Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1931-03-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mars 1931 01 mars 1931
Description : 1931/03/01 (A32,N3)-1931/03/31. 1931/03/01 (A32,N3)-1931/03/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9742758v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales !
Page 3
PREMIÈRES PAROLES, PREMIERS ACTES
Je viens de relire les premiers discours du
nouveau gouverneur général de l'Algérie,
M. Carde, celui qui a été prononcé le 12 jan-
vier dernier devant l'assemblée plénière des délé-
gations financières, celui prononcé, quinze jours
plus tard, devant le Conseil supérieur et enfin
celui qui ouvrit la première séance de la session
interdépartementale des chambres d'agriculture
d'Algérie.
Le rapprochement de ces trois harangues offi-
cielles est suggestif.
Devant les délégations financières, nous avons
l'impression d'entendre un homme qui s'avance
sur un terrain encore mal reconnu, qui s'entoure
de précautions, qui fait ses « civilités », mais qui,
pourtant, ne peut s'empêcher de manifester son
tempérament dans la boutade finale :
« Messieurs, l'Algérien qui est devant vous et
qui cède aujourd'hui à la tradition du discours,
est surtout — et je pense que l'avenir vous le
confirmera — un homme d'action. C'est ce titre,
auquel il tient, qui... »
Devant le Conseil de gouvernement, nous
voyons se dérouler une vaste fresque des gran-
des questions de la politique algérienne présente:
le budget, les grands travaux, la situation éco-
nomique, la politique sanitaire, la réorganisation
hospitalière, l'équilibre financier des chemins de
fer, la législation des eaux souterraines, les œu-
vres sociales, la colonisation, la politique indi-
gène.
Mais le ton général de cet exposé est très ori-
ginal. Nous n'y entendons pas le rapport offi-
ciel ordinaire, écrit dans cette langue adminis-
trative sans couleur et sans forme que nous con-
naissons trop. C'est un homme qui parle, un
homme qui a des idées claires prêtes déjà à se
muer en volontés, un homme qui ne s'embrouille
ni dans la réthorique ni dans les idéologies, qui
va droit au fait et à la difficulté.
Et le discours se termine sur un appel digne
et fier à une collaboration où il n'y a pas place
pour les faiblesses ou les capitulations :
« Vous m'excuserez, messieurs, de vous avoir
imposé ce discours qui sort peut-être du cadre
habituel de ceux qu'il vous a été donné d'en-
tendre à l'ouverture de vos sessions, mais je te-
nais, au moment où je suis appelé à prendre en
mains les destinées de l'Algérie et après avoir
dégagé des délibérations des délégations finan-
cières les tendances de ces assemblées, ainsi que
leurs vues sur les différents problèmes algériens,
à vous faire connaître, à mon tour, quelques-
unes de mes conceptions et de mes idées. L'en-
tente est toujours faite de compréhension mu-
tuelle... JI
Devant les représentants des chambres d'agri-
culture même langage loyal y clair, ferme.
Dès les premiers mots, l'homme s'affirme :
« ... Vous connaissez déjà, par mon discours
d'ouverture au Conseil supérieur du Gouverne-
ment, quelques-unes de mes conceptions relative-
ment aux grandes questions qui dominent la po-
litique algérienne ait vrai sens du mot. Je n'y
reviendrai pas. Je me bornerai, devant une assem-
blée telle que la vôtre, composée d'hommes d'ac-
tion et de réalisation, à vous soumettre quelques
considérations sur des sujets qui peuvent vous
intéresser spécialement... Je vous demanderai
après m'avoir entendu, de me faire toute con-
fiance si vous m'approuvez, mais si mes concep-
tions se différencient par trop des vôtres, quant
aux moyens à employer pour atteindre un but
qui nous est commun, je vous prierai de vouloir
bien — comme cela se doit entre gens de bonne
foi — me faire franchement part de vos objec-
tions ou de vos appréhensions et croyez bien qut,
ne mettant aucun amour-propre d'auteur et m'ef-
forçant, autant qu'il est humainement possible,
d'être objectif, je me rendrai loyalement à vos
arguments si je reconnais qu'ils sont fondés... »
Et tout de suite, sans détours, sans fioritures
oratoires, il aborde la question de la crise des
céréales et de l'approvisionnement en blé de la
colonie, proposant des solutions claires et sim-
ples mais sans timidité.
Puis après avoir touché à quelques problèmes
comme celui des approvisionnements en grains,
ou de la politique de l'eau sur les hauts pla-
teaux, il aborde le vaste problème de la crise
économique.
D'un geste large il écarte les vains dévelop-
pements ordinaires sur les causes de la crise
générale, il envisage celle-ci du seul point de
vue algérien, rappelle en termes précis et heu-
reux les caractères de l'économie algérienne qui
ne sont ni celles d'un pays de monoculture ni
celle d'un pays de polyculture comme la métro-
pole, mais celles d'une agriculture commercialisée
de quelques grands produits, pour laquelle la
« standardisation » des procédés techniques et
l'organisation rationnelle des marchés s'imposent
et, courageusement, c'est dans cette voie de l'or-
dre et de l'effort collectifs qu'il encourage les
producteurs algériens à s'engager.
Et déjà il laisse entrevoir des solutions nou-
velles plus hardies :
« ... Vous n'êtes pas sans savoir, messieurs,
qu'il existe dans la métropole des associations
puissantes qui ont dans leurs attributions la ges-
tion de fonds provenant de taxes à l'importation
des cotons et des laines pour des fins appro-
priées comme la distribution des primes aux éle-
veurs et aux planteurs, l'aménagement de champs
d'expérience et la sélection de semences. Je me
demande s'il ne serait pas possible de créer des
organismes analogues dans notre colonie et de
les doter, suivant les mêmes règles, de ressour-
ces semblables. Peut-être même pourrait-on se
poser la question de savoir si la création de ces
organismes ne serait pas susceptible de servir
d'amorce à l'institution d'une caisse de compen-
sation, laquelle constituerait une sorte d'établis-
sement d'assurance contre la mévente et la baisse
des cours... »
Et voilà l'horizon ouvert sur les vastes pers-
pectives d'une « économie dirigée », singuliière-
ment hardie.
J'avoue que j'aime le son que rendent ces
discours d'un homme d'action qui sait parler clair
et ferme, non pour parler mais pour agir.
Certains, peut-être, s'inquièteront et évoque-
ront la menace du pouvoir personnel. Pour ma
part, je l'avoue, cette menace ne n'inquiète pas,
en l'espèce. Démocratie et autorité ne sont point
concepts antinomiques. Il faut seulement que
l'autorité reste toujours au service de la démo-
cratie. Et ce n'est point du tout impossible. Je
suis persuadé que M. Carde en apportera une
nouvelle preuve aux démocrates Algériens dres-
sés contre les menaces d'une oligarchie qui
s'ignore.
Etienne ANTON EL LI,
Député de la Haute-Savoie,
Rapporteur du budget de l'Algérie,
Professeur à la Faculté de Droit de Lyon.
Type de village de colonisation.
Page 3
PREMIÈRES PAROLES, PREMIERS ACTES
Je viens de relire les premiers discours du
nouveau gouverneur général de l'Algérie,
M. Carde, celui qui a été prononcé le 12 jan-
vier dernier devant l'assemblée plénière des délé-
gations financières, celui prononcé, quinze jours
plus tard, devant le Conseil supérieur et enfin
celui qui ouvrit la première séance de la session
interdépartementale des chambres d'agriculture
d'Algérie.
Le rapprochement de ces trois harangues offi-
cielles est suggestif.
Devant les délégations financières, nous avons
l'impression d'entendre un homme qui s'avance
sur un terrain encore mal reconnu, qui s'entoure
de précautions, qui fait ses « civilités », mais qui,
pourtant, ne peut s'empêcher de manifester son
tempérament dans la boutade finale :
« Messieurs, l'Algérien qui est devant vous et
qui cède aujourd'hui à la tradition du discours,
est surtout — et je pense que l'avenir vous le
confirmera — un homme d'action. C'est ce titre,
auquel il tient, qui... »
Devant le Conseil de gouvernement, nous
voyons se dérouler une vaste fresque des gran-
des questions de la politique algérienne présente:
le budget, les grands travaux, la situation éco-
nomique, la politique sanitaire, la réorganisation
hospitalière, l'équilibre financier des chemins de
fer, la législation des eaux souterraines, les œu-
vres sociales, la colonisation, la politique indi-
gène.
Mais le ton général de cet exposé est très ori-
ginal. Nous n'y entendons pas le rapport offi-
ciel ordinaire, écrit dans cette langue adminis-
trative sans couleur et sans forme que nous con-
naissons trop. C'est un homme qui parle, un
homme qui a des idées claires prêtes déjà à se
muer en volontés, un homme qui ne s'embrouille
ni dans la réthorique ni dans les idéologies, qui
va droit au fait et à la difficulté.
Et le discours se termine sur un appel digne
et fier à une collaboration où il n'y a pas place
pour les faiblesses ou les capitulations :
« Vous m'excuserez, messieurs, de vous avoir
imposé ce discours qui sort peut-être du cadre
habituel de ceux qu'il vous a été donné d'en-
tendre à l'ouverture de vos sessions, mais je te-
nais, au moment où je suis appelé à prendre en
mains les destinées de l'Algérie et après avoir
dégagé des délibérations des délégations finan-
cières les tendances de ces assemblées, ainsi que
leurs vues sur les différents problèmes algériens,
à vous faire connaître, à mon tour, quelques-
unes de mes conceptions et de mes idées. L'en-
tente est toujours faite de compréhension mu-
tuelle... JI
Devant les représentants des chambres d'agri-
culture même langage loyal y clair, ferme.
Dès les premiers mots, l'homme s'affirme :
« ... Vous connaissez déjà, par mon discours
d'ouverture au Conseil supérieur du Gouverne-
ment, quelques-unes de mes conceptions relative-
ment aux grandes questions qui dominent la po-
litique algérienne ait vrai sens du mot. Je n'y
reviendrai pas. Je me bornerai, devant une assem-
blée telle que la vôtre, composée d'hommes d'ac-
tion et de réalisation, à vous soumettre quelques
considérations sur des sujets qui peuvent vous
intéresser spécialement... Je vous demanderai
après m'avoir entendu, de me faire toute con-
fiance si vous m'approuvez, mais si mes concep-
tions se différencient par trop des vôtres, quant
aux moyens à employer pour atteindre un but
qui nous est commun, je vous prierai de vouloir
bien — comme cela se doit entre gens de bonne
foi — me faire franchement part de vos objec-
tions ou de vos appréhensions et croyez bien qut,
ne mettant aucun amour-propre d'auteur et m'ef-
forçant, autant qu'il est humainement possible,
d'être objectif, je me rendrai loyalement à vos
arguments si je reconnais qu'ils sont fondés... »
Et tout de suite, sans détours, sans fioritures
oratoires, il aborde la question de la crise des
céréales et de l'approvisionnement en blé de la
colonie, proposant des solutions claires et sim-
ples mais sans timidité.
Puis après avoir touché à quelques problèmes
comme celui des approvisionnements en grains,
ou de la politique de l'eau sur les hauts pla-
teaux, il aborde le vaste problème de la crise
économique.
D'un geste large il écarte les vains dévelop-
pements ordinaires sur les causes de la crise
générale, il envisage celle-ci du seul point de
vue algérien, rappelle en termes précis et heu-
reux les caractères de l'économie algérienne qui
ne sont ni celles d'un pays de monoculture ni
celle d'un pays de polyculture comme la métro-
pole, mais celles d'une agriculture commercialisée
de quelques grands produits, pour laquelle la
« standardisation » des procédés techniques et
l'organisation rationnelle des marchés s'imposent
et, courageusement, c'est dans cette voie de l'or-
dre et de l'effort collectifs qu'il encourage les
producteurs algériens à s'engager.
Et déjà il laisse entrevoir des solutions nou-
velles plus hardies :
« ... Vous n'êtes pas sans savoir, messieurs,
qu'il existe dans la métropole des associations
puissantes qui ont dans leurs attributions la ges-
tion de fonds provenant de taxes à l'importation
des cotons et des laines pour des fins appro-
priées comme la distribution des primes aux éle-
veurs et aux planteurs, l'aménagement de champs
d'expérience et la sélection de semences. Je me
demande s'il ne serait pas possible de créer des
organismes analogues dans notre colonie et de
les doter, suivant les mêmes règles, de ressour-
ces semblables. Peut-être même pourrait-on se
poser la question de savoir si la création de ces
organismes ne serait pas susceptible de servir
d'amorce à l'institution d'une caisse de compen-
sation, laquelle constituerait une sorte d'établis-
sement d'assurance contre la mévente et la baisse
des cours... »
Et voilà l'horizon ouvert sur les vastes pers-
pectives d'une « économie dirigée », singuliière-
ment hardie.
J'avoue que j'aime le son que rendent ces
discours d'un homme d'action qui sait parler clair
et ferme, non pour parler mais pour agir.
Certains, peut-être, s'inquièteront et évoque-
ront la menace du pouvoir personnel. Pour ma
part, je l'avoue, cette menace ne n'inquiète pas,
en l'espèce. Démocratie et autorité ne sont point
concepts antinomiques. Il faut seulement que
l'autorité reste toujours au service de la démo-
cratie. Et ce n'est point du tout impossible. Je
suis persuadé que M. Carde en apportera une
nouvelle preuve aux démocrates Algériens dres-
sés contre les menaces d'une oligarchie qui
s'ignore.
Etienne ANTON EL LI,
Député de la Haute-Savoie,
Rapporteur du budget de l'Algérie,
Professeur à la Faculté de Droit de Lyon.
Type de village de colonisation.
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