Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-03-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mars 1940 01 mars 1940
Description : 1940/03/01 (A18,N201)-1940/03/31. 1940/03/01 (A18,N201)-1940/03/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592256
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
49
SUR LE CHEMIN DE FER
DU YUN-NAN
1
LES faits sont connus : le chemin de fer du Yun-nan,
chemin de fer français (1), était bombardé
sévèrement sur son parcours chinois, le 2 février,
par des avions japonais ; on comptait cent cinq
morts, dont cinq Français, plus de cent blessés. De
fermes protestations étaient élevées immédiatement,
tant à Tôkyô qu'à Paris, par les autorités françaises.
« Nécessité militaire », répondait le porte-parole
du Gaimushô ; et il ajoutait que le Gouvernement
japonais est disposé à prendre des mesures « justes
et équitables » en ce qui concerne les dommages
subis par les voyageurs français. L'on enregistrera
certes avec satisfaction une telle « disposition »,
52538.
Frontière chinoise. — Tonkin : vue générale du
poste français de Quang-Uyên. j -
mais l'on regrettera qu'elle soit diminuée par
la phrase qui l'accompagne : « ...des mesures
justes et équitables, dans le cas où les résul-
tats de l'enquête permettraient aux deux Gou-
vernements d'arriver aux mêmes conclu-
sions. »
Il convient de marquer les sérieuses objec-
tions que le Gouvernement français est en
droit de formuler au sujet des bombarde-
ments répétés de la ligne du Yun-nan. Aux
termes de la convention franco-chinoise de
1898, il était concédé au Gouvernement fran-
çais, ou à toute compagnie désignée par ce
dernier, le droit exclusif de construire une
voie ferrée allant de la frontière du Tonkin
à Kounming (on disait alors Yun-nan-fou).
Le Gouvernement chinois s'engageait à four-
nir seulement les terrains nécessaires à la
construction de la voie et de ses dépendances.
Une loi votée par le Parlement français auto-
risait le Gouvernement général de l'Indochine
à donner une garantie d'intérêts à la compa-
gnie concessionnaire. Puis un contrat inter-
venait, le 29 octobre 1903, entre les Gouverne-
ments français et chinois aux termes duquel
« la Compagnie française du chemin de fer de
l'Indochine et du Yun-nan qui devait exploi-
ter la voie ferrée de Haiphong à Laokay, en
cours de construction depuis 1901, était habi-
litée à prolonger cette dernière en territoire
chinois ». La compagnie privée est autonome,
mais l'État se trouve associé à ses charges et
bénéfices. Voilà donc une compagnie fran-
çaise et l'État français lui-même intéressés, il
faut le souligner, à l'exploitation d'un che-
min de fer qui jouit en territoire chinois de la
propriété — ou plus exactement d'une con-
cession pour quatre-vingts ans — des terrains
sur lesquels sont construits la ligne, les ou-
(1) Renvoyons le lecteur pour la description de ca
chemin de fer aux articles publiés par « Le Monde
Colonial Illustré » de Novembre 1936 et Septembre 1938.
15 FÉVRIER 1940
vrages d'art, les dépendances. Ce n'est qu'en
1983 que le Gouvernement chinois pourrait négocier
le rachat de la ligne, moyennant le remboursement
intégral du coût des frais de construction, de la
main-d'œuvre industrielle, ainsi que des garanties
d'intérêts payés et des dépenses de toutes natures
imputables au chemin de fer.
En attendant cette époque, la France a la liberté, le
droit de faire passer sur le chemin de fer, de bout en
bout, les marchandises qu'elle juge convenable. Or,
en 1937, peu de semaines après le début de l'« inci-
dent » sino-japonais, comme l'on dit à Tôkyô en mar-
quant de la sorte qu'il n'y a pas de guerre sino-japo-
Tracé des chemins de fer de l'Indochine et du Yun-nan : la ligne
en territoire chinois Lao-Kay à Yun-nan-fou et, dans le cartouche,
la ligne complète de Haiphong à Yun-nan-fou.
52537
Le pont en dentelle du kilomètre 83, endom-
magé par les bombardements japonais.
naise, la France était priée de ne laisser
passer ni armes ni munitions par le chemin
de fer.
(Plus récemment, elle était avertie que les
aviateurs japonais pourraient aisément détruire
les grands et nombreux ouvrages d'art.)
Dans un esprit de « conciliation extrême »,
le Gouvernement français décidait en 1937
qu'entre l'Indochine et le Yun-nan, seul serait
autorisé le trafic des armements qui avaient
été embarqués avant octobre 1937 ou com-
mandés avant juillet. La France a tenu cet enga-
gement. Rien pourtant ne l'empêche, au point
de vue du droit international le plus strict,
d'exporter ce qu'il lui plaît en Chine. Les deux
pays, Chine et Japon, ne se sont pas déclaré
la guerre. Aussi bien l'Indochine exporte-t-
elle du charbon au Japon ou l'a-t-elle fait
bénéficier de dérogations pour le fer? Le Japon
veut arrêter, telle est l'affaire, non pas seu-
lement armes et munitions, mais les expor-
tations de « toutes » marchandises vers le
Yun-nan. Pourquoi la France et d'autres
puissances ne ravitailleraient-elles pas la
Chine?
LA DERNIÈRE VOIE DE COMMUNICATION
DE LA CHINE NATIONALE
Sur le plan chinois, le chemin de fer du
Yun-nan joue actuellement un rôle essentiel.
La mer est fermée par les escadres japonaises ;
la route de Birmanie est impraticable en
saison de pluies. Le Sseu-tch'ouan, bastion de
Chiang Kai-shek, attendra-t-il donc ses ravi-
taillements du Turkestan chinois, du Kan-sou
relié, par des pistes, à la très lointaine Mon-
golie extérieure ? Le Gouvernement de
Tch'oung-K'ing espère bien que camions,
pétrole, machines, etc., lui parviendront par
la voie du Yun-nan, seul « cordon » inter-
national qui le relie encore au monde.
On mentionnera ici qu'au Yun-nan, depuis
deux ans, la floraison d'entreprises diverses
provenant souvent du transfert, opéré sous
la pression des circonstances, d'usines éta-
blies dans les territoires occupés par les
Japonais et l'amélioration des voies de com-
munication avec le Sseu-tch'ouan transfor-
ment la physionomie de la province qui paraît
susceptible de jouer dans l'économie de la
Chine un rôle nouveau ; que le Gouvernement
provincial, depuis 1933, et le Gouvernement
central, depuis l'invasion japonaise, trouvent
dans les gisements d'étain du Yun-nan une
source appréciable de « devises ».
LES ÉTATS-UNIS
MONTRENT PLUS DE FERMETÉ
Cette notion internationale de la ligne du
Yun-nan a été comprise, dès 1937, par le Gou-
vernement américain qui s'est même long-
temps étonné de l'attitude conciliante de
la France, notamment à la Conférence de
Bruxelles. Mais le Gouvernement américain
refusait de passer du mécontentement verbal
aux actes. Depuis lors, l'opinion publique des
États-Unis ayant évolué, le Neutrality Act ayant
été modifié, le Gouvernement de Washington
(Suite page 50, en bas de la 2" colonne.)
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 201 ........... MARS 1. 1 940
SUR LE CHEMIN DE FER
DU YUN-NAN
1
LES faits sont connus : le chemin de fer du Yun-nan,
chemin de fer français (1), était bombardé
sévèrement sur son parcours chinois, le 2 février,
par des avions japonais ; on comptait cent cinq
morts, dont cinq Français, plus de cent blessés. De
fermes protestations étaient élevées immédiatement,
tant à Tôkyô qu'à Paris, par les autorités françaises.
« Nécessité militaire », répondait le porte-parole
du Gaimushô ; et il ajoutait que le Gouvernement
japonais est disposé à prendre des mesures « justes
et équitables » en ce qui concerne les dommages
subis par les voyageurs français. L'on enregistrera
certes avec satisfaction une telle « disposition »,
52538.
Frontière chinoise. — Tonkin : vue générale du
poste français de Quang-Uyên. j -
mais l'on regrettera qu'elle soit diminuée par
la phrase qui l'accompagne : « ...des mesures
justes et équitables, dans le cas où les résul-
tats de l'enquête permettraient aux deux Gou-
vernements d'arriver aux mêmes conclu-
sions. »
Il convient de marquer les sérieuses objec-
tions que le Gouvernement français est en
droit de formuler au sujet des bombarde-
ments répétés de la ligne du Yun-nan. Aux
termes de la convention franco-chinoise de
1898, il était concédé au Gouvernement fran-
çais, ou à toute compagnie désignée par ce
dernier, le droit exclusif de construire une
voie ferrée allant de la frontière du Tonkin
à Kounming (on disait alors Yun-nan-fou).
Le Gouvernement chinois s'engageait à four-
nir seulement les terrains nécessaires à la
construction de la voie et de ses dépendances.
Une loi votée par le Parlement français auto-
risait le Gouvernement général de l'Indochine
à donner une garantie d'intérêts à la compa-
gnie concessionnaire. Puis un contrat inter-
venait, le 29 octobre 1903, entre les Gouverne-
ments français et chinois aux termes duquel
« la Compagnie française du chemin de fer de
l'Indochine et du Yun-nan qui devait exploi-
ter la voie ferrée de Haiphong à Laokay, en
cours de construction depuis 1901, était habi-
litée à prolonger cette dernière en territoire
chinois ». La compagnie privée est autonome,
mais l'État se trouve associé à ses charges et
bénéfices. Voilà donc une compagnie fran-
çaise et l'État français lui-même intéressés, il
faut le souligner, à l'exploitation d'un che-
min de fer qui jouit en territoire chinois de la
propriété — ou plus exactement d'une con-
cession pour quatre-vingts ans — des terrains
sur lesquels sont construits la ligne, les ou-
(1) Renvoyons le lecteur pour la description de ca
chemin de fer aux articles publiés par « Le Monde
Colonial Illustré » de Novembre 1936 et Septembre 1938.
15 FÉVRIER 1940
vrages d'art, les dépendances. Ce n'est qu'en
1983 que le Gouvernement chinois pourrait négocier
le rachat de la ligne, moyennant le remboursement
intégral du coût des frais de construction, de la
main-d'œuvre industrielle, ainsi que des garanties
d'intérêts payés et des dépenses de toutes natures
imputables au chemin de fer.
En attendant cette époque, la France a la liberté, le
droit de faire passer sur le chemin de fer, de bout en
bout, les marchandises qu'elle juge convenable. Or,
en 1937, peu de semaines après le début de l'« inci-
dent » sino-japonais, comme l'on dit à Tôkyô en mar-
quant de la sorte qu'il n'y a pas de guerre sino-japo-
Tracé des chemins de fer de l'Indochine et du Yun-nan : la ligne
en territoire chinois Lao-Kay à Yun-nan-fou et, dans le cartouche,
la ligne complète de Haiphong à Yun-nan-fou.
52537
Le pont en dentelle du kilomètre 83, endom-
magé par les bombardements japonais.
naise, la France était priée de ne laisser
passer ni armes ni munitions par le chemin
de fer.
(Plus récemment, elle était avertie que les
aviateurs japonais pourraient aisément détruire
les grands et nombreux ouvrages d'art.)
Dans un esprit de « conciliation extrême »,
le Gouvernement français décidait en 1937
qu'entre l'Indochine et le Yun-nan, seul serait
autorisé le trafic des armements qui avaient
été embarqués avant octobre 1937 ou com-
mandés avant juillet. La France a tenu cet enga-
gement. Rien pourtant ne l'empêche, au point
de vue du droit international le plus strict,
d'exporter ce qu'il lui plaît en Chine. Les deux
pays, Chine et Japon, ne se sont pas déclaré
la guerre. Aussi bien l'Indochine exporte-t-
elle du charbon au Japon ou l'a-t-elle fait
bénéficier de dérogations pour le fer? Le Japon
veut arrêter, telle est l'affaire, non pas seu-
lement armes et munitions, mais les expor-
tations de « toutes » marchandises vers le
Yun-nan. Pourquoi la France et d'autres
puissances ne ravitailleraient-elles pas la
Chine?
LA DERNIÈRE VOIE DE COMMUNICATION
DE LA CHINE NATIONALE
Sur le plan chinois, le chemin de fer du
Yun-nan joue actuellement un rôle essentiel.
La mer est fermée par les escadres japonaises ;
la route de Birmanie est impraticable en
saison de pluies. Le Sseu-tch'ouan, bastion de
Chiang Kai-shek, attendra-t-il donc ses ravi-
taillements du Turkestan chinois, du Kan-sou
relié, par des pistes, à la très lointaine Mon-
golie extérieure ? Le Gouvernement de
Tch'oung-K'ing espère bien que camions,
pétrole, machines, etc., lui parviendront par
la voie du Yun-nan, seul « cordon » inter-
national qui le relie encore au monde.
On mentionnera ici qu'au Yun-nan, depuis
deux ans, la floraison d'entreprises diverses
provenant souvent du transfert, opéré sous
la pression des circonstances, d'usines éta-
blies dans les territoires occupés par les
Japonais et l'amélioration des voies de com-
munication avec le Sseu-tch'ouan transfor-
ment la physionomie de la province qui paraît
susceptible de jouer dans l'économie de la
Chine un rôle nouveau ; que le Gouvernement
provincial, depuis 1933, et le Gouvernement
central, depuis l'invasion japonaise, trouvent
dans les gisements d'étain du Yun-nan une
source appréciable de « devises ».
LES ÉTATS-UNIS
MONTRENT PLUS DE FERMETÉ
Cette notion internationale de la ligne du
Yun-nan a été comprise, dès 1937, par le Gou-
vernement américain qui s'est même long-
temps étonné de l'attitude conciliante de
la France, notamment à la Conférence de
Bruxelles. Mais le Gouvernement américain
refusait de passer du mécontentement verbal
aux actes. Depuis lors, l'opinion publique des
États-Unis ayant évolué, le Neutrality Act ayant
été modifié, le Gouvernement de Washington
(Suite page 50, en bas de la 2" colonne.)
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 201 ........... MARS 1. 1 940
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.52%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.52%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 7/26
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k97592256/f7.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k97592256/f7.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k97592256/f7.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k97592256
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k97592256
Facebook
Twitter