Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1918-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1918 01 janvier 1918
Description : 1918/01/01 (N1,A28)-1918/12/31 (N12,A28). 1918/01/01 (N1,A28)-1918/12/31 (N12,A28).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9789150r
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/08/2017
74 BULLETIN DU COMITÉ
A cette époque, je ue possédais plus guère les bonnes
grâces duplus haut fonctionnaire de l'empire, car il crai-
gnait que je n aspirasse à -on poste. Je dois cependant lui
rendre cette justice que dans le dernier entretien que nous
ayons eu avant le début de la guerre, à la fin de juin 1914
(entretien sur lequel je reviendrai plus loin), il donna son
consentement à la. signature et à la publication du traité.
Cependant, je dus encore soulever la question à plusieurs
reprises, avec l'appui de M. le Dr Soif, 'àBe.lin, pour abou-
tir enfin, en juillet 1914, à l'approbation du traité. Mais
comme à cette époque la cme serbe mettait déjà endanger
lapaix du monde, il fallut ajourner l'accomplissement dé-
finitif de l'acte diplomatique. Ce traité est, lui aussi, une
victime de la guerre.
Certains points restent très vagues et même
visiblement inexacts dans cet exposé. Tout ce
que l'on voit — on le savait déjà — c'est que
la tractation anglo-allemande devait réserver
à l'Allemagne la meilleure partie de l'Angola et
le Nord du Mozambique. A en croire le prince
Lichnowski, le territoire congolàis lui-même était
appelé à agrémenter le marché, puisqu'on lit dans
le mémoire : « Primitivement, à 1 instigation du
gouvernement britannique, l'Etat du Congo devait
être, lui aussi, compris dans le traité; cela nous
aurait procuré un droit de préemption... »
La connaissance d'une telle offre ferait naître
chez des Français une impression autre encore que
celle de la candide facilité de sir E. Grey envers
l'Allemagne. Le droit de préemption sur le
Congo n'était pas une res nutlius à mettre libre-
ment dans le commerce diplomatique. Les traités
l'avaient reconnu à la France. Le fait était si
connu de l'Allemagne que cette puissance avait
voulu se faire transférer par nous ce droit lors des
négociations ouvertes sur le coup d'Agadir. Le
sentiment que les dires du prince Lichnowski sur
ce sujet auraient fait naître en France, si l'opinion
publiqu&y avait à l'heure actuelle de l'attention à
dépenser sur les tractations africaines du passé,
serait avivé encore par ce que le prince dit un peu
plus haut de l'attribution à la zone allemande
« des îles San-Thomé et Principe qui, situées au
nord de l'Equateur, faisaient partie, à proprement
parler, de la zone d'influence française. Ce dernier
fait avait provoqué de la part de mon collègue,
l'ambassadeur de France, de vives représenta-
tions qui, d'ailleurs, étaient restées vaines ». Re-
marquons encore une fois que, jusqu'ici, nous
n'avons sur cette affaire que le témoignage du
prince Lichnowski qui était orfèvre en la matière :
peut-être a-t-il voulu grossir son ours pour mieux
condamner la Wilhelmstrasse qui ne se décida
pas à le prendre. Mais l'heure de l'histoire vien-
dra et il sera intéressant d'apprendre d'elle jus-
qu'où alla la libéralité de sir Edward Grey dans
son désir de combler avec des quartiers de
l'Afrique le tonneau des Danaïdes de l'impéria-
lisme allemand. Peut-être alla-t-elle plus loin que
nous aurions cru et souhaité. Sir E. Grev et son
gouvernement — les tentatives faites à Berlin
par M. Haldane tendent à le montrer — avaient
un désir presque illimité de liquider les difficultés
avec l'Allemagne comme la politique de leurs pré-
décesseurs l'avait su faire avec la France.
Il faut ajouter que les libéraux britanniques
éprouvaient à l'égard de notre pays une sorte de
méfiance un peu vague et instinctive -qui se ré- .
vêle encore parfois, en pleine guerre, aux gestes
de quelques-uns d'entre eux. Pour eux notre pays
était la patrie par excellence de l'esprit chauvin
et. d'une ambition agitée qui était sans doute la
cause principale de l'inquiétude européenne. Il
y avait là quelque chose de très différent de l'irri-
tation inspirée aux conservateurs par les conflits
que notre pays avait eus avec la politique britan-
nique ; c'était une manière de tradition, de pré-
jugé n'existant guère que dans un parti et qui est
né sans doute du peu de goût que des piétistes
pacifistes éprouvaient pour toute notre histoire.
L'idée que nous étions encombrants, que nous
faisions plus de volume que nous n'y avions
droit, que nous étions des trouble-fête plus que
« l'honnête Allemagne » pouvait amener sir
E. Grey à ne pas trop s'inquiéter de nos suscepti-
bilités et à aller assez loin, même sur un terrain .
qui nous intéressait, pour s'entendre avec Berlin.
Et, si le prince Lichnowski n'a pas embelli l'his-
toire des concessions faites à l'Allemagne, ce qui,
il convient d'y insister encore, reste très possible,
si les concessions dont il parle ont bien été
offertes à l'Allemagne, on pourrait se demander
si cette disposition d'esprit n'a pas été pour
quelque chose dans l'attitude d'un ministre qui,
d'après certaines de ses paroles,n'aurait, en ce qui
concerne la sincérité du désir dé paix déclaré par
- la France et par l'Allemagne, trouvé son chemin
de Damas que dans ses négociations, si honnê-
tement appuyées à Paris et si obstinément para-
lysées à Berlin, pour empêcher la guerre de
sortir de l'ultimatum austro-hongrois à la Serbie'.
On peut d'autant plus formuler des hypothèses
sur ce point que tous ces faits appartiennent au
passé. L'Allemagne et la France ont, respective-
ment, tué les illusions les plus tenaces et les pré-
ventions les plus désuètes où pouvaient encore
s'attarder certains Anglais. Il ne restera rien ni
des unes ni des autres dans la future politique
internationale dont un des éléments les plus
stables et les plus essentiels doit être l'alliance
confiante et intime entre les peuples français et
britannique.
Quant aux raisons, très personnelles, que
donne le prince Lichnowski pour expliquer
l'avortement du projet de « traité colonial », son
« étouffement » par la Wilhelmstrasse. elles
devront, elles aussi, être établies par l'histoire.
'Pour l'instant son mémoire, dans ses parties afri-
caines comme dans les autres, ne peut être l'objet
que de réflexions sujettes à revision, sauf sur les
points les plus essentiels, ceux sur lesquels toute
la politique allemande a déjà jeté la lumière la
plus crue. Il ne nous révèle pas l'ampleur des
appétits africains de l'Allemagne, ni l'outrageuse
fausseté de sa politique marocaine : il nous en
apporte seulement la première confirmation qui
nous vienne d'un homme appartenant aux mi-
lieux officiels allemands. Et ceci est d'un grand
intérêt.
ROBERT DE CAIX.
A cette époque, je ue possédais plus guère les bonnes
grâces duplus haut fonctionnaire de l'empire, car il crai-
gnait que je n aspirasse à -on poste. Je dois cependant lui
rendre cette justice que dans le dernier entretien que nous
ayons eu avant le début de la guerre, à la fin de juin 1914
(entretien sur lequel je reviendrai plus loin), il donna son
consentement à la. signature et à la publication du traité.
Cependant, je dus encore soulever la question à plusieurs
reprises, avec l'appui de M. le Dr Soif, 'àBe.lin, pour abou-
tir enfin, en juillet 1914, à l'approbation du traité. Mais
comme à cette époque la cme serbe mettait déjà endanger
lapaix du monde, il fallut ajourner l'accomplissement dé-
finitif de l'acte diplomatique. Ce traité est, lui aussi, une
victime de la guerre.
Certains points restent très vagues et même
visiblement inexacts dans cet exposé. Tout ce
que l'on voit — on le savait déjà — c'est que
la tractation anglo-allemande devait réserver
à l'Allemagne la meilleure partie de l'Angola et
le Nord du Mozambique. A en croire le prince
Lichnowski, le territoire congolàis lui-même était
appelé à agrémenter le marché, puisqu'on lit dans
le mémoire : « Primitivement, à 1 instigation du
gouvernement britannique, l'Etat du Congo devait
être, lui aussi, compris dans le traité; cela nous
aurait procuré un droit de préemption... »
La connaissance d'une telle offre ferait naître
chez des Français une impression autre encore que
celle de la candide facilité de sir E. Grey envers
l'Allemagne. Le droit de préemption sur le
Congo n'était pas une res nutlius à mettre libre-
ment dans le commerce diplomatique. Les traités
l'avaient reconnu à la France. Le fait était si
connu de l'Allemagne que cette puissance avait
voulu se faire transférer par nous ce droit lors des
négociations ouvertes sur le coup d'Agadir. Le
sentiment que les dires du prince Lichnowski sur
ce sujet auraient fait naître en France, si l'opinion
publiqu&y avait à l'heure actuelle de l'attention à
dépenser sur les tractations africaines du passé,
serait avivé encore par ce que le prince dit un peu
plus haut de l'attribution à la zone allemande
« des îles San-Thomé et Principe qui, situées au
nord de l'Equateur, faisaient partie, à proprement
parler, de la zone d'influence française. Ce dernier
fait avait provoqué de la part de mon collègue,
l'ambassadeur de France, de vives représenta-
tions qui, d'ailleurs, étaient restées vaines ». Re-
marquons encore une fois que, jusqu'ici, nous
n'avons sur cette affaire que le témoignage du
prince Lichnowski qui était orfèvre en la matière :
peut-être a-t-il voulu grossir son ours pour mieux
condamner la Wilhelmstrasse qui ne se décida
pas à le prendre. Mais l'heure de l'histoire vien-
dra et il sera intéressant d'apprendre d'elle jus-
qu'où alla la libéralité de sir Edward Grey dans
son désir de combler avec des quartiers de
l'Afrique le tonneau des Danaïdes de l'impéria-
lisme allemand. Peut-être alla-t-elle plus loin que
nous aurions cru et souhaité. Sir E. Grev et son
gouvernement — les tentatives faites à Berlin
par M. Haldane tendent à le montrer — avaient
un désir presque illimité de liquider les difficultés
avec l'Allemagne comme la politique de leurs pré-
décesseurs l'avait su faire avec la France.
Il faut ajouter que les libéraux britanniques
éprouvaient à l'égard de notre pays une sorte de
méfiance un peu vague et instinctive -qui se ré- .
vêle encore parfois, en pleine guerre, aux gestes
de quelques-uns d'entre eux. Pour eux notre pays
était la patrie par excellence de l'esprit chauvin
et. d'une ambition agitée qui était sans doute la
cause principale de l'inquiétude européenne. Il
y avait là quelque chose de très différent de l'irri-
tation inspirée aux conservateurs par les conflits
que notre pays avait eus avec la politique britan-
nique ; c'était une manière de tradition, de pré-
jugé n'existant guère que dans un parti et qui est
né sans doute du peu de goût que des piétistes
pacifistes éprouvaient pour toute notre histoire.
L'idée que nous étions encombrants, que nous
faisions plus de volume que nous n'y avions
droit, que nous étions des trouble-fête plus que
« l'honnête Allemagne » pouvait amener sir
E. Grey à ne pas trop s'inquiéter de nos suscepti-
bilités et à aller assez loin, même sur un terrain .
qui nous intéressait, pour s'entendre avec Berlin.
Et, si le prince Lichnowski n'a pas embelli l'his-
toire des concessions faites à l'Allemagne, ce qui,
il convient d'y insister encore, reste très possible,
si les concessions dont il parle ont bien été
offertes à l'Allemagne, on pourrait se demander
si cette disposition d'esprit n'a pas été pour
quelque chose dans l'attitude d'un ministre qui,
d'après certaines de ses paroles,n'aurait, en ce qui
concerne la sincérité du désir dé paix déclaré par
- la France et par l'Allemagne, trouvé son chemin
de Damas que dans ses négociations, si honnê-
tement appuyées à Paris et si obstinément para-
lysées à Berlin, pour empêcher la guerre de
sortir de l'ultimatum austro-hongrois à la Serbie'.
On peut d'autant plus formuler des hypothèses
sur ce point que tous ces faits appartiennent au
passé. L'Allemagne et la France ont, respective-
ment, tué les illusions les plus tenaces et les pré-
ventions les plus désuètes où pouvaient encore
s'attarder certains Anglais. Il ne restera rien ni
des unes ni des autres dans la future politique
internationale dont un des éléments les plus
stables et les plus essentiels doit être l'alliance
confiante et intime entre les peuples français et
britannique.
Quant aux raisons, très personnelles, que
donne le prince Lichnowski pour expliquer
l'avortement du projet de « traité colonial », son
« étouffement » par la Wilhelmstrasse. elles
devront, elles aussi, être établies par l'histoire.
'Pour l'instant son mémoire, dans ses parties afri-
caines comme dans les autres, ne peut être l'objet
que de réflexions sujettes à revision, sauf sur les
points les plus essentiels, ceux sur lesquels toute
la politique allemande a déjà jeté la lumière la
plus crue. Il ne nous révèle pas l'ampleur des
appétits africains de l'Allemagne, ni l'outrageuse
fausseté de sa politique marocaine : il nous en
apporte seulement la première confirmation qui
nous vienne d'un homme appartenant aux mi-
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ROBERT DE CAIX.
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