Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1933-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1933 01 janvier 1933
Description : 1933/01/01 (T10,A11,N113)-1933/12/31... 1933/01/01 (T10,A11,N113)-1933/12/31 (T10,A11,N124).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97459557
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/09/2016
Pêcheurs japonais. — Avec le riz, le poisson est le principal aliment du peuple japonais
(Photo Depardon).
ni l'une ni l'autre n'ont fait peser leur joug sur eux. Ils ont voulu être ce qu'ils
sont. Sous la dynastie des Youen, la Chine conçut le projet de conquérir l'ar-
chipel nippon en y débarquant une armée de Mongols, jusque-là invincibles.
Marco Polo fut chargé de la préparation de l'affaire, mais cette invincible
Armada fut dispersée par une tempête. Dans les temps historiques, le seul
moment où les étrangers aient réussi à faire triompher leur volonté, c'est la
période qui a préparé le Japon moderne. Plus de deux cents ans de paix sous
les shoguns de la famille Tokougawa avaient affaibli les moyens de défense.
Lorsqu'il devint évident que les étrangers avaient les moyens d'exiger l'ouver-
ture des ports, le Japon répondit aux tentatives des Américains par un retour
à ses origines. Au lieu de maires du palais féodaux, on vit un empereur moderne
sortir de son isolement de Kyoto et reprendre, avec l'aide de la jeunesse tra-
vailleuse et désireuse d'acquérir la culture européenne, la réalité du pouvoir.
Depuis lors, l'alliance de la plus ancienne des familles impériales avec le
modernisme le plus averti a eu pour le Japon les résultats les plus glorieux.
Tout cela n'est-il pas unique ? Continuité dans le patriotisme. Amour du sol.
amour de la race, amour de leur art. Une activité réfléchie qui absorbe l'expé-
rience de tous les pays sans se laisser entamer par les sophismes étrangers,
Ce sont là les résultats de leur histoire que tous les Japonais savent, afin de
vivre une vie qui exalte un passé garant de l'avenir.
Et d'abord, d'où viennent les Japonais ?
C'est là une question controversée, et sans doute il y a du vrai dans les
deux théories qui se combattent. Les uns pensent que des hommes venus du
Nord par le détroit de Tsoushima ont constitué l'élément le plus solide, l'élé-
ment directeur de la race nipponne. D'autres supposent une invasion, par le
Sud, d'hommes de type malais ou océanien. Avant ces invasions, qui se sont
produites à des époques reculées, il y avait dans l'archipel des Aïnos, aujour-
d'hui refoulés en petit nombre dans Hokkaïdo, mais qui ont lutté longtemps
pour la possession du sol. On les traite d'aborigènes, faute de savoir comment
ces hommes barbus et ces femmes, qui se sont plu à porter des moustaches, et
qui ont pour l'ours un culte étrange, sont venus au Japon. C'est dans la lutte
séculaire contre eux que la race nipponne a appris la discipline, a formé une
féodalité et conservé longtemps dans la région de Tokio une marche mili-
taire dont les chefs ont eu une grande action sur l'histoire du pays.
Au moment où la région de Nara fut pacifiée, vers le vie siècle de notre ère,
un grand fait se produisit : l'acceptation par les empereurs de la religion boud-
dhique venue de Chine, qui amena avec elle la civilisation chinoise. Dans le
merveilleux décor de Nara, une civilisation de poésie, d'amour et de joie
monastique se développa. Il en reste deux témoins : l'admirable Horiuji où
l'on voit une des plus belles statues que les hommes aient modelées, et le
Sho-so-in, le plus ancien Musée du monde, où l'empereur Shomu commanda
d'enfermer tout ce qu'il avait aimé : instruments de musique, peintures, miroirs
et robes de ses femmes. Dans cette maison de bois habilement construite pour
lutter contre l'humidité, les trésors sont restés à leur place depuis le ixe siècle.
Seulement, au xive siècle, des voleurs réussirent à y pénétrer et dérobèrent trois
miroirs. Mais ces objets étaient si beaux que personne ne voulut les acheter.
Les voleurs les brisèrent et les jetèrent dans un fossé. Ils furent retrouvés,
réparés, et on montre aujourd'hui avec orgueil ces témoins du seul incident qui
ait eu lieu au cours des onze derniers siècles. Il est arrivé que le Sho-so-in soit
resté fermé plus d'un siècle et, dans les périodes troublées, il a connu souvent le
risque du feu. Depuis une trentaine d'années, l'Empereur a consenti à l'ouvrir
quatorze jours par an, pour faire prendre l'air à quelques pièces. J'ai eu l'hon-
neur d'y passer quelques heures, une lampe électrique à la main, car, sans cela,
on ne verrait rien.
Dans ce pays unique c'est vraiment un musée unique.
Mais, après la noble civilisation de Nara, dont les grands hommes étaient
de pieux personnages qui s'efforçaient de vivre et de faire vivre conformément
à la doctrine de Bouddha, la guerre reprit. Ce fut une guerre féodale, à la fois
sauvage et poétique. Pendant que les empereurs vivaient dans l'ombre des
monastères, deux familles, les Taïra et les Minamoto, se disputaient le pou-
voir. Les hauts faits des chevaliers se sont perpétués dans la mémoire du peuple
et, aujourd'hui encore, ce sont des actions de ces vieilles chansons de geste qui
forment la substance du théâtre. Les malheurs de Yoshitsuné font aujourd'hui
encore sangloter les sensibles Japonaises, car, si, dans la vie, la manifestation
des sentiments est blâmable, il est permis de pleurer quand, sur la scène, un
jeune prince se sacrifie aux lois de l'honneur.
Une capitale nouvelle, Kamakoura, s'éleva avec des centaines de temples
disséminés dans la campagne ou dans les grottes de la montagne. Du plus
célèbre, il ne subsiste que le grand Bouddha de bronze dont le sourire est si
plein de signification que, semblable au Parthénon, on ne le revoit jamais sans
y trouver de nouvelles pensées. Dans les musées, il y a de belles peintures et
des sculptures saisissantes de cette période réaliste qui avait réussi à conce-
voir un bouddhisme militaire, ce qui est proprement l'union des contraires.
Et puis, pendant deux siècles, il y eut sous les shoguns de la famille Ashikaga
un peu plus de tranquillité, avec une féodalité dont le classicisme et le raffine-
ment font penser à notre XIIIe siècle. Mais, entre la fin du xvie siècle et le début
du xviie siècle, il y eut de grands généraux et de profonds politiques qui, pour
la première fois, conçurent ce qu'on appelle l'impérialisme et conquirent le
sud de la Corée, heureuse expédition qui permit aux céramistes japonais de
s'inspirer des procédés coréens. Ce fut une période où la féodalité succomba
sous les coups et les combinaisons du premier shogun Tokougawa Yeyas.
Dans sa tombe de Nikko, à laquelle on accède par des avenues bordées de
cryptomérias géants, on a représenté le shogun sous la forme d'un chat, bloc
enfariné au doux sourire, prêt à griffer. C'est aussi là que l'on voit les trois
singes dont l'un se bouche les oreilles, le second se couvre les yeux et le troi-
sième met la main sur la bouche, symbole des qualités qu'il fallait posséder
pour jouir de la confiance du dictateur d'Extrême-Orient
A partir de ce moment et jusqu'en 1867, les shoguns Tokougawa se succèdent
dans un pays policé, dont les étrangers avaient été chassés en raison du danger
que leurs intrusions politiques et dogmatiques constituaient. Seuls les Hollan-
dais, à condition de marcher sur la Croix, purent, penúant deux cent cinquante
ans, venir échanger les produits européens contre ceux du Japon, dans une
concession à Nagasaki. La cérémonie du thé, la danse de Nô, la connaissance
des jardins et des bouquets, les peintures, la poésie, le tir à l'arc, l'escrime occu-
Un parc à Tokio. — Le Japon possède des sites célèbres par la beauté de leurs cerisiers. Les journaux annoncent quel est le meilleur jour pour venir admirer leur floraison.
(Photo Depardon).
ni l'une ni l'autre n'ont fait peser leur joug sur eux. Ils ont voulu être ce qu'ils
sont. Sous la dynastie des Youen, la Chine conçut le projet de conquérir l'ar-
chipel nippon en y débarquant une armée de Mongols, jusque-là invincibles.
Marco Polo fut chargé de la préparation de l'affaire, mais cette invincible
Armada fut dispersée par une tempête. Dans les temps historiques, le seul
moment où les étrangers aient réussi à faire triompher leur volonté, c'est la
période qui a préparé le Japon moderne. Plus de deux cents ans de paix sous
les shoguns de la famille Tokougawa avaient affaibli les moyens de défense.
Lorsqu'il devint évident que les étrangers avaient les moyens d'exiger l'ouver-
ture des ports, le Japon répondit aux tentatives des Américains par un retour
à ses origines. Au lieu de maires du palais féodaux, on vit un empereur moderne
sortir de son isolement de Kyoto et reprendre, avec l'aide de la jeunesse tra-
vailleuse et désireuse d'acquérir la culture européenne, la réalité du pouvoir.
Depuis lors, l'alliance de la plus ancienne des familles impériales avec le
modernisme le plus averti a eu pour le Japon les résultats les plus glorieux.
Tout cela n'est-il pas unique ? Continuité dans le patriotisme. Amour du sol.
amour de la race, amour de leur art. Une activité réfléchie qui absorbe l'expé-
rience de tous les pays sans se laisser entamer par les sophismes étrangers,
Ce sont là les résultats de leur histoire que tous les Japonais savent, afin de
vivre une vie qui exalte un passé garant de l'avenir.
Et d'abord, d'où viennent les Japonais ?
C'est là une question controversée, et sans doute il y a du vrai dans les
deux théories qui se combattent. Les uns pensent que des hommes venus du
Nord par le détroit de Tsoushima ont constitué l'élément le plus solide, l'élé-
ment directeur de la race nipponne. D'autres supposent une invasion, par le
Sud, d'hommes de type malais ou océanien. Avant ces invasions, qui se sont
produites à des époques reculées, il y avait dans l'archipel des Aïnos, aujour-
d'hui refoulés en petit nombre dans Hokkaïdo, mais qui ont lutté longtemps
pour la possession du sol. On les traite d'aborigènes, faute de savoir comment
ces hommes barbus et ces femmes, qui se sont plu à porter des moustaches, et
qui ont pour l'ours un culte étrange, sont venus au Japon. C'est dans la lutte
séculaire contre eux que la race nipponne a appris la discipline, a formé une
féodalité et conservé longtemps dans la région de Tokio une marche mili-
taire dont les chefs ont eu une grande action sur l'histoire du pays.
Au moment où la région de Nara fut pacifiée, vers le vie siècle de notre ère,
un grand fait se produisit : l'acceptation par les empereurs de la religion boud-
dhique venue de Chine, qui amena avec elle la civilisation chinoise. Dans le
merveilleux décor de Nara, une civilisation de poésie, d'amour et de joie
monastique se développa. Il en reste deux témoins : l'admirable Horiuji où
l'on voit une des plus belles statues que les hommes aient modelées, et le
Sho-so-in, le plus ancien Musée du monde, où l'empereur Shomu commanda
d'enfermer tout ce qu'il avait aimé : instruments de musique, peintures, miroirs
et robes de ses femmes. Dans cette maison de bois habilement construite pour
lutter contre l'humidité, les trésors sont restés à leur place depuis le ixe siècle.
Seulement, au xive siècle, des voleurs réussirent à y pénétrer et dérobèrent trois
miroirs. Mais ces objets étaient si beaux que personne ne voulut les acheter.
Les voleurs les brisèrent et les jetèrent dans un fossé. Ils furent retrouvés,
réparés, et on montre aujourd'hui avec orgueil ces témoins du seul incident qui
ait eu lieu au cours des onze derniers siècles. Il est arrivé que le Sho-so-in soit
resté fermé plus d'un siècle et, dans les périodes troublées, il a connu souvent le
risque du feu. Depuis une trentaine d'années, l'Empereur a consenti à l'ouvrir
quatorze jours par an, pour faire prendre l'air à quelques pièces. J'ai eu l'hon-
neur d'y passer quelques heures, une lampe électrique à la main, car, sans cela,
on ne verrait rien.
Dans ce pays unique c'est vraiment un musée unique.
Mais, après la noble civilisation de Nara, dont les grands hommes étaient
de pieux personnages qui s'efforçaient de vivre et de faire vivre conformément
à la doctrine de Bouddha, la guerre reprit. Ce fut une guerre féodale, à la fois
sauvage et poétique. Pendant que les empereurs vivaient dans l'ombre des
monastères, deux familles, les Taïra et les Minamoto, se disputaient le pou-
voir. Les hauts faits des chevaliers se sont perpétués dans la mémoire du peuple
et, aujourd'hui encore, ce sont des actions de ces vieilles chansons de geste qui
forment la substance du théâtre. Les malheurs de Yoshitsuné font aujourd'hui
encore sangloter les sensibles Japonaises, car, si, dans la vie, la manifestation
des sentiments est blâmable, il est permis de pleurer quand, sur la scène, un
jeune prince se sacrifie aux lois de l'honneur.
Une capitale nouvelle, Kamakoura, s'éleva avec des centaines de temples
disséminés dans la campagne ou dans les grottes de la montagne. Du plus
célèbre, il ne subsiste que le grand Bouddha de bronze dont le sourire est si
plein de signification que, semblable au Parthénon, on ne le revoit jamais sans
y trouver de nouvelles pensées. Dans les musées, il y a de belles peintures et
des sculptures saisissantes de cette période réaliste qui avait réussi à conce-
voir un bouddhisme militaire, ce qui est proprement l'union des contraires.
Et puis, pendant deux siècles, il y eut sous les shoguns de la famille Ashikaga
un peu plus de tranquillité, avec une féodalité dont le classicisme et le raffine-
ment font penser à notre XIIIe siècle. Mais, entre la fin du xvie siècle et le début
du xviie siècle, il y eut de grands généraux et de profonds politiques qui, pour
la première fois, conçurent ce qu'on appelle l'impérialisme et conquirent le
sud de la Corée, heureuse expédition qui permit aux céramistes japonais de
s'inspirer des procédés coréens. Ce fut une période où la féodalité succomba
sous les coups et les combinaisons du premier shogun Tokougawa Yeyas.
Dans sa tombe de Nikko, à laquelle on accède par des avenues bordées de
cryptomérias géants, on a représenté le shogun sous la forme d'un chat, bloc
enfariné au doux sourire, prêt à griffer. C'est aussi là que l'on voit les trois
singes dont l'un se bouche les oreilles, le second se couvre les yeux et le troi-
sième met la main sur la bouche, symbole des qualités qu'il fallait posséder
pour jouir de la confiance du dictateur d'Extrême-Orient
A partir de ce moment et jusqu'en 1867, les shoguns Tokougawa se succèdent
dans un pays policé, dont les étrangers avaient été chassés en raison du danger
que leurs intrusions politiques et dogmatiques constituaient. Seuls les Hollan-
dais, à condition de marcher sur la Croix, purent, penúant deux cent cinquante
ans, venir échanger les produits européens contre ceux du Japon, dans une
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des jardins et des bouquets, les peintures, la poésie, le tir à l'arc, l'escrime occu-
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