Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1917-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1917 01 janvier 1917
Description : 1917/01/01 (N1,A27)-1917/12/31 (N12,A27). 1917/01/01 (N1,A27)-1917/12/31 (N12,A27).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97885087
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/07/2017
F:" ~.
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE .. 205
Les tirailleurs musulmans doivent-ils boire du vin r A
cette question nos lecteurs se récrient et demandent
comment elle peut être posée dans l'Afrique française...
Elle a pourtant été discutée à la séance de la Chambre
du 8 juin.
Des députés des colonies protestaient parce qu'on
avait appliqué dans un hôpital militaire à des soldats
créoles une circulaire du 17 mai du ministre de la Guerre
supprimant la consommation du vin aux indigènes dans
les hôpitaux. Protestation qui peut se justifier, car ces
soldats guyanais ou antillais ne sont pas des « indi-
gènes » ni surtout des musulmans. M. René Besnard,
sous-secrétaire d'Etat de la guerre, l'a reconnu et il a
promis de prendre les mesures nécessaires.
Mais il y a eu à ce propos quelques mots bien impru-
dents. Telle par exemple, la protestation du député de
Carpentras : « Dans le chef-lieu d'arrondissement que
je représente, a-t-il dit, on interdit aux Arabes du
Ier régiment de tirailleurs, de boire du vin dans les
débits; ou cafés ; c'est pourquoi je joins ma protestation
à celle de mon collègue M. Boisneuf; car ce n'est pas
véritablement le moyen d'encourager la viticulture qui a
subi une crise peu ordinaire dans notre région ». Il
faudrait savoir si c'est pour cet objet que les tirailleurs
de l'Afrique du Nord sont venus en France et ce qu'on
penserait d'eux à leur retour en Algérie ou au Maroc.
M. Diagne, député du Sénégal, a eu un mot non moins
inattendu : « Même lorsqu'il s'agit de soldats musulmans,
il est extrêmement fâcheux que dans une Chambre fran-
çaise, républicaine surtout, on ait à discuter des restric-
tions prises sous le couvert de la religion ». M. Diagne
a même soutenu que l'interdiction du vin n'est faite aux
musulmans qu'à raison des possibilités d'ivresse et non
d'une façon absolue. « Vous avez affaire, a-t-il dit,
à des hommes qui sont des Français comme nous. Peu
importe qu'ils soient musulmans. Les règlements mili-
taires leur doivent une ration de vin au front ou dans
les hôpitaux : on doit la leur donner sans se préoccuper
de savoir à quelle religion ils appartiennent ».
Cette thèse nouvelle du vin permis aux musulmans
jusqu'à l'ivresse excluse est hardie. Nous parlions ici un
jour des difficultés de la « resénégalisation » des tirail-
leurs noirs après la guerre. Bien des amis nous ont
signalé que des difficultés semblables se poseront pour la
« retunisification », la t« remarocanisation », etc., —
qu'on nous pardonne ces expressions barbares! — bref,
pour la réadaptation des tirailleurs à leur milieu d'avant
la guerre. Va-t-on y ajouter encore l'habitude anticora-
nique du vin, même si celui-ci se présente sous le
glorieux vocable de « pinard » ? Et il ne faut pasoublier
que si nos officiers et administrateurs ont pu faire dans
nos colonies du recrutement intensif, c'est en promet-
tant que les coutumes et la religion des soldats musul-
mans seraient respectés. Que diraient les chefs et les
familles si leurs envoyés revenaient avec une habitude
que l'Islam réprouve? Qu'on se fie donc aux chefs qui
les connaissent et savent le genre de vie et de nourri-
ture qui leur convient!
L armée britannique, en occupant Bagdad, y a trouvé
des prisonniers qu'elle a délivrés. Parmi eux, un tirail-
leur algérien, dont un officier britannique a raconté
i odyssée.
Il avait été victime des gaz et fait prisonnier à Verdun
au début de 1915 et emmené à Berlin. Un officier
allemand lui demanda, ainsi qu'à quelques autres, s'ils
voulaient aller voir le khalife à Constantinople. Ils
acceptèrent et on ne leur parla naturellement pas de
nouveaux combats. Ils furent promenés à travers Stam-
boul et ne virent pas le sultan. Au contraire on les
emmena à Alep, puis à Bagdad où ils arrivèrent en
même temps que les prisonniers de Kut-el-Amara.
Quand on leur annonça qu'ils devaient aller se battre
contre les Russes, ils refusèrent et plusieurs furent tués.
Les autres furent employés à des travaux sur les routes.
La plupart désertèrent, joignant l'armée de Baratof.
Plusieurs réussirent à venir au devant de l'armée
britannique.
C'est un bel exemple de fidélité des tirailleurs
algériens. Des Marocains, croyons-nous, avaient eu, eux
aussi, la même odyssée, et l'on sait d'ailleurs que les
tentatives d'embauchage faites à Zossen sur les prison-
niers indigènes n'ont pas donné de résultats.
Le 6 mai dernier, à l'aérodrome de Hendon, près de
Londres, on baptisait un nouvel aéroplane, le « South-
Africa », offert par la Chambre de commerce de
Londres à l'Union Sud-Africaine en la personne du
général Smuts. « Je vous baptise South-Africa, dit la
marraine, Mrs. Schreiner, femme du haut-commissaire
de l'Union Sud-Africaine en Angleterre ; volez sans
incident et aidez-nous à obtenir la paix ! » Et lady
Winchester apposa sur l'appareil l'insigne d'une tête
d'antilope comme mascotte.
Le général Smuts a donné à cette occasion quelques
vues sur l'utilisation de l'aviation en Afrique, sujet que
Y Afrique française signalait récemment encore.
11 croit à cette utilisation. Depuis 1912, l'Union Sud-
Africaine avait vainement tenté d'obtenir des avions
que le War Office refusait. Elle eut beaucoup de peine
à s'en procurer au début de la guerre. Le général
Botha sut se servir contre le Sud-Ouest allemand de
ceux qu'il reçut. Pourtant ce pays de sable et de brousse
offrait de grandes difficultés à l'aéroplane. En Afrique
orientale elles étaient plus sérieuses encore à cause de
la grande végétation et du tir des canons allemands qui
obligeait les aviateurs britanniques à voler très haut.
Quant au lac Tanganyika, la supériorité allemande y
disparut dès l'arrivée des hydroplanes amenés par les
Belges. « Les askaris allemands avaient, dit le général
Smuts, horreur de « l'Oiseau » — c'est ainsi qu'ils
appelaient l'aéroplane. Un jour, j'interrogeai à ce sujet
un sous-officier allemand : quand il se trouvait au bord
d'une rivière même peuplée de crocodiles, s'il voyait
venir l'oiseau, son premier mouvement, disait-il, était
de se jeter dans la rivière ! »
L'avion « South Africa » est parti pour le front de
France. Cet avion ou son successeur ira après la
guerre dans l'Afrique du Sud où l'on s'efforcera d'em-
ployer l'aviation à des utilisations pratiques et commer-
ciales. Et le brigadier général Brancker, renchérissant
sur les idées de Smuts, a entrevu « une ligne d'aéro-
planes allant de Londres à Pretoria et au Cap par-des-
sus les pays conquis par le général Smuis' »
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE .. 205
Les tirailleurs musulmans doivent-ils boire du vin r A
cette question nos lecteurs se récrient et demandent
comment elle peut être posée dans l'Afrique française...
Elle a pourtant été discutée à la séance de la Chambre
du 8 juin.
Des députés des colonies protestaient parce qu'on
avait appliqué dans un hôpital militaire à des soldats
créoles une circulaire du 17 mai du ministre de la Guerre
supprimant la consommation du vin aux indigènes dans
les hôpitaux. Protestation qui peut se justifier, car ces
soldats guyanais ou antillais ne sont pas des « indi-
gènes » ni surtout des musulmans. M. René Besnard,
sous-secrétaire d'Etat de la guerre, l'a reconnu et il a
promis de prendre les mesures nécessaires.
Mais il y a eu à ce propos quelques mots bien impru-
dents. Telle par exemple, la protestation du député de
Carpentras : « Dans le chef-lieu d'arrondissement que
je représente, a-t-il dit, on interdit aux Arabes du
Ier régiment de tirailleurs, de boire du vin dans les
débits; ou cafés ; c'est pourquoi je joins ma protestation
à celle de mon collègue M. Boisneuf; car ce n'est pas
véritablement le moyen d'encourager la viticulture qui a
subi une crise peu ordinaire dans notre région ». Il
faudrait savoir si c'est pour cet objet que les tirailleurs
de l'Afrique du Nord sont venus en France et ce qu'on
penserait d'eux à leur retour en Algérie ou au Maroc.
M. Diagne, député du Sénégal, a eu un mot non moins
inattendu : « Même lorsqu'il s'agit de soldats musulmans,
il est extrêmement fâcheux que dans une Chambre fran-
çaise, républicaine surtout, on ait à discuter des restric-
tions prises sous le couvert de la religion ». M. Diagne
a même soutenu que l'interdiction du vin n'est faite aux
musulmans qu'à raison des possibilités d'ivresse et non
d'une façon absolue. « Vous avez affaire, a-t-il dit,
à des hommes qui sont des Français comme nous. Peu
importe qu'ils soient musulmans. Les règlements mili-
taires leur doivent une ration de vin au front ou dans
les hôpitaux : on doit la leur donner sans se préoccuper
de savoir à quelle religion ils appartiennent ».
Cette thèse nouvelle du vin permis aux musulmans
jusqu'à l'ivresse excluse est hardie. Nous parlions ici un
jour des difficultés de la « resénégalisation » des tirail-
leurs noirs après la guerre. Bien des amis nous ont
signalé que des difficultés semblables se poseront pour la
« retunisification », la t« remarocanisation », etc., —
qu'on nous pardonne ces expressions barbares! — bref,
pour la réadaptation des tirailleurs à leur milieu d'avant
la guerre. Va-t-on y ajouter encore l'habitude anticora-
nique du vin, même si celui-ci se présente sous le
glorieux vocable de « pinard » ? Et il ne faut pasoublier
que si nos officiers et administrateurs ont pu faire dans
nos colonies du recrutement intensif, c'est en promet-
tant que les coutumes et la religion des soldats musul-
mans seraient respectés. Que diraient les chefs et les
familles si leurs envoyés revenaient avec une habitude
que l'Islam réprouve? Qu'on se fie donc aux chefs qui
les connaissent et savent le genre de vie et de nourri-
ture qui leur convient!
L armée britannique, en occupant Bagdad, y a trouvé
des prisonniers qu'elle a délivrés. Parmi eux, un tirail-
leur algérien, dont un officier britannique a raconté
i odyssée.
Il avait été victime des gaz et fait prisonnier à Verdun
au début de 1915 et emmené à Berlin. Un officier
allemand lui demanda, ainsi qu'à quelques autres, s'ils
voulaient aller voir le khalife à Constantinople. Ils
acceptèrent et on ne leur parla naturellement pas de
nouveaux combats. Ils furent promenés à travers Stam-
boul et ne virent pas le sultan. Au contraire on les
emmena à Alep, puis à Bagdad où ils arrivèrent en
même temps que les prisonniers de Kut-el-Amara.
Quand on leur annonça qu'ils devaient aller se battre
contre les Russes, ils refusèrent et plusieurs furent tués.
Les autres furent employés à des travaux sur les routes.
La plupart désertèrent, joignant l'armée de Baratof.
Plusieurs réussirent à venir au devant de l'armée
britannique.
C'est un bel exemple de fidélité des tirailleurs
algériens. Des Marocains, croyons-nous, avaient eu, eux
aussi, la même odyssée, et l'on sait d'ailleurs que les
tentatives d'embauchage faites à Zossen sur les prison-
niers indigènes n'ont pas donné de résultats.
Le 6 mai dernier, à l'aérodrome de Hendon, près de
Londres, on baptisait un nouvel aéroplane, le « South-
Africa », offert par la Chambre de commerce de
Londres à l'Union Sud-Africaine en la personne du
général Smuts. « Je vous baptise South-Africa, dit la
marraine, Mrs. Schreiner, femme du haut-commissaire
de l'Union Sud-Africaine en Angleterre ; volez sans
incident et aidez-nous à obtenir la paix ! » Et lady
Winchester apposa sur l'appareil l'insigne d'une tête
d'antilope comme mascotte.
Le général Smuts a donné à cette occasion quelques
vues sur l'utilisation de l'aviation en Afrique, sujet que
Y Afrique française signalait récemment encore.
11 croit à cette utilisation. Depuis 1912, l'Union Sud-
Africaine avait vainement tenté d'obtenir des avions
que le War Office refusait. Elle eut beaucoup de peine
à s'en procurer au début de la guerre. Le général
Botha sut se servir contre le Sud-Ouest allemand de
ceux qu'il reçut. Pourtant ce pays de sable et de brousse
offrait de grandes difficultés à l'aéroplane. En Afrique
orientale elles étaient plus sérieuses encore à cause de
la grande végétation et du tir des canons allemands qui
obligeait les aviateurs britanniques à voler très haut.
Quant au lac Tanganyika, la supériorité allemande y
disparut dès l'arrivée des hydroplanes amenés par les
Belges. « Les askaris allemands avaient, dit le général
Smuts, horreur de « l'Oiseau » — c'est ainsi qu'ils
appelaient l'aéroplane. Un jour, j'interrogeai à ce sujet
un sous-officier allemand : quand il se trouvait au bord
d'une rivière même peuplée de crocodiles, s'il voyait
venir l'oiseau, son premier mouvement, disait-il, était
de se jeter dans la rivière ! »
L'avion « South Africa » est parti pour le front de
France. Cet avion ou son successeur ira après la
guerre dans l'Afrique du Sud où l'on s'efforcera d'em-
ployer l'aviation à des utilisations pratiques et commer-
ciales. Et le brigadier général Brancker, renchérissant
sur les idées de Smuts, a entrevu « une ligne d'aéro-
planes allant de Londres à Pretoria et au Cap par-des-
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