Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-06-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juin 1929 01 juin 1929
Description : 1929/06/01-1929/06/30. 1929/06/01-1929/06/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97431338
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 17
Le laboratoire de l'Institut Pasteur à Kindia.
allemand Brehm, qui écrivait dans « L'homme
et les animaux » : « Il est vraiment dommage
que la phtisie enlève si rapidement les chim-
panzés et les gorilles que l'on éloigne de leur
pays natal. Peu de temps après leur arrivée en
Europe, ils commencent à tousser et deviennent
plus tristes. A mesure que la maladie fait des
progrès, leur calme et leur douceur paraissent
augmenter ; bientôt ils font réellement pitié à
voir. Ils penchent la tête en avant comme les
personnes dont les poumons sont attaaués.
toussent de temps en temps et posent leurs
mains sur leurs poitrines malades : leurs yeux
bruns foncés prennent une si grande expression
de douleur, que l'homme ne peut les voir sans
être ému. Ordinairement ils succombent à
cette terrible maladie dès la première année et
rarement dans la seconde ; notre climat rigou-
reux ne peut jamais rendre leur belle patrie à
ces heureux enfants du midi ». En consé-
quence, pour que les travaux entrepris offrent
un réel intérêt, il a paru indisnensable de créer
en Guinée une annexe de l Institut Pasteur.
Les sujets d'expérience alors naturellement
sains ne risquent pas de devenir naturellement
tuberculeux et la recherche du savant garde
ainsi toute sa valeur sans que le résultat défi-
nitif risque jamais d'être compromis par l'in-
tervention de facteurs extérieurs toujours sus-
ceptibles de fausser la vérité. Telle est la rai-
son Qui a justifié l'installation du jardin d es-
sais de Kindia où des travaux scientifiques de
la plus haute importance se poursuivent acti-
vement.
Quant à l'expérimentation sur la contagion,
pour être probante, elle doit être faite égale-
ment sous les tropiques. Au moins là-bas est-
on certain que le singe devient tuberculeux au
contact d'un de ses semblables déjà malade.
C'est bien la contagion qui seule est en cause,
à l'exclusion de toute autre considération.
D'ailleurs les expériences auxquelles mes
confrères se sont livrés ont eu pour résultat
d'établir d'une façon indiscutable t efficacité
trois singes :
1 ° Un premier tuberculisé expérimentale-
ment ;
2° Un deuxième, non vacciné ;
3° Et enfin un troisième, vacciné avec le
vaccin de Calmette.
Que s'est-il produit ? Le premier est mort
de tuberculose ; le deuxième, non vacciné (le
singe témoin) a contracté t affection du premier
et est mort trois mois après lui ; le troisième,
vacciné, est non seulement sorti indemne de
l'aventure, mais, ayant été mis à plusieurs re-
prises en contact prolongé avec de ses congé-
nères tuberculeux, n'a jamais été contaminé
par eux. Bien mieux, malgré les doses massi-
ves de tuberculine qui auraient tué en quel-
ques jours des bêtes non immunisées, en n'a
jamais pu réussir à l'infecter.
J'ai vu ce singe, un çynocéphale superbe, au
poil reluisant, alerte, gros et gras. Il y a plus
de cinq années qu'il résiste à toutes ces épreu-
ves !
Il existe encore une espèce de singes que
l'on appelle les singes verts. Ils ressemblent à
cette autre variété : les Capucins. De petite
taille, pourvus d'une longue queue, ce sont
des sujets destinés à l'étude du Paludisme.
Fait extrêmement curieux, ils sont tous atteints
de la fièvre des marais et l'analyse de leur
sang a permis d'y constater toutes les formes
du vaccin du Docteur Calmette.
En effet, on a enfermé dans une même cage
d'hématozoaires que l'on retrouve dans le sang
des hommes paludéens. Peut-être arrivera-t-on
à trouver un remède plus efficace que la qui-
nine pour triompher de cette maladie grave qui
fait tant de ravages dans nos colonies, car si
la quinine agit très bien dans le paludisme ré-
cent, elle donne de moins bons résultats dans
les affections anciennes.
Disons maintenant deux mots de l'organisa-
tion matérielle de « Pasteuria ».
Les médecins militaires détachés à l'Institut
Pasteur sont de véritables médecins chefs de
formation sanitaire, mais à l'encontre de ceux-
ci, ils n'ont pas d'officier gestionnaire. C'est
inouï, mais c'est ainsi. Quant aux crédits qui
leur sont alloués, ils sont nettement insuffi-
sants : les cages à singes ont été construites
avec des moyens de fortune, les laboratoires
sont exigus et les instruments mêmes font dé-
faut. Pour mettre convenablement sur pied une
aussi belle oeuvre et pour pouvoir en tirer ulté-
rieurement tous les bénéfices qu'elle promet,
une somme d'un million serait nécessaire. Il
faut avoir le courage de le dire, on gaspille
la plupart du temps des sommes fabuleuses
pour enrayer un fléau qu'on n'a pas su pré-
voir, alors qu'il serait beaucoup moins oné-
reux de se prémunir contre son offensive en
prenant les mesures préventives appropriées.
J'espère que la Commission des Finances vou-
drs bien entendre l'appel que j'adresserai à
sa générosité, car l'Etat n'a pas le droit de
se désintéresser d'une cause aussi sacrée que
celle de la lutte antituberculeuse.
Il me reste un devoir à remplir : féliciter
nos braves confrères qui dirigent « Pasteu-
ria » avec tant de compétence et d'abnéga-
tion. Ils ne vivent que dans leurs laboratoires
et ne connaissent d'autre distraction que le tra-
vail scientifique. Debout dès l'aube, la nuit
les surprend encore à la tâche. Ils sont litté-
ralement écrasés de besogne : non seulement
ils dcivent accomplir leur métier de savants,
mais ils sont également astreints à faire toutes
leurs écritures et leur comptabilité, voire même
à s'occuper de la nourriture et des soins à don-
ner aux animaux. C'est beaucoup trop pour
des gens qui devraient consacrer exclusivement
leur temps aux recherches expérimentales.
Néanmoins, ouvriers acharnés et modestes, ils
poursuivent leur but avec l'unique espoir
d'élargir un jour le cercle des connaissances
de l'homme dans un domaine qui, jusqu'ici,
a échappé à ses investigations. Puissent leurs
efforts jeter bientôt quelque lumière sur l'obs-
cur problème de la tuberculose... C'est le
souhait que ie formule. sachant combien sera
grande et saine leur satisfaction d'avoir coo-
péré aux progrès de la science. En attendant
l'avenir avec confiance, qu'ils trouvent ici
l'hommage de notre reconnaissance émue pour
le dévcuement dont ils fort preuve et les émi-
nents services qu'ils rendent à la Société.
Docteur PÉCHIN
Député de Paris.
Une bananeraie aux environs de Friguiagbé (cercle de Kindia).
Page 17
Le laboratoire de l'Institut Pasteur à Kindia.
allemand Brehm, qui écrivait dans « L'homme
et les animaux » : « Il est vraiment dommage
que la phtisie enlève si rapidement les chim-
panzés et les gorilles que l'on éloigne de leur
pays natal. Peu de temps après leur arrivée en
Europe, ils commencent à tousser et deviennent
plus tristes. A mesure que la maladie fait des
progrès, leur calme et leur douceur paraissent
augmenter ; bientôt ils font réellement pitié à
voir. Ils penchent la tête en avant comme les
personnes dont les poumons sont attaaués.
toussent de temps en temps et posent leurs
mains sur leurs poitrines malades : leurs yeux
bruns foncés prennent une si grande expression
de douleur, que l'homme ne peut les voir sans
être ému. Ordinairement ils succombent à
cette terrible maladie dès la première année et
rarement dans la seconde ; notre climat rigou-
reux ne peut jamais rendre leur belle patrie à
ces heureux enfants du midi ». En consé-
quence, pour que les travaux entrepris offrent
un réel intérêt, il a paru indisnensable de créer
en Guinée une annexe de l Institut Pasteur.
Les sujets d'expérience alors naturellement
sains ne risquent pas de devenir naturellement
tuberculeux et la recherche du savant garde
ainsi toute sa valeur sans que le résultat défi-
nitif risque jamais d'être compromis par l'in-
tervention de facteurs extérieurs toujours sus-
ceptibles de fausser la vérité. Telle est la rai-
son Qui a justifié l'installation du jardin d es-
sais de Kindia où des travaux scientifiques de
la plus haute importance se poursuivent acti-
vement.
Quant à l'expérimentation sur la contagion,
pour être probante, elle doit être faite égale-
ment sous les tropiques. Au moins là-bas est-
on certain que le singe devient tuberculeux au
contact d'un de ses semblables déjà malade.
C'est bien la contagion qui seule est en cause,
à l'exclusion de toute autre considération.
D'ailleurs les expériences auxquelles mes
confrères se sont livrés ont eu pour résultat
d'établir d'une façon indiscutable t efficacité
trois singes :
1 ° Un premier tuberculisé expérimentale-
ment ;
2° Un deuxième, non vacciné ;
3° Et enfin un troisième, vacciné avec le
vaccin de Calmette.
Que s'est-il produit ? Le premier est mort
de tuberculose ; le deuxième, non vacciné (le
singe témoin) a contracté t affection du premier
et est mort trois mois après lui ; le troisième,
vacciné, est non seulement sorti indemne de
l'aventure, mais, ayant été mis à plusieurs re-
prises en contact prolongé avec de ses congé-
nères tuberculeux, n'a jamais été contaminé
par eux. Bien mieux, malgré les doses massi-
ves de tuberculine qui auraient tué en quel-
ques jours des bêtes non immunisées, en n'a
jamais pu réussir à l'infecter.
J'ai vu ce singe, un çynocéphale superbe, au
poil reluisant, alerte, gros et gras. Il y a plus
de cinq années qu'il résiste à toutes ces épreu-
ves !
Il existe encore une espèce de singes que
l'on appelle les singes verts. Ils ressemblent à
cette autre variété : les Capucins. De petite
taille, pourvus d'une longue queue, ce sont
des sujets destinés à l'étude du Paludisme.
Fait extrêmement curieux, ils sont tous atteints
de la fièvre des marais et l'analyse de leur
sang a permis d'y constater toutes les formes
du vaccin du Docteur Calmette.
En effet, on a enfermé dans une même cage
d'hématozoaires que l'on retrouve dans le sang
des hommes paludéens. Peut-être arrivera-t-on
à trouver un remède plus efficace que la qui-
nine pour triompher de cette maladie grave qui
fait tant de ravages dans nos colonies, car si
la quinine agit très bien dans le paludisme ré-
cent, elle donne de moins bons résultats dans
les affections anciennes.
Disons maintenant deux mots de l'organisa-
tion matérielle de « Pasteuria ».
Les médecins militaires détachés à l'Institut
Pasteur sont de véritables médecins chefs de
formation sanitaire, mais à l'encontre de ceux-
ci, ils n'ont pas d'officier gestionnaire. C'est
inouï, mais c'est ainsi. Quant aux crédits qui
leur sont alloués, ils sont nettement insuffi-
sants : les cages à singes ont été construites
avec des moyens de fortune, les laboratoires
sont exigus et les instruments mêmes font dé-
faut. Pour mettre convenablement sur pied une
aussi belle oeuvre et pour pouvoir en tirer ulté-
rieurement tous les bénéfices qu'elle promet,
une somme d'un million serait nécessaire. Il
faut avoir le courage de le dire, on gaspille
la plupart du temps des sommes fabuleuses
pour enrayer un fléau qu'on n'a pas su pré-
voir, alors qu'il serait beaucoup moins oné-
reux de se prémunir contre son offensive en
prenant les mesures préventives appropriées.
J'espère que la Commission des Finances vou-
drs bien entendre l'appel que j'adresserai à
sa générosité, car l'Etat n'a pas le droit de
se désintéresser d'une cause aussi sacrée que
celle de la lutte antituberculeuse.
Il me reste un devoir à remplir : féliciter
nos braves confrères qui dirigent « Pasteu-
ria » avec tant de compétence et d'abnéga-
tion. Ils ne vivent que dans leurs laboratoires
et ne connaissent d'autre distraction que le tra-
vail scientifique. Debout dès l'aube, la nuit
les surprend encore à la tâche. Ils sont litté-
ralement écrasés de besogne : non seulement
ils dcivent accomplir leur métier de savants,
mais ils sont également astreints à faire toutes
leurs écritures et leur comptabilité, voire même
à s'occuper de la nourriture et des soins à don-
ner aux animaux. C'est beaucoup trop pour
des gens qui devraient consacrer exclusivement
leur temps aux recherches expérimentales.
Néanmoins, ouvriers acharnés et modestes, ils
poursuivent leur but avec l'unique espoir
d'élargir un jour le cercle des connaissances
de l'homme dans un domaine qui, jusqu'ici,
a échappé à ses investigations. Puissent leurs
efforts jeter bientôt quelque lumière sur l'obs-
cur problème de la tuberculose... C'est le
souhait que ie formule. sachant combien sera
grande et saine leur satisfaction d'avoir coo-
péré aux progrès de la science. En attendant
l'avenir avec confiance, qu'ils trouvent ici
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