Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1931-02-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 février 1931 01 février 1931
Description : 1931/02/01 (A32,N2)-1931/02/28. 1931/02/01 (A32,N2)-1931/02/28.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97427598
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Page 8
Les Annales Coloniales
LES COMMENCEMENTS
DU PROTECTORAT TUNISIEN
PAR JULES CAMBON
Le palais de Kassard Saïd en 1881 (d'après une aquarelle de Ch. Lallemand).
Au temps lointain où l'on attaquait la politique
coloniale de Jules Ferry, j'ai souvent entendu
dire que l'intervention de la France en Tunisie
n'était pas sérieusement justifiée, que les incur-
sions des Kroumirs sur notre territoire n'avaient
été qu'un prétexte et qu'en réalité, la, politique
de la République avait été dominée par l'esprit
de conquête. Le temps a fait oublier ces atta-
ques, mais je n'en ai jamais connu de plus erro-
nées ni de plus injustes. J'ai été préfet du dépar-
tement de Constantine, du temps que le général
Chanzy était gouverneur de l'Algérie, c'est-à-
dire, longtemps avant l'entrée de nos troupes en
Tunisie, et j'ai souvent alors eu à me p.aindre de
l'insécurité qui régnait sur notre frontière. Le
voisinage était loin d'être une source de bons
rapports; je me souviens qu'un jour, à la suite
d'une bagarre dans les rues de Constantine, la
Communauté israélite vint me demander de pro-
voquer l'expulsion de quelques juifs tunisiens
qu'elle accusait d'être les auteurs de cette échauf-
fourée. — Ce cu'on oublie trop, c'est qu'en réa-
Ht.. il \ eut deux interventions successives en
Tunisie, et que la première suffit à caractériser
l'intention primitive de Jules Ferry qui voulait
rétablir l'ordre sur les limites de l'Algérie et
soustraire la Tunisie aux intrigues européennes —
cette première intervention date du printemps de
1881 : elle ne fut en réalité qu'une sorte de raid
militaire. Une colonne peu nombreuse devait
faire une simple démonstration : elle eut l'ordre
de ne pas pénétrer à Tunis ; elle nous permit
d'obtenir du Bey de traité du Bardo. Par
ce traité, les relations extérieures de la Régence
étaient placées sous le contrôle de notre diplo-
matie. Ainsi la Tunisie était soustraite à toute
intervention des puissances dont l'action aurait
pu constituer une menace pour notre autorité en
Algérie. — Le traité du Bardo ne disait pas
un mot de l'administration intérieure de la Ré-
gence.
Les faits dépassent souvent les intentions des
hommes. — Quand nos troupes se retirèrent, la
Tunisie tomba dans l'anarchie. — L'autorité du
bey était méconnue ; ses agents étaient bafoués ;
les tribus du Sud se considéraient comme indé-
pendantes ; les intérêts des porteurs de titres tu-
nisiens, anglais, français, italiens, quoiqu'ils fus-
sent garantis par le contrôle d'une Commission
internationale, étaient gravement menacés. — Le
Bey lui-même se tournait vers nous et attendait
notre secours. — Avant que l'année fut écoulée,
une deuxième expédition, plus sérieuse cette fois,
entra dans la Régence pour consolider l'autorité
beylicale. On agit vigoureusement. Nous occupâ-
mes Tunis ; la flotte bombarda Sfax, et nous mî-
mes fin aux désordres qui ruinaient la Tunisie.
Alors se posa la question de savoir COlll-
ment nous agirions nous-mêmes dans ce pays
sans gouvernement, où nous avions tant d'intérêts
engagés, mais où nos rivaux, prêts à tirer parti
de toutes nos fautes, nous surveillaient attenti-
vement. — La question n'était pas simple. Les
traditions de la politique coloniale française
n'étaient pas favorables à ce qui pouvait ressem-
bler à un partage d'autorité dans cette Tunisie
dont les bureaux de la Métropole auraient voulu
faire une colonie : — cette manière de voir s'ap-
puyait sur l'e sentiment général des Algériens qui
s'imaginaient que l'expédition de Tunisie n'avait
pas d'autre but que d'ouvrir un nouveau domaine
à leur activité. — En France même, une grande
partie de l'opinion était préoccupée. — Dix ans
à peine s'étaient écoulés depuis nos désastres. —
Les dépenses qu'avaient entraînées l'expédition,
les nombreuses pertes d'hommes causées dans la
troupe par une épidémie de fièvre typhoïde im-
pressionnèrent l'esprit public. — Enfin, nous
avions à tenir compte des jalousies que pourrait
soulever au dehors le réveil soudain de notre acti-
vité extérieure. -- Il fallut à Jules Ferry une
force de volonté peu commune pour surmonter
les résistances, les oppositions, les timidités, les
inintelligences. — Il lui fallut aussi trouver
l'homme qui pourrait comprendre la complexité
de la tâche qui lui serait confiée et réaliser le
programme que Gambetta résumait dans une
formule en apparence contradictoire : « ni aban-
don; ni annexion ». — C'est alors que Jules
Ferry fit appel à Paul Cambon.
Nous étions de vieux amis de Ferry. Sous l'Em-
pire, presque tous les dimanches, nous nous réu-
nissions chez lui. Il y avait là très souvent Gam-
betta, André Lavertujon, Adrien Hébrard, Hec-
tor Pessard, et quelquefois Neftzer lui-même. —
La vie devait disperser tous ces hommes, mais
c'est le privilège de la jeunesse que ceux, qui
Ruines de l'ancien palais de Kassard Saïd (d'après une aquarelle de Ch. Lallemand).
Les Annales Coloniales
LES COMMENCEMENTS
DU PROTECTORAT TUNISIEN
PAR JULES CAMBON
Le palais de Kassard Saïd en 1881 (d'après une aquarelle de Ch. Lallemand).
Au temps lointain où l'on attaquait la politique
coloniale de Jules Ferry, j'ai souvent entendu
dire que l'intervention de la France en Tunisie
n'était pas sérieusement justifiée, que les incur-
sions des Kroumirs sur notre territoire n'avaient
été qu'un prétexte et qu'en réalité, la, politique
de la République avait été dominée par l'esprit
de conquête. Le temps a fait oublier ces atta-
ques, mais je n'en ai jamais connu de plus erro-
nées ni de plus injustes. J'ai été préfet du dépar-
tement de Constantine, du temps que le général
Chanzy était gouverneur de l'Algérie, c'est-à-
dire, longtemps avant l'entrée de nos troupes en
Tunisie, et j'ai souvent alors eu à me p.aindre de
l'insécurité qui régnait sur notre frontière. Le
voisinage était loin d'être une source de bons
rapports; je me souviens qu'un jour, à la suite
d'une bagarre dans les rues de Constantine, la
Communauté israélite vint me demander de pro-
voquer l'expulsion de quelques juifs tunisiens
qu'elle accusait d'être les auteurs de cette échauf-
fourée. — Ce cu'on oublie trop, c'est qu'en réa-
Ht.. il \ eut deux interventions successives en
Tunisie, et que la première suffit à caractériser
l'intention primitive de Jules Ferry qui voulait
rétablir l'ordre sur les limites de l'Algérie et
soustraire la Tunisie aux intrigues européennes —
cette première intervention date du printemps de
1881 : elle ne fut en réalité qu'une sorte de raid
militaire. Une colonne peu nombreuse devait
faire une simple démonstration : elle eut l'ordre
de ne pas pénétrer à Tunis ; elle nous permit
d'obtenir du Bey de traité du Bardo. Par
ce traité, les relations extérieures de la Régence
étaient placées sous le contrôle de notre diplo-
matie. Ainsi la Tunisie était soustraite à toute
intervention des puissances dont l'action aurait
pu constituer une menace pour notre autorité en
Algérie. — Le traité du Bardo ne disait pas
un mot de l'administration intérieure de la Ré-
gence.
Les faits dépassent souvent les intentions des
hommes. — Quand nos troupes se retirèrent, la
Tunisie tomba dans l'anarchie. — L'autorité du
bey était méconnue ; ses agents étaient bafoués ;
les tribus du Sud se considéraient comme indé-
pendantes ; les intérêts des porteurs de titres tu-
nisiens, anglais, français, italiens, quoiqu'ils fus-
sent garantis par le contrôle d'une Commission
internationale, étaient gravement menacés. — Le
Bey lui-même se tournait vers nous et attendait
notre secours. — Avant que l'année fut écoulée,
une deuxième expédition, plus sérieuse cette fois,
entra dans la Régence pour consolider l'autorité
beylicale. On agit vigoureusement. Nous occupâ-
mes Tunis ; la flotte bombarda Sfax, et nous mî-
mes fin aux désordres qui ruinaient la Tunisie.
Alors se posa la question de savoir COlll-
ment nous agirions nous-mêmes dans ce pays
sans gouvernement, où nous avions tant d'intérêts
engagés, mais où nos rivaux, prêts à tirer parti
de toutes nos fautes, nous surveillaient attenti-
vement. — La question n'était pas simple. Les
traditions de la politique coloniale française
n'étaient pas favorables à ce qui pouvait ressem-
bler à un partage d'autorité dans cette Tunisie
dont les bureaux de la Métropole auraient voulu
faire une colonie : — cette manière de voir s'ap-
puyait sur l'e sentiment général des Algériens qui
s'imaginaient que l'expédition de Tunisie n'avait
pas d'autre but que d'ouvrir un nouveau domaine
à leur activité. — En France même, une grande
partie de l'opinion était préoccupée. — Dix ans
à peine s'étaient écoulés depuis nos désastres. —
Les dépenses qu'avaient entraînées l'expédition,
les nombreuses pertes d'hommes causées dans la
troupe par une épidémie de fièvre typhoïde im-
pressionnèrent l'esprit public. — Enfin, nous
avions à tenir compte des jalousies que pourrait
soulever au dehors le réveil soudain de notre acti-
vité extérieure. -- Il fallut à Jules Ferry une
force de volonté peu commune pour surmonter
les résistances, les oppositions, les timidités, les
inintelligences. — Il lui fallut aussi trouver
l'homme qui pourrait comprendre la complexité
de la tâche qui lui serait confiée et réaliser le
programme que Gambetta résumait dans une
formule en apparence contradictoire : « ni aban-
don; ni annexion ». — C'est alors que Jules
Ferry fit appel à Paul Cambon.
Nous étions de vieux amis de Ferry. Sous l'Em-
pire, presque tous les dimanches, nous nous réu-
nissions chez lui. Il y avait là très souvent Gam-
betta, André Lavertujon, Adrien Hébrard, Hec-
tor Pessard, et quelquefois Neftzer lui-même. —
La vie devait disperser tous ces hommes, mais
c'est le privilège de la jeunesse que ceux, qui
Ruines de l'ancien palais de Kassard Saïd (d'après une aquarelle de Ch. Lallemand).
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.25%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.25%.
- Auteurs similaires Jardin d'agronomie tropicale Jardin d'agronomie tropicale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Jardin d'agronomie tropicale" or dc.contributor adj "Jardin d'agronomie tropicale")Institut national d'agronomie de la France d'outre mer Institut national d'agronomie de la France d'outre mer /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Institut national d'agronomie de la France d'outre mer" or dc.contributor adj "Institut national d'agronomie de la France d'outre mer") France France /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "France" or dc.contributor adj "France")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 12/22
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k97427598/f12.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k97427598/f12.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k97427598/f12.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k97427598
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k97427598
Facebook
Twitter