Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 avril 1940 01 avril 1940
Description : 1940/04/01 (A18,N202)-1940/04/30. 1940/04/01 (A18,N202)-1940/04/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9759224s
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
82
Arrachage des souches.
LA DOMESTICATION
DE L'
ÉLÉPHANT
D'
AFRIQUE
PARMI les difficultés que les Belges ont réussi à
surmonter pour mettre au point leur œuvre
africaine, il convient de citer l'élevage ou,
pour mieux dire, la domestication des éléphants.
L'éléphant dressé s'emploie sur une grande
échelle en Asie, aux Indes anglaises et françaises, en
Birmanie, au Cambodge, alors qu'en Afrique il
n'existe d'autres centres de domestication que ceux
d'Api et de Gangala-na-Bodio, tous deux au nord du
Congo belge.
Cependant, par sa grande force, son extraordi-
naire docilité, sa compréhensivité et son aptitude
très caractéristique pour certains travaux, l'éléphant
peut rendre de grands services. Les régions du
centre africain, où les transports restent difficiles et
où les animaux de trait font totalement défaut, sont
particulièrement désignées pour l'utilisation des
multiples qualités des éléphants.
Cependant, à part une expérience, restée sans
suite, des troupes anglo-hindoues, lors de la cam-
pagne d'Abyssinie (1868), il n'avait plus, depuis
longtemps, été fait usage des éléphants en Afrique,
lorsque la deuxième expédition organisée par la
section belge de l'Association internationale afri-
caine, à l'initiative du roi Léopold n, décida, en 1879,
de substituer des éléphants aux attelages de bœufs
qui n'avaient donné que des déceptions.
Quatre éléphants dressés furent achetés aux Indes
et confiés aux soins de deux Anglais. La mort d'un
des pachydermes, le surcroît de charge qui en
résulta pour les autres, l'assassinat de leurs conduc-
teurs furent autant de malheurs successifs qui ne
permirent pas de tirer les conclusions pratiques
d'une expérience qui ne fut renouvelée que
beaucoup plus tard, et d'ailleurs sous une forme
plus intéressante.
En France, un jeune chargé de mission s'attacha
au problème de la domestication de l'éléphant
d'Afrique.
Par la parole et par la plume, ce jeune savant,
M. Paul Bourdarie, qui devait devenir secrétaire
perpétuel de l'Académie des Sciences coloniales, ne
cessa de proclamer l'opportunité de la protection
et du dressage de ce pachyderme, méritant le sur-
nom de « Père des Éléphants », sous lequel il était
connu dans toutes les colonies.
Si le premier exemple d'une telle domestication
est dû au R. P. Bichat qui fit dresser un tout jeune
éléphanteau à Fernan-Vaz (Congo français), c'est le roi Léopold II de Belgique
qui décidait en 1899 la création d'un centre de domestication après avoir
entendu M. Bourdarie lui exposer ses principes et ses plans.
Le roi Léopold confiait au commandant Laplume la tâche de prendre toutes
les mesures utiles à la réalisation du projet.
Après avoir longuement étudié et comparé les diverses méthodes, le com-
mandant Laplume se fixa une ligne de conduite : « La méthode belge, a-t-on
dit, diffère totalement de celle des Indes et du reste de l'Asie, où l'on met
beaucoup de cruauté, remplacée au Congo par beaucoup de patience et de
récompenses... alimentaires. »
Le dressage des éléphants se fait actuellement encore à la station d'Api,
fondée en 1899, par le commandant Laplume, et à celle de Gangala-na-Bodio.
La station et la ferme de domestication de Gangalana-Bodio, à la frontière
du Soudan anglo-égyptien, compte actuellement une quarantaine d'éléphants
dressés, d'âges divers. Elle est dirigée par un officier belge, le commandant
Offerman. C'est sous sa direction que sont organisées chaque année les
expéditions de capture, dans les régions de savane qui s'étendent à proximité
des réserves constituées en Parc national. Chaque expédition comprend vingt-
deux indigènes Azande (quatre fusiliers, quatorze coureurs, chargés d'entraver
les éléphants à l'aide de grosses cordes et quatre porteurs). Deux éléphants
dressés, chargés de ramener les éléphanteaux capturés, suivent à l'arrière-
garde.
Aux stations de domestication, les jeunes éléphants sont apprivoisés. Dès
qu'ils se laissent monter par leur cornac, on leur apprend à s'agenouiller et à
se relever au commandement. Sous la surveillance et avec l'aide d'un élé-
phant moniteur, on les fait évoluer dans les plaines d'exercice. Après un an en-
viron, on leur apprend à traîner des fardeaux, à labourer, à abattre des arbres,
à dessoucher et à transporter les souches déracinées. Les sujets les plus
intelligents sont utilisés à ces derniers travaux tandis que les autres sont
employés à la traction. L'important centre d'agriculture et d'élevage que
constitue la mission des Pères Prémontrés à Buta fait, pour ses labours,
usage d'éléphants dressés. En effet, une fois leur apprentissage terminé,
les sujets sont utilisés aux travaux, loués ou vendus à des entreprises privées.
Le prix actuel d'un éléphant mesurant Im,50 est de 30 000 francs belges.
Ce prix augmente de 600 fr. par centimètre d'élévation de taille. Un éléphant de
2 mètres de hauteur, dont le coût est de 60 000 francs, peut porter une charge
de 1 500 kilogrammes sur une longueur de 25 kilomètres. Le prix de location
d'un éléphant varie de 2 000 à 3 200 francs par an, suivant taille et aptitudes.
Il ne fait pas de doute que les réalisations actuellement atteintes ne peuvent,
pas être considérées comme un but, mais uniquement comme une expérience
prouvant, positivement, la possibilité de la domestication des éléphants et en
faisant apparaître les incontestables avantages.
D'après un rapport du directeur général des stations cotonnières de l'Uélé,
qui a fait des essais comparatifs de traction avec des tracteurs et avec des élé-
ohants. sur les mêmes terres et dans les mêmes conditions pendant la saison des
pluies, les éléphants ne sont pas gênés, comme les
tracteurs, par l'humidité du sol. L'éléphant, déployant
un effort lent et régulier, contourne ou supprime
les inconvénients que peut rencontrer un tracteur.
Non seulement la surveillance du travail est plus fa-
cile que la conduite d'un tracteur, mais elle ne néces-
site pas de connaissances mécaniques. Enfin, l'ali-
ment des éléphants se trouve sur place, tandis que
le carburant qu'absorbe le moteur doit venir de
loin.
Tout compte fait, amortissements, frais d'entretien,
de nourriture, de personnel compris, on a établi que
le labour d'un hectare revient à 623 francs lorsqu'il
est effectué par tracteur et à 59 francs à peine lors-
qu'il est effectué par des éléphants. Le travail de
deux éléphants équivaut au travail de trois forts
chevaux d'Europe.
Le jour arrivera sans doute, espérons-le, où il sera
possible de donner à la domestication des éléphants
une extension telle que ces précieux pachydermes
pourront être mis à la disposition d'agriculteurs ou
de groupements d'agriculteurs indigènes. Voyons
les services immenses qu'ils rendent aux paysans
d'Asie qu'ils libèrent des durs travaux d'abatage,
de dessouchage et de défrichement. Nous évalue-
rons alors à sa juste valeur l'avantage de l'utilisation
que l'éléphant peut présenter pour des populations
qui sont constamment amenées, par les circons-
tances, à approprier des terres nouvelles.
Commandant Norbert LAUDE.
Labours à la charrue.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 202 ........... AVRIL 1940
Arrachage des souches.
LA DOMESTICATION
DE L'
ÉLÉPHANT
D'
AFRIQUE
PARMI les difficultés que les Belges ont réussi à
surmonter pour mettre au point leur œuvre
africaine, il convient de citer l'élevage ou,
pour mieux dire, la domestication des éléphants.
L'éléphant dressé s'emploie sur une grande
échelle en Asie, aux Indes anglaises et françaises, en
Birmanie, au Cambodge, alors qu'en Afrique il
n'existe d'autres centres de domestication que ceux
d'Api et de Gangala-na-Bodio, tous deux au nord du
Congo belge.
Cependant, par sa grande force, son extraordi-
naire docilité, sa compréhensivité et son aptitude
très caractéristique pour certains travaux, l'éléphant
peut rendre de grands services. Les régions du
centre africain, où les transports restent difficiles et
où les animaux de trait font totalement défaut, sont
particulièrement désignées pour l'utilisation des
multiples qualités des éléphants.
Cependant, à part une expérience, restée sans
suite, des troupes anglo-hindoues, lors de la cam-
pagne d'Abyssinie (1868), il n'avait plus, depuis
longtemps, été fait usage des éléphants en Afrique,
lorsque la deuxième expédition organisée par la
section belge de l'Association internationale afri-
caine, à l'initiative du roi Léopold n, décida, en 1879,
de substituer des éléphants aux attelages de bœufs
qui n'avaient donné que des déceptions.
Quatre éléphants dressés furent achetés aux Indes
et confiés aux soins de deux Anglais. La mort d'un
des pachydermes, le surcroît de charge qui en
résulta pour les autres, l'assassinat de leurs conduc-
teurs furent autant de malheurs successifs qui ne
permirent pas de tirer les conclusions pratiques
d'une expérience qui ne fut renouvelée que
beaucoup plus tard, et d'ailleurs sous une forme
plus intéressante.
En France, un jeune chargé de mission s'attacha
au problème de la domestication de l'éléphant
d'Afrique.
Par la parole et par la plume, ce jeune savant,
M. Paul Bourdarie, qui devait devenir secrétaire
perpétuel de l'Académie des Sciences coloniales, ne
cessa de proclamer l'opportunité de la protection
et du dressage de ce pachyderme, méritant le sur-
nom de « Père des Éléphants », sous lequel il était
connu dans toutes les colonies.
Si le premier exemple d'une telle domestication
est dû au R. P. Bichat qui fit dresser un tout jeune
éléphanteau à Fernan-Vaz (Congo français), c'est le roi Léopold II de Belgique
qui décidait en 1899 la création d'un centre de domestication après avoir
entendu M. Bourdarie lui exposer ses principes et ses plans.
Le roi Léopold confiait au commandant Laplume la tâche de prendre toutes
les mesures utiles à la réalisation du projet.
Après avoir longuement étudié et comparé les diverses méthodes, le com-
mandant Laplume se fixa une ligne de conduite : « La méthode belge, a-t-on
dit, diffère totalement de celle des Indes et du reste de l'Asie, où l'on met
beaucoup de cruauté, remplacée au Congo par beaucoup de patience et de
récompenses... alimentaires. »
Le dressage des éléphants se fait actuellement encore à la station d'Api,
fondée en 1899, par le commandant Laplume, et à celle de Gangala-na-Bodio.
La station et la ferme de domestication de Gangalana-Bodio, à la frontière
du Soudan anglo-égyptien, compte actuellement une quarantaine d'éléphants
dressés, d'âges divers. Elle est dirigée par un officier belge, le commandant
Offerman. C'est sous sa direction que sont organisées chaque année les
expéditions de capture, dans les régions de savane qui s'étendent à proximité
des réserves constituées en Parc national. Chaque expédition comprend vingt-
deux indigènes Azande (quatre fusiliers, quatorze coureurs, chargés d'entraver
les éléphants à l'aide de grosses cordes et quatre porteurs). Deux éléphants
dressés, chargés de ramener les éléphanteaux capturés, suivent à l'arrière-
garde.
Aux stations de domestication, les jeunes éléphants sont apprivoisés. Dès
qu'ils se laissent monter par leur cornac, on leur apprend à s'agenouiller et à
se relever au commandement. Sous la surveillance et avec l'aide d'un élé-
phant moniteur, on les fait évoluer dans les plaines d'exercice. Après un an en-
viron, on leur apprend à traîner des fardeaux, à labourer, à abattre des arbres,
à dessoucher et à transporter les souches déracinées. Les sujets les plus
intelligents sont utilisés à ces derniers travaux tandis que les autres sont
employés à la traction. L'important centre d'agriculture et d'élevage que
constitue la mission des Pères Prémontrés à Buta fait, pour ses labours,
usage d'éléphants dressés. En effet, une fois leur apprentissage terminé,
les sujets sont utilisés aux travaux, loués ou vendus à des entreprises privées.
Le prix actuel d'un éléphant mesurant Im,50 est de 30 000 francs belges.
Ce prix augmente de 600 fr. par centimètre d'élévation de taille. Un éléphant de
2 mètres de hauteur, dont le coût est de 60 000 francs, peut porter une charge
de 1 500 kilogrammes sur une longueur de 25 kilomètres. Le prix de location
d'un éléphant varie de 2 000 à 3 200 francs par an, suivant taille et aptitudes.
Il ne fait pas de doute que les réalisations actuellement atteintes ne peuvent,
pas être considérées comme un but, mais uniquement comme une expérience
prouvant, positivement, la possibilité de la domestication des éléphants et en
faisant apparaître les incontestables avantages.
D'après un rapport du directeur général des stations cotonnières de l'Uélé,
qui a fait des essais comparatifs de traction avec des tracteurs et avec des élé-
ohants. sur les mêmes terres et dans les mêmes conditions pendant la saison des
pluies, les éléphants ne sont pas gênés, comme les
tracteurs, par l'humidité du sol. L'éléphant, déployant
un effort lent et régulier, contourne ou supprime
les inconvénients que peut rencontrer un tracteur.
Non seulement la surveillance du travail est plus fa-
cile que la conduite d'un tracteur, mais elle ne néces-
site pas de connaissances mécaniques. Enfin, l'ali-
ment des éléphants se trouve sur place, tandis que
le carburant qu'absorbe le moteur doit venir de
loin.
Tout compte fait, amortissements, frais d'entretien,
de nourriture, de personnel compris, on a établi que
le labour d'un hectare revient à 623 francs lorsqu'il
est effectué par tracteur et à 59 francs à peine lors-
qu'il est effectué par des éléphants. Le travail de
deux éléphants équivaut au travail de trois forts
chevaux d'Europe.
Le jour arrivera sans doute, espérons-le, où il sera
possible de donner à la domestication des éléphants
une extension telle que ces précieux pachydermes
pourront être mis à la disposition d'agriculteurs ou
de groupements d'agriculteurs indigènes. Voyons
les services immenses qu'ils rendent aux paysans
d'Asie qu'ils libèrent des durs travaux d'abatage,
de dessouchage et de défrichement. Nous évalue-
rons alors à sa juste valeur l'avantage de l'utilisation
que l'éléphant peut présenter pour des populations
qui sont constamment amenées, par les circons-
tances, à approprier des terres nouvelles.
Commandant Norbert LAUDE.
Labours à la charrue.
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 202 ........... AVRIL 1940
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