Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1909-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1909 01 janvier 1909
Description : 1909/01/01 (N1,A19)-1909/12/31 (N12,A19). 1909/01/01 (N1,A19)-1909/12/31 (N12,A19).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9787844t
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/07/2017
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 165
seul, grelottant de fièvre sur son lit de camp.
Mais du fond de l'ombre a surgi un homme
qui se montre tout à coup dans le cercle de clarté
répandu par les photophores, et, avec un halète-
ment de fatigue, il se débarrasse de son fardeau :
un grand sac de toile bourré de paquets. Tout le
monde s'est levé : Broussard s'est emparé d'un
couteau et hâtivement coupe les liens qui ferment
le sac; un camarade saisit le sac par le fond et,
le tirant à lui d'un coup sec, en répand le contenu
sur le sol de la salle à manger; un autre procède
au dépouillement, laissant d'abord de côté les
journaux pour faire le tri des lettres et des cartes
postales parfois plus chères que les lettres, dont
il appelle à haute voix les destinataires. Et tout
de suite, on n'entend plus qu'un bruit d'enve-
loppes violemment déchirées, de papier froissé,
de pages fiévreusement tournées. Les visages se
rassérènent, les bouches se distendent, les yeux
deviennent rieurs, parfois humides : une bouffée
d'air de France a soufflé sur ces exilés, leur ap-
portant un peu de vrai bonheur. Et dans leur
émotion, ils ont oublié le pauvre instrument de
leur joie, ce modeste facteur de brousse qui a fait
en cinq jours et à pied 200 ou 225 kilomètres pour
apporter ce sac de dépêches, et qui, accroupi sur
le sol, attend qu'on veuille bien songer à lui.
Ce n'est pas seulement l'attente des nouvelles
de France qui produit chez Broussard ces mou-
vements d'impatience et d'énervement dont nous
parlions tout à l'heure; c'est aussi quelque désa-
grément passager causé par une discussion avec
un collègue au sujet d'un domestique, ou une di-
vergence de vues avec un supérieur au sujet d'une
affaire de service : bien petites causes, en général,
mais qui, par suite sans doute du phénomène de
la dilatation, prennent vite sous les tropiques une
importance considérable. Au bout de trois ou
quatre désagréments de ce genre, Broussard se
sent devenir grincheux, le climat lui paraît moins
agréable, les indigènes moins dignes d'intérêt, le
métier moins captivant; il a des moments de plus
en plus fréquents de spleen, des accès de nos-
talgie de plus en plus longs : c'est presque de la
neurasthénie, c'est en tout cas de la « soudanite »,
c'est quelquefois une maladie réelle qui com-
mence, un accès palustre, un mouvement bilieux.
Couché sur son lit, en proie à la fièvre, la bouche
et la tête brûlantes, les membres glacés, agités
d'un frisson convulsif, Broussard ne voit plus en
rose la vie coloniale, et, tout en absorbant l'écœu-
rante tisane de bentamaré ou les hautes doses de
quinine, il en vient à penser que « la meilleure
des colonies, c'est encore la France ».
Majs avec la convalescence, son énergie lui re-
vient : cependant, il s'aperçoit très bien que, s'il
n'y a rien de cassé, il y a tout au moins quelque
ressort distendu ou faussé, la machine tant mo-
rale que physique ne marche plus aussi bien
qu'auparavant. Il se rappelle alors un conseil que
lui a donné un jour un vrai « vieux colonial » de
passage en son poste, un de ces hommes qui
inspirent la confiance à première vue, dont les
jeunes sentent qu'ils ont tout à apprendre et dont
ils acceptent les avis d'instinct. Ce « vieux colo-
nial » lui a dit : « Quand vous sentez que la
machine physique ne va pas comme à l'habitude,
prenez de la quinine; quand c'est la machine
morale qui fonctionne mal, ou que ce sont les
deux à la fois, allez en tournée si vous le pouvez :
c'est le meilleur remède. »
Aussi, dès que les derniers vestiges de la fièvre
ont disparu, dès que l'appétit est revenu et que les
muscles ont repris leur élasticité et leurs dimen-
sions normales, Broussard fait ses préparatifs et
il part en tournée avec la même joie que l'écolier
part en vacances : car il va rejoindre l'élément
qui constitue — il le croit tout au moins bien fer-
mement — sa seconde patrie, il va retrouver la
brousse.
(A suivie.)
MAURICE DELAFOSSE.
A la Frontière Algéro-Marocaine Nord
Des plumes autorisées,comme celles de MM. A.
Bernard, L. Gentil, A. Brives, du capitaine Mou-
gin, de M. E. Déchaud, ont déjà traité cette ques-
tion ici même dans de précédents Bulletins, leur
documentation éclairée, a renseigné le lecteur,
mais il ne sera peut-être pas sans intérêt pour ce'
dernier de savoir ce qu'il est advenu en ces pays
que nous occupons déjà depuis plusieurs années,
de se faire une idée de leur situation présente et
de voir le rôle que nous y jouons (1).
C'est pourquoi il sera permis à un simple pro-
meneur de faire parties impressions qu'il a re-
cueillies sur place au cours d'une toute récente
tournée en ces régions rendues aujourd'hui acces-
sibles au tourisme, grâce aux facilités d'accès et
surtout à la sécurité assurée par nos divers postes
militaires, échelonnés sur la frontière ou encer-
clant le massif des Belli-Snassen.
La première des conditions intéressant le déve-
loppement économique d'un pays quelconque
étant celle de l'aménagement des voies de com-
munication, nous allons voir où on en est aujour-
d'hui, ce qui a été fait, ce que l'on va faire et ce
qui serait peut-être à faire. Nous commencerons
par les voies d'accès algériennes.
La première de toutes est la voie ferrée (ligne
d'Oranà Tlemcen), au parcours accidenté, ayant
entraîné de dispendieux travaux qui ont retardé
l'achèvement du tracé. Depuis quelques mois
(t) Voir la carte, page 213, Bulletin de juin 1908.
seul, grelottant de fièvre sur son lit de camp.
Mais du fond de l'ombre a surgi un homme
qui se montre tout à coup dans le cercle de clarté
répandu par les photophores, et, avec un halète-
ment de fatigue, il se débarrasse de son fardeau :
un grand sac de toile bourré de paquets. Tout le
monde s'est levé : Broussard s'est emparé d'un
couteau et hâtivement coupe les liens qui ferment
le sac; un camarade saisit le sac par le fond et,
le tirant à lui d'un coup sec, en répand le contenu
sur le sol de la salle à manger; un autre procède
au dépouillement, laissant d'abord de côté les
journaux pour faire le tri des lettres et des cartes
postales parfois plus chères que les lettres, dont
il appelle à haute voix les destinataires. Et tout
de suite, on n'entend plus qu'un bruit d'enve-
loppes violemment déchirées, de papier froissé,
de pages fiévreusement tournées. Les visages se
rassérènent, les bouches se distendent, les yeux
deviennent rieurs, parfois humides : une bouffée
d'air de France a soufflé sur ces exilés, leur ap-
portant un peu de vrai bonheur. Et dans leur
émotion, ils ont oublié le pauvre instrument de
leur joie, ce modeste facteur de brousse qui a fait
en cinq jours et à pied 200 ou 225 kilomètres pour
apporter ce sac de dépêches, et qui, accroupi sur
le sol, attend qu'on veuille bien songer à lui.
Ce n'est pas seulement l'attente des nouvelles
de France qui produit chez Broussard ces mou-
vements d'impatience et d'énervement dont nous
parlions tout à l'heure; c'est aussi quelque désa-
grément passager causé par une discussion avec
un collègue au sujet d'un domestique, ou une di-
vergence de vues avec un supérieur au sujet d'une
affaire de service : bien petites causes, en général,
mais qui, par suite sans doute du phénomène de
la dilatation, prennent vite sous les tropiques une
importance considérable. Au bout de trois ou
quatre désagréments de ce genre, Broussard se
sent devenir grincheux, le climat lui paraît moins
agréable, les indigènes moins dignes d'intérêt, le
métier moins captivant; il a des moments de plus
en plus fréquents de spleen, des accès de nos-
talgie de plus en plus longs : c'est presque de la
neurasthénie, c'est en tout cas de la « soudanite »,
c'est quelquefois une maladie réelle qui com-
mence, un accès palustre, un mouvement bilieux.
Couché sur son lit, en proie à la fièvre, la bouche
et la tête brûlantes, les membres glacés, agités
d'un frisson convulsif, Broussard ne voit plus en
rose la vie coloniale, et, tout en absorbant l'écœu-
rante tisane de bentamaré ou les hautes doses de
quinine, il en vient à penser que « la meilleure
des colonies, c'est encore la France ».
Majs avec la convalescence, son énergie lui re-
vient : cependant, il s'aperçoit très bien que, s'il
n'y a rien de cassé, il y a tout au moins quelque
ressort distendu ou faussé, la machine tant mo-
rale que physique ne marche plus aussi bien
qu'auparavant. Il se rappelle alors un conseil que
lui a donné un jour un vrai « vieux colonial » de
passage en son poste, un de ces hommes qui
inspirent la confiance à première vue, dont les
jeunes sentent qu'ils ont tout à apprendre et dont
ils acceptent les avis d'instinct. Ce « vieux colo-
nial » lui a dit : « Quand vous sentez que la
machine physique ne va pas comme à l'habitude,
prenez de la quinine; quand c'est la machine
morale qui fonctionne mal, ou que ce sont les
deux à la fois, allez en tournée si vous le pouvez :
c'est le meilleur remède. »
Aussi, dès que les derniers vestiges de la fièvre
ont disparu, dès que l'appétit est revenu et que les
muscles ont repris leur élasticité et leurs dimen-
sions normales, Broussard fait ses préparatifs et
il part en tournée avec la même joie que l'écolier
part en vacances : car il va rejoindre l'élément
qui constitue — il le croit tout au moins bien fer-
mement — sa seconde patrie, il va retrouver la
brousse.
(A suivie.)
MAURICE DELAFOSSE.
A la Frontière Algéro-Marocaine Nord
Des plumes autorisées,comme celles de MM. A.
Bernard, L. Gentil, A. Brives, du capitaine Mou-
gin, de M. E. Déchaud, ont déjà traité cette ques-
tion ici même dans de précédents Bulletins, leur
documentation éclairée, a renseigné le lecteur,
mais il ne sera peut-être pas sans intérêt pour ce'
dernier de savoir ce qu'il est advenu en ces pays
que nous occupons déjà depuis plusieurs années,
de se faire une idée de leur situation présente et
de voir le rôle que nous y jouons (1).
C'est pourquoi il sera permis à un simple pro-
meneur de faire parties impressions qu'il a re-
cueillies sur place au cours d'une toute récente
tournée en ces régions rendues aujourd'hui acces-
sibles au tourisme, grâce aux facilités d'accès et
surtout à la sécurité assurée par nos divers postes
militaires, échelonnés sur la frontière ou encer-
clant le massif des Belli-Snassen.
La première des conditions intéressant le déve-
loppement économique d'un pays quelconque
étant celle de l'aménagement des voies de com-
munication, nous allons voir où on en est aujour-
d'hui, ce qui a été fait, ce que l'on va faire et ce
qui serait peut-être à faire. Nous commencerons
par les voies d'accès algériennes.
La première de toutes est la voie ferrée (ligne
d'Oranà Tlemcen), au parcours accidenté, ayant
entraîné de dispendieux travaux qui ont retardé
l'achèvement du tracé. Depuis quelques mois
(t) Voir la carte, page 213, Bulletin de juin 1908.
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