Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-02-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 février 1940 01 février 1940
Description : 1940/02/01 (A18,N200)-1940/02/28. 1940/02/01 (A18,N200)-1940/02/28.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9759226m
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
44
LE GÉNÉRAL MARTIN
EN ces jours neigeux et froids de
commencement d'année, je lisais
Le Monde Colonial Illustré, enso-
leillé d'images tropicales... Et, tout à
coup, j'aperçois une physionomie connue,
celle du général Martin, à qui le gouver-
neur général Catroux apporte la plaque
de grand officier de la Légion d'honneur !
Et j'ai levé mon verre, en toute émo-
tion affectueuse et cordiale, en l'hon-
neur du nouveau promu, un Africain du
vieil Oubangui...
Ba La ô, G'néral ! Mo duli djoni 1
Mais voici qu'en ma mémoire se
dresse la silhouette d'un lieutenant
Martin, qui, en pareil temps de fêtes de
Noël et de Jour de l'An, faillit dispa-
raître sans laisser de trace dans les
solitudes de la haute Kotto, il y a trente
ans !
Depuis des jours, la colonne de re-
connaissance, à laquelle appartenait
le lieutenant Martin, crevait littérale-
ment de faim.
Le matin du 26 décembre 1910, Mar-
tin prit son fusil et partit dans la brousse
inconnue pour abattre quelque grosse
pièce. A la nuit noire, il n'était pas
rentré. Horriblement inquiets ses com-
pagnons, le capitaine Jacquier, chef de
mission, et M. Ebener, agent des Sul-
tanats, organisèrent des patrouilles
dans toutes les directions. On trouva
seulement le cadavre, à demi dépecé
par les vautours, d'une antilope abattue
par le lieutenant, mais, de ce dernier,
aucun indice.
Pendant onze jours, la brousse fut
battue dans un rayon de plus en plus
allongé, mais en vain.
Tout espoir était perdu. On ne rever-
rait jamais le gai compagnon, si plein
d'allant, disparu au cours d'un drame
brutal dont l'Afrique conserve l'éternel
secret.
Mort, Martin ? Allons donc ! Le 8 jan-
vier, un indigène vient trouver le capi-
taine Jacquier avec un chiffon de pa-
pier en travers d'une baguette fendue :
Martin était retrouvé. On l'avait ra-
massé, sans connaissance, jambes en
sang, vêtements en loques, demi-mort
de faim et de fièvre, sur les rives du
Vovodo.
Égaré dans la brousse, ayant perdu
fusil et cartouches à la traversée d'un
marigot, Martin s'était attaché à suivre
le cours du Vovodo, en dépit des hautes
herbes, des marécages, des broussailles
épineuses, avec la volonté d'atteindre
le premier village, à 200 kilomètres en-
viron à vol d'oiseau ! Pour toute nour-
riture, la pulpe à saveur aigrelette de
l'Ammomum citratum. Dormir sans feu,
à la merci des fauves, auxquels il échap-
pa par miracle... Lisez le simple récit de
cette aventure épique faite par le héros
lui-même : Au cœur de l'Afrique équato-
riale, par le capitaine Maurice Martin
(Chapelot, éditeur).
Tant qu'il avait pu se tenir debout,
Martin avait marché. Et puis, après, il
s'était traîné. Et puis... il était tombé,
mais sans avoir lâché le cours de la ri-
vière. C'est là que les Noirs l'avaient
ramassé.
Combien d'indigènes ainsi égarés, qui
perdent tout courage, tout sens de la
direction, et, tournent... tournent...
tournent jusqu'à la mort. Il fallait
toute l'énergie intelligente et vaillante du
lieutenant Martin pour échapper au
fatal circuit.
Par un curieux contraste, cet homme,
d'une volonté si tenace, est un lettré,
un fin et spirituel causeur, donnant la
réplique avec bonhomie et une pointe
d'humour, voire un peu caustique, que
vient aussitôt tempérer le plus heureux,
le plus bienveillant caractère.
Hardiment, je puis le dire au nom de
tous les anciens de l'Oubangui, nous
sommes heureux et fiers de voir à l'hon-
neur un homme aussi aimé et aussi mé-
ritant que le général Martin, et nous
adressons à la générale Martin, sa digne
compagne, une Africaine, elle aussi,
nos hommages respectueux.
Quant à la belle conduite du géné-
ral Martin pendant la guerre, elle n'ap-
partient plus à l'histoire de l'Ouban-
gui, mais à l'histoire de France.
Julien MAIGRET.
NÉCROLOGIE
— Mgr. Alexandre Marcou, âgé de qua-
tre-vingt-deux ans, en Indochine depuis
1880, évêque de Phatdiem de 1901 à 1935.
— Le gouverneur Gaden, qui vient de
mourir dans sa soixante-treizième année, a
Saint-Louis du Sénégal, où il avait pris sa
retraite, a rempli brillamment une carrière
militaire d'abord, administrative ensuite.
Il fut aussi un savant linguiste et et hnologue.
Ses travaux sur la langue peul en particu-
lier font autorité.
— Le général Gendre est décédé à Casa-
blanca où il avait pris sa retraite, après de
belles années de service au Maroc.
— Le professeur E.-F. Gautier, dont nous
apprenons la mort en dernière heure, était
un esprit éminent et puissant, un savant
et un écrivain de race. Il laisse une œuvre
remarquable dant nous parlerons le mois
prochain.
GOUVERNEURS DES COLONIES
M. AUBERT, gouverneur des colonies,
est nommé gouverneur de la Réunion, en
remplacement de M. Court, admis a la
retraite.
- M. GIACCOBI préfet de la Charente--
Inférieure, est nommé gouverneur de la
Guinée en remplacement de M. Blacher, mis
à la disposition du gouverneur général de
l'A. O. F.
— M. LÉ AL est nommé gouverneur de la
Martinique en remplacement de M. Spitz,
admis à la retraite.
M. CHOT-PLASSOT, nommé gouverneur
de troisième classe des colonies, est titularise
dans les fonctions de gouverneur de la
Guyane.
POUR LES PHILATÉLISTES
RIEN à signaler comme émissions
dans l'Empire français.
Nous tenons cependant à re-
produire aujourd'hui un timbre très
artistique de la série du Maroc annon-
cée dans notre chronique de novembre.
A l'occasion de l'Exposition de New-
York, chacune des colonies portugaises :
Angola, Cap-Vert, Guinée, Inde, Macao,
Mozambique, Saint-Thomas et Prince,
Timor, fait paraître un timbre dont la
valeur correspond au tarif du courrier
transatlantique, avec la surcharge :
« Exposiçao internacional de Nuva-
York, 1939-1940 », en rouge pour l'Inde
portugaise, en vert foncé pour toutes les
autres colonies,
La Guinée espagnole émet un cer-
tain nombre de timbres de bienfai-
sance : ce sont ceux d'Espagne de 1938
surchargés « Guinea » : quatre valeurs
pour la poste ordinaire, et deux valeurs
pour la poste aérienne, avec l'em-
blème de l'Exposition, le trilone et la
sphère.
Cinq nouveaux timbres pour la poste
aérienne sont émis en Nouvelle-Guinée
pour le territoire de Papua. Ils sont à
l'effigie de George VI et représentent
un avion survolant un paysage maritime.
Quatre fort jolis timbres (un portrait,
une carte, deux paysages) viennent d'être
émis par Samoa, en commémoration du
25e anniversaire de l'occupation du
Samoa occidental par les troupes de la
Nouvelle-Zélande.
Toujours chez nos amis anglais, en
Nouvelle-Zélande, deux timbres de bien-
faisance ont été mis en vente au profit
des œuvres pour la santé de l'enfance :
trois jeunes gens lancent au-dessus de
leur tête un gros ballon qui porte le
mot « Health ». Au bas du dessin, le
nom du pays et, à gauche, la valeur,
laquelle a déjà été surchargée pour se
conformer aux nouveaux tarifs postaux.
Les Indes néerlandaises émettent
d'abord une série de onze valeurs du
1 c. au 35 c. et surchargent une partie
de ces timbres au profit des indigènes
nécessiteux. Le dessin de ces derniers
timbres représente une infirmière don-
nant des soins à un indigène étendu à
terre.
Cette année, ne doit-elle pas être sous
le signe de la charité.
D. M.
LE GOUVERNEUR
GEORGES L A M Y Î
EST MORT
C'EST avec une douloureuse stupeur
que les coloniaux présents à Paris
ont appris le décès du gouverneur
des colonies Georges Lamy, survenu
subitement le 7 janvier à l'hôpital mili-
taire du Val-de-Grâce, où notre ami
avait été transporté d'urgence pour une
délicate opération.
Fils de cette Ile-de-France dont il
avait parfois, au loin, la nostalgie
comme le bon laboureur regrette la terre
qui l'a vu naître, Lamy possédait la
solide carrure, tout à la fois aussi le
robuste bon sens, la bonhomie et la
finesse d'esprit du paysan ^ français. Il
semblait qu'ainsi équilibré, fortement
planté au sol, il dût fêter un jour son
centenaire.
A Madagascar, où son labeur constant
s'exerça dans les provinces les plus
diverses comme finalement à la tête de la
direction des finances et du secrétariat
général et où il franchit brillamment
tous les échelons de la hiérarchie jus-
qu'au grade de gouverneur, ensuite à la
Guyane et en Côte d'Ivoire, c'est sans
aucun doute son bel équilibre, né peut-
être de son affection particulière pour
tout ce qui touche à la terre, qui lui vaut
d'unanimes sympathies et singulière-
ment l'attachement du paysan malgache.
Lamy a été le bon artisan de notre
politique d'association comme il a été
l'excellent camarade que nous pleurons
aujourd'hui. Et je suis convaincu que,
dans certaines brousses malgaches,
demeure le souvenir ému du vrai Ray-
Amandreni (père et mère) qu'il fut.
Charles DUMONT,
Gouverneur honoraire des Colonies.
ALBERT DE POUVOURVILLE
A DE POUVOURVILLE vient de quit-
ter ce monde terrestre, doucement,
. silencieusement, avec le sourire de
courtoisie raffinée du sage d'Extrême-
Orient qu'il fut jusqu'à la fin de sa
longue vie. Ce gentilhomme de pure
race française était aussi singulière-
ment « un mandarin » : il en avait
l'aménité, la bienveillance, avec cet
apparent détachement des choses de ce
monde qui doit être la principale vertu
que cultive un vrai disciple de Confu-
cius et du « juste milieu » dont le grand
philosophe chinois avait fait la base de
la morale, de la politique humaine.
Gentilhomme, mandarin, sage
d'Extrême-Orient, A. de Pouvourville
aurait tenu pour un manquement à tous
les rites de paraître jamais avoir quelque
chose à faire. Cependant, il ne cessait
jamais de penser, d'œuvrer, d'écrire,
d'agir. Son œuvre est considérable, et
toujours infiniment rare, infiniment
curieuse : un Français ^ d'Asie. Je
crois que c'est lui qui a créé le mot, et il
en fut, l'exemple le plus parfait.
Il fut le poète des Rimes d'Asie et
des Rimes chinoises. Le romancier du
Mal 'd'Argent, de l'admirable et trop
peu connu Maître des, Sentences, et de
vingt autres ouvrages. Cependant, celui
qui avait parlé avec tant d'autorité de
cette Chine des Mandarins qu'il con-
naissait si bien était resté profondément
français : L'Asie française, la gagner
ou la perdre, est le titre d'un de ses
livres. Un autre — par quel esprit d'anti-
cipation 1 — se nomme Pacifique 39, et
d'autres encore sont consacrés aux
« inventeurs » de notre Indochine : à
Francis Garnier, à Auguste Pavie.
C'est que ce sage d'Extrême-Orient,
encore que le pinceau de son maître
Confucius ait écrit : « Les hommes du
Nord sont braves ; ceux du Sud sont ver-
tueux ; ils sont accommodants.., »1
n'avait pas écouté ce conseil tout à fait.
Il avait été soldat, puis officier dans la
Légion Etrangère; il avait combattu
contre les pirates, de longues années,
quitte, au cours d'une trêve, à s'entre-
tenir avec eux sur la natte où brûle à
peine la petite lampe sur laquelle vien-
dra griller la boulette d'opium. C'est
ainsi qu'il était parvenu à pénétrer
l'esprit des barbares, mais courageux
adversaires contre lesquels nous eûmes
à lutter, aussi bien que celui de ses amis,
les mandarins si fins, si lettrés, à qui
il avait fini par ressembler.
Il aurait dit volontiers, avec Confu-
cius : « Le sage s'afflige de ne pouvoir
pratiquer la vertu parfaitement ; il ne
s'afflige pas de n'être pas connu des
hommes ». Pourtant il en était connu !
Quand fut créé le prix de Littérature
Coloniale, devenu aujourd'hui le Grand
prix littéraire de l'Empire, il fut
l'un des premiers inscrits sur la liste du
jury chargé de le décerner. Dans ce
jury — et qui donc en aurait été plus
digne ? — il représentait notre France
d'Asie, il en découvrait et défendait les
écrivains. Avec succès 1 Car la première
fois que ce prix fut donné, ce fut à De la
rizière à la montagne, chef-d'œuvre de
vérité et de sensibilité dû à Jean Mar-
quet. Pouvourville avait plaidé pour le
livre ; il avait triomphé. Je le regardais
après le scrutin : il avait quelque peine
à maintenir sa joie dans les limites de
modération rituelle.
Pierre MILLE.
AU CONGO BELGE
(Du correspondant belge du Monde Colonial Illustré.)
Bruxelles, le 7 janvier 1940.
M. de Vleeschauwer
reste ministre des Colonies.
COMME tous les autres pays, la Bel-
gique se voit obligée, de par la
guerre, à faire d'importantes éco-
nomies. Aussi, vient-elle de réduire le
nombre de ses ministres. Il n'était, natu-
rellement, pas question de supprimer le
ministère des Colonies. Seulement, dans
un cabinet d'Union nationale, il faut un
dosage politique. Celui-ci a été maintenu,
sans toutefois que le ministère des Colo-
nies change de titulaire. M. de Vlees-
chauwer reste donc ministre. C'est une
bonne chose, car c'est un bon ministre.
Au reste, les changements ne sont pas
toujours souhaitables, car souvent le
ministre nouveau est un homme poli-
tique qui ne connaît pas grand'chose des
affaires du département qui lui est confié.
Le réseau ferré congolais
se complète.
Aux 4 906 kilomètres de chemins de
fer que la Belgique a déjà construits
dans sa colonie, 86 nouveaux kilomètres
ont été ajoutés le dernier jour de l'an
qui vient de finir.
L'importance de la nouvelle ligne ne
doit pas être jugée par sa longueur. Elle
réside, en effet, plutôt dans le fait qu'elle
soude deux lignes, reliées jusqu'alors
par un bief du fleuve Congo, d'ou deux
transbordements et, conséquemment,
frais et pertes de temps. Ces deux lignes
sont celles de Kabalo, sur le fleuve
Congo, à Albertville, sur le lac Tanga-
nyika. La première a 355 kilomètres de
long et la seconde 273.
La Compagnie des Chemins de fer
du Congo supérieur aux Grands Lacs
africains (une création des frères Em-
pain, à qui Paris doit son Métro),
propriétaire de ces voies ferrées, vient
donc de les souder.
Et, sur cette ligne de 714 kilomètres,
circulent des trains pourvus de wagons
observation, wagons-restaurants, wa-
gons-lits.
Et, il y a mo,ins d'un demi-siècle, les
Arabes chasseurs d'esclaves dépeu-
plaient et pillaient toute cette région. Les
expulser du Congo ne demanda pas moins
de quinze ans d'une lutte acharnée au
roi Léopold II, mort il y eut trente ans,
le mois dernier.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 200 .......... FÉVRIER 1940
LE GÉNÉRAL MARTIN
EN ces jours neigeux et froids de
commencement d'année, je lisais
Le Monde Colonial Illustré, enso-
leillé d'images tropicales... Et, tout à
coup, j'aperçois une physionomie connue,
celle du général Martin, à qui le gouver-
neur général Catroux apporte la plaque
de grand officier de la Légion d'honneur !
Et j'ai levé mon verre, en toute émo-
tion affectueuse et cordiale, en l'hon-
neur du nouveau promu, un Africain du
vieil Oubangui...
Ba La ô, G'néral ! Mo duli djoni 1
Mais voici qu'en ma mémoire se
dresse la silhouette d'un lieutenant
Martin, qui, en pareil temps de fêtes de
Noël et de Jour de l'An, faillit dispa-
raître sans laisser de trace dans les
solitudes de la haute Kotto, il y a trente
ans !
Depuis des jours, la colonne de re-
connaissance, à laquelle appartenait
le lieutenant Martin, crevait littérale-
ment de faim.
Le matin du 26 décembre 1910, Mar-
tin prit son fusil et partit dans la brousse
inconnue pour abattre quelque grosse
pièce. A la nuit noire, il n'était pas
rentré. Horriblement inquiets ses com-
pagnons, le capitaine Jacquier, chef de
mission, et M. Ebener, agent des Sul-
tanats, organisèrent des patrouilles
dans toutes les directions. On trouva
seulement le cadavre, à demi dépecé
par les vautours, d'une antilope abattue
par le lieutenant, mais, de ce dernier,
aucun indice.
Pendant onze jours, la brousse fut
battue dans un rayon de plus en plus
allongé, mais en vain.
Tout espoir était perdu. On ne rever-
rait jamais le gai compagnon, si plein
d'allant, disparu au cours d'un drame
brutal dont l'Afrique conserve l'éternel
secret.
Mort, Martin ? Allons donc ! Le 8 jan-
vier, un indigène vient trouver le capi-
taine Jacquier avec un chiffon de pa-
pier en travers d'une baguette fendue :
Martin était retrouvé. On l'avait ra-
massé, sans connaissance, jambes en
sang, vêtements en loques, demi-mort
de faim et de fièvre, sur les rives du
Vovodo.
Égaré dans la brousse, ayant perdu
fusil et cartouches à la traversée d'un
marigot, Martin s'était attaché à suivre
le cours du Vovodo, en dépit des hautes
herbes, des marécages, des broussailles
épineuses, avec la volonté d'atteindre
le premier village, à 200 kilomètres en-
viron à vol d'oiseau ! Pour toute nour-
riture, la pulpe à saveur aigrelette de
l'Ammomum citratum. Dormir sans feu,
à la merci des fauves, auxquels il échap-
pa par miracle... Lisez le simple récit de
cette aventure épique faite par le héros
lui-même : Au cœur de l'Afrique équato-
riale, par le capitaine Maurice Martin
(Chapelot, éditeur).
Tant qu'il avait pu se tenir debout,
Martin avait marché. Et puis, après, il
s'était traîné. Et puis... il était tombé,
mais sans avoir lâché le cours de la ri-
vière. C'est là que les Noirs l'avaient
ramassé.
Combien d'indigènes ainsi égarés, qui
perdent tout courage, tout sens de la
direction, et, tournent... tournent...
tournent jusqu'à la mort. Il fallait
toute l'énergie intelligente et vaillante du
lieutenant Martin pour échapper au
fatal circuit.
Par un curieux contraste, cet homme,
d'une volonté si tenace, est un lettré,
un fin et spirituel causeur, donnant la
réplique avec bonhomie et une pointe
d'humour, voire un peu caustique, que
vient aussitôt tempérer le plus heureux,
le plus bienveillant caractère.
Hardiment, je puis le dire au nom de
tous les anciens de l'Oubangui, nous
sommes heureux et fiers de voir à l'hon-
neur un homme aussi aimé et aussi mé-
ritant que le général Martin, et nous
adressons à la générale Martin, sa digne
compagne, une Africaine, elle aussi,
nos hommages respectueux.
Quant à la belle conduite du géné-
ral Martin pendant la guerre, elle n'ap-
partient plus à l'histoire de l'Ouban-
gui, mais à l'histoire de France.
Julien MAIGRET.
NÉCROLOGIE
— Mgr. Alexandre Marcou, âgé de qua-
tre-vingt-deux ans, en Indochine depuis
1880, évêque de Phatdiem de 1901 à 1935.
— Le gouverneur Gaden, qui vient de
mourir dans sa soixante-treizième année, a
Saint-Louis du Sénégal, où il avait pris sa
retraite, a rempli brillamment une carrière
militaire d'abord, administrative ensuite.
Il fut aussi un savant linguiste et et hnologue.
Ses travaux sur la langue peul en particu-
lier font autorité.
— Le général Gendre est décédé à Casa-
blanca où il avait pris sa retraite, après de
belles années de service au Maroc.
— Le professeur E.-F. Gautier, dont nous
apprenons la mort en dernière heure, était
un esprit éminent et puissant, un savant
et un écrivain de race. Il laisse une œuvre
remarquable dant nous parlerons le mois
prochain.
GOUVERNEURS DES COLONIES
M. AUBERT, gouverneur des colonies,
est nommé gouverneur de la Réunion, en
remplacement de M. Court, admis a la
retraite.
- M. GIACCOBI préfet de la Charente--
Inférieure, est nommé gouverneur de la
Guinée en remplacement de M. Blacher, mis
à la disposition du gouverneur général de
l'A. O. F.
— M. LÉ AL est nommé gouverneur de la
Martinique en remplacement de M. Spitz,
admis à la retraite.
M. CHOT-PLASSOT, nommé gouverneur
de troisième classe des colonies, est titularise
dans les fonctions de gouverneur de la
Guyane.
POUR LES PHILATÉLISTES
RIEN à signaler comme émissions
dans l'Empire français.
Nous tenons cependant à re-
produire aujourd'hui un timbre très
artistique de la série du Maroc annon-
cée dans notre chronique de novembre.
A l'occasion de l'Exposition de New-
York, chacune des colonies portugaises :
Angola, Cap-Vert, Guinée, Inde, Macao,
Mozambique, Saint-Thomas et Prince,
Timor, fait paraître un timbre dont la
valeur correspond au tarif du courrier
transatlantique, avec la surcharge :
« Exposiçao internacional de Nuva-
York, 1939-1940 », en rouge pour l'Inde
portugaise, en vert foncé pour toutes les
autres colonies,
La Guinée espagnole émet un cer-
tain nombre de timbres de bienfai-
sance : ce sont ceux d'Espagne de 1938
surchargés « Guinea » : quatre valeurs
pour la poste ordinaire, et deux valeurs
pour la poste aérienne, avec l'em-
blème de l'Exposition, le trilone et la
sphère.
Cinq nouveaux timbres pour la poste
aérienne sont émis en Nouvelle-Guinée
pour le territoire de Papua. Ils sont à
l'effigie de George VI et représentent
un avion survolant un paysage maritime.
Quatre fort jolis timbres (un portrait,
une carte, deux paysages) viennent d'être
émis par Samoa, en commémoration du
25e anniversaire de l'occupation du
Samoa occidental par les troupes de la
Nouvelle-Zélande.
Toujours chez nos amis anglais, en
Nouvelle-Zélande, deux timbres de bien-
faisance ont été mis en vente au profit
des œuvres pour la santé de l'enfance :
trois jeunes gens lancent au-dessus de
leur tête un gros ballon qui porte le
mot « Health ». Au bas du dessin, le
nom du pays et, à gauche, la valeur,
laquelle a déjà été surchargée pour se
conformer aux nouveaux tarifs postaux.
Les Indes néerlandaises émettent
d'abord une série de onze valeurs du
1 c. au 35 c. et surchargent une partie
de ces timbres au profit des indigènes
nécessiteux. Le dessin de ces derniers
timbres représente une infirmière don-
nant des soins à un indigène étendu à
terre.
Cette année, ne doit-elle pas être sous
le signe de la charité.
D. M.
LE GOUVERNEUR
GEORGES L A M Y Î
EST MORT
C'EST avec une douloureuse stupeur
que les coloniaux présents à Paris
ont appris le décès du gouverneur
des colonies Georges Lamy, survenu
subitement le 7 janvier à l'hôpital mili-
taire du Val-de-Grâce, où notre ami
avait été transporté d'urgence pour une
délicate opération.
Fils de cette Ile-de-France dont il
avait parfois, au loin, la nostalgie
comme le bon laboureur regrette la terre
qui l'a vu naître, Lamy possédait la
solide carrure, tout à la fois aussi le
robuste bon sens, la bonhomie et la
finesse d'esprit du paysan ^ français. Il
semblait qu'ainsi équilibré, fortement
planté au sol, il dût fêter un jour son
centenaire.
A Madagascar, où son labeur constant
s'exerça dans les provinces les plus
diverses comme finalement à la tête de la
direction des finances et du secrétariat
général et où il franchit brillamment
tous les échelons de la hiérarchie jus-
qu'au grade de gouverneur, ensuite à la
Guyane et en Côte d'Ivoire, c'est sans
aucun doute son bel équilibre, né peut-
être de son affection particulière pour
tout ce qui touche à la terre, qui lui vaut
d'unanimes sympathies et singulière-
ment l'attachement du paysan malgache.
Lamy a été le bon artisan de notre
politique d'association comme il a été
l'excellent camarade que nous pleurons
aujourd'hui. Et je suis convaincu que,
dans certaines brousses malgaches,
demeure le souvenir ému du vrai Ray-
Amandreni (père et mère) qu'il fut.
Charles DUMONT,
Gouverneur honoraire des Colonies.
ALBERT DE POUVOURVILLE
A DE POUVOURVILLE vient de quit-
ter ce monde terrestre, doucement,
. silencieusement, avec le sourire de
courtoisie raffinée du sage d'Extrême-
Orient qu'il fut jusqu'à la fin de sa
longue vie. Ce gentilhomme de pure
race française était aussi singulière-
ment « un mandarin » : il en avait
l'aménité, la bienveillance, avec cet
apparent détachement des choses de ce
monde qui doit être la principale vertu
que cultive un vrai disciple de Confu-
cius et du « juste milieu » dont le grand
philosophe chinois avait fait la base de
la morale, de la politique humaine.
Gentilhomme, mandarin, sage
d'Extrême-Orient, A. de Pouvourville
aurait tenu pour un manquement à tous
les rites de paraître jamais avoir quelque
chose à faire. Cependant, il ne cessait
jamais de penser, d'œuvrer, d'écrire,
d'agir. Son œuvre est considérable, et
toujours infiniment rare, infiniment
curieuse : un Français ^ d'Asie. Je
crois que c'est lui qui a créé le mot, et il
en fut, l'exemple le plus parfait.
Il fut le poète des Rimes d'Asie et
des Rimes chinoises. Le romancier du
Mal 'd'Argent, de l'admirable et trop
peu connu Maître des, Sentences, et de
vingt autres ouvrages. Cependant, celui
qui avait parlé avec tant d'autorité de
cette Chine des Mandarins qu'il con-
naissait si bien était resté profondément
français : L'Asie française, la gagner
ou la perdre, est le titre d'un de ses
livres. Un autre — par quel esprit d'anti-
cipation 1 — se nomme Pacifique 39, et
d'autres encore sont consacrés aux
« inventeurs » de notre Indochine : à
Francis Garnier, à Auguste Pavie.
C'est que ce sage d'Extrême-Orient,
encore que le pinceau de son maître
Confucius ait écrit : « Les hommes du
Nord sont braves ; ceux du Sud sont ver-
tueux ; ils sont accommodants.., »1
n'avait pas écouté ce conseil tout à fait.
Il avait été soldat, puis officier dans la
Légion Etrangère; il avait combattu
contre les pirates, de longues années,
quitte, au cours d'une trêve, à s'entre-
tenir avec eux sur la natte où brûle à
peine la petite lampe sur laquelle vien-
dra griller la boulette d'opium. C'est
ainsi qu'il était parvenu à pénétrer
l'esprit des barbares, mais courageux
adversaires contre lesquels nous eûmes
à lutter, aussi bien que celui de ses amis,
les mandarins si fins, si lettrés, à qui
il avait fini par ressembler.
Il aurait dit volontiers, avec Confu-
cius : « Le sage s'afflige de ne pouvoir
pratiquer la vertu parfaitement ; il ne
s'afflige pas de n'être pas connu des
hommes ». Pourtant il en était connu !
Quand fut créé le prix de Littérature
Coloniale, devenu aujourd'hui le Grand
prix littéraire de l'Empire, il fut
l'un des premiers inscrits sur la liste du
jury chargé de le décerner. Dans ce
jury — et qui donc en aurait été plus
digne ? — il représentait notre France
d'Asie, il en découvrait et défendait les
écrivains. Avec succès 1 Car la première
fois que ce prix fut donné, ce fut à De la
rizière à la montagne, chef-d'œuvre de
vérité et de sensibilité dû à Jean Mar-
quet. Pouvourville avait plaidé pour le
livre ; il avait triomphé. Je le regardais
après le scrutin : il avait quelque peine
à maintenir sa joie dans les limites de
modération rituelle.
Pierre MILLE.
AU CONGO BELGE
(Du correspondant belge du Monde Colonial Illustré.)
Bruxelles, le 7 janvier 1940.
M. de Vleeschauwer
reste ministre des Colonies.
COMME tous les autres pays, la Bel-
gique se voit obligée, de par la
guerre, à faire d'importantes éco-
nomies. Aussi, vient-elle de réduire le
nombre de ses ministres. Il n'était, natu-
rellement, pas question de supprimer le
ministère des Colonies. Seulement, dans
un cabinet d'Union nationale, il faut un
dosage politique. Celui-ci a été maintenu,
sans toutefois que le ministère des Colo-
nies change de titulaire. M. de Vlees-
chauwer reste donc ministre. C'est une
bonne chose, car c'est un bon ministre.
Au reste, les changements ne sont pas
toujours souhaitables, car souvent le
ministre nouveau est un homme poli-
tique qui ne connaît pas grand'chose des
affaires du département qui lui est confié.
Le réseau ferré congolais
se complète.
Aux 4 906 kilomètres de chemins de
fer que la Belgique a déjà construits
dans sa colonie, 86 nouveaux kilomètres
ont été ajoutés le dernier jour de l'an
qui vient de finir.
L'importance de la nouvelle ligne ne
doit pas être jugée par sa longueur. Elle
réside, en effet, plutôt dans le fait qu'elle
soude deux lignes, reliées jusqu'alors
par un bief du fleuve Congo, d'ou deux
transbordements et, conséquemment,
frais et pertes de temps. Ces deux lignes
sont celles de Kabalo, sur le fleuve
Congo, à Albertville, sur le lac Tanga-
nyika. La première a 355 kilomètres de
long et la seconde 273.
La Compagnie des Chemins de fer
du Congo supérieur aux Grands Lacs
africains (une création des frères Em-
pain, à qui Paris doit son Métro),
propriétaire de ces voies ferrées, vient
donc de les souder.
Et, sur cette ligne de 714 kilomètres,
circulent des trains pourvus de wagons
observation, wagons-restaurants, wa-
gons-lits.
Et, il y a mo,ins d'un demi-siècle, les
Arabes chasseurs d'esclaves dépeu-
plaient et pillaient toute cette région. Les
expulser du Congo ne demanda pas moins
de quinze ans d'une lutte acharnée au
roi Léopold II, mort il y eut trente ans,
le mois dernier.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 200 .......... FÉVRIER 1940
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