DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 51
Pour bien apprécier l'importance du maintien
de la paix au l'laroc, il iaut se rappeler qu'au
moment ou la guerre a éclaté, 1 occupation de
Taza et de Khenifra venait d être faite et était en
voie de consolidation.
L'Afrique française a longuement raconté, l'an
dernier, les brillantes campagnes de 'J aza et de
Khenifra. Nous les rappelons aujourd'hui en pu
bliant le texte des ordres généraux d u résident
général à ce sujet.
L'ordre général n° 89, du 27 juillet avait résumé
ainsi les opérations de Khenifra :
Ordre général n° 89.
La puissante confédération Zaïan, de tous temps rebelle
au Makhzen. s'était depuis le début de notre intervention
au Maroc signalée par sa xénophobie intransigeante -et son
fanatisme. Nous avions eu contre nous des contingents
zaïaten 1001 et 1908 en Chaouïa. Nous les avions retrouvés
en 19 il pendant la marche sur Fez et, en 1911 et 1913,
les Zaers, Zcmmours, Bepi-M'Tir etBeni-M'Guild dissidents
avaien t toujours trouvé chez eux des renforts guerriers, en
armes et eu munitions.
Le bloc zaÚm pénétrait comme un coin dans le réseau de
nos postes L'action politique, intense des régions' limi-
trophes (Mekuès Rabat-Tadlai avait bien réussi à en dé
tacher quelques fragments et à nouer des intelligences
dans le pays. En particulier, l'installation du poste provi-
soire de Mouta.y Bou Azza, réabsee le 14 mai 1914 de la
façon la plus heureuse par le général Blondlat, avait fait
tomber dans notre main une fraction zaïan importante.
Mais nuCWe fissure sérieuse ne se produisait dans le
noyau central. Au contraire, sous la pression de notre
encerclement, Moha ouHammou, It-, grand chef zaïan, mu]-
• tipliait ses appels à la guerre sainte, échangeait des cor-
respondances de plus en plus fréquentes avec Ali Ahruaouch
et Moha ou Saïd. ces deux autres champions de la résis-
tance dans le Mojen-Atlas, envoyant ses réguliers et ses
coupem',s de routes razzier les tiibu.-, soumises, attaquer
les isolés et les convois (attaque" des-18 et 28 mai 1914)
Dans ces conditions, il semblait qu'il'n'y eût plus rien à
atteudre d'e l'action purement politique des régions et que
seule l'activité militaire des groupes mobiles et des co-
lonnes d'opératiorfpût procurer des résultats sérieux. Mais
si l'action politique -avait pu avec avantage s'exercer en
partant de trois régions différentes, il était indispensable
que.les opérations militaires contre les Zaïan, soient con-
fiées à un chef unique.
Dès le 20 mai, le commissaire résident général chargea
de celte mission le général Henry s, commandant la région
de Meknès.
Après vingt jours de préparation intensive pendant les-
quels le commandant des op-érations contre les Zaïan ins-
pecta les troupes Il ises à sa disposition, organisant soi-
gneusement les bases d'opérations, faisant compléter les
approvisionnements, trois colonnes solidement constituées
étaient rassemblées.
La -première, commandée par le lieutenant colonel
Claudel, à Casbah des. Aït-Lias (oued Ifran) :
La deuxième, commandée par le lieutenant-colonel Cros,
à Fonigh&l (Moulay bou Azza);
La troisième, commandéepar le colonel Garnier-Duplessis,
à Boujad, prêtes à partir au premier signal. En outre, les
postes du Tadla avaient été renforces par des troupes pré-
levées sur la réserve, de manière à faire face à toute
attaque imprévue venant du Moyen Atlas.
L'agressivité d- s Zaïan ne faisait qu'augmenter et, les
attaquas se multipliant (6 juin, attaque d'un détachement
de réparation de lignes télégraphiques entre Tedders et
Oulmès; 7 et 8 juin, attaque du camp du lieutenant-colonel
Claudel sur l'oued Ifran/, le résident général estimait le
moment venu de donner au général Henrys l'autorisation
de commencer la progression en pays zaïan.
- En conséquence, le 10 juin, le déclanchement se produi-
*
sait : la colonne Garnier-Duplessis (5 bataillons, 2 esca-
drons 2 batteries), partie de Boujad, atteignait Sidi-L'amine
sur l'oued Grou ; la colonne Cros (3 bataillons et dewi,
2 escadrons et demi, 1 batterie et demie , partie de Foughal,
campait à Mattourgeu (28 kilomètres Est de Foughal);
La colonne Claudel (avec laquelle marchait le général
Henrys), partie ti'AÏL Lias, occupait Dechra Titahouine
après avoir, par une offensive vigoureuse et une progres-
sion rapide, de crête en crète, par bonds successifs, rejeté
au Sud d'EI:-Hammam les contingents Zaïan commandés
par Moha ou H.iuiiuou en personne. Les deux premièles
colonnes avaient trouvé le vide devant elles.
Le 11, les trois colonnes Duplessis. Cros et Claudel
atteignaient respectivement Dechra^Sidi-Aniar. Ziar et El-
Bordj. Ce jour-là encore, la colonne Claudel eut à si pporter
l'attaqué de l'ennemi, d'ailleurs moins vigoureuse que la
veille...
Le 12 au matin, la colonne Claudel se portait sur Kheni-
fra par la rive Sud de l'Oum er-Rebia, repoussant vigou-
reusement les Zaïan descendant de la montagne.
Le même jour, la colonne Cros débouchait de Ziar et,
franchissant à neuf heure's l'Oum-er-Rebia en amont de
Khenifra, arrivait à point pour arrêter un retour offensif
de contingents Chleuh venant du Sud-Ouest par la vallée
de l'Oiim-er-Rebia.
Entin.à 11 heures, la colonne Duplessis, passant l'Ou'm-'
er Rebia en avant de Khenifra, venait appuyer la droite de
la colonne Gros et prendre en flanc de "ouvpapx contin-
gents Chleuh venant de la direction 'de Kebbab.
Malgré leur ténacité et leur mépris de la mort, les assail-
lants étaient repousses de toutes parts et à 19 heures nos
troupes campaient autour de Khenifra. Au cours de la
journée, nous avions pris un étendard de la garde de Moha-
ou-Hammou.
Dans la nuit du 14 au 15. une violente attaque de nuit
se produisit sur toutes les faces du cani|>; arrêtée net par
le tir précis de nos canons, de nos mitraiticuse.', guidés
par les projecteurs, elle prenait fin à une heure quinze.
Mais, dès l'aube, pour répondre à cette attaque par une
offensive immédiate, le général Henrys se portait avec
tous ses éléments disponibles dans la direction d'Adersan
d'où étaient partis les rassemblements, forçant partout
l'ennemi à chercher un refuge dans la montagne (affaire
dAdersan).
L'occupation du pays zaïan était désormais un fait
accompli; le général Henrys avait réalise de point" en
point, telle qu'il l'avait conçue, avec le minimum de
pertes. cette opération qui peut être regardée comme
un modèle de préparation, de précision dans là manœuvre
et de rapidité dans l'exécution.
Le gouvernement de la République, par un télégramme
du Hi juin 1914, n" -li8, a bien voulu rendre au chef émi-
nent et à ses vaillantes troupes un hommage mérité.
Le général citait à l'ordre du corps d'occupation
les militaires qui s'étaient distingués et notam-
ment :
MM.
SAINTE-LAGUE, lieutenant d'infanterie coloniale, aviateur.
f Tombé glorieusement à Ito, le 4 mai 1914. »
SEVE Pau Fernand, lieutenant, section de mitrailleuses,
du 4" tirailleurs indigènes.
« Blessé mortellement au combat de nuit du 7 au 8 juin,
à Oued-Ifrane. >>
DE FERRON, lieutenant. G0 escadron de spahis lÜaro-
cains.
« Décédé des suites de ses blessures, reçues glorieuse-
ment à Khenifra le 12 juin. »
G.\itNiER DUPLESSIS, colonel. commandant la colonne du
Tadla
c A exercé avec la plus grande distinction le comman-
dement de la colonne constituée à l'aidp des troupes du
Tadla qu'il a su mener, le 12 juin 1914, dans de parfaites
conditions à Khenifra : est arrivé à temps pour prendre
part au succès de la journée, A fait constamment preuve,
au cours des opérations, des plus belles qualités de chef
et de soldat."»
LE BLEVEC. capitaine d'état-major de la colonne Cros.
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