Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1940 01 janvier 1940
Description : 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31. 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592271
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
Q
LA CÔTE FRANÇAISE DES SOMALIS
PEUT-ELLE DEVENIR
UNE COLONIE
DE PEUPLEMENT ?
LA Côte française des Somalis ? Sous un ciel éclatant : du sable qui flambe, des
plaines dont toute vie et toute végétation semblent exclues, un horizon de
collines aux formes étranges, irréelles. Tout désert, qu'il soit de feu sous
une lumière ardente, ou de glace sous une lourde nappe de brume, éveille
en nous un sentiment d'inquiétude. Chez le passager, le trop rapide contraste
avec la douceur des lieux qu'il vient de quitter exacerbe ce sentiment ; l'angoisse
l'étreint aux souvenirs brusquement ressurgis de récits et de légendes tra-
giques.
Tenter de peupler cet horrible pays? Pure folie, rêve insensé et criminel, diront
ceux qui n'ont de la Somalie que la fugitive vision de sa rive océane ou le souvenir
d'une brève escale à Djibouti. Voire, diront les colons avisés, familiers des mi-
racles accomplis par l'homme sur d'autres terres d'apparence aussi ingrate.
Or, le miracle, depuis longtemps, est partiellement réalisé. Dès 1888, un Fran-
çais, le gouverneur Léonce Lagarde, avait su voir, comprendre, ordonner. En
un des points les plus déshérités de la côte, sur un éperon de madrépore, il fonda
Djibouti, futur port de la colonie, amorce de toutes les voies de pénétration vers
l'Abyssinie. Aujourd'hui, la ville de Djibouti compte parmi nos plus belles réus-
sites coloniales : une ville coquette a surgi, où de nombreux Européens vivent et
vivent bien. Plusieurs d'entre eux y résident avec leur famille depuis plus d'un
quart de siècle. Jamais d'épidémie, pas de fièvre jaune, pas de paludisme ni de
bilieuse, pas même cette anémie progressive qui, au voisinage des puissantes
frondaisons tropicales, contraint l'Européen aux retours périodiques. Contre
l'excessive chaleur, la défense s'avère chaque jour plus aisée et plus efficace.
Le stade de la « glace à rafraîchir » est désormais dépassé ; la climatisation des
locaux habités sera demain une simple branche de l'urbanisme colonial (1).
:Dès lors, pourquoi ne pas prolonger le miracle ? Le premier pas est fait, la
route tracée, la preuve donnée de la possibilité de vivre sur ces terres. Les
Types danakil d'Obok :
, une fillette et un jeune homme.
conditions de travail s'y avèrent meilleures que
dans beaucoup d'autres régions de l'Afrique, d'appa-
rence moins sévère, mais cependant plus dangereuses
pour les colons de race blanche. Ce n'est d'ailleurs
pas sans bonnes raisons que les peuples de l'antiquité
se massaient dans des régions semi-désertiques,
s'efforçant d'y amener l'eau nécessaire aux besoins
de la cité et des cultures. Par contre, ils laissaient
travailler par les Noirs celles toujours humides ou
soumises aux fortes pluies de printemps et d'été,
car leurs esclaves blancs s'y trouvaient rapidement
décimés par la fatigue et les maladies, et les
récoltes y étaient moins belles et moins régulières que sur des terres toujours
baignées de soleil et habilement irriguées.
Tous les éléments favorables à une rapide mise en valeur par des peuplements
de race blanche se trouvent réunis en diverses parties de cette colonie et l'on
peut, en toute prudence, estimer leur surface globale à 100 000 hectares, soit
5 p. 100 de la superficie totale de nos possessions.
Dressons l'inventaire. Riches terres d'alluvions, les unes au fond de la baie
de Tadjourah, les autres disséminées dans les plaines d'Alta, de Gagad, de
Hanleh, de Godab, de Dikkil, quelques sources, puissants fleuves souterrains
coulant à faible profondeur, (en Somalie italienne, pendant la guerre d'Éthiopie,
le service hydrique de l'armée puisait en plein désert 2 millions de litres d'eau
par vingt-quatre heures), réserves importantes d'un excellent guano de chauves-
souris, possibilité de produire des millions de kilowatts par l'utilisation de la
« houille d'or », sel marin et minéraux en abondance, côtes poissonneuses,
baie profonde, bien abritée et s'ouvrant sur une des routes maritimes les plus
fréquentées du monde, massif montagneux dominant la mer de ses 1 800 mètres
et propice, grâce à ses nuits fraîches, à l'édification d'une vaste cité et d'un
centre de repos (2).
Dès que l'eau jaillit, ce pays se transforme en une véritable serre chaude ; la
fertilité des terres d'alluvions est extraordinaire. Toutes les cultures tropicales
sont possibles, tous les arbres des pays chauds se développent rapidement.
Quel magnifique coton, quels fruits délicieux il serait aisé de produire ! Et quel
« merveilleux paradis sur la terre » auraient fait éclore les Anciens dans ces lieux
en apparence maudits, s'ils avaient été maîtres de l'électricité, s'ils avaient pos-
sédé notre science du froid ! Ninive, Babylone, Palmyre, et tant d'autres villes,
dont les ruines jonchent aujourd'hui d'effroyables déserts, en auraient eu leur
gloire éclipsée.
Ces terres ne sont à personne. Les 70 000 nomades de l'hinterland représentent
une densité moyenne de 3 habitants par kilomètre carré, chiffre insuffisant pour
tenter une mise en valeur ; d'ailleurs, il est probable que, malgré leur extrême
misère, les autochtones refuseraient de modifier leur genre d'existence.
En tablant sur un travailleur par hectare, c'est au minimum une immigration
de 100 000 individus que la mise en exploitation des terrains alluvionnaires serait
susceptible de provoquer. Le transport, le stockage, l'achat et la vente, la trans-
formation partielle ou totale de certains produits, occupant plus de monde que la
culture, l'estimation la plus défavorable conduit, pour le peuplement, à un chiffre
global d'environ 250 000 personnes. Sous réserve, bien entendu, de procéder
préalablement aux aménagements nécessaires. Quel vaste champ d'activité
capable de faciliter, pour la métropole, le passage de l'état de guerre à l'état de
paix !
Un exemple récent nous hante, celui de la tentative à la fois tragique et magni-
fique de la Palestine. Sous un climat presque aussi excessif que celui de la Soma-
lie, sur des terres peut-être plus ingrates, l'échec partiel ne tient qu'à des rai-
sons politiques et religieuses. Le très haut devoir d'humanité que de grands
peuples s'étaient attachés à résoudre n'a pas encore trouvé sa véritable solution.
Pourquoi ne pas reprendre cette œuvre admirable sous l'égide de la France ?
Georges PASQUES.
(1) « Le Monde Colonial Illustré », supplément de mars 1939 : La Côte des Somalis.
(2) « Le Monde Colonial Illustré », mars 1939 : La Mise en valeur de la Cote des Somalis, par
G. Pasques.
30443.
LA CÔTE FRANÇAISE DES SOMALIS
PEUT-ELLE DEVENIR
UNE COLONIE
DE PEUPLEMENT ?
LA Côte française des Somalis ? Sous un ciel éclatant : du sable qui flambe, des
plaines dont toute vie et toute végétation semblent exclues, un horizon de
collines aux formes étranges, irréelles. Tout désert, qu'il soit de feu sous
une lumière ardente, ou de glace sous une lourde nappe de brume, éveille
en nous un sentiment d'inquiétude. Chez le passager, le trop rapide contraste
avec la douceur des lieux qu'il vient de quitter exacerbe ce sentiment ; l'angoisse
l'étreint aux souvenirs brusquement ressurgis de récits et de légendes tra-
giques.
Tenter de peupler cet horrible pays? Pure folie, rêve insensé et criminel, diront
ceux qui n'ont de la Somalie que la fugitive vision de sa rive océane ou le souvenir
d'une brève escale à Djibouti. Voire, diront les colons avisés, familiers des mi-
racles accomplis par l'homme sur d'autres terres d'apparence aussi ingrate.
Or, le miracle, depuis longtemps, est partiellement réalisé. Dès 1888, un Fran-
çais, le gouverneur Léonce Lagarde, avait su voir, comprendre, ordonner. En
un des points les plus déshérités de la côte, sur un éperon de madrépore, il fonda
Djibouti, futur port de la colonie, amorce de toutes les voies de pénétration vers
l'Abyssinie. Aujourd'hui, la ville de Djibouti compte parmi nos plus belles réus-
sites coloniales : une ville coquette a surgi, où de nombreux Européens vivent et
vivent bien. Plusieurs d'entre eux y résident avec leur famille depuis plus d'un
quart de siècle. Jamais d'épidémie, pas de fièvre jaune, pas de paludisme ni de
bilieuse, pas même cette anémie progressive qui, au voisinage des puissantes
frondaisons tropicales, contraint l'Européen aux retours périodiques. Contre
l'excessive chaleur, la défense s'avère chaque jour plus aisée et plus efficace.
Le stade de la « glace à rafraîchir » est désormais dépassé ; la climatisation des
locaux habités sera demain une simple branche de l'urbanisme colonial (1).
:Dès lors, pourquoi ne pas prolonger le miracle ? Le premier pas est fait, la
route tracée, la preuve donnée de la possibilité de vivre sur ces terres. Les
Types danakil d'Obok :
, une fillette et un jeune homme.
conditions de travail s'y avèrent meilleures que
dans beaucoup d'autres régions de l'Afrique, d'appa-
rence moins sévère, mais cependant plus dangereuses
pour les colons de race blanche. Ce n'est d'ailleurs
pas sans bonnes raisons que les peuples de l'antiquité
se massaient dans des régions semi-désertiques,
s'efforçant d'y amener l'eau nécessaire aux besoins
de la cité et des cultures. Par contre, ils laissaient
travailler par les Noirs celles toujours humides ou
soumises aux fortes pluies de printemps et d'été,
car leurs esclaves blancs s'y trouvaient rapidement
décimés par la fatigue et les maladies, et les
récoltes y étaient moins belles et moins régulières que sur des terres toujours
baignées de soleil et habilement irriguées.
Tous les éléments favorables à une rapide mise en valeur par des peuplements
de race blanche se trouvent réunis en diverses parties de cette colonie et l'on
peut, en toute prudence, estimer leur surface globale à 100 000 hectares, soit
5 p. 100 de la superficie totale de nos possessions.
Dressons l'inventaire. Riches terres d'alluvions, les unes au fond de la baie
de Tadjourah, les autres disséminées dans les plaines d'Alta, de Gagad, de
Hanleh, de Godab, de Dikkil, quelques sources, puissants fleuves souterrains
coulant à faible profondeur, (en Somalie italienne, pendant la guerre d'Éthiopie,
le service hydrique de l'armée puisait en plein désert 2 millions de litres d'eau
par vingt-quatre heures), réserves importantes d'un excellent guano de chauves-
souris, possibilité de produire des millions de kilowatts par l'utilisation de la
« houille d'or », sel marin et minéraux en abondance, côtes poissonneuses,
baie profonde, bien abritée et s'ouvrant sur une des routes maritimes les plus
fréquentées du monde, massif montagneux dominant la mer de ses 1 800 mètres
et propice, grâce à ses nuits fraîches, à l'édification d'une vaste cité et d'un
centre de repos (2).
Dès que l'eau jaillit, ce pays se transforme en une véritable serre chaude ; la
fertilité des terres d'alluvions est extraordinaire. Toutes les cultures tropicales
sont possibles, tous les arbres des pays chauds se développent rapidement.
Quel magnifique coton, quels fruits délicieux il serait aisé de produire ! Et quel
« merveilleux paradis sur la terre » auraient fait éclore les Anciens dans ces lieux
en apparence maudits, s'ils avaient été maîtres de l'électricité, s'ils avaient pos-
sédé notre science du froid ! Ninive, Babylone, Palmyre, et tant d'autres villes,
dont les ruines jonchent aujourd'hui d'effroyables déserts, en auraient eu leur
gloire éclipsée.
Ces terres ne sont à personne. Les 70 000 nomades de l'hinterland représentent
une densité moyenne de 3 habitants par kilomètre carré, chiffre insuffisant pour
tenter une mise en valeur ; d'ailleurs, il est probable que, malgré leur extrême
misère, les autochtones refuseraient de modifier leur genre d'existence.
En tablant sur un travailleur par hectare, c'est au minimum une immigration
de 100 000 individus que la mise en exploitation des terrains alluvionnaires serait
susceptible de provoquer. Le transport, le stockage, l'achat et la vente, la trans-
formation partielle ou totale de certains produits, occupant plus de monde que la
culture, l'estimation la plus défavorable conduit, pour le peuplement, à un chiffre
global d'environ 250 000 personnes. Sous réserve, bien entendu, de procéder
préalablement aux aménagements nécessaires. Quel vaste champ d'activité
capable de faciliter, pour la métropole, le passage de l'état de guerre à l'état de
paix !
Un exemple récent nous hante, celui de la tentative à la fois tragique et magni-
fique de la Palestine. Sous un climat presque aussi excessif que celui de la Soma-
lie, sur des terres peut-être plus ingrates, l'échec partiel ne tient qu'à des rai-
sons politiques et religieuses. Le très haut devoir d'humanité que de grands
peuples s'étaient attachés à résoudre n'a pas encore trouvé sa véritable solution.
Pourquoi ne pas reprendre cette œuvre admirable sous l'égide de la France ?
Georges PASQUES.
(1) « Le Monde Colonial Illustré », supplément de mars 1939 : La Côte des Somalis.
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G. Pasques.
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