Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1935-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1935 01 janvier 1935
Description : 1935/01/01 (T12,A13,N138)-1935/12/31... 1935/01/01 (T12,A13,N138)-1935/12/31 (T12,A13,N149).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9746657b
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/10/2016
- Aller à la page de la table des matièresIII
- TABLE DES MATIÈRES
- AGRICULTURE
- ARTS
- AVIATION
- .......... Page(s) .......... 23
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 37
- .......... Page(s) .......... 122
- .......... Page(s) .......... 188
- .......... Page(s) .......... 206
- .......... Page(s) .......... 231
- .......... Page(s) .......... 234
- .......... Page(s) .......... 237
- .......... Page(s) .......... 238
- .......... Page(s) .......... 241
- .......... Page(s) .......... 245
- .......... Page(s) .......... 246
- .......... Page(s) .......... 247
- .......... Page(s) .......... 248
- .......... Page(s) .......... 251
- .......... Page(s) .......... 253
- .......... Page(s) .......... 254
- .......... Page(s) .......... 257
- .......... Page(s) .......... 258
- .......... Page(s) .......... 260
- CHASSES
- CHEMINS DE FER
- .......... Page(s) .......... 116
- CINÉMA
- .......... Page(s) .......... 123
- ETHNOGRAPHIE
- FOIRES ET EXPOSITIONS
- .......... Page(s) .......... 8
- .......... Page(s) .......... 27
- .......... Page(s) .......... 37
- .......... Page(s) .......... 79
- .......... Page(s) .......... 49
- .......... Page(s) .......... 63
- .......... Page(s) .......... 67
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 135
- .......... Page(s) .......... 148
- HISTOIRE
- MARINE
- MATIÈRES PREMIÈRES
- MÉDECINE ET HYGIÈNE
- MINES
- .......... Page(s) .......... 150
- NÉCROLOGIE
- .......... Page(s) .......... 41
- .......... Page(s) .......... 60
- .......... Page(s) .......... 63
- .......... Page(s) .......... 77
- .......... Page(s) .......... 61
- .......... Page(s) .......... 118
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- POLITIQUE COLONIALE ÉTRANGÈRE
- POLITIQUE COLONIALE FRANÇAISE
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 58
- .......... Page(s) .......... 61
- .......... Page(s) .......... 70
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 57
- .......... Page(s) .......... 136
- .......... Page(s) .......... 194
- .......... Page(s) .......... 196
- .......... Page(s) .......... 213
- PORTS
- ROUTES
- .......... Page(s) .......... 195
- TOURISME ET SPORTS
- .......... Page(s) .......... 15
- .......... Page(s) .......... 24
- .......... Page(s) .......... 44
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 75
- .......... Page(s) .......... 76
- .......... Page(s) .......... 80
- .......... Page(s) .......... 90
- .......... Page(s) .......... 147
- .......... Page(s) .......... 151
- .......... Page(s) .......... 152
- .......... Page(s) .......... 154
- .......... Page(s) .......... 160
- .......... Page(s) .......... 224
- TRAVAUX PUBLICS
- VARIA
AU
TONKIN
AVEC
M. RENÉ ROBIN
A Lài-Chàu. Une délégation de Méos aux
sombres vêtements chamarrés de multiples
bijoux d'argent.
LE Gouverneur général Robin a orga-
nisé sa vie en deux compartiments :
il a décidé qu'il passerait dans
son cabinet de travail de l'avenue
Puginier une petite moitié de chaque
semaine ; le reste du temps serait consa-
cré à des tournées dans la colonie pour
étudier les hommes et les réalités.
Nous avons suivi M. Robin dans son
inspection du Cambodge (numéro de
Mars) ; nous le trouvons maintenant
étudiant sur place, et non sur rapports,
la situation faite aux populations du
Quang-Binh et du Hatinh par les derniers
typhons, et la façon dont on travaillait
à secourir ces malheureux.
M. Robin a visité l'hinterland Tliaf
en suivant les lacets hallucinants de la
route, que l'énergie de feu le Résident
Saint-Pouloff accrocha naguère à la
montagne. Le plateau du Moc, à 800 mè-
tres d'altitude, possède des espaces
herbeux ou boisés que son climat ren-
drait propres à mainte culture, s'il ne
demeurait quasi dépeuplé. Et c'est là
une des idées maîtresses du Gouverneur
général : la colonisation des zones éle-
vées du Tonkin par les indigènes qui
étouffent et risquent sans cesse la famine
dans le Delta surpeuplé.
Le Gouverneur gagna le territoire
militaire de Lài-Chàu par la route de
185 kilomètres nouvellement construite,
à travers des sites grandioses et impres-
sionnants, et qui met Lài-Chàu à vingt heures
d'Hanoï, alors qu'auparavant six jours de cheval
étaient nécessaires ou vingt journées de pirogue.
M. Robin a éga
vince de Nam-
florissantes du
visite détaillée de
80 000 habitants
belles villes du
Les travaux des
intéressé ; c'est
s'était particuliè
chef du Protecto
lement visité la pro-
Dinh, une des plus
Tonkin. Il a fait une
la ville qui compte
et est une des plus
Protectorat.
lais de mer l'ont fort
une œuvre dont il
rement occupé comme
rat. Il a pu constater
La bibliothèque centrale de l'Indochine à Hanoï a reçu le nom du regretté
PIERRE PASQUIER, ancien Gouverneur général.
Au cours de sa tournée, M. ROBINs'est arrêté
à Myson, où résida Cam-van Dai, ancien chef
des Thais noirs, récemment décédé. Vo ci le
catafalque sous lequel le cercueil de ce dernier
fut emporté sur le bûcher funéraire.
la mise en culture de 3 000 hectares, sur
lesquels 14 000 habitants émigrés des
villages voisins surpeuplés trouvent leur
subsistance. Cette œuvre, qui fait hon-
neur à ceux qui l'ont menée à bien
malgré les plus grandes difficultés, est un
des exemples des possibilités qui subsis-
tent pour les nombreuses populations
du Delta d'accroître son domaine
cultivable, bien que la seule solution
définitive du problème démographique
du Tonkin continue à rester l'émigra-
tion vers les immenses terres du Sud de
la péninsule.
Le samedi 2 mars, on fêtait le cinquan-
tenaire de la délivrance de la citadelle
de Tuyen-Quang. Le Gouverneur général
n'a pas manqué d'aller assister sur place
à la cérémonie militaire dont le but était
de rendre hommage aux chefs et soldats
qui par leur héroïsme se sont couverts
de gloire.
On se rappellera que, en 1884, sous le
commandement d'un chef héroïque, le
commandant Dominé, la garnison de 600
hommes tint tête pendant trente-six jours
à 13 000 Chinois.
C'est à Tuyen-Quang que le sergent
Bobillot trouva la mort; son nom a été
donné à une rue de Paris.
RETOUR DE LA MISSION GRIAULE
LES PREMIERS BLANCS CHEZ LES DOGONS
Une nouvelle mission Griaule vient de rentrer en
France, après un court séjour chez la curieuse tribu
des Dogons.
Marcel Griaule était accompagné de quelques
collaborateurs et collaboratrices, comme lui spécia-
listes de l'ethnographie. / 'une d'elles, Aime Hélène
Gordon donne ici quelques impressions de son voyage
d'études.
LE « Kanaga » et le « Walou » (nos deux camions),
chargés de 5 blancs et de 4 blanches, ont tra-
versé le Sahara tout d'une haleine, du Nord au
Sud jusqu'à Gao ; puis, toujours haletants, ils ont
bifurqué sur « leur droite » traversé le Niger, sur un
bac, brûlé quelques centaines de kilomètres de
brousse, pour se retrouver un soir dans un pays de
légende, châteaux forts de roches sombres, cavernes
de conte de fées, failles étroites, profondes, noires.
Un pays où le mythe, le mystère, la légende et une
certaine terreur se sentent à chaque pas.
Nous avons séjourné pendant deux mois dans la
région de Sangha, vivant dans des huttes de banco,
couvertes de toits de chaume, en contact constant
avec les Dogons, habitants fiers, indépendant de ces
falaises, dont les autres Noirs parlent avec une véri-
table terreur.
Il y eut ainsi entre le chauffeur noir d'un ami de
passage et notre principal interprète une scène
épique :
Ambara, le Dogon, écrasant de supériorité dans
ses vêtements confectionnés par lui-même en coton-
nade indigène, marchait à côté du Toucouleur,
étriqué, serré par des boutons de cuivre dans un uni-
forme impeccable, silencieux, apeuré, un fusil à la
main : « Pour les pigeons du patron », mentait-il...
Ambara snobait, menaçait, plaisantait ; l'autre, ne se
défendant même pas, rattrapa son patron : Moi,
les Habbé, j'ai peur d'eux, ce sont des sorciers
- tous. — Je n'irai pas coucher dans leur village... »
...Ce ne sont pas tous des sorciers, ce sont des indé-
pendants; ils ont su conserver à travers des siècles,
sans écriture, par la force même de leur volonté, de
leur intelligence, de leur courage, des coutumes parmi
les plus curieuses, les plus étranges, les plus com-
plexes qu'on puisse imaginer, et qui souvent me
rappelaient, aux moments les plus sacrés, les grandes
civilisations antiques : mystères de Syrie, Rois-
dieux d'Égypte, et même quelquefois les cultes
d'Asie mineure.
De nombreux villages, perchés sur des pentes
rocheuses, ou abrités derrière un énorme parapet de
pierres noires, n'ont jamais vu de blancs : les admi-
nistrateurs et les cartographes longent la route de la
plaine orange et sablonneuse, au pied de l'immense
falaise. Les villages, à peine visibles dans les pierres,
envoient leurs chefs pour payer l'impôt et un infor-
mateur indique au cartographe la présence d'un
village, très approximativement souvent.
C'est pour cela que notre arrivée, la peur des
petits, la fuite des femmes, et la curiosité grave, un
peu méfiante, un peu bon-enfant des hommes,
marquent une date ineffaçable dans la vie sans siècle,
sans année, sans temps, des Dogons.
Un de nos interprètes, un homme très remarquable,
nous dit un jour : « Dans bien des années, les vieil-
lards de Yugo-Pilou conteront : « Il est mort l'année
» où les hommes blancs et les femmes blanches sont
» venus chez nous et ont mangé devant nos sanc-
» tuaires. » Et, dans deux cents ans encore, on racontera
aux tous-petits : « Une année, nous avons fait une
» belle moisson. Nous avons récolté beaucoup de gros
» mil, beaucoup de petit mil. C'est l'année où sont
«venus les blancs; c'est parce que les blancs sont
» venus cette année-là ». Et voilà comment naissent
des mythes... »
Marcel Griaule et nous tous, sous sa direction,
avons ramassé une grande documentation sur la
religion, l'organisation sociale et les techniques des
Dogons.
Nous avons rapporté, aussi, en cherchant tou-
jours à ménager la coutume, à ne pas violer le sacré,
de véritables objets d'art, figurines de bois rituelles,
coupes en bois, sculptures, et des dizaines de masques
admirables, vieux de plusieurs siècles.
Nous avons aussi rapporté une grosse tortue, —
très grosse et très lourde. Elle vivait dans un de ces
villages, dans une « maison des hommes », où les
blancs n'étaient jamais passés. Elle a fait tout le
voyage à l'étonnement des Arabes du Sahara, à nos
côtés. Elle est arrivée toute seule à la suite d'une
série de malentendus, la première à Paris, un matin
très gris, à 5 heures, annonciatrice du retour heu-
reux de la mission.
Hélène GORDON .
TONKIN
AVEC
M. RENÉ ROBIN
A Lài-Chàu. Une délégation de Méos aux
sombres vêtements chamarrés de multiples
bijoux d'argent.
LE Gouverneur général Robin a orga-
nisé sa vie en deux compartiments :
il a décidé qu'il passerait dans
son cabinet de travail de l'avenue
Puginier une petite moitié de chaque
semaine ; le reste du temps serait consa-
cré à des tournées dans la colonie pour
étudier les hommes et les réalités.
Nous avons suivi M. Robin dans son
inspection du Cambodge (numéro de
Mars) ; nous le trouvons maintenant
étudiant sur place, et non sur rapports,
la situation faite aux populations du
Quang-Binh et du Hatinh par les derniers
typhons, et la façon dont on travaillait
à secourir ces malheureux.
M. Robin a visité l'hinterland Tliaf
en suivant les lacets hallucinants de la
route, que l'énergie de feu le Résident
Saint-Pouloff accrocha naguère à la
montagne. Le plateau du Moc, à 800 mè-
tres d'altitude, possède des espaces
herbeux ou boisés que son climat ren-
drait propres à mainte culture, s'il ne
demeurait quasi dépeuplé. Et c'est là
une des idées maîtresses du Gouverneur
général : la colonisation des zones éle-
vées du Tonkin par les indigènes qui
étouffent et risquent sans cesse la famine
dans le Delta surpeuplé.
Le Gouverneur gagna le territoire
militaire de Lài-Chàu par la route de
185 kilomètres nouvellement construite,
à travers des sites grandioses et impres-
sionnants, et qui met Lài-Chàu à vingt heures
d'Hanoï, alors qu'auparavant six jours de cheval
étaient nécessaires ou vingt journées de pirogue.
M. Robin a éga
vince de Nam-
florissantes du
visite détaillée de
80 000 habitants
belles villes du
Les travaux des
intéressé ; c'est
s'était particuliè
chef du Protecto
lement visité la pro-
Dinh, une des plus
Tonkin. Il a fait une
la ville qui compte
et est une des plus
Protectorat.
lais de mer l'ont fort
une œuvre dont il
rement occupé comme
rat. Il a pu constater
La bibliothèque centrale de l'Indochine à Hanoï a reçu le nom du regretté
PIERRE PASQUIER, ancien Gouverneur général.
Au cours de sa tournée, M. ROBINs'est arrêté
à Myson, où résida Cam-van Dai, ancien chef
des Thais noirs, récemment décédé. Vo ci le
catafalque sous lequel le cercueil de ce dernier
fut emporté sur le bûcher funéraire.
la mise en culture de 3 000 hectares, sur
lesquels 14 000 habitants émigrés des
villages voisins surpeuplés trouvent leur
subsistance. Cette œuvre, qui fait hon-
neur à ceux qui l'ont menée à bien
malgré les plus grandes difficultés, est un
des exemples des possibilités qui subsis-
tent pour les nombreuses populations
du Delta d'accroître son domaine
cultivable, bien que la seule solution
définitive du problème démographique
du Tonkin continue à rester l'émigra-
tion vers les immenses terres du Sud de
la péninsule.
Le samedi 2 mars, on fêtait le cinquan-
tenaire de la délivrance de la citadelle
de Tuyen-Quang. Le Gouverneur général
n'a pas manqué d'aller assister sur place
à la cérémonie militaire dont le but était
de rendre hommage aux chefs et soldats
qui par leur héroïsme se sont couverts
de gloire.
On se rappellera que, en 1884, sous le
commandement d'un chef héroïque, le
commandant Dominé, la garnison de 600
hommes tint tête pendant trente-six jours
à 13 000 Chinois.
C'est à Tuyen-Quang que le sergent
Bobillot trouva la mort; son nom a été
donné à une rue de Paris.
RETOUR DE LA MISSION GRIAULE
LES PREMIERS BLANCS CHEZ LES DOGONS
Une nouvelle mission Griaule vient de rentrer en
France, après un court séjour chez la curieuse tribu
des Dogons.
Marcel Griaule était accompagné de quelques
collaborateurs et collaboratrices, comme lui spécia-
listes de l'ethnographie. / 'une d'elles, Aime Hélène
Gordon donne ici quelques impressions de son voyage
d'études.
LE « Kanaga » et le « Walou » (nos deux camions),
chargés de 5 blancs et de 4 blanches, ont tra-
versé le Sahara tout d'une haleine, du Nord au
Sud jusqu'à Gao ; puis, toujours haletants, ils ont
bifurqué sur « leur droite » traversé le Niger, sur un
bac, brûlé quelques centaines de kilomètres de
brousse, pour se retrouver un soir dans un pays de
légende, châteaux forts de roches sombres, cavernes
de conte de fées, failles étroites, profondes, noires.
Un pays où le mythe, le mystère, la légende et une
certaine terreur se sentent à chaque pas.
Nous avons séjourné pendant deux mois dans la
région de Sangha, vivant dans des huttes de banco,
couvertes de toits de chaume, en contact constant
avec les Dogons, habitants fiers, indépendant de ces
falaises, dont les autres Noirs parlent avec une véri-
table terreur.
Il y eut ainsi entre le chauffeur noir d'un ami de
passage et notre principal interprète une scène
épique :
Ambara, le Dogon, écrasant de supériorité dans
ses vêtements confectionnés par lui-même en coton-
nade indigène, marchait à côté du Toucouleur,
étriqué, serré par des boutons de cuivre dans un uni-
forme impeccable, silencieux, apeuré, un fusil à la
main : « Pour les pigeons du patron », mentait-il...
Ambara snobait, menaçait, plaisantait ; l'autre, ne se
défendant même pas, rattrapa son patron : Moi,
les Habbé, j'ai peur d'eux, ce sont des sorciers
- tous. — Je n'irai pas coucher dans leur village... »
...Ce ne sont pas tous des sorciers, ce sont des indé-
pendants; ils ont su conserver à travers des siècles,
sans écriture, par la force même de leur volonté, de
leur intelligence, de leur courage, des coutumes parmi
les plus curieuses, les plus étranges, les plus com-
plexes qu'on puisse imaginer, et qui souvent me
rappelaient, aux moments les plus sacrés, les grandes
civilisations antiques : mystères de Syrie, Rois-
dieux d'Égypte, et même quelquefois les cultes
d'Asie mineure.
De nombreux villages, perchés sur des pentes
rocheuses, ou abrités derrière un énorme parapet de
pierres noires, n'ont jamais vu de blancs : les admi-
nistrateurs et les cartographes longent la route de la
plaine orange et sablonneuse, au pied de l'immense
falaise. Les villages, à peine visibles dans les pierres,
envoient leurs chefs pour payer l'impôt et un infor-
mateur indique au cartographe la présence d'un
village, très approximativement souvent.
C'est pour cela que notre arrivée, la peur des
petits, la fuite des femmes, et la curiosité grave, un
peu méfiante, un peu bon-enfant des hommes,
marquent une date ineffaçable dans la vie sans siècle,
sans année, sans temps, des Dogons.
Un de nos interprètes, un homme très remarquable,
nous dit un jour : « Dans bien des années, les vieil-
lards de Yugo-Pilou conteront : « Il est mort l'année
» où les hommes blancs et les femmes blanches sont
» venus chez nous et ont mangé devant nos sanc-
» tuaires. » Et, dans deux cents ans encore, on racontera
aux tous-petits : « Une année, nous avons fait une
» belle moisson. Nous avons récolté beaucoup de gros
» mil, beaucoup de petit mil. C'est l'année où sont
«venus les blancs; c'est parce que les blancs sont
» venus cette année-là ». Et voilà comment naissent
des mythes... »
Marcel Griaule et nous tous, sous sa direction,
avons ramassé une grande documentation sur la
religion, l'organisation sociale et les techniques des
Dogons.
Nous avons rapporté, aussi, en cherchant tou-
jours à ménager la coutume, à ne pas violer le sacré,
de véritables objets d'art, figurines de bois rituelles,
coupes en bois, sculptures, et des dizaines de masques
admirables, vieux de plusieurs siècles.
Nous avons aussi rapporté une grosse tortue, —
très grosse et très lourde. Elle vivait dans un de ces
villages, dans une « maison des hommes », où les
blancs n'étaient jamais passés. Elle a fait tout le
voyage à l'étonnement des Arabes du Sahara, à nos
côtés. Elle est arrivée toute seule à la suite d'une
série de malentendus, la première à Paris, un matin
très gris, à 5 heures, annonciatrice du retour heu-
reux de la mission.
Hélène GORDON .
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