DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 55
LE GÉNÉRAL MOINIER
- La France Militaire du 17 j anvier a rappelé dans
- l'intéressant article qu'on va lire la belle carrière
accomplie dans l'Afrique du Nord par le général
de division Moinier, qui vient de quitter le com-
mandement de l'armée d'Afrique et dont nous
avons publié dans'le dernier fascicule les adieux
à ses troupes :
, Au moment où le chef éminent de l'armée d'Afrique est
sur le point de quitter le commandement qu'il assure de-
puis de nombreuses années, il ne paraît pas inutile de rap-
peler les traits principaux de sa brillante et glorieuse car-
rière. '
Né en 1855, le général Moinier est un ancien- élève des
écoles de Saiut-Cyr et d'état-major. Et quel élève! Entré
avec le n° 1, il sortit avec le même classement de ces deux
écoles. C'est assez dire à quel point il fut, dès le début de
sa carrière, un officier d'élite. L'Afrique l'attirait. Il ppit
part successivement aux colonnes de l'Aurès en 1879, à
celles du Sud-Ôranais contre Bou Amama. Lors de l'occu-
pation de la Tunisie, en 1882, il est-capitaine, et bien des
années plus tard on le retrouve en Afrique du Nord et en-
core enTuuisie, où il commande le 4e tirailleurs, lorsque
éclate l'affaire de Casablanca. C'est lui qui conduit à la
conquête dela Chaouïa ce beau régiment dont il a su faire
une troupe d'élite, reconnue digne désormais de marcher
de pair avec nos plus .belles troupes indigènes d'Algérie.
Cité à l'ordre du cqrps de débarquement, Moinier est
nommé général de brigade, et en janvier 1909, remplace
le général d'Amade dans le commandement en ohef.
La tâche était ardue et multiple : tâche de diplomate,
d'administrateur de la Chaouïa occupée et-- de conquérant
— avec quels moyens limités ! —d un immense empire où
tout nous appelait, où tout entravait notre action. Sans
tapag«, sans ostentation, Moinier sut l'accomplir de façon
à entrer dans l'histoire. En 1910, il bat les Zaër et les Ta-
dla, pénétrant du premier coup dans cette casba de Tadla"
où l'on ne devait revenir que longtemps après ; il pour-
chasse et rejette vers le Sud le fameux marabout Ma el
AÏnin. L'année suivante, il marche sur Fez, où Moulay
Hafid est assiégé. On sait le succès de son entreprise, qui,
au. lendemain des grosses difficultés surmontées dans la
Chaouïa, paraissait presque chimérique. Ce qu'on ne sait
pas assez, c'est qu'il l'accomplit avec 6.000 hommes, et
qu'il fut à ce point ménager du sang de ses soldats que sa
petite armée était intacte lorsqu'au® oecupa,le 21 mai 1911,
la première capitale chérifienne, a ia stupeur de ses cent
et quelque mille habitants. Quelques jours après, il enlève
avec la même force la dernière capitale, Meknès, où un
frère de Moulay Hafid s'était proclamé sultan. Le Maroc
était à nous. De longues et pénibles luttes, dont l'ère n'est
pas close, s'y dérouleront encore. L'issue n'en était plus
douteuse du jour où nous avions^ un pied au cœur même
de l'empire. Encore convient-il de'ne jamais oublier, pour
la leçon qui s'en-dégage, avec quelle hardiesse ce pied a
été posé, et quel bonheur.
Les étoiles de divisionnaire devaient récompenser l'heu-
reux vainqueur, auquel le gouvernement confiait, en 1912,
le commandement du 19° corps, à Alger. C'est dans cette
position que le trouva l'ordre de mobilisation générale du
1er août 1914. Moinier, qui était un des rares généraux
ayant commandé en chef devant l'ennemi, pouvait se croire
appelé à un rôle de gloire et d'action. Soldat discipliné, il
accepta sans murmure la tâche moins brillante, mais non
moins utile qui lui fut dévolue. Aucune part ne lui étant
faite dans la conduite de la grande guerre, il se donna de
tout son cœur, avec la simplicité qui fut toujours la règle
de saconduite, à son rôle de chef de l'armée d'Afrique :
fournir sans cesse - à la métropole des contingents de
troupes entraînées et aguerries, dont le nombre a dépassé
les prévisions les plus optimistes ; maintenir dans le pays
même, malgré l'incertitude de sa frontière méridionale,
une sécurité, une tranquillité absolues ; résoudre les
mille problèmes délicats et complexes qu'une situation
toute nouvelle devait poser au jour le jour dans une colo-
nie en veie de création, encore à l'aurore de son dévelop-
pement, telle fut la tâche qu'il sut accomplir, sans fai-
blesse comme sans tapage, avec sa hauteur de vues pui-
sée dans un profond savoir et une claire conscience.
Grand, svelte, joignant toute la vigueur de la jeunesse à
l'expérience d'une vie de labeur ininterrompu, le général
Moinier appelle d'emblée la sympathie de ceux qyi le voient
pour la première fois. Que dire des sentiments qu'il inspire
à ceux qui ont la bonne fortune de pratiquer l'homme,
comme collaborateurs ou comme amis ? Chez lui, une
bienveillance exquise, une délicatesse rare s'allient à une
grande fermeté d'âme. Nulle ostentation, nulle parade,
une modestie qui laisse comme à regret transparaître les
plus rares qualités de l'intelligence et du cœur ; une âme
d'élite qui s'exprime dans ce clair regard, à peine voilé
par le verre du lorgnon, ce regard où 1 on peut lire la bonté
souriante, la décision pondérée et avertie, l'équilibre d'une
pensée riche et disciplinée, par-dessus tout une haute
conscience.
COLONIES FRANÇAISES
. ET PAYS DE PROTECTORAT
ALGÉRIE
La reconstitution des d j emaas de douars.
- Le Sénat a discuté le 22 février une propo-
sition de loi de MM. Etienne Flandin et Jonnart
reconstituant les djemaas de douars et dont
M. 'Flandin a ainsi exposé le but :
M. le RAPPORTEUR. — Messieurs, les indigènes d'Algérie
nous ont apporté pendant la guerre un concours précieux.
Nous ne saurions oublier l'admirable loyalisme par lequel
nos chefs musulmans ont répondu à la tentative de guerre
sainte que les Allemands prétendaient déchaîner contre
nous. Leurs adresses au président de la République, con-
çues parfois dans les termes les plus émouvants, attestaient
leur fidélité à la France, tandis que les fellahs, les khammès
venaient déclarer à nos colons : « Vous .pouve'z vous ren-
dre sans crainte à l'appel de la mobilisation. Nous, vos
serviteurs, nous serons là pour assurer la sécurité dans
les villages et dans les fermes isolées. » (Très bien! Très
bien /)
En même temps, Messieurs, plus de 50.000 volontaires
musulmans répondaient l appel du gouvernement deve-
naient s'enrôler sous les drapeaux de la France. Ce qu ont
été nos troupes indigènes, vous le savez. L'histoire le dira:
sur la Marne, sur l'Yser, sur la Somme, à Verdun, elles
ont fait, on peut le dire, l'admiration du monde. (Très bien!
îvès bien /)
Mais elles n'ont pas été seulement braves, courageuses
et intrépides. Elles ont su résister aux séductions de l'en-
nemi dans les camps de prisonniers ; ces jours derniers,
je ne lisais pas sans émotion une lettre que m'adressait
un ancien recteur de l'Université, délégué par le comité
d'action parleméntaire à l'étranger pour visiter nos pri-
sonniers musulmans internés en Suisse :
« J'ai trouvé, me disait-il, deux goumiers âgés tousdeux
de plus de soixante ans, criblés de blessures et ayant tout
accepté, tout subi, tout souffert, plutôt que de céder aux
avances et aux sollicitations de 1 Allemagne. » [Nouvelle
approbation.)
En présence d'une pareille attitude, nous avons le de-
voir, nous aussi, de témoigner à ces populations notre at-
tachement et notre sollicitude. Il ne s'agit en aucune fa-
çon, croyez-le bien, d'une politique d'abandon, de compro-
mission ou de faiblesse. Il s'agit simplement, à l heure où
nous allons encore intensifier le service militaire des indi-
gènes et introduire parmi eux cette nouveauté hardie du
service obligatoire, de répondre par une sollicitude éclairée
LE GÉNÉRAL MOINIER
- La France Militaire du 17 j anvier a rappelé dans
- l'intéressant article qu'on va lire la belle carrière
accomplie dans l'Afrique du Nord par le général
de division Moinier, qui vient de quitter le com-
mandement de l'armée d'Afrique et dont nous
avons publié dans'le dernier fascicule les adieux
à ses troupes :
, Au moment où le chef éminent de l'armée d'Afrique est
sur le point de quitter le commandement qu'il assure de-
puis de nombreuses années, il ne paraît pas inutile de rap-
peler les traits principaux de sa brillante et glorieuse car-
rière. '
Né en 1855, le général Moinier est un ancien- élève des
écoles de Saiut-Cyr et d'état-major. Et quel élève! Entré
avec le n° 1, il sortit avec le même classement de ces deux
écoles. C'est assez dire à quel point il fut, dès le début de
sa carrière, un officier d'élite. L'Afrique l'attirait. Il ppit
part successivement aux colonnes de l'Aurès en 1879, à
celles du Sud-Ôranais contre Bou Amama. Lors de l'occu-
pation de la Tunisie, en 1882, il est-capitaine, et bien des
années plus tard on le retrouve en Afrique du Nord et en-
core enTuuisie, où il commande le 4e tirailleurs, lorsque
éclate l'affaire de Casablanca. C'est lui qui conduit à la
conquête dela Chaouïa ce beau régiment dont il a su faire
une troupe d'élite, reconnue digne désormais de marcher
de pair avec nos plus .belles troupes indigènes d'Algérie.
Cité à l'ordre du cqrps de débarquement, Moinier est
nommé général de brigade, et en janvier 1909, remplace
le général d'Amade dans le commandement en ohef.
La tâche était ardue et multiple : tâche de diplomate,
d'administrateur de la Chaouïa occupée et-- de conquérant
— avec quels moyens limités ! —d un immense empire où
tout nous appelait, où tout entravait notre action. Sans
tapag«, sans ostentation, Moinier sut l'accomplir de façon
à entrer dans l'histoire. En 1910, il bat les Zaër et les Ta-
dla, pénétrant du premier coup dans cette casba de Tadla"
où l'on ne devait revenir que longtemps après ; il pour-
chasse et rejette vers le Sud le fameux marabout Ma el
AÏnin. L'année suivante, il marche sur Fez, où Moulay
Hafid est assiégé. On sait le succès de son entreprise, qui,
au. lendemain des grosses difficultés surmontées dans la
Chaouïa, paraissait presque chimérique. Ce qu'on ne sait
pas assez, c'est qu'il l'accomplit avec 6.000 hommes, et
qu'il fut à ce point ménager du sang de ses soldats que sa
petite armée était intacte lorsqu'au® oecupa,le 21 mai 1911,
la première capitale chérifienne, a ia stupeur de ses cent
et quelque mille habitants. Quelques jours après, il enlève
avec la même force la dernière capitale, Meknès, où un
frère de Moulay Hafid s'était proclamé sultan. Le Maroc
était à nous. De longues et pénibles luttes, dont l'ère n'est
pas close, s'y dérouleront encore. L'issue n'en était plus
douteuse du jour où nous avions^ un pied au cœur même
de l'empire. Encore convient-il de'ne jamais oublier, pour
la leçon qui s'en-dégage, avec quelle hardiesse ce pied a
été posé, et quel bonheur.
Les étoiles de divisionnaire devaient récompenser l'heu-
reux vainqueur, auquel le gouvernement confiait, en 1912,
le commandement du 19° corps, à Alger. C'est dans cette
position que le trouva l'ordre de mobilisation générale du
1er août 1914. Moinier, qui était un des rares généraux
ayant commandé en chef devant l'ennemi, pouvait se croire
appelé à un rôle de gloire et d'action. Soldat discipliné, il
accepta sans murmure la tâche moins brillante, mais non
moins utile qui lui fut dévolue. Aucune part ne lui étant
faite dans la conduite de la grande guerre, il se donna de
tout son cœur, avec la simplicité qui fut toujours la règle
de saconduite, à son rôle de chef de l'armée d'Afrique :
fournir sans cesse - à la métropole des contingents de
troupes entraînées et aguerries, dont le nombre a dépassé
les prévisions les plus optimistes ; maintenir dans le pays
même, malgré l'incertitude de sa frontière méridionale,
une sécurité, une tranquillité absolues ; résoudre les
mille problèmes délicats et complexes qu'une situation
toute nouvelle devait poser au jour le jour dans une colo-
nie en veie de création, encore à l'aurore de son dévelop-
pement, telle fut la tâche qu'il sut accomplir, sans fai-
blesse comme sans tapage, avec sa hauteur de vues pui-
sée dans un profond savoir et une claire conscience.
Grand, svelte, joignant toute la vigueur de la jeunesse à
l'expérience d'une vie de labeur ininterrompu, le général
Moinier appelle d'emblée la sympathie de ceux qyi le voient
pour la première fois. Que dire des sentiments qu'il inspire
à ceux qui ont la bonne fortune de pratiquer l'homme,
comme collaborateurs ou comme amis ? Chez lui, une
bienveillance exquise, une délicatesse rare s'allient à une
grande fermeté d'âme. Nulle ostentation, nulle parade,
une modestie qui laisse comme à regret transparaître les
plus rares qualités de l'intelligence et du cœur ; une âme
d'élite qui s'exprime dans ce clair regard, à peine voilé
par le verre du lorgnon, ce regard où 1 on peut lire la bonté
souriante, la décision pondérée et avertie, l'équilibre d'une
pensée riche et disciplinée, par-dessus tout une haute
conscience.
COLONIES FRANÇAISES
. ET PAYS DE PROTECTORAT
ALGÉRIE
La reconstitution des d j emaas de douars.
- Le Sénat a discuté le 22 février une propo-
sition de loi de MM. Etienne Flandin et Jonnart
reconstituant les djemaas de douars et dont
M. 'Flandin a ainsi exposé le but :
M. le RAPPORTEUR. — Messieurs, les indigènes d'Algérie
nous ont apporté pendant la guerre un concours précieux.
Nous ne saurions oublier l'admirable loyalisme par lequel
nos chefs musulmans ont répondu à la tentative de guerre
sainte que les Allemands prétendaient déchaîner contre
nous. Leurs adresses au président de la République, con-
çues parfois dans les termes les plus émouvants, attestaient
leur fidélité à la France, tandis que les fellahs, les khammès
venaient déclarer à nos colons : « Vous .pouve'z vous ren-
dre sans crainte à l'appel de la mobilisation. Nous, vos
serviteurs, nous serons là pour assurer la sécurité dans
les villages et dans les fermes isolées. » (Très bien! Très
bien /)
En même temps, Messieurs, plus de 50.000 volontaires
musulmans répondaient l appel du gouvernement deve-
naient s'enrôler sous les drapeaux de la France. Ce qu ont
été nos troupes indigènes, vous le savez. L'histoire le dira:
sur la Marne, sur l'Yser, sur la Somme, à Verdun, elles
ont fait, on peut le dire, l'admiration du monde. (Très bien!
îvès bien /)
Mais elles n'ont pas été seulement braves, courageuses
et intrépides. Elles ont su résister aux séductions de l'en-
nemi dans les camps de prisonniers ; ces jours derniers,
je ne lisais pas sans émotion une lettre que m'adressait
un ancien recteur de l'Université, délégué par le comité
d'action parleméntaire à l'étranger pour visiter nos pri-
sonniers musulmans internés en Suisse :
« J'ai trouvé, me disait-il, deux goumiers âgés tousdeux
de plus de soixante ans, criblés de blessures et ayant tout
accepté, tout subi, tout souffert, plutôt que de céder aux
avances et aux sollicitations de 1 Allemagne. » [Nouvelle
approbation.)
En présence d'une pareille attitude, nous avons le de-
voir, nous aussi, de témoigner à ces populations notre at-
tachement et notre sollicitude. Il ne s'agit en aucune fa-
çon, croyez-le bien, d'une politique d'abandon, de compro-
mission ou de faiblesse. Il s'agit simplement, à l heure où
nous allons encore intensifier le service militaire des indi-
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