplifiant le geste.
Quant aux masques, leur rôle sera double en per-
mettant d'abord au danseur, relais anonyme entre
la terre et les esprits, de dissimuler sa personnalité
qui disparaît sous la défroque d'officiant. Par leur
truchement enfin, le danseur peut s'identifier par-
faitement à l'ancêtre qu'il incarne, dont la force
magique lui sera transmise. Ancêtre-animal pour
les sociétés totémiques ; et c'est alors toute la
série des masques zoomorphes, à têtes de cochon,
de bouc, de gazelle, de gnou, d'antilope ou de caï-
man ; ce sont encore ces masques mixtes, à tête
d'homme et à bec d'oiseau, comme cette parure
néo-calédonienne représentée ici (fig. 3), où les
forces magiques de l'animal s'ajoutent à celles de
l'homme. Les masques à tête humaine, eux, ne
requièrent leur force que de la ligne ancestrale :
les types reproduits ici (fig. 4) montrent quelques
aspects de cette suite anthropomorphe, allant du
masque humain le plus primitif qui soit — un
crâne surmodelé — aux masques de théâtre. On
peut également voir, au Trocadéro, une admirable
collection de masques boliviens, montrant la tran-
sition des figures de carnaval à celles de théâtre.
Ces divers types de masques appartiennent à un
même groupe, relevant tous d'une même concep-
tion réaliste. Tout autre apparaît l'architecture des
masques imprégnés de fantaisie constructiviste :
œuvres du Congo Belge où se trouve stylisée la
figuration du pygmée, formes de cauchemar sculp-
tées par les Dogon du Soudan ou les Mélanésiens
du Nouveau-Mecklembourg.
De toutes ces représentations, il se dégage une
spiritualité si intense, une telle volonté d'expression
intérieure, qu'à défaut d'en ressentir la profonde
beauté plastique, je ne crois personne capable de
nier leur appel émouvant : c'est vraiment tout
l'esprit des gestes de la danse qui sommeille der-
rière ces yeux vides.
LA MÊME CONCEPTION DE L'ESPACE ENGENDRE
DES STYI.ES IDENTIQUES.
Sur l'itinéraire que M. Sachs, le premier, a tracé
dans ce domaine inconnu, faisons une halte der-
nière devant une vitrine, d'apparence bien insi-
gnifiante, où rien n'attire spécialement l'œil du visi-
Masques anthropomorphes
(D'après le Musée du Trocadéro.)
Fig. 4. — De gauche à droite :
crâne surmodelé (Nouvelle-
Irlande) , indien de l'Amérique du
Nord- Ouest, j aponais du XVIe siècle
(théatre Nô).
teur pressé. Derrière ces parois de verre, cependant,
repose une des plus belles réussites de la méthode
ethnographique. Après avoir analysé et comparé
les formes de la danse dans toutes les régions de la
terre, après avoir, d'autre part, étudié la production
artistique de ces mêmes peuples dans les domaines
de la décoration et de l'architecture, le professeur
Curt Sachs est arrivé à en déduire le parallélisme
dans l'inspiration, autrement dit l'unité de concep-
tion du monde extérieur à travers les réalisations
de l'homme.
Si l'on examine, par exemple, des tissus (ou des
sparteries, cuirs, céramiques, etc.), on voit que le
style de la décoration et la forme de la danse pro-
viennent de la même conception de l'espace : le
mouvement retiré vers les bords, l'entrelacement et
les files serrées sont communs à ces deux arts.
De même, chez les peuples à cabane ronde ou à
faces droites, correspondent respectivement les danses
en ronde et les danses en file. Il n'existe pas de danses
en files dans les régions qui ne connaissent pas la
cabane à faces droites : même conception de l'es-
pace.
Cette théorie, exposée par son auteur après une
étude rigoureusement scientifique sur des docu-
ments innombrables, constitue un des échelons les
plus avancés que jamais historien nous ait proposés
pour parvenir à la connaissance des origines de
l'Art. Est-il besoin d'ajouter que la grande probité
intellectuelle dont M. Curt Sachs a fait preuve dans
ses recherches ethnographiques, nous est un sûr
garant de l'incontestable valeur de sa découverte ?
AU TROCADÉRO
L'ART MALGACHE
LA grande Ile, malgré son aspect géographique
homogène a été le refuge de populations très
diverses, par l'origine et l'époque de leurs
émigrations, qui ont apporté chacune leur civilisa-
tion particulière.
On trouvera dans les objets exposés un style
sakalave, caractérisé chez ces habitants de la côte
Ouest par une parenté profonde avec celui de
l'Afrique noire.
Puis, marquant la transition entre ces popula-
tions et celles de l'Émyrne, les Betsileo, Bara et
Mahafaly du Sud. Les poteaux funéraires réunis ici
forment la suite la plus complète des différents
styles de ces tribus que l'on puisse voir en Europe :
soit qu'ils s'ornent chez les premiers de représen-
tations humaines mélangées à des figurations ani-
males ; soit que, comme chez les Mahafaly, ils
soient décorés de motifs hindous et surmontés de
crânes de boeufs. Chez les mêmes Betsileo, on
remarquera une série de cornes-amulettes dont la
forme et la décoration rappellent curieusement les
cornes d'ébène sculptées au Kassai.
Ce mélange d'inspirations africaine et asiatique
nous amène aux populations des hauts-plateaux
de l'Emyrne, ou Merina, où se rencontrent les
éléments Hovas qui formaient jadis l'élément domi-
nant, politiquement et socialement. Leur origine
malaise relativement récente, bien que peu influente,
se trahit dans la perfection de la technique arti-
sanale. Que la matière travaillée soit un outil
usuel ou un objet de luxe, comme ces lampes de
pierre et ces fameux bois de lit, le même soin
préside à la fabrication des uns comme à la déco-
ration des autres.
Enfin la côte orientale révèle des influences très
différentes dans le style décoratif : océaniennes pour
les bambous gravés qui servent à puiser l'eau selon
le procédé extrême-oriental, arabes pour l'orfèvrerie.
On peut, dans cette région, trouver une filiation
sémitique certaine et probablement préislamique.
Par cet exposé trop rapide, sinon bref, n'aper-
coit-on pas maintenant quel champ d'activité
magnifique offre à l'ethnographe l'étude de la danse, gisement
peut-être plus riche encore que la linguistique. De son passé
préhistorique, nous possédons des témoignages rares, mais
indubitables, imprimés dans l'argile ou gravés sur le rocher ;
et le présent nous parle encore par la voix de tous ces docu-
ments Dien vivants que
sont les gestes multiples de
la danse populaire. De leur
confrontation, que d'hori-
zons pourront être déga-
gés !
Riche d'idées et de faits,
plus riche encore par l'orien-
tation qu'elle permettra de
donner aux démarches ulté-
rieures, cette exposition est
un bel exemple des possibi-
lités d'action inépuisables
que la méthode ethnogra-
phique est en train d'appor-
ter dans tous les domaines
dela connaissance humaine.
Elle nous a permis de
constater aussi quelle pro-
spection ridiculement dis-
crète avait jusqu'alors été
tentée du royaume de la
danse. En remontant aux
sources de cette manifes-
tation, M. Sachs lui a
restitué ses visages les
plus ouones ou les plus
secrets. Nous commençons à deviner le rôle essentiel
qu'elle a joué à l'aube de notre civilisation, et qu'elle
continue de tenir dans la vie spirituelle des peuples
primitifs. Si beaucoup de ses gestes demeurent
encore dans la nuit, nous entrevoyons cependant
qu'avant de devenir une expression artistique, la
danse fut pour l'homme une prière.
— Et c'est une fois de plus tout le problème des
origines de l'Art qui se trouve posé.
Hpnri ATFAT.T A T TFt
Fig. 3. — Parure de danse de la Nouvelle-Calédonie.
Masque mixte à tête d'homme et à bec d'oiseau. Les
forces magiques de l'animal s'ajoutent à celles de l'homme.
(D'après le Musée du Trocadéro.)
grotte a été dénommée salle des talons, en raison des
empreintes multiples de talons d'adolescents dont
l'argile du sol est damée suivant cinq pistes régu-
lières. Au centre de la salle, se trouvent figurés
deux bisons sur le point de s'accoupler, dont l'ar-
tiste préhistorique a modelé avec un réalisme impres-
sionnant les attitudes de ruée chez le mâle, et d'at-
tente chez la femelle ; par terre, des boudins phalliques dissé-
minés. Eh bien, cette salle, qui servait très probablement de
lieu d'initiation des jeunes gens, présente une analogie singu-
lière avec des cavernes sacrées du Bandiagara (Soudan Fran-
çais), où les Dogon pratiquant à l'heure actuelle un rite d'ini-
tiation identique caractérisé
par une danse des talons
et la présence d'objets cul-
tuels phalliformes (Mission
Griaule, Daar-Djibouti).
Enfin, dernier approche-
ment : on peut voir dans les
vitrines de l'exposition une
série de figurines chinoises,
en terre cuite polychrome,
provenant, soit de collec-
tions particulières, soit des
musées nationaux, et qui.
en dehors de leur grande
valeur artistique, ont été
réunies là pour montrer les
gestes d'une danse spéciale
à l'Orient, appelée danse
ondulée à manches longues.
Une femme se tient debout,
sur une hanche, le ventre
en avant, un bras pendant
le long de la robe traînante
qui dissimule les pieds,
l'autre tendu verticale-
ment. Au niveau des deux
poignets, la manche longue
fait une cassure à angle droit, de ce geste particulier
aux danseuses asiatiques, et pend au dessous de la
main en recouvrant celle-ci tout entière, donnant
l'impression d'un membre supplémentaire (ou
plus exactement encore d'un individu en train d'en-
filer une chemise dont les manches boutonnées ne
lui permettraient pas de passer les mains). Or, cette
figure chorégraphique, assez peu commune, était
non seulement pratiquée en Chine, comme le mon-
trent trois de ces statuettes Soué et Tang, mais
était également connue des Persans à des époques
bien différentes, si nous en jugeons par la décora-
tion d'un bol du XIIIe siècle et par plusieurs minia-
tures du xvie.
LES MASQUES ATTRIBUTS DE LA DANSE.
Si l'étude morphologique de la danse permet d'en
éclairer la structure interne et de déterminer sa
signification première, la connaissance de ses
attributs donnera parfois la clé du mécanisme par
lequel le rite acquiert son maximum d'efficacité,
vis-à-vis des puissances sollicitées. Car les orne-
ments dont s'affuble l'exécutant deviennent acces-
soires usuels de magie, destinés à décupler le pou-
voir de l'incantation par un effet, soit direct sur
le danseur lui-même, soit indirect sur les assistants.
Ainsi s'explique la panoplie, qui nous paraît étrange
des seins postiches augmentant la fertilité de
l'homme par une combinaison des deux sexes, des
cagoules voilant l'individualité de l'exécutant, des
couleurs vives dont le scintillement provoquera
l'extase propice, des jupes de fibre prolongeant
l'ondulation des corps, des éventails, bracelets ou
diadèmes de plumes amplifiant le geste.
Quant aux masques, leur rôle sera double en per-
mettant d'abord au danseur, relais anonyme entre
la terre et les esprits, de dissimuler sa personnalité
qui disparaît sous la défroque d'officiant. Par leur
truchement enfin, le danseur peut s'identifier par-
faitement à l'ancêtre qu'il incarne, dont la force
magique lui sera transmise. Ancêtre-animal pour
les sociétés totémiques ; et c'est alors toute la
série des masques zoomorphes, à têtes de cochon,
de bouc, de gazelle, de gnou, d'antilope ou de caï-
man ; ce sont encore ces masques mixtes, à tête
d'homme et à bec d'oiseau, comme cette parure
néo-calédonienne représentée ici (fig. 3), où les
forces magiques de l'animal s'ajoutent à celles de
l'homme. Les masques à tête humaine, eux, ne
requièrent leur force que de la ligne ancestrale :
les types reproduits ici (fig. 4) montrent quelques
aspects de cette suite anthropomorphe, allant du
masque humain le plus primitif qui soit — un
crâne surmodelé — aux masques de théâtre. On
peut également voir, au Trocadéro, une admirable
collection de masques boliviens, montrant la tran-
sition des figures de carnaval à celles de théâtre.
Ces divers types de masques appartiennent à un
même groupe, relevant tous d'une même concep-
tion réaliste. Tout autre apparaît l'architecture des
masques imprégnés de fantaisie constructiviste :
œuvres du Congo Belge où se trouve stylisée la
figuration du pygmée, formes de cauchemar sculp-
tées par les Dogon du Soudan ou les Mélanésiens
du Nouveau-Mecklembourg.
De toutes ces représentations, il se dégage une
spiritualité si intense, une telle volonté d'expression
intérieure, qu'à défaut d'en ressentir la profonde
beauté plastique, je ne crois personne capable de
nier leur appel émouvant : c'est vraiment tout
l'esprit des gestes de la danse qui sommeille der-
rière ces yeux vides.
LA MÊME CONCEPTION DE L'ESPACE ENGENDRE
DES STYI.ES IDENTIQUES.
Sur l'itinéraire que M. Sachs, le premier, a tracé
dans ce domaine inconnu, faisons une halte der-
nière devant une vitrine, d'apparence bien insi-
gnifiante, où rien n'attire spécialement l'œil du visi-
Masques anthropomorphes
(D'après le Musée du Trocadéro.)
Fig. 4. — De gauche à droite :
crâne surmodelé (Nouvelle-
Irlande) , indien de l'Amérique du
Nord- Ouest, j aponais du XVIe siècle
(théatre Nô).
teur pressé. Derrière ces parois de verre, cependant,
repose une des plus belles réussites de la méthode
ethnographique. Après avoir analysé et comparé
les formes de la danse dans toutes les régions de la
terre, après avoir, d'autre part, étudié la production
artistique de ces mêmes peuples dans les domaines
de la décoration et de l'architecture, le professeur
Curt Sachs est arrivé à en déduire le parallélisme
dans l'inspiration, autrement dit l'unité de concep-
tion du monde extérieur à travers les réalisations
de l'homme.
Si l'on examine, par exemple, des tissus (ou des
sparteries, cuirs, céramiques, etc.), on voit que le
style de la décoration et la forme de la danse pro-
viennent de la même conception de l'espace : le
mouvement retiré vers les bords, l'entrelacement et
les files serrées sont communs à ces deux arts.
De même, chez les peuples à cabane ronde ou à
faces droites, correspondent respectivement les danses
en ronde et les danses en file. Il n'existe pas de danses
en files dans les régions qui ne connaissent pas la
cabane à faces droites : même conception de l'es-
pace.
Cette théorie, exposée par son auteur après une
étude rigoureusement scientifique sur des docu-
ments innombrables, constitue un des échelons les
plus avancés que jamais historien nous ait proposés
pour parvenir à la connaissance des origines de
l'Art. Est-il besoin d'ajouter que la grande probité
intellectuelle dont M. Curt Sachs a fait preuve dans
ses recherches ethnographiques, nous est un sûr
garant de l'incontestable valeur de sa découverte ?
AU TROCADÉRO
L'ART MALGACHE
LA grande Ile, malgré son aspect géographique
homogène a été le refuge de populations très
diverses, par l'origine et l'époque de leurs
émigrations, qui ont apporté chacune leur civilisa-
tion particulière.
On trouvera dans les objets exposés un style
sakalave, caractérisé chez ces habitants de la côte
Ouest par une parenté profonde avec celui de
l'Afrique noire.
Puis, marquant la transition entre ces popula-
tions et celles de l'Émyrne, les Betsileo, Bara et
Mahafaly du Sud. Les poteaux funéraires réunis ici
forment la suite la plus complète des différents
styles de ces tribus que l'on puisse voir en Europe :
soit qu'ils s'ornent chez les premiers de représen-
tations humaines mélangées à des figurations ani-
males ; soit que, comme chez les Mahafaly, ils
soient décorés de motifs hindous et surmontés de
crânes de boeufs. Chez les mêmes Betsileo, on
remarquera une série de cornes-amulettes dont la
forme et la décoration rappellent curieusement les
cornes d'ébène sculptées au Kassai.
Ce mélange d'inspirations africaine et asiatique
nous amène aux populations des hauts-plateaux
de l'Emyrne, ou Merina, où se rencontrent les
éléments Hovas qui formaient jadis l'élément domi-
nant, politiquement et socialement. Leur origine
malaise relativement récente, bien que peu influente,
se trahit dans la perfection de la technique arti-
sanale. Que la matière travaillée soit un outil
usuel ou un objet de luxe, comme ces lampes de
pierre et ces fameux bois de lit, le même soin
préside à la fabrication des uns comme à la déco-
ration des autres.
Enfin la côte orientale révèle des influences très
différentes dans le style décoratif : océaniennes pour
les bambous gravés qui servent à puiser l'eau selon
le procédé extrême-oriental, arabes pour l'orfèvrerie.
On peut, dans cette région, trouver une filiation
sémitique certaine et probablement préislamique.
Par cet exposé trop rapide, sinon bref, n'aper-
coit-on pas maintenant quel champ d'activité
magnifique offre à l'ethnographe l'étude de la danse, gisement
peut-être plus riche encore que la linguistique. De son passé
préhistorique, nous possédons des témoignages rares, mais
indubitables, imprimés dans l'argile ou gravés sur le rocher ;
et le présent nous parle encore par la voix de tous ces docu-
ments Dien vivants que
sont les gestes multiples de
la danse populaire. De leur
confrontation, que d'hori-
zons pourront être déga-
gés !
Riche d'idées et de faits,
plus riche encore par l'orien-
tation qu'elle permettra de
donner aux démarches ulté-
rieures, cette exposition est
un bel exemple des possibi-
lités d'action inépuisables
que la méthode ethnogra-
phique est en train d'appor-
ter dans tous les domaines
dela connaissance humaine.
Elle nous a permis de
constater aussi quelle pro-
spection ridiculement dis-
crète avait jusqu'alors été
tentée du royaume de la
danse. En remontant aux
sources de cette manifes-
tation, M. Sachs lui a
restitué ses visages les
plus ouones ou les plus
secrets. Nous commençons à deviner le rôle essentiel
qu'elle a joué à l'aube de notre civilisation, et qu'elle
continue de tenir dans la vie spirituelle des peuples
primitifs. Si beaucoup de ses gestes demeurent
encore dans la nuit, nous entrevoyons cependant
qu'avant de devenir une expression artistique, la
danse fut pour l'homme une prière.
— Et c'est une fois de plus tout le problème des
origines de l'Art qui se trouve posé.
Hpnri ATFAT.T A T TFt
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