Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-03-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mars 1929 01 mars 1929
Description : 1929/03/01 (A7,N67)-1929/03/31. 1929/03/01 (A7,N67)-1929/03/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9745733z
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/09/2016
N° 67. — MARS 1929 LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ 63 '
UNE G RANDE COLONIE EN DEVENIR : L'AFRIQUE ÉQUATORIALE FRANÇAISE
L'Afrique équatoriale française est restée, jusqu'à la
guerre, fermée et. pour ainsi dire, isolée du grand cou-
rant de la vie mondiale. Mais une ère nouvelle est née
pour l'Afrique noire.
« Il a fallu, écrit Albert Sarraut (1), la grande com-
motion de la dernière guerre pour secouer devant la
réalité coloniale l'atonie du sentiment public. Les
yeux se sont ouverts. De' ces terres d'outre-mer, ils
ont vu venir les grands vaisseaux apportant, à pleines
càrènes, près d'un million de combattants et de tra-
vailleurs indigènes et les ressources de toute sorte que
les colonies filiales tendaient à la Patrie au combat.
Dès lors, l'opinion publique a tout de même fini par
pressentir, entrevoir, deviner la vitalité et la richesse
coloniales, et discerner l'inéluctable incorporation à la
vie française de cette immense vie exotique, avec
tous ses apports et toutes ses alluvions, selon un mou-
vement d'intégration de plus en plus marqué qui am-
plifie l'existence de la Patrie et l'enrichit de toutes
les forces neuves que la France d'outre-mer versera
désormais dans sa circulation artérielle. »
« L'Afrique équatoriale française y verse et y versera
de plus en plus sa large part.
« Il serait injuste de prétendre que rien n'a été fait
jusqu'à ce jour. Un très grand labeur, au contraire, est,
depuis de nombreuses années, effectué par nos commer-
çants et par nos administrateurs. Beaucoup de Fran-
çais y ont sacrifié leur vie, beaucoup leur santé. Ce
n'est pas en pure perte.
« Notre mouvement commercial est nettement en
progrès, comme le montrent les chiffres
ci-après :
Mouvement commercial en francs.
1921 91 236 601 »
1925 ......... 155 222 463 »
1926 275 742 687 »
1927 309 067 527 »
1er sèmestre 1928 ..... 194 951 293 »
« M. Antonetti pense que le chiffre de
400 millions de francs sera atteint au
31 décembre.
« Cette augmentation est réelle et elle
correspond à une augmentation de ton-
nage du même ordre. Le ronnage pour
le premier semestre 1928, 260 835, atteint
presque le tonnage de l'année 1925 tout
entière (280 481 tonnes).
« Cette augmentation montre ce que
l'on pourra espérer de notre colonie, le
jour où son immense territoire, et notam-
ment le riche bassin du Niari, actuel-
lement inexploité, parce que sans issue
sur la mer, pourra être mis en valeur. »
Communiquer r!lpidement",et aisément
sur toute l'étendue de cette immense
région, par les fleuves, par la route et par
le rail, c'est à quoi doivent tendre avant
tout nos efforts.
M. Julien Maigret, avec son talent
d'écrivain et son autorité de vieil Afri-
cain, nous parle longuement, dans les
pages qui suivent, du chemin de fer
Brazzaville-Océan.
Mais le chemin de fer n'est pas toute
notre politique des communications. La
route, dont le réseau s'étend et sur
laquelle les automobiles circulent plus
nombreuses chaque année, la route qui
a eu déjà pour conséquence de diminuer
sur une vaste échelle le portage, un des
fléaux de l'Afrique noire, la route gagne.
L'année qui se termine a vu l'achèvement de la route
dont la construction fut décidée dès- 1925, à la de-
mande de M. Antonetti, pour relier Bangui à Douala.
Elle s'étend sur une longueur de 1 100 kilomètres,
dont 570 kilomètres sur le territoire de l'Afrique équa-
toriale française et 530 kilomètres sur celui du Came-
roun. « Dès maintenant, cette route ouvre à l'Afrique
équatoriale française une nouvelle sortie sur la mer, qui,
employant uniquement des territoires français ou
administrés par la France, permettra aux voyageurs
et aux courriers d'aller de Bordeaux à Bangui en
trente jours, alors qu'il en fallait soixante précédem-
ment. C'est là un progrès considérable, dont béné-
ficieront l'Oubangui et les territoires du Tchad. »
(Antonetti.)
En 1929, sera terminé le balisage du cours de l'Ou-
bangui sur 200 kilomètres. Ce travail permettra aux
navires fluviaux, dont le nombre s'accroît sans cesse,
de circuler avec sécurité eh toutes saisons.
Mais, se demandera quelqu'un, pourquoi tant
d'efforts et tant d'argent dépensés, en voies fluviales,
routières, ferrées, en ports?
Prétendez-vous donc que les hommes, le sol et le
sous-sol vous dédommageront de tous ces sacrifices?
Les pages qui suivent répondront à cette question.
Disons seulement ici que, depuis deux ans surtout,
de nombreuses missions se sont attaquées aux richesses
du sous-sol de l'Afrique équatoriale française. La
politique des zones de recherches instituée par le
décret du 30 juillet 1927, afin de permettre aux capi-
taux importants que nécessite la reconnaissance géolo-
gique et la prospection de ces immenses territoires
(1) A. SARRAUT, L'œuvre de la France en Indochine (Revue
de Paris, 15 janvier 1929).
encore mal connus et parfois mal desservis, de s'em-
ployer judicieusement, s'est révélée particulièrement
féconde.
-
Enfin, signe favorable et nouveau, des groupements
puissants, riches d'argent, d'expérience et de méthode,
ont résolu de s'intéresser à la mise en valeur de
l'Afrique équatoriale française.
Mais, qui dit mise en valeur de l'Afrique équatoriale
française par la France, dit également que les premiers
bénéficiaires de cette mise en valeur doivent être et
sont les autochtones.
C'est ici, croyons-nous, le lieu de rappeler les prin-
cipes de la colonisation française. Ce rappel est tou-
jours nécessaire, aujourd'hui plus que jamais. Lais-
sons la parole à Albert Sarraut, qui écrivait, il y a
quelques jours (1) :
« Ce qui caractérise la politique coloniale de la
France et lui confère une physionomie propre, c'est
son sens profond d'humanité ; elle procède essentielle-
ment de la grande idée de la solidarité humaine. Elle
se distingue nettement par là, et d'un trait tout per-
sonnel, des formes de colonisation de certains autres
pays dont le matérialisme brutal caractérise le puis-
sant mouvement d'expansion impérialiste, surtout
à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle...
Cette colonisation rie recherche que le profit mercan-
tile, se dégage de tout idéal humain, considère les
M. Antonetti, qui, depuis quatre ans, gouverne l'Afrique Équatoriale française, avec ténacité,
foi et énergie.
races, les tribus, les peuples vers lesquels elle se porte
comme une sorte d'instrument auquel on ne s'inté-
resse que dans la mesure où il est nécessaire pour servir
les desseins de l'œuvre économique et vis-à-vis duquel
on apaise les scrupules de conscience, du point de vue
humain, en invoquant les raisons du préjugé de cou-
leur et la fameuse loi darwinienne de la sélection natu-
relle, décrétant la disparition des races dites infé-
rieures.
« Une telle conception n'est pas et n'a jamais été
celle de la France... Si l'on examine la trame même
de notre histoire, on aperçoit qu'en ce qui concerne
le traitement appliqué aux indigènes, il n'y a pas, au
fond, de différence essentielle entre la pensée de
Louis XIV, qui appelle les « noirs » ses enfants, et
celle de la Révolution 'de 1848, qui brise leurs chaînes
d'esclavage...
« La colonisation est considérée par nous comme un
acte de civilisation qui doit profiter à l'humanité
entière> et qui n'est justifiable que parce que le civi-
lisateur veut mettre en œuvre et lancer dans le cou-
rant, de la circulation universelle où s'alimentent les
besoins humains des richesses et des produits demeu-
rant inutilisés dans les mains ignorantes ou débiles
de leurs possesseurs naturels. Quand la civilisation
agit comme « colonisation », elle agit au nom des duoits
du mièux-être universel, au nom du droit -de vivre de
l'humanité : Nous disons, et c'est notre doctrine, que
l'espèce humaine est solidaire dans l'existence du
vaste monde et que nulle race, nul peuple n'a le droit
ou le pouvoir de s'isoler égoïstement des mouvements
ou des nécessités de cette vie totale. L'humanité
totale doit pouvoir jouir de la richesse totale répandue
(1) Op. cit.
sur la planète, et nulle appropriation, fût-elle millé-
naire, ne peut invoquer la prescription contre le droit
de l'univers d'utiliser les ressources offertes en tous
lieux par la nature à la satisfaction légitimé des be-
soins des êtres vivants...
« Mais... la logique immédiate du principe posé no us
conduit impérieusement à vouloir que les premiers
bénéficiaires de cette mise en valeur soient ceux-là
mêmes que nous paraissons dépouiller de leur patri-
moine... Nous considérons que, si*le droit de la
colonisation est en effet de suppléer l'incapable pour
l'utilisation générale de ses domaines, nous avons
l'obligation, dans le même temps, de prendre charge de
cet incapable, de .ce frère attardé, de cet homme de cou-
leur, pour le mettre lui aussi en valeur, le cultiver
physiquement et moralement, le protéger contre lui-
même et contre les misères qui l'assaillent, l'instruire,
l'éduquer et l'habituer à devenir notre associé dans
la gestion et les bénéfices du patrimoine commun... »
Ces principes sont ceux de notre administration en
Afrique équatoriale française. Nos œuvres d'assis-
tance médicale et de lutte contre la maladie du som-
meil fonctionnent avec beaucoup d'activité, dans la
limite de nos ressources en médecins et en argent.
.11 convient de relever, et c'est le signe heureux d'un
esprit nouveau, que les employeurs français en Afrique
équatoriale française, secondent l'administration dans
ce sens.
« Je suis heureux de signaler, a dit le gouverneur
général, que l'Union forestière africaine, dont M. Petit
est administrateur, a décidé — suivant en
cela, et sur des bases beaucoup plus larges,
l'exemple du Consortium des grands
réseaux et de la Minière de Mindouli —
de bâtir à Libreville un hôpital entière-
ment équipé, pour lequel .elle prévoit
une dépense de 1 500 000 francs, et dont
les travaux sont déjà commencés. »
Quant à l'enseignement des indigènes,
presque tout est encore à faire. Que sont
enr effet les 50 écoles qui ont fonctionné
en. 1928, comptant en tout 77 classes et
2 985 élèves? Les écoles de village sont
en voie de réorganisation, et le gouver-
neur général a mis à l'étude un projet
de création d'une classe d'élèves-maîtres
indigènes, destinée à fournir aux colonies
du groupe des auxiliaires qualifiés.
Mais, avant tout, il faut nourrir le
noir. Le développement des cultures vi-
vrières commence à porter ses fruits.
Depuis trois ans, fait nouveau dans son
histoire, aucune famine n'a sévi en
Afrique équatoriale française, et, si l'ali-
mentation de nos populations indigènes
reste encore trop peu variée, insuffisante
notamment en produits azotés, on peut
dire que partout elle est actuellement
suffisante en quantité.
Les noirs de l'Afrique .équatorialè
française nous savent-ils au moins gré
du bien-être et du confort que nous
nous efforçons de leur apporter, et pou-
vons-nous compter sur leur loyale colla-
boration?
A cette question, il faut répondre har-
diment : oui. Nous avons apporté la paix
française aux noirs de notre Afrique -
équatoriale. Ils vivent en paix entre
eux et en paix avec nous.
Les bruits d'une prétendue révolte
survenue dans le Sangha, et rapportés récemment
par des passagers belges, débarqués à Anvers et ren-
trant du Congo belge, ont été depuis réduits à leur
juste portée, qui est très limitée.
La mort de l'agitateur Karinou a contribué à ràme-
ner le calme dans la Haute Sangha.
Les mœurs et la mentalité primitive des tribus qui
peuplent cette contrée, où l'autorité française n.'es",
représentée que par un nombre très restreint de fonc-
tionnaires, ont seuls permis ces incidents.
Il faut en déduire que le personnel dont nous dis-
posons ne correspond pas encore à ce qui serait néces-
saire pour administrer effectivement des territoires
cinq fois grands comme la France.
La conclusion des pages qui vont suivre et qui, nous
l'espérons, seront lues attentivement, comme- elles
méritent de l'être, est celle même du discours de
M. Antonetti au Conseil du Gouvernement en 1927 :
« L'œuvre qui s'édifie dans ce pays aux ressources
multiples est une grande fresque à peine ébauchée,
aux multiples aspects. Quand il s'agit de nos colonies,
et par l'effet d'un daltonisme un peu spécial, l'opinion
métropolitaine semble avoir tendance 'à n'en apercevoir
que les taches sombres. Il en existe évidemment,
mais elles sont bien peu de chose à côté des parties
lumineuses, et ces taches- noires seraient peut-être
moins nombreuses si les moyens mis à notre disposi-
tion étaient moins disproportionnés avec l'œuvre à
accomplir, dont on méconnaît la grandeur. Il n'est
pas téméraire, en effet, de penser qu'aux yeux de
l'avenir, la conquête et la mise en valeur économique
de l'Afrique, pour son profit et celui du monde civi-
lisé, restera un des grands faits historiques de notre
époque. »
XX.
UNE G RANDE COLONIE EN DEVENIR : L'AFRIQUE ÉQUATORIALE FRANÇAISE
L'Afrique équatoriale française est restée, jusqu'à la
guerre, fermée et. pour ainsi dire, isolée du grand cou-
rant de la vie mondiale. Mais une ère nouvelle est née
pour l'Afrique noire.
« Il a fallu, écrit Albert Sarraut (1), la grande com-
motion de la dernière guerre pour secouer devant la
réalité coloniale l'atonie du sentiment public. Les
yeux se sont ouverts. De' ces terres d'outre-mer, ils
ont vu venir les grands vaisseaux apportant, à pleines
càrènes, près d'un million de combattants et de tra-
vailleurs indigènes et les ressources de toute sorte que
les colonies filiales tendaient à la Patrie au combat.
Dès lors, l'opinion publique a tout de même fini par
pressentir, entrevoir, deviner la vitalité et la richesse
coloniales, et discerner l'inéluctable incorporation à la
vie française de cette immense vie exotique, avec
tous ses apports et toutes ses alluvions, selon un mou-
vement d'intégration de plus en plus marqué qui am-
plifie l'existence de la Patrie et l'enrichit de toutes
les forces neuves que la France d'outre-mer versera
désormais dans sa circulation artérielle. »
« L'Afrique équatoriale française y verse et y versera
de plus en plus sa large part.
« Il serait injuste de prétendre que rien n'a été fait
jusqu'à ce jour. Un très grand labeur, au contraire, est,
depuis de nombreuses années, effectué par nos commer-
çants et par nos administrateurs. Beaucoup de Fran-
çais y ont sacrifié leur vie, beaucoup leur santé. Ce
n'est pas en pure perte.
« Notre mouvement commercial est nettement en
progrès, comme le montrent les chiffres
ci-après :
Mouvement commercial en francs.
1921 91 236 601 »
1925 ......... 155 222 463 »
1926 275 742 687 »
1927 309 067 527 »
1er sèmestre 1928 ..... 194 951 293 »
« M. Antonetti pense que le chiffre de
400 millions de francs sera atteint au
31 décembre.
« Cette augmentation est réelle et elle
correspond à une augmentation de ton-
nage du même ordre. Le ronnage pour
le premier semestre 1928, 260 835, atteint
presque le tonnage de l'année 1925 tout
entière (280 481 tonnes).
« Cette augmentation montre ce que
l'on pourra espérer de notre colonie, le
jour où son immense territoire, et notam-
ment le riche bassin du Niari, actuel-
lement inexploité, parce que sans issue
sur la mer, pourra être mis en valeur. »
Communiquer r!lpidement",et aisément
sur toute l'étendue de cette immense
région, par les fleuves, par la route et par
le rail, c'est à quoi doivent tendre avant
tout nos efforts.
M. Julien Maigret, avec son talent
d'écrivain et son autorité de vieil Afri-
cain, nous parle longuement, dans les
pages qui suivent, du chemin de fer
Brazzaville-Océan.
Mais le chemin de fer n'est pas toute
notre politique des communications. La
route, dont le réseau s'étend et sur
laquelle les automobiles circulent plus
nombreuses chaque année, la route qui
a eu déjà pour conséquence de diminuer
sur une vaste échelle le portage, un des
fléaux de l'Afrique noire, la route gagne.
L'année qui se termine a vu l'achèvement de la route
dont la construction fut décidée dès- 1925, à la de-
mande de M. Antonetti, pour relier Bangui à Douala.
Elle s'étend sur une longueur de 1 100 kilomètres,
dont 570 kilomètres sur le territoire de l'Afrique équa-
toriale française et 530 kilomètres sur celui du Came-
roun. « Dès maintenant, cette route ouvre à l'Afrique
équatoriale française une nouvelle sortie sur la mer, qui,
employant uniquement des territoires français ou
administrés par la France, permettra aux voyageurs
et aux courriers d'aller de Bordeaux à Bangui en
trente jours, alors qu'il en fallait soixante précédem-
ment. C'est là un progrès considérable, dont béné-
ficieront l'Oubangui et les territoires du Tchad. »
(Antonetti.)
En 1929, sera terminé le balisage du cours de l'Ou-
bangui sur 200 kilomètres. Ce travail permettra aux
navires fluviaux, dont le nombre s'accroît sans cesse,
de circuler avec sécurité eh toutes saisons.
Mais, se demandera quelqu'un, pourquoi tant
d'efforts et tant d'argent dépensés, en voies fluviales,
routières, ferrées, en ports?
Prétendez-vous donc que les hommes, le sol et le
sous-sol vous dédommageront de tous ces sacrifices?
Les pages qui suivent répondront à cette question.
Disons seulement ici que, depuis deux ans surtout,
de nombreuses missions se sont attaquées aux richesses
du sous-sol de l'Afrique équatoriale française. La
politique des zones de recherches instituée par le
décret du 30 juillet 1927, afin de permettre aux capi-
taux importants que nécessite la reconnaissance géolo-
gique et la prospection de ces immenses territoires
(1) A. SARRAUT, L'œuvre de la France en Indochine (Revue
de Paris, 15 janvier 1929).
encore mal connus et parfois mal desservis, de s'em-
ployer judicieusement, s'est révélée particulièrement
féconde.
-
Enfin, signe favorable et nouveau, des groupements
puissants, riches d'argent, d'expérience et de méthode,
ont résolu de s'intéresser à la mise en valeur de
l'Afrique équatoriale française.
Mais, qui dit mise en valeur de l'Afrique équatoriale
française par la France, dit également que les premiers
bénéficiaires de cette mise en valeur doivent être et
sont les autochtones.
C'est ici, croyons-nous, le lieu de rappeler les prin-
cipes de la colonisation française. Ce rappel est tou-
jours nécessaire, aujourd'hui plus que jamais. Lais-
sons la parole à Albert Sarraut, qui écrivait, il y a
quelques jours (1) :
« Ce qui caractérise la politique coloniale de la
France et lui confère une physionomie propre, c'est
son sens profond d'humanité ; elle procède essentielle-
ment de la grande idée de la solidarité humaine. Elle
se distingue nettement par là, et d'un trait tout per-
sonnel, des formes de colonisation de certains autres
pays dont le matérialisme brutal caractérise le puis-
sant mouvement d'expansion impérialiste, surtout
à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle...
Cette colonisation rie recherche que le profit mercan-
tile, se dégage de tout idéal humain, considère les
M. Antonetti, qui, depuis quatre ans, gouverne l'Afrique Équatoriale française, avec ténacité,
foi et énergie.
races, les tribus, les peuples vers lesquels elle se porte
comme une sorte d'instrument auquel on ne s'inté-
resse que dans la mesure où il est nécessaire pour servir
les desseins de l'œuvre économique et vis-à-vis duquel
on apaise les scrupules de conscience, du point de vue
humain, en invoquant les raisons du préjugé de cou-
leur et la fameuse loi darwinienne de la sélection natu-
relle, décrétant la disparition des races dites infé-
rieures.
« Une telle conception n'est pas et n'a jamais été
celle de la France... Si l'on examine la trame même
de notre histoire, on aperçoit qu'en ce qui concerne
le traitement appliqué aux indigènes, il n'y a pas, au
fond, de différence essentielle entre la pensée de
Louis XIV, qui appelle les « noirs » ses enfants, et
celle de la Révolution 'de 1848, qui brise leurs chaînes
d'esclavage...
« La colonisation est considérée par nous comme un
acte de civilisation qui doit profiter à l'humanité
entière> et qui n'est justifiable que parce que le civi-
lisateur veut mettre en œuvre et lancer dans le cou-
rant, de la circulation universelle où s'alimentent les
besoins humains des richesses et des produits demeu-
rant inutilisés dans les mains ignorantes ou débiles
de leurs possesseurs naturels. Quand la civilisation
agit comme « colonisation », elle agit au nom des duoits
du mièux-être universel, au nom du droit -de vivre de
l'humanité : Nous disons, et c'est notre doctrine, que
l'espèce humaine est solidaire dans l'existence du
vaste monde et que nulle race, nul peuple n'a le droit
ou le pouvoir de s'isoler égoïstement des mouvements
ou des nécessités de cette vie totale. L'humanité
totale doit pouvoir jouir de la richesse totale répandue
(1) Op. cit.
sur la planète, et nulle appropriation, fût-elle millé-
naire, ne peut invoquer la prescription contre le droit
de l'univers d'utiliser les ressources offertes en tous
lieux par la nature à la satisfaction légitimé des be-
soins des êtres vivants...
« Mais... la logique immédiate du principe posé no us
conduit impérieusement à vouloir que les premiers
bénéficiaires de cette mise en valeur soient ceux-là
mêmes que nous paraissons dépouiller de leur patri-
moine... Nous considérons que, si*le droit de la
colonisation est en effet de suppléer l'incapable pour
l'utilisation générale de ses domaines, nous avons
l'obligation, dans le même temps, de prendre charge de
cet incapable, de .ce frère attardé, de cet homme de cou-
leur, pour le mettre lui aussi en valeur, le cultiver
physiquement et moralement, le protéger contre lui-
même et contre les misères qui l'assaillent, l'instruire,
l'éduquer et l'habituer à devenir notre associé dans
la gestion et les bénéfices du patrimoine commun... »
Ces principes sont ceux de notre administration en
Afrique équatoriale française. Nos œuvres d'assis-
tance médicale et de lutte contre la maladie du som-
meil fonctionnent avec beaucoup d'activité, dans la
limite de nos ressources en médecins et en argent.
.11 convient de relever, et c'est le signe heureux d'un
esprit nouveau, que les employeurs français en Afrique
équatoriale française, secondent l'administration dans
ce sens.
« Je suis heureux de signaler, a dit le gouverneur
général, que l'Union forestière africaine, dont M. Petit
est administrateur, a décidé — suivant en
cela, et sur des bases beaucoup plus larges,
l'exemple du Consortium des grands
réseaux et de la Minière de Mindouli —
de bâtir à Libreville un hôpital entière-
ment équipé, pour lequel .elle prévoit
une dépense de 1 500 000 francs, et dont
les travaux sont déjà commencés. »
Quant à l'enseignement des indigènes,
presque tout est encore à faire. Que sont
enr effet les 50 écoles qui ont fonctionné
en. 1928, comptant en tout 77 classes et
2 985 élèves? Les écoles de village sont
en voie de réorganisation, et le gouver-
neur général a mis à l'étude un projet
de création d'une classe d'élèves-maîtres
indigènes, destinée à fournir aux colonies
du groupe des auxiliaires qualifiés.
Mais, avant tout, il faut nourrir le
noir. Le développement des cultures vi-
vrières commence à porter ses fruits.
Depuis trois ans, fait nouveau dans son
histoire, aucune famine n'a sévi en
Afrique équatoriale française, et, si l'ali-
mentation de nos populations indigènes
reste encore trop peu variée, insuffisante
notamment en produits azotés, on peut
dire que partout elle est actuellement
suffisante en quantité.
Les noirs de l'Afrique .équatorialè
française nous savent-ils au moins gré
du bien-être et du confort que nous
nous efforçons de leur apporter, et pou-
vons-nous compter sur leur loyale colla-
boration?
A cette question, il faut répondre har-
diment : oui. Nous avons apporté la paix
française aux noirs de notre Afrique -
équatoriale. Ils vivent en paix entre
eux et en paix avec nous.
Les bruits d'une prétendue révolte
survenue dans le Sangha, et rapportés récemment
par des passagers belges, débarqués à Anvers et ren-
trant du Congo belge, ont été depuis réduits à leur
juste portée, qui est très limitée.
La mort de l'agitateur Karinou a contribué à ràme-
ner le calme dans la Haute Sangha.
Les mœurs et la mentalité primitive des tribus qui
peuplent cette contrée, où l'autorité française n.'es",
représentée que par un nombre très restreint de fonc-
tionnaires, ont seuls permis ces incidents.
Il faut en déduire que le personnel dont nous dis-
posons ne correspond pas encore à ce qui serait néces-
saire pour administrer effectivement des territoires
cinq fois grands comme la France.
La conclusion des pages qui vont suivre et qui, nous
l'espérons, seront lues attentivement, comme- elles
méritent de l'être, est celle même du discours de
M. Antonetti au Conseil du Gouvernement en 1927 :
« L'œuvre qui s'édifie dans ce pays aux ressources
multiples est une grande fresque à peine ébauchée,
aux multiples aspects. Quand il s'agit de nos colonies,
et par l'effet d'un daltonisme un peu spécial, l'opinion
métropolitaine semble avoir tendance 'à n'en apercevoir
que les taches sombres. Il en existe évidemment,
mais elles sont bien peu de chose à côté des parties
lumineuses, et ces taches- noires seraient peut-être
moins nombreuses si les moyens mis à notre disposi-
tion étaient moins disproportionnés avec l'œuvre à
accomplir, dont on méconnaît la grandeur. Il n'est
pas téméraire, en effet, de penser qu'aux yeux de
l'avenir, la conquête et la mise en valeur économique
de l'Afrique, pour son profit et celui du monde civi-
lisé, restera un des grands faits historiques de notre
époque. »
XX.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.29%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.29%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 5/32
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k9745733z/f5.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k9745733z/f5.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k9745733z/f5.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k9745733z
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k9745733z
Facebook
Twitter