86 LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ No 130. — JUIN 1934.
Sur la route de Téhéran. La porte de Téhéran à Kazvin.
les portes de l'Orient ; partout les antiques cités
caravanières sortent de leur long sommeil, partout
khans et souks cèdent la place aux garages et aux
marchands d'essence.
Sous ces influences nouvelles, et avec une extrême
rapidité, tous les pays du Proche-Orient tendent
chaque année davantage à reprendre, dans le com-
merce mondial, la place privilégiée que leur donne
leur situation géographique. A nous de savoir
reprendre aussi, à l'heure présente, les grandes
traditions de notre commerce aux Echelles du
Levant.
Jacques WEULOERSSE.
Au-dessous : Une vue générale de Téhéran, prise du haut
du minaret. (Photo Masse.)
LES RUINES DE BYBLOS
LA couverture du présent numéro est dû au ta-
lent de Mme Suzanne Frémont, une grande
artiste peintre, membre de la Société Coloniale
des Artistes Français, et aussi une grande voya-
geuse, qui a travaillé deux années consécutives
aux fouilles archéologiques de Syrie et de
l'Irak.
Cette couverture représente un aspect de Byblos,
avec sa colonnade romaine d'un si impressionnant
effet ; à gauche, la citadelle des Croisés se dresse
majestueuse, tandis qu'au premier plan se voit posé
sur le sol un sarcophage monolithe phénicien, sorti
du fond des hypogées royales par les efforts admi-
rables de M. et Mme Dunand.
Continuant son voyage, Mme Frémont a atteint
l'Euphrate et l'a suivi jusqu'à Babylone. La beauté
du Lion de Basalte, qui surgit dans les fouilles de
l'antique cité, l'a frappée au point qu'à force de
démarches, elle en a obtenu un superbe moulage,
actuellement exposé au Louvre, en haut de l'Esca-
lier Asiatique. D'ailleurs, nous nous réservons de
parler de cette superbe pièce de musée dans un pro-
chain numéro.
LE PÉTROLE MÉSOPOTAMIEN
A TRAVERS LA SYRIE
IL n'est plus permis de parler de la Syrie en
ignorant que le temps est proche, où, à tra-
vers son territoire, de la frontière de l'Irak
à la Méditerranée, s'acheminera une partie du pé-
trole mésopotamien. -
Nos lecteurs le savent (voir numéro de ianvier
lydcJ), la Compagnie Française
des Pétroles recevra, le moment
venu, 23,75 p. 100 du montant
net de l'huile brute produite par
l'Irak Petroleum. Au printemps
prochain, une gigantesque con-
duite sera prête à déverser son
torrent annuel de 40 millions de
tonnes dans les flancs des bateaux-
citernes ancrés à Tripoli et à
CaïfIa.
Cette conduite est double :
pipe-line du Nord, vers Tripoli,
et pipe-line du Sud, vers Caïffa.
La pose de la première a été
achevée de bout en bout au courant de l'été dernier
et, fin novembre, la pipe-line Sud a été également
terminée.
On conçoit l'importance d'un tel travail, si l'on
veut bien se rappeler qu'il s'agit de la pose d'un
tube d'une longueur totale, pour les deux sections,
de 1 840 kilomètres et d'une région où il a fallu
vaincre des obstacles de tout genre : absence de
routes, manque d'eau, hostilité du climat, rareté de
la main-d'œuvre locale, obligation de tout créer,
de tout importer.
La pipe-line Nord nous intéresse plus particuliè-
rement parce qu'elle traverse le territoire syrien et
libanais, 850 kilomètres de Kirkouk à la mer. Sui-
vant d'abord l'Euphrate, elle passe très près de
Palmyre, escalade des pentes peu escarpées, puis
descend dans la vallée de l'Oronte, au sud d'Homs.
Son terminus est situé à 7 kilomètres de Tripoli et
de son petit port, El-Mina: là, les bateaux-citernes,
ancrés dans la baie, recevront leur cargaison de
pétrole par des conduites immergées.
La pose des deux pipe-lines s'est accompagnée
de la construction des stations de pompage. On en
compte quinze au total, dont trois doubles sur le
parcours commun de Kirkouk jusqu'à Haditha sur
l'Euphrate.
Chaque station de pompage est une véritable
petite agglomération, entourée d'un blockhaus de
fil de fer, ayant au centre un petit fortin qui per-
mettrait aux occupants, en cas d'alerte, de donner
l'alarme, soit par le téléphone, soit par la T. S. F.
Il faut reconnaître d'ailleurs que la sécurité n'a
jamais été troublée jusqu'ici et qu'aucune dépré-
dation, au cours de travaux longs et délicats, n'a
jamais été commise.
On peut évaluer en moyenne à 70 ou 80 personnes
la population qui se trouve groupée dans chaque
centre de station de pompage.
Toutes ces stations sont en voie de montage.
D'ici la fin de l'année, ce travail étant terminé,
le pétrole pourra s'écouler à pleine puissance sur les
deux lignes.
Rappelons qu'actuellement 39 puits,tous produc-
tifs, sont forés sur le seul anticlinal de Kirkouk
où 15 puits sont actuellement équipés et prêts à
fournir une production annuelle de 4 millions de
tonnes.
Chacun des quatre grands groupes adhérents de
l'Irak Petroleum a pris des mesures pour recueillir
sa part en temps et place utiles.
Le pétrole transporté de Tripoli par la Compagnie
Navale des Pétroles, filiale de la C. F. P., sera tra-
vaillé dans deux raffineries : la raffinerie de Nor-
mandie, située près du Havre, sur le canal de
Tancarville, et la raffinerie de Provence, située
à Martigues, sur l'étang de Berre. L'ensemble de
ces deux usines constituera un outil d'une puis-
sance unique en France.
Le temps approche donc où la France recevra
son premier .pétrole national, la quantité devant au
début atteindre un million de tonnes.
Voilà un bel exemple d'une collaboration inter-
nationale pacifique résolue en pleine concorde,
C'est un grand avènement économique et politique.
dont la Syrie ne peut manquer d'être bénéficiaire.
ESSAIRE.
Au-dessus, un incident sans gravité.
Un camion chargé de tubes tombe
dans une excavation imprévue.
Cette photo nous fait assister aux différentes applications,
grâce à l'émail en fusion, de protection des tubes
de la Pipe-Line, contre les dangers de la corrosion.
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