Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-09-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1929 01 septembre 1929
Description : 1929/09/01-1929/09/30. 1929/09/01-1929/09/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97431301
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 5
regrettent les privilèges
disparus et les castes
déchues ; ceux-là char-
ge r o n t la démocratie
nouvelle de tous les
maux et souhaiteront,
publiquement ou non,
le retour aux esclavages
abolis. L'on y trouvera
aussi, comme ailleurs,
les outranciers démago-
gues, voire les énergu-
mènes de race, qui gros-
sissent, de bonne foi ou
non, des restes de pré-
jugés en des apparences
de guerre civile et agi-
tent leurs haillons de
rancunes en des dra-
p e a u x de revendica-
tions. L'écho de ces
querelles insulaires est
parvenu — combien dé-
mesurément enflé par
les intéressés eux-mêmes
— jusqu'à une métropole
parfois plus émue que
de raison. Mais, tout
cela, qu'est-ce autre chose, sous une for-
me plus colorée, que les éternelles misères
inhérentes à l'exercice de la liberté en tous
pays? Et combien cela pèse-t-il dans la ba-
lance des réalisations obtenues?
Les Guadeloupéens sont toujours ceux
qu'on appelait déjà, au xviic siècle, « les
bonnes gens de la Guadeloupe JI, par oppo-
sition à « ces messieurs de la Martinique »
et aux « seigneurs de Saint-Domingue ».
Ces bonnes gens sont aussi de braves gens.
Noirs, blancs, hommes de couleur, ils sont
naturellement aimables, sociables, accueil-
lants et confiants. Ils portent dans leur sou-
rire facile et leurs yeux pétillants la même
générosité spontanée que la verdure et le
ciel natals. Ils travaillent aux champs, à la
mer, au comptoir, à l'usine. Bons marins
et habiles pêcheurs, ils se sont révélés nobles
soldats pendant la guerre de 1914 à 1918.
En eux, se sont fondues et comme exaltées
les traditions venues des guerriers caraïbes,
des travailleurs noirs, des conquistadores
ibériques, des corsaires normands, de tant
d'hérédités aventureuses et créatrices. Ne
les blâmez pas de leur amour-propre : il
n'est qu'un amour de la gloire qui n'exclut
nullement l'amour d'autrui.
Tous ceux qui l'ont fréquentée reconnais-
sent qu'il y a un grand charme dans cette
société coloniale à la fois très jeune et très
ancienne, très patriote et très cosmopolite,
très dilettante et très laborieuse, très cita-
dine et très agricole, très terrienne et très
maritime, fille, elle
aussi, des océans et des
soleils, au sang mêlé
d'Europe et d'Afrique
sur un sol américain,
et qui va du planteur à
la câpresse en passant
par toute la gamme des
originalités créoles.
De tous les charmes
de la Guadeloupe il en
est un dont je ne pour-
rai donner aucune idée
ici et qui, pourtant, les
résume tous avec une
séduction unique : je
veux parler de ce pa-
tois créole, déjà célèbre
au temps du Consulat,
et où flottent, avec le
plus pur style français
du XVIII" siècle, des ré-
miniscences caraïbes et
parfois même de très
vieux parlers nègres
Charrette à bœufs
(Dessin inédit de Germaine Casse.)
d'Afrique, sans oublier tous ces argots ma-
rins du golfe de Gascogne, des îles de la
Manche et même des rivages des deux Amé-
M. TELLIER,
Gouverneur de la Guadeloupe.
Photos artistiques — Caton (Basse-Terre).
riques. Cet inimitable patois créole, aux vifs
raccourcis et aux langueurs imagées, a donné
lieu à toute une littérature infiniment savon-
Saint-Claude. — Entrée de l'Hôtel du Gouverneur. (CI. Boisel.)
reuse, mais dont 1 e s
nuances populaires sont
intraduisibles.
Telle quelle, avec ses
charmes et ses faibles-
ses, ses vertus et ses dé-
fauts, la société colo-
niale a. fait depuis un
demi-siècle ses preuves
à la Guadeloupe.
Sa population a dé-
passé aujourd'hui deux
cent mille habitants,
dont plus de cent cin-
quante mille sont occu-
pés à l'agriculture. La
Guadeloupe a maintenu
— malgré la dure con-
currence européenne —
sa production de sucre
au niveau du passé. Mê-
me certaines de ses su-
creries ont réalisé des
séries de bénéfices an-
nuels s'élevant jusqu'à
40 % du capital so-
cial. Elle a doublé sa
production de cacao et
triplé la yente de ses cafés, qui sont, comme
on le sait, classés comme les meilleurs du
monde entier. Grande productrice aussi d ex-
cellent rhum de cannes, de vanille, d ananas,
de bananes, de vétyver, de bois d'Inde, sans
compter ses beaux acajous et mahogannis,
la Guadeloupe est en plein développe ment
agricole et industriel.
Ses deux villes principales, Basse-Terre
et Pointe-à-Pitre, sont éclairées à l'électri-
cité. Une puissante société est en train de
réaliser l'électrification totale de l'Ile, sui-
vant un programme décidé par le Conseil
Général de la Guadeloupe. Une autre société,
non moins importante, prépare l'adduction
des eaux et leur irrigation dans toute la
Grande-Terre.
Plus de douze cents automobiles sillon-
nent un réseau routier que le Conseil géné-
ral a décidé d'accroître et d'étendre jusque
sur les hauteurs forestières promises, par
leurs stations balnéaires et leur incompara-
ble beauté, au grand tourisme universel.
Deux petits chemins de fer vont des prin-
cipales sucreries à la. merveilleuse rade de
la Pointe-à-Pitre. l'une des plus spacieuses
et des plus sûres du monde entier.
Quatre-vingt-quinze écoles primaires dis-
tribuent l'instruction dans trente-six rom-
munes. Quinze journaux quotidiens ou heb-
domadaires y paraissent. Un lycée d'ensei-
gnement secondaire forme et élève l'élite
d'une jeunesse qui a produit les Sainte-
Olnire-Deville. notre ancien généralissime
Henri de Lacroix, le
contre-amiral noir Mor-
tenol, le sénateur Isaac,
et tant d'autres Français
de talent qui ont honoré
leur petite patrie dans
toutes les professions.
Telle est, esquissée à
grands traits, trop som-
maires et trop rapides,
la physionomie générale
de notre belle Guade-
loupe.
L'île d'Emeraude
reste, au début du
xxe siècle, un des plus
étincelants joyaux d e
notre France éternelle.
Henry BÉRENGER,
Sénateur
de la Guadeloupe,
Ambassadeur
de France.
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regrettent les privilèges
disparus et les castes
déchues ; ceux-là char-
ge r o n t la démocratie
nouvelle de tous les
maux et souhaiteront,
publiquement ou non,
le retour aux esclavages
abolis. L'on y trouvera
aussi, comme ailleurs,
les outranciers démago-
gues, voire les énergu-
mènes de race, qui gros-
sissent, de bonne foi ou
non, des restes de pré-
jugés en des apparences
de guerre civile et agi-
tent leurs haillons de
rancunes en des dra-
p e a u x de revendica-
tions. L'écho de ces
querelles insulaires est
parvenu — combien dé-
mesurément enflé par
les intéressés eux-mêmes
— jusqu'à une métropole
parfois plus émue que
de raison. Mais, tout
cela, qu'est-ce autre chose, sous une for-
me plus colorée, que les éternelles misères
inhérentes à l'exercice de la liberté en tous
pays? Et combien cela pèse-t-il dans la ba-
lance des réalisations obtenues?
Les Guadeloupéens sont toujours ceux
qu'on appelait déjà, au xviic siècle, « les
bonnes gens de la Guadeloupe JI, par oppo-
sition à « ces messieurs de la Martinique »
et aux « seigneurs de Saint-Domingue ».
Ces bonnes gens sont aussi de braves gens.
Noirs, blancs, hommes de couleur, ils sont
naturellement aimables, sociables, accueil-
lants et confiants. Ils portent dans leur sou-
rire facile et leurs yeux pétillants la même
générosité spontanée que la verdure et le
ciel natals. Ils travaillent aux champs, à la
mer, au comptoir, à l'usine. Bons marins
et habiles pêcheurs, ils se sont révélés nobles
soldats pendant la guerre de 1914 à 1918.
En eux, se sont fondues et comme exaltées
les traditions venues des guerriers caraïbes,
des travailleurs noirs, des conquistadores
ibériques, des corsaires normands, de tant
d'hérédités aventureuses et créatrices. Ne
les blâmez pas de leur amour-propre : il
n'est qu'un amour de la gloire qui n'exclut
nullement l'amour d'autrui.
Tous ceux qui l'ont fréquentée reconnais-
sent qu'il y a un grand charme dans cette
société coloniale à la fois très jeune et très
ancienne, très patriote et très cosmopolite,
très dilettante et très laborieuse, très cita-
dine et très agricole, très terrienne et très
maritime, fille, elle
aussi, des océans et des
soleils, au sang mêlé
d'Europe et d'Afrique
sur un sol américain,
et qui va du planteur à
la câpresse en passant
par toute la gamme des
originalités créoles.
De tous les charmes
de la Guadeloupe il en
est un dont je ne pour-
rai donner aucune idée
ici et qui, pourtant, les
résume tous avec une
séduction unique : je
veux parler de ce pa-
tois créole, déjà célèbre
au temps du Consulat,
et où flottent, avec le
plus pur style français
du XVIII" siècle, des ré-
miniscences caraïbes et
parfois même de très
vieux parlers nègres
Charrette à bœufs
(Dessin inédit de Germaine Casse.)
d'Afrique, sans oublier tous ces argots ma-
rins du golfe de Gascogne, des îles de la
Manche et même des rivages des deux Amé-
M. TELLIER,
Gouverneur de la Guadeloupe.
Photos artistiques — Caton (Basse-Terre).
riques. Cet inimitable patois créole, aux vifs
raccourcis et aux langueurs imagées, a donné
lieu à toute une littérature infiniment savon-
Saint-Claude. — Entrée de l'Hôtel du Gouverneur. (CI. Boisel.)
reuse, mais dont 1 e s
nuances populaires sont
intraduisibles.
Telle quelle, avec ses
charmes et ses faibles-
ses, ses vertus et ses dé-
fauts, la société colo-
niale a. fait depuis un
demi-siècle ses preuves
à la Guadeloupe.
Sa population a dé-
passé aujourd'hui deux
cent mille habitants,
dont plus de cent cin-
quante mille sont occu-
pés à l'agriculture. La
Guadeloupe a maintenu
— malgré la dure con-
currence européenne —
sa production de sucre
au niveau du passé. Mê-
me certaines de ses su-
creries ont réalisé des
séries de bénéfices an-
nuels s'élevant jusqu'à
40 % du capital so-
cial. Elle a doublé sa
production de cacao et
triplé la yente de ses cafés, qui sont, comme
on le sait, classés comme les meilleurs du
monde entier. Grande productrice aussi d ex-
cellent rhum de cannes, de vanille, d ananas,
de bananes, de vétyver, de bois d'Inde, sans
compter ses beaux acajous et mahogannis,
la Guadeloupe est en plein développe ment
agricole et industriel.
Ses deux villes principales, Basse-Terre
et Pointe-à-Pitre, sont éclairées à l'électri-
cité. Une puissante société est en train de
réaliser l'électrification totale de l'Ile, sui-
vant un programme décidé par le Conseil
Général de la Guadeloupe. Une autre société,
non moins importante, prépare l'adduction
des eaux et leur irrigation dans toute la
Grande-Terre.
Plus de douze cents automobiles sillon-
nent un réseau routier que le Conseil géné-
ral a décidé d'accroître et d'étendre jusque
sur les hauteurs forestières promises, par
leurs stations balnéaires et leur incompara-
ble beauté, au grand tourisme universel.
Deux petits chemins de fer vont des prin-
cipales sucreries à la. merveilleuse rade de
la Pointe-à-Pitre. l'une des plus spacieuses
et des plus sûres du monde entier.
Quatre-vingt-quinze écoles primaires dis-
tribuent l'instruction dans trente-six rom-
munes. Quinze journaux quotidiens ou heb-
domadaires y paraissent. Un lycée d'ensei-
gnement secondaire forme et élève l'élite
d'une jeunesse qui a produit les Sainte-
Olnire-Deville. notre ancien généralissime
Henri de Lacroix, le
contre-amiral noir Mor-
tenol, le sénateur Isaac,
et tant d'autres Français
de talent qui ont honoré
leur petite patrie dans
toutes les professions.
Telle est, esquissée à
grands traits, trop som-
maires et trop rapides,
la physionomie générale
de notre belle Guade-
loupe.
L'île d'Emeraude
reste, au début du
xxe siècle, un des plus
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notre France éternelle.
Henry BÉRENGER,
Sénateur
de la Guadeloupe,
Ambassadeur
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