Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1921-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1921 01 janvier 1921
Description : 1921/01/01 (A31,N1)-1921/12/31 (A31,N12). 1921/01/01 (A31,N1)-1921/12/31 (A31,N12).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97878865
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/07/2017
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 189
nistrateurs des habous privés, le moyen de
réaliser des acquisitibns en capital contre remploi
ou à enzel. Auci n obstacle de principe ne barre le
chemin à cette réforme.
Ce que le gouvernement du Protectorat voulait
en 1920, c'était d'ailleurs toute autre chose. Il
entendait assumer la charge des zones demeurées
improductives des habous ruraux, les cultiver
par l'intermédiaire de la Djemaia ou de la direc-
tion de l'Agriculture et, ces terres une fois vivi-
fiées, en opérer le partage : moitié avec une plus
value du triple ou du quadruple aux fondations
pieuses d'où elles provenaient, moitié à l'Etat en
récompense de son travail et contre un modique
enzel. C'était une sorte d'extension du système de
la morharsa des terres sialines de Sfax ou une
sorte de Khoulou. Des deux côtés, on y aurait
trouvé son compte.
Ce dessein, lancé dans l'arène publique, en un
moment délicat et sans la longue et prudente
préparation nécessaire des esprits, alourdi d'idées
adventices inconsidérées comme celle de l'imma-
triculation, entouré d'ailleurs de commentaires
du parti colon qui en accentuèrent ou altérèrent
la couleur, ce dessein — disons-nous — suscita
un cyclone qui le balaya. Ses motifs économi-
ques très fondés n'avaient pas eu le temps de
mordre sur l'opinion indigène. Au surplus, il
laissait trop dans l'ombre la question des surfaces
incultes des propriétés particulièrement et, en
apparence au moins, il s'attaquait uniquement
eux habous. Ce que la masse de nos protégés y vit
de plus clair, c'est qu'après les habous publics et
le patrimoine domanial, on allait ôter à nos pro-
tégés l'usage présent ou éventuel d'une nouvelle
tranche du sol tunisien pour la transférer aux
Français. Les intérêts menacés d'une catégorie
de personnes attisèrent le mécontentement au-
quel on donna comme drapeau le souci religieux
du respect des habous.
Tout en saluant cette bannière immatérielle,
n'ignorons pas d'où souffla le vent fort prosaïque
qui en déploya l'étamine. Si nous renonçons à
agiter le spectre de l'immatriculation, moins de
bras s'offriront pour porter cet étendard. Nous
resterons alors devant le problème de fond, celui
de la situation terrienne des indigènes. Sa solu-
tion n'est pas inconciliable avec ce qu'avait d'es-
sentiel le projet gouvernemental de mai 1920.
Restituons donc à toute cette affaire sa vérita-
ble position. L'Etat, comme directeur de la col-
lectivité et gardien des intérêts généraux, a le
devoir de pousser à la mise en valeur de tout le
terrain utilisable. Grâce à la paix et la sécurité
dues au Protectorat, la population double en
trente ans. Comment vivrait-elle si la production
ne suivait une marche corrélative ? Ce double-
ment indispensable s'obtiendra soit par le pas-
sage de la culture extensive à la culture inten-
sive, soit par le passage de la stérilité à la
culture, ce qui est un domaine où l'Etat peut et
doit exercer son action.
L'Etat se substituera donc aux propriétaires
fonciers qui, par inertie ou incapacité technique
ou financière, manquent à leur fonction sociale en
laissant inféconde une portion de leurs biens.
L'application slricte des doctrines des juristes
musulmans sur les terres mortes, l'autoriserait à
disposer de celles-ci à son gré. Tenant compte
des titres écrits quelconques établis à leur pro-
pos, il acceptera de payer un prix ou en enzel à
débattre, mais, comme ces pièces sont vagues et
incertaines, il se garantira des réclamations éven-
tuelles des tiers en usant de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
Celle-ci est réglementée en Tunisie par le
décret de 1905 qui, tout en ayant été pris pour
faciliter les travaux publics, laisse toute latitude
en d'autres matières. Sans parler du décret de
janvier 1920 qui a prévu l'expropriation des sites
contenant des ruines antiques, cette mesure est
applicable quand le gouvernement crée des cen-
tres de colonisation en territoire militaire (décret
de novembre H18). Il s'agirait ici d'un cas
analogue. D ailleurs, en pareille occurrence, c'est
une habitude de l'administration du beylik de
traiter auparavant à l'amiable avec les particu-
liers. Le décret d'expropriation consacre d'ordi-
naire l'accord et a plutôt pour but de remédier
aux défectuosités des titres des expropriés que de
violenter leurs décisions.
L'expropriation s'appliquerait uniquement aux
surfaces incultes de quelque étendue et qui se-
raient cultivables. Elle toucherait non seulement
les habous, mais encore les biens à enzel et les
melks (propriétés franches), qu'ils appartiennent
à tous Européens ou à des indigènes, qu'ils soient
ou non immatriculés. Un récolement adminis-
tratif des terres non habousées à régénérer de-
vrait être opéré en même temps que celui des
habous. Il n'aurait lieu, provisoirement au moins,
que dans le Tell, car, sur l'immense majorité des
landes à mouton du Centre et du Sud, les céréa-
les sont déficitaires. Le dry farming n'y nourrit
pas son homme tous les ans. La Steppe au sur-
plus excipe d'une besogne spéciale, car elle ren-
ferme presque tous les habous à nouzala- On y
traduira dans les faits le décret de 1913 resté
jusqu'ici à peu près lettre morte.
Le mode de résurrection agricole figurant au
projet de 1920 n'est pas à recommander. Djemaia
ou direction de l'Agriculture ne sont nullement
organisées pour le rôle qu'on leur attribuait. Si
celui-ci était devenu effectif, la Tunisie aurait eu,
elle aussi, ses régions libérées, libérées de la sté-
rilité, où des administrations auraient dépensé
probablement plus que la valeur qu'elles auraient
créée. Le seul procédé pratique est de découper
des lotissements dans les terres que l'Etat aura
ainsi récupérées. Les parcelles en seront concé-
dées aux Français et aux Indigènes, soit qu'on
mélange les deux catégories dans un même lotis-
sement, soit que l'on se résolve à des lotisse-
ments distincts. Aux uns et aux autres, des clau-
ses de colonisation seront imposées sur la base
de celles actuellement en 'vigueur.
La réalisation de ce vaste programme ne
nistrateurs des habous privés, le moyen de
réaliser des acquisitibns en capital contre remploi
ou à enzel. Auci n obstacle de principe ne barre le
chemin à cette réforme.
Ce que le gouvernement du Protectorat voulait
en 1920, c'était d'ailleurs toute autre chose. Il
entendait assumer la charge des zones demeurées
improductives des habous ruraux, les cultiver
par l'intermédiaire de la Djemaia ou de la direc-
tion de l'Agriculture et, ces terres une fois vivi-
fiées, en opérer le partage : moitié avec une plus
value du triple ou du quadruple aux fondations
pieuses d'où elles provenaient, moitié à l'Etat en
récompense de son travail et contre un modique
enzel. C'était une sorte d'extension du système de
la morharsa des terres sialines de Sfax ou une
sorte de Khoulou. Des deux côtés, on y aurait
trouvé son compte.
Ce dessein, lancé dans l'arène publique, en un
moment délicat et sans la longue et prudente
préparation nécessaire des esprits, alourdi d'idées
adventices inconsidérées comme celle de l'imma-
triculation, entouré d'ailleurs de commentaires
du parti colon qui en accentuèrent ou altérèrent
la couleur, ce dessein — disons-nous — suscita
un cyclone qui le balaya. Ses motifs économi-
ques très fondés n'avaient pas eu le temps de
mordre sur l'opinion indigène. Au surplus, il
laissait trop dans l'ombre la question des surfaces
incultes des propriétés particulièrement et, en
apparence au moins, il s'attaquait uniquement
eux habous. Ce que la masse de nos protégés y vit
de plus clair, c'est qu'après les habous publics et
le patrimoine domanial, on allait ôter à nos pro-
tégés l'usage présent ou éventuel d'une nouvelle
tranche du sol tunisien pour la transférer aux
Français. Les intérêts menacés d'une catégorie
de personnes attisèrent le mécontentement au-
quel on donna comme drapeau le souci religieux
du respect des habous.
Tout en saluant cette bannière immatérielle,
n'ignorons pas d'où souffla le vent fort prosaïque
qui en déploya l'étamine. Si nous renonçons à
agiter le spectre de l'immatriculation, moins de
bras s'offriront pour porter cet étendard. Nous
resterons alors devant le problème de fond, celui
de la situation terrienne des indigènes. Sa solu-
tion n'est pas inconciliable avec ce qu'avait d'es-
sentiel le projet gouvernemental de mai 1920.
Restituons donc à toute cette affaire sa vérita-
ble position. L'Etat, comme directeur de la col-
lectivité et gardien des intérêts généraux, a le
devoir de pousser à la mise en valeur de tout le
terrain utilisable. Grâce à la paix et la sécurité
dues au Protectorat, la population double en
trente ans. Comment vivrait-elle si la production
ne suivait une marche corrélative ? Ce double-
ment indispensable s'obtiendra soit par le pas-
sage de la culture extensive à la culture inten-
sive, soit par le passage de la stérilité à la
culture, ce qui est un domaine où l'Etat peut et
doit exercer son action.
L'Etat se substituera donc aux propriétaires
fonciers qui, par inertie ou incapacité technique
ou financière, manquent à leur fonction sociale en
laissant inféconde une portion de leurs biens.
L'application slricte des doctrines des juristes
musulmans sur les terres mortes, l'autoriserait à
disposer de celles-ci à son gré. Tenant compte
des titres écrits quelconques établis à leur pro-
pos, il acceptera de payer un prix ou en enzel à
débattre, mais, comme ces pièces sont vagues et
incertaines, il se garantira des réclamations éven-
tuelles des tiers en usant de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
Celle-ci est réglementée en Tunisie par le
décret de 1905 qui, tout en ayant été pris pour
faciliter les travaux publics, laisse toute latitude
en d'autres matières. Sans parler du décret de
janvier 1920 qui a prévu l'expropriation des sites
contenant des ruines antiques, cette mesure est
applicable quand le gouvernement crée des cen-
tres de colonisation en territoire militaire (décret
de novembre H18). Il s'agirait ici d'un cas
analogue. D ailleurs, en pareille occurrence, c'est
une habitude de l'administration du beylik de
traiter auparavant à l'amiable avec les particu-
liers. Le décret d'expropriation consacre d'ordi-
naire l'accord et a plutôt pour but de remédier
aux défectuosités des titres des expropriés que de
violenter leurs décisions.
L'expropriation s'appliquerait uniquement aux
surfaces incultes de quelque étendue et qui se-
raient cultivables. Elle toucherait non seulement
les habous, mais encore les biens à enzel et les
melks (propriétés franches), qu'ils appartiennent
à tous Européens ou à des indigènes, qu'ils soient
ou non immatriculés. Un récolement adminis-
tratif des terres non habousées à régénérer de-
vrait être opéré en même temps que celui des
habous. Il n'aurait lieu, provisoirement au moins,
que dans le Tell, car, sur l'immense majorité des
landes à mouton du Centre et du Sud, les céréa-
les sont déficitaires. Le dry farming n'y nourrit
pas son homme tous les ans. La Steppe au sur-
plus excipe d'une besogne spéciale, car elle ren-
ferme presque tous les habous à nouzala- On y
traduira dans les faits le décret de 1913 resté
jusqu'ici à peu près lettre morte.
Le mode de résurrection agricole figurant au
projet de 1920 n'est pas à recommander. Djemaia
ou direction de l'Agriculture ne sont nullement
organisées pour le rôle qu'on leur attribuait. Si
celui-ci était devenu effectif, la Tunisie aurait eu,
elle aussi, ses régions libérées, libérées de la sté-
rilité, où des administrations auraient dépensé
probablement plus que la valeur qu'elles auraient
créée. Le seul procédé pratique est de découper
des lotissements dans les terres que l'Etat aura
ainsi récupérées. Les parcelles en seront concé-
dées aux Français et aux Indigènes, soit qu'on
mélange les deux catégories dans un même lotis-
sement, soit que l'on se résolve à des lotisse-
ments distincts. Aux uns et aux autres, des clau-
ses de colonisation seront imposées sur la base
de celles actuellement en 'vigueur.
La réalisation de ce vaste programme ne
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