Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-07-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1929 01 juillet 1929
Description : 1929/07/01-1929/07/31. 1929/07/01-1929/07/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743132v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 5
riennes ou marocaines. Le bourgeois tuni-
sien sort volontiers sa femme, habillée à
l'européenne. Et cette femme, longtemps re-
cluse, lancée tout à coup dans la vie, étale
son goût du brillant et son appétit de
plaisirs. « 0 femmes de Tunis, que Dieu
vous trahisse », dit la chanson d'Alger.
Le peuple demeure davantage dans la tra-
dition. Alangui, jouisseur, efféminé, il s'at-
tarde dans les maisonnettes caduques d'Hal-
faouine et dans les souks de la Mosquée de
l'Olive, où rôde une pénombre chargée de
senteurs. Mosaïques et enluminures, bois ou-
vragés et verreries de couleur composent à
son rêve un décor quelque peu byzantin.
« Rose musquée sur une chéchia de Tunis,
c'est notre emblème. La pipe de kif et le
haschisch, c'est notre nourriture », affir-
ment-ils.
L'aristocratie, — car il y en a une — a
subi également, plus que celle d'Algérie ou du
Maroc, l'influence occidentale. Dans les palais
somptueux en bordure de mer, dans les ado-
rables maisons de campagne de Djerba, en
mange sur des tables hautes, près des vas-
ques, et le maître de céans apparaît quel-
quefois en jaquette noire sous les galeries
de marbre rose. Pendant que les fils hantent
la Sorbonne ou les quartiers chics de Tunis,
le père, haut fonctionnaire ou propriétaire
terrien, médite dans la demeure des ancêtres
où il n'a pas refusé d'introduire le confort
moderne. La politique lui parvient de l'Ita-
lie d'en face et de la Turquie non éloignée.
Il reste néanmoins sincèrement attaché à la
France.
Je revois souvent Sid D..., caïd d'une des
plus riches oasis du Sud Tunisien. Il est le
type achevé de la beauté maure, portant
dans ses yeux bleus tout le rêve des grands
espaces et aussi le regret d'anciens prestiges.
Son père fut premier ministre du Bey et lui-
même est docteur en droit.
« Nous sommes devenus des inquiets, me
dit-il. Le nouveau pour nous a fort bon goût,
mais nous ne pouvons oublier l'ancien. Nous
sommes comme le voyageur qui traîne indé-
finiment la nostalgie de pays perdus et qui
ne peut plus demeurer sur la terre natale.
Le désert ne nous suffit plus et Paris nous
attriste. Nos femmes ne sont pas assez ins-
truites pour nous et nous ne pouvons nous
attacher aux Occidentales, qui n'ont ni nos
élans, ni nos souvenirs. Nous serions des
ingrats cependant si nous ne reconnaissions
que la France a été bonne et bienfaisante
à notre pays et à notre peuple. Nos pères le
répètent sans cesse : Que Dieu ne fasse plus
changer les visages autour de nous ! »
Elissa RHAIS.
Pierre TAITTINGER
Tous les Français qui ont eu le bonheur
de visiter la Tunisie en rapportent d'inou-
bliables souvenirs.
La magnificence de ses horizons, des
eaux incomparables de la Méditerranée aux
sables du désert, la mélancolie de ses ruines
grandioses où le génie de l'Orient vient se
fondre dans le génie latin et s'incliner de-
vant lui, tant de souvenirs d'un passé fas-
tueux, Carthage, la lutte avec Rome, les
grandes ombres de Saint Augustin, des Sa-
lambo, des Hamilcar, planant sur ces ter-
res mystérieuses, tout cela laisse les tou-
ristes sous une impression de grandeur qu'on
ne retrouve nulle part à un tel degré sur la
terre africaine.
Et pourtant ce n'est pas un souvenir de
touriste qui pour moi l'emporte sur tous ceux
que j'ai rapportés de là-bas.
C'était à Kief, dans cette plaine opu-
lente qui est comme la Beauce tunisienne
égayée çà et là de maisons blanches.
Le machinisme moderne est adopté par la plupart des colons français.
Le soir tombait sur la plaine et devant la
foule des travailleurs qui revenaient de leur
rude labeur du jour, je dus prononcer l'al-
locution traditionnelle dans ces pays.
que nous avions tous faits sur les champs de
bataille et je sentais qu'à leurs yeux, la
guerre, l'ennemi commun à combattre avait
effacé les différences de races. C'est pour la
» Un étalon de pur sang (Sidl Tabet).
Silencieux, ils s'étaient rangés en carré
autour de moi, Français, Tunisiens, Italiens
en nombre presque égal. Et dans ce décor
étrange, j'évoquais pour eux les sacrifices
même cause, le même idéal qu'Italiens, Tu-
nisiens et Français avaient bravé la mort,
côte à côte, pendant des mois et des mois.
Maintenant les travaux de la paix les ont
Troupeau de zébus (Sidi Tabet).
Page 5
riennes ou marocaines. Le bourgeois tuni-
sien sort volontiers sa femme, habillée à
l'européenne. Et cette femme, longtemps re-
cluse, lancée tout à coup dans la vie, étale
son goût du brillant et son appétit de
plaisirs. « 0 femmes de Tunis, que Dieu
vous trahisse », dit la chanson d'Alger.
Le peuple demeure davantage dans la tra-
dition. Alangui, jouisseur, efféminé, il s'at-
tarde dans les maisonnettes caduques d'Hal-
faouine et dans les souks de la Mosquée de
l'Olive, où rôde une pénombre chargée de
senteurs. Mosaïques et enluminures, bois ou-
vragés et verreries de couleur composent à
son rêve un décor quelque peu byzantin.
« Rose musquée sur une chéchia de Tunis,
c'est notre emblème. La pipe de kif et le
haschisch, c'est notre nourriture », affir-
ment-ils.
L'aristocratie, — car il y en a une — a
subi également, plus que celle d'Algérie ou du
Maroc, l'influence occidentale. Dans les palais
somptueux en bordure de mer, dans les ado-
rables maisons de campagne de Djerba, en
mange sur des tables hautes, près des vas-
ques, et le maître de céans apparaît quel-
quefois en jaquette noire sous les galeries
de marbre rose. Pendant que les fils hantent
la Sorbonne ou les quartiers chics de Tunis,
le père, haut fonctionnaire ou propriétaire
terrien, médite dans la demeure des ancêtres
où il n'a pas refusé d'introduire le confort
moderne. La politique lui parvient de l'Ita-
lie d'en face et de la Turquie non éloignée.
Il reste néanmoins sincèrement attaché à la
France.
Je revois souvent Sid D..., caïd d'une des
plus riches oasis du Sud Tunisien. Il est le
type achevé de la beauté maure, portant
dans ses yeux bleus tout le rêve des grands
espaces et aussi le regret d'anciens prestiges.
Son père fut premier ministre du Bey et lui-
même est docteur en droit.
« Nous sommes devenus des inquiets, me
dit-il. Le nouveau pour nous a fort bon goût,
mais nous ne pouvons oublier l'ancien. Nous
sommes comme le voyageur qui traîne indé-
finiment la nostalgie de pays perdus et qui
ne peut plus demeurer sur la terre natale.
Le désert ne nous suffit plus et Paris nous
attriste. Nos femmes ne sont pas assez ins-
truites pour nous et nous ne pouvons nous
attacher aux Occidentales, qui n'ont ni nos
élans, ni nos souvenirs. Nous serions des
ingrats cependant si nous ne reconnaissions
que la France a été bonne et bienfaisante
à notre pays et à notre peuple. Nos pères le
répètent sans cesse : Que Dieu ne fasse plus
changer les visages autour de nous ! »
Elissa RHAIS.
Pierre TAITTINGER
Tous les Français qui ont eu le bonheur
de visiter la Tunisie en rapportent d'inou-
bliables souvenirs.
La magnificence de ses horizons, des
eaux incomparables de la Méditerranée aux
sables du désert, la mélancolie de ses ruines
grandioses où le génie de l'Orient vient se
fondre dans le génie latin et s'incliner de-
vant lui, tant de souvenirs d'un passé fas-
tueux, Carthage, la lutte avec Rome, les
grandes ombres de Saint Augustin, des Sa-
lambo, des Hamilcar, planant sur ces ter-
res mystérieuses, tout cela laisse les tou-
ristes sous une impression de grandeur qu'on
ne retrouve nulle part à un tel degré sur la
terre africaine.
Et pourtant ce n'est pas un souvenir de
touriste qui pour moi l'emporte sur tous ceux
que j'ai rapportés de là-bas.
C'était à Kief, dans cette plaine opu-
lente qui est comme la Beauce tunisienne
égayée çà et là de maisons blanches.
Le machinisme moderne est adopté par la plupart des colons français.
Le soir tombait sur la plaine et devant la
foule des travailleurs qui revenaient de leur
rude labeur du jour, je dus prononcer l'al-
locution traditionnelle dans ces pays.
que nous avions tous faits sur les champs de
bataille et je sentais qu'à leurs yeux, la
guerre, l'ennemi commun à combattre avait
effacé les différences de races. C'est pour la
» Un étalon de pur sang (Sidl Tabet).
Silencieux, ils s'étaient rangés en carré
autour de moi, Français, Tunisiens, Italiens
en nombre presque égal. Et dans ce décor
étrange, j'évoquais pour eux les sacrifices
même cause, le même idéal qu'Italiens, Tu-
nisiens et Français avaient bravé la mort,
côte à côte, pendant des mois et des mois.
Maintenant les travaux de la paix les ont
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