Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-07-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1929 01 juillet 1929
Description : 1929/07/01-1929/07/31. 1929/07/01-1929/07/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743132v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Page 18
Les Annales Coloniales
Le Dispensaire Alapetite, avec sa crèche
et sa Goutte de Lait, complète l'action des
Croix-Rouges avec l'aide des Sœurs de Saint
Vincent de Paul. Le dévouement de toutes
les infirmières, sœurs blanches de Carthage,
religieuses de Saint-Vincent de Paul, fem.
mes de colons et de fonctionnaires, est admi-
rable. Jamais elles ne reculent devant les
épidémies ou la fatigue. Plusieurs en ont
souffert dans leur santé. Ne devons-nous pas
un hommage particulier à l'une d'entre elles,
Mlle Burky, nièce de M. Ador, l'ancien pré-
sident de la Confédératoin helvétique, morte
il y a quelques années au Dispensaire de la
Société de Secours aux Blessés militaires,
victime de son dévouement à la politique
d'association entre les Français et les Indi-
gènes.
Une très belle œuvre d'association fut
celle créée par Mme Lucien Saint. Elle
s'adresse à tous les enfants, mais spéciale-
ment à ceux des indigènes ; embrasse la pro-
tection de la première enfance, c'est-à-dire
les soins nécessaires aux mères avant et
après la naissance, la surveillance des nour-
rissons, enfin la protection de la seconde
enfance, consultations, garderies, colonies de
vacances, etc. Cette organisation si complète
n'est subventionnée qu'en partie par le budget
tunisien grâce à l'institution de journées
pour l'enfance à travers toute la Tunisie.
L'œuvre bénéficie ainsi chaque année d'en
viron 400.000 fr. de dons.
Ainsi s'illustre, dans les réalités, la poli-
tique de collaboration des Français et des
Berbères qui vivent côte à côte, multiplient
au lieu de les fuir les contacts nécessaires.
Ils travaillent ensemble et se connaissent
mieux. Les colons font place à nos protégés
dans leurs groupements agricoles, commer-
ciaux, financiers, professionnels, sociaux.
Les Tunisiens par là apprennent ou dévelop-
pent le sens de la solidarité, l'esprit de
prévoyance, d'économie, de travail continu,
le respect des engagements, en un mot ce qui
constitue les vertus nécessaires de toute fa-
mille humaine.
C'est ce que j'exprimais en quelques mots,
il y a peu d'années, à la Fédération des
Œuvres de Mutualité de la Régence, devant
mes amis colons et indigènes : « Français
d'Afrique, nous travaillons pour que l'arbre
des Gaules pousse de profondes racines au
vieux sol berbère. Et vous, mes amis indi-
gènes, nous espérons qu'à l'abri de son om-
bre, mêlant toujours vos travaux aux nôtres,
vous évoluerez vers cette civilisation fran-
çaise, qu'ensemble nous ferons progresser
vers toujours plus de mieux-être, plus de
progrès social et moral. »
Pour les guider dans cette voie, Français
de la Régence et Tunisiens peuvent faire
confiance à l'homme bienveillant, droit et
actif qui représente la France à Tunis. Le
Résident Général, assisté dans cette haute
mission par Mme Manceron, a pris à cœur,
dès son arrivée, d'affirmer à l'égard des Tu-
nisiens cette politique de bonté et d'amitié
dans la collaboration. Il y joint les qualités
de justice, et d'autorité, dont il a donné
tant de preuves dans les différentes fonc-
tions où il a déjà si bien servi la Républi-
que, qualités qui sont de règle aux colonies
comme en tout pays pour assurer, dans la
paix des esprits, la prospérité d'un peuple.
Edouard de WARREN,
Dé futé de Meurthc-et-Moselle,
Président général de l'Association Agri-
cole de la Tunisie » (Union des Œu-
vres professionnelles et mutuelles
agricoles françaises et indigènes de
la Régence).
PARIS-TUNIS
Juin 1925.
Un coup de téléphone, un soir, alors que
l'atmosphère du Paris de juin est tout im-
prégnée d'humidité, de chaleur d'asphalte et
de la mélancolie d'une année qui finit, car
les Parisiens comptent le temps à la manière
des écoliers, d'une grande vacance à l'autre.
— « Un avion de l'Aéro-Navale va inau-
gurer la ligne Antibes-Tunis. Voulez-vous
être le premier passager? Pour quel jour-
nal? »
— « Avec joie. Merci. Je serai là pour
l' Intransi geant. J)
* *
Antibes, par opposition à Paris à cha-
leur d'alcôve, s'éventait d'un air marin qui
faisait pousser les chandails de laines vives
sur la plage.
Visite au hangar, à l'hydravion, à la mer,
à tout ce qui constitue ce cadre spécial d'une
gare aérienne, d'une de ces gares semées à
travers le monde à centaines d'exemplaires,
toutes diverses, toutes semblables, et que je
retrouve au fond de mes paupières, mêlées à
la nostalgie de mes premiers départs, évo-
quées brusquement par le ronflement d'un
moteur ou par une bouffée d'huile âcre de
ricin.
Demain, nous partirons à l'aube. le pi-
lote Macheny, le commandant Flamanc et
moi.
*
* *
Antibes a voilé d'une brume légère ses
pin s-parasol s, ses tentes champignon et son
sable moins doré que la peau des adolescents.
Amarrés contre la jetée, les appareils se sQoU-
lèvent légèrement au rythme de l'eau clapo-
tante. Une courte passerelle, un plongeon
dans la coque, une écoutille qui se referme,
les hublots vissés, nous sommes prêts.
Départ sur la mer qui donne sous nos
pieds des coups de bêlier. Monstre marin,
nous soulevons de grandes gerbes d'eau, sau-
tons de lame en lame comme un dauphin, le
regard accroché et tiré en arrière par les
quais qui nous fuient à cent kilomètres il
l'heure. D'un seul coup, nous volons. J'ou-
vre les hublots, tandis que nous tournons sur
nous-mêmes. Un signal, un essai de T.S.F.,
en flèche nous disparaissons dans un nuage.
Mer de nuages. Il paraît paradoxal, alors
que l'on survole la vraie mer, de ne voir
au-dessous de soi que des vagues de coton
blanc se chevauchant les unes les autres,
s'escaladant en forme de rochers, créant des
banquises et des cataractes de souffle, et ne
laissant rien apercevoir du sol plat et bleu
dans lequel tout à l'heure encore, je voyais
jouer les dauphins.
Vol dans la brume. Je songe aux sirè-
nes des navires essayant de faire le vide sur
leur route, et à notre liberté. L'espace est à
nous. Pourtant la T. S.F. qui nous avertit
d'un temps clair à Ajaccio, nous est encore
un lien avec cette terre, que le poids de l'ap-
pareil et ses chutes brusques dans les trous
d'air, suffit à nous faire rappeler.
Dans la magnifique baie corse où nous
nous posons en faisant fuir les mouettes,
nous apprenons que nous devons remettre
notre départ jusqu'au lendemain.
* *
Le lendemain, après avoir survolé la Sar-
daigne et la mer, toujours la mer, nous nous
posons en rade de Bizerte où de jeunes
midships venaient nous chercher pour nous
remorquer.
Tunis était pratiquement à dix heures de
Paris.
Je crois en effet que, devançant le moyen
de transports rapides qui la mettraient à
portée de venir passer ses week-end aux Fo-
lies-Bergère, la Tunisie était déjà une pro-
vince française.
Tunis, avec ses larges avenues, ses pro-
meneurs vêtus à l'européenne et ses SOUK:;
industrialisés n'est orientale qu'à une dose
plus forte que la Provence.
A errer dans tous les pays d'influence
musulmane, d'Ispahan à Mogador, d'An-
gora à Rabat, de Bagdad au Caire, je suis
arrivée à sentir ces subtiles différences d'un
peuple à l'autre qu'une longue analyse
expliquerait plus mal qu'une intuition.
Pour moi, Tunis est, à certains points de
vue, très près de Constantinople ou du Caire.
Le rigorisme religieux que Mustapha Ké-
mal noya dans le Bosphore, et que les Egyp-
tiens aèrent en dévoilant leurs femmes six
mois par an à Londres ou aux Champs-Ely-
sées, est resté plus tenace ici malgré les
efforts des jeunes.
Il y a dans un Tunisien cultivé un éton-
nant mélange de francisation et de tradi-
tions séculaires même lorsqu'il s'en défend.
Il est resté, et je l'en félicite, très per-
sonnel.
J'ai, dans certans coins de Tunisie, re-
trouvé le rythme de petits villages de Cata-
logne où les femmes servent les hommes
à table et attendent qu'ils aient fini pour
aller s'accroupir au coin de l'âtre en man-
geant les restes.
Cette influence maure a maintenu à la
Tunisie son vrai visage. Le goût du nou-
veau, l'amour de s'instruire et surtout le
sens de la suprématie du mâle a envoyé
les jeunes gens dans les collèges de France
d;où ils reviendront en citant Platon, pour
y trouver une raison de plus à dominer leurs
femmes.
*
lie *
Ce charme d'un pays où l'exotisme était
resté enfoncé avec la solidité d'une racine
de palmier, à côté de la culture nouvelle,
que deviendra-t-il dans la rapidité avec la-
quelle la vie se poursuit aujourd'hui? Les
hommes qui n'ont pas trouvé le moyen de
prolonger la durée de leur existence ont
tourné la difficulté en faisant tenir cinq fois
plus de choses dans un même nombre d'an-
nées. A la vitesse accélérée à laquelle va le
monde, qu'adviendra-t-il dans un temps très
proche, de ces jardins où de jeunes gar-
çons se promènent en se tenant par le petit
doigt ?
Les portes de ces palais, ouvertes à tous
les livres et à tous les colifichets, ne lais-
seront-elles pas passer en sens inverse celles
qui ne sont encore que des petites filles?
En 1925, lorsque je réalisai par moi-même
Tunis à dix heures de Paris, je songeai à
cette immense uniformisation de la terre.
Depuis, j'ai appris que cet uniforme serait
peut-être de coupe américaine. Le geste de
Lindbergh est plus significatif que toutes
les campagnes d'idées. Le monde est déjà
cette grande ville aux quartiers divers :
New-York, Londres, Moscou, Pékin, Tokio,
Buenos-Aires, Paris.
Tunis est presque un faubourg de Paris.
Un faubourg coloré, vivant, qui a su gar-
der un peu de la douceur et du calme dont
ont besoin nos âmes inquiètes et nos corps
fatigués.
TITAYNA.
Les Annales Coloniales
Le Dispensaire Alapetite, avec sa crèche
et sa Goutte de Lait, complète l'action des
Croix-Rouges avec l'aide des Sœurs de Saint
Vincent de Paul. Le dévouement de toutes
les infirmières, sœurs blanches de Carthage,
religieuses de Saint-Vincent de Paul, fem.
mes de colons et de fonctionnaires, est admi-
rable. Jamais elles ne reculent devant les
épidémies ou la fatigue. Plusieurs en ont
souffert dans leur santé. Ne devons-nous pas
un hommage particulier à l'une d'entre elles,
Mlle Burky, nièce de M. Ador, l'ancien pré-
sident de la Confédératoin helvétique, morte
il y a quelques années au Dispensaire de la
Société de Secours aux Blessés militaires,
victime de son dévouement à la politique
d'association entre les Français et les Indi-
gènes.
Une très belle œuvre d'association fut
celle créée par Mme Lucien Saint. Elle
s'adresse à tous les enfants, mais spéciale-
ment à ceux des indigènes ; embrasse la pro-
tection de la première enfance, c'est-à-dire
les soins nécessaires aux mères avant et
après la naissance, la surveillance des nour-
rissons, enfin la protection de la seconde
enfance, consultations, garderies, colonies de
vacances, etc. Cette organisation si complète
n'est subventionnée qu'en partie par le budget
tunisien grâce à l'institution de journées
pour l'enfance à travers toute la Tunisie.
L'œuvre bénéficie ainsi chaque année d'en
viron 400.000 fr. de dons.
Ainsi s'illustre, dans les réalités, la poli-
tique de collaboration des Français et des
Berbères qui vivent côte à côte, multiplient
au lieu de les fuir les contacts nécessaires.
Ils travaillent ensemble et se connaissent
mieux. Les colons font place à nos protégés
dans leurs groupements agricoles, commer-
ciaux, financiers, professionnels, sociaux.
Les Tunisiens par là apprennent ou dévelop-
pent le sens de la solidarité, l'esprit de
prévoyance, d'économie, de travail continu,
le respect des engagements, en un mot ce qui
constitue les vertus nécessaires de toute fa-
mille humaine.
C'est ce que j'exprimais en quelques mots,
il y a peu d'années, à la Fédération des
Œuvres de Mutualité de la Régence, devant
mes amis colons et indigènes : « Français
d'Afrique, nous travaillons pour que l'arbre
des Gaules pousse de profondes racines au
vieux sol berbère. Et vous, mes amis indi-
gènes, nous espérons qu'à l'abri de son om-
bre, mêlant toujours vos travaux aux nôtres,
vous évoluerez vers cette civilisation fran-
çaise, qu'ensemble nous ferons progresser
vers toujours plus de mieux-être, plus de
progrès social et moral. »
Pour les guider dans cette voie, Français
de la Régence et Tunisiens peuvent faire
confiance à l'homme bienveillant, droit et
actif qui représente la France à Tunis. Le
Résident Général, assisté dans cette haute
mission par Mme Manceron, a pris à cœur,
dès son arrivée, d'affirmer à l'égard des Tu-
nisiens cette politique de bonté et d'amitié
dans la collaboration. Il y joint les qualités
de justice, et d'autorité, dont il a donné
tant de preuves dans les différentes fonc-
tions où il a déjà si bien servi la Républi-
que, qualités qui sont de règle aux colonies
comme en tout pays pour assurer, dans la
paix des esprits, la prospérité d'un peuple.
Edouard de WARREN,
Dé futé de Meurthc-et-Moselle,
Président général de l'Association Agri-
cole de la Tunisie » (Union des Œu-
vres professionnelles et mutuelles
agricoles françaises et indigènes de
la Régence).
PARIS-TUNIS
Juin 1925.
Un coup de téléphone, un soir, alors que
l'atmosphère du Paris de juin est tout im-
prégnée d'humidité, de chaleur d'asphalte et
de la mélancolie d'une année qui finit, car
les Parisiens comptent le temps à la manière
des écoliers, d'une grande vacance à l'autre.
— « Un avion de l'Aéro-Navale va inau-
gurer la ligne Antibes-Tunis. Voulez-vous
être le premier passager? Pour quel jour-
nal? »
— « Avec joie. Merci. Je serai là pour
l' Intransi geant. J)
* *
Antibes, par opposition à Paris à cha-
leur d'alcôve, s'éventait d'un air marin qui
faisait pousser les chandails de laines vives
sur la plage.
Visite au hangar, à l'hydravion, à la mer,
à tout ce qui constitue ce cadre spécial d'une
gare aérienne, d'une de ces gares semées à
travers le monde à centaines d'exemplaires,
toutes diverses, toutes semblables, et que je
retrouve au fond de mes paupières, mêlées à
la nostalgie de mes premiers départs, évo-
quées brusquement par le ronflement d'un
moteur ou par une bouffée d'huile âcre de
ricin.
Demain, nous partirons à l'aube. le pi-
lote Macheny, le commandant Flamanc et
moi.
*
* *
Antibes a voilé d'une brume légère ses
pin s-parasol s, ses tentes champignon et son
sable moins doré que la peau des adolescents.
Amarrés contre la jetée, les appareils se sQoU-
lèvent légèrement au rythme de l'eau clapo-
tante. Une courte passerelle, un plongeon
dans la coque, une écoutille qui se referme,
les hublots vissés, nous sommes prêts.
Départ sur la mer qui donne sous nos
pieds des coups de bêlier. Monstre marin,
nous soulevons de grandes gerbes d'eau, sau-
tons de lame en lame comme un dauphin, le
regard accroché et tiré en arrière par les
quais qui nous fuient à cent kilomètres il
l'heure. D'un seul coup, nous volons. J'ou-
vre les hublots, tandis que nous tournons sur
nous-mêmes. Un signal, un essai de T.S.F.,
en flèche nous disparaissons dans un nuage.
Mer de nuages. Il paraît paradoxal, alors
que l'on survole la vraie mer, de ne voir
au-dessous de soi que des vagues de coton
blanc se chevauchant les unes les autres,
s'escaladant en forme de rochers, créant des
banquises et des cataractes de souffle, et ne
laissant rien apercevoir du sol plat et bleu
dans lequel tout à l'heure encore, je voyais
jouer les dauphins.
Vol dans la brume. Je songe aux sirè-
nes des navires essayant de faire le vide sur
leur route, et à notre liberté. L'espace est à
nous. Pourtant la T. S.F. qui nous avertit
d'un temps clair à Ajaccio, nous est encore
un lien avec cette terre, que le poids de l'ap-
pareil et ses chutes brusques dans les trous
d'air, suffit à nous faire rappeler.
Dans la magnifique baie corse où nous
nous posons en faisant fuir les mouettes,
nous apprenons que nous devons remettre
notre départ jusqu'au lendemain.
* *
Le lendemain, après avoir survolé la Sar-
daigne et la mer, toujours la mer, nous nous
posons en rade de Bizerte où de jeunes
midships venaient nous chercher pour nous
remorquer.
Tunis était pratiquement à dix heures de
Paris.
Je crois en effet que, devançant le moyen
de transports rapides qui la mettraient à
portée de venir passer ses week-end aux Fo-
lies-Bergère, la Tunisie était déjà une pro-
vince française.
Tunis, avec ses larges avenues, ses pro-
meneurs vêtus à l'européenne et ses SOUK:;
industrialisés n'est orientale qu'à une dose
plus forte que la Provence.
A errer dans tous les pays d'influence
musulmane, d'Ispahan à Mogador, d'An-
gora à Rabat, de Bagdad au Caire, je suis
arrivée à sentir ces subtiles différences d'un
peuple à l'autre qu'une longue analyse
expliquerait plus mal qu'une intuition.
Pour moi, Tunis est, à certains points de
vue, très près de Constantinople ou du Caire.
Le rigorisme religieux que Mustapha Ké-
mal noya dans le Bosphore, et que les Egyp-
tiens aèrent en dévoilant leurs femmes six
mois par an à Londres ou aux Champs-Ely-
sées, est resté plus tenace ici malgré les
efforts des jeunes.
Il y a dans un Tunisien cultivé un éton-
nant mélange de francisation et de tradi-
tions séculaires même lorsqu'il s'en défend.
Il est resté, et je l'en félicite, très per-
sonnel.
J'ai, dans certans coins de Tunisie, re-
trouvé le rythme de petits villages de Cata-
logne où les femmes servent les hommes
à table et attendent qu'ils aient fini pour
aller s'accroupir au coin de l'âtre en man-
geant les restes.
Cette influence maure a maintenu à la
Tunisie son vrai visage. Le goût du nou-
veau, l'amour de s'instruire et surtout le
sens de la suprématie du mâle a envoyé
les jeunes gens dans les collèges de France
d;où ils reviendront en citant Platon, pour
y trouver une raison de plus à dominer leurs
femmes.
*
lie *
Ce charme d'un pays où l'exotisme était
resté enfoncé avec la solidité d'une racine
de palmier, à côté de la culture nouvelle,
que deviendra-t-il dans la rapidité avec la-
quelle la vie se poursuit aujourd'hui? Les
hommes qui n'ont pas trouvé le moyen de
prolonger la durée de leur existence ont
tourné la difficulté en faisant tenir cinq fois
plus de choses dans un même nombre d'an-
nées. A la vitesse accélérée à laquelle va le
monde, qu'adviendra-t-il dans un temps très
proche, de ces jardins où de jeunes gar-
çons se promènent en se tenant par le petit
doigt ?
Les portes de ces palais, ouvertes à tous
les livres et à tous les colifichets, ne lais-
seront-elles pas passer en sens inverse celles
qui ne sont encore que des petites filles?
En 1925, lorsque je réalisai par moi-même
Tunis à dix heures de Paris, je songeai à
cette immense uniformisation de la terre.
Depuis, j'ai appris que cet uniforme serait
peut-être de coupe américaine. Le geste de
Lindbergh est plus significatif que toutes
les campagnes d'idées. Le monde est déjà
cette grande ville aux quartiers divers :
New-York, Londres, Moscou, Pékin, Tokio,
Buenos-Aires, Paris.
Tunis est presque un faubourg de Paris.
Un faubourg coloré, vivant, qui a su gar-
der un peu de la douceur et du calme dont
ont besoin nos âmes inquiètes et nos corps
fatigués.
TITAYNA.
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