Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-10-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 octobre 1929 01 octobre 1929
Description : 1929/10/01 (A7,N74)-1929/10/31. 1929/10/01 (A7,N74)-1929/10/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9745726t
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/09/2016
No 74- — OCTOBRE 1929 -. I,E MONDE COLONIAL ILLUSTRA - 253
DANS LE GRAND ATLAS DE TÉLOCJET ET L'OUNILA
Maroc. — Dans le grand Atlas : L'imposante et légendaire kasbah de Telouet.
[texte_manquant]
AJI delà la fête aveu-
glante du feu se
jouant sur les foules
orientales de Djema
el Fna, se dressent,
parfois irréelles
comme un mirage, . parfois
altières comme des guerriers mystérieux et inacces-
sibles, les cimes neigeuses du Grand Atlas.
Nombreux, aujourd'hui, sont ceux qui se sont
laissé tenter par ses « vallées noyées d'ombre »
toutes frissonnantes d'austérité et ses kasbahs médié-
vales pleines de risques pittoresques. Le touriste digne
de ce nom, passager rapide ou séjournant, ne quitte
plus Marrakech avant d'être « allé en montagne ».
Cependant, fort peu de ceux parvenus au faîte enneigé
du Tizi n'Tichka (2 200 mètres), d'où la vue plonge
sur les versants ocrés -et les grandes étendues saha-
riennes nimbées de diffuses clartés, ont encore
glissé dans ce pays récemment ouvert à l'Européen,
pays tout imprégné de légendes et peuplé d'inconnu.
Il y a pourtant là, tout proche, le plus étonnant
spectacle qu'il soit possible de contempler.
Tout à coup, à un tournant de la route, se développe
devant nos yeux étonnés et confondus un étrange et
grandiose panorama. L'imposante et légendaire
kasbah de Telouet, berceau des Glaoua, grands sei-
gneurs de l'Atlas, est là, à notre portée, largement
étalée sur le vert vif de ses terrasses cultivées, sertie
dans le plus prestigieux'des cirques de hauts monts
pointant vers le ciel leurs grands pans flambés de
brun rouge, écharpés de névés éblouissants. Au sortir
du palace de la Mamounia, sans autre
transition que l'émerveillement continu
de cinq modestes heures de route, nous
venons de pénétrer dans la féerique évo-
cation d'un âge disparu.
Avec ses multiples enceintes rehaussées
de badigeons blancs et d'étranges orne-
mentations primitives, avec sa. cinquan-
taine de tours chevronnées d'échàuguettes
et de mâchicoulis, ses centaines de meur-
trières sournoises, ses mille créneaux
polyédriques, Dar Caïd Glaouï est bien
fait pour que s'engendrent dans nos
esprits les plus lyriques des contes des
Mille et une Nuits. Lorsque nous traver-
sons son labyrinthe de cours intérieures,
nous n'avons aucune. peine à nous ima-
giner derrière ses portes massives tous les
sombres mystères de Telouet : son harem
aux cinq cents femmes, ses oubliettes où
se^ jouaient hier encore, dit-on, des
scènes effroyables.
Mais, Si Hamou, grand caïd et maître
de céans, est là pour nous rappeler à une
plus aimable et moins effarouchante
réalité. A sa suite, nous parcourons une
galerie aux sveltes et élégantes colon-
nades et pénétrons dans le plus délicieux
des patios. Les orangers en fleurs, l'eau
ruisselant d'une vasque en fil ténu, les
traînées de soleil divaguant sur la fine
mosaïque, font, ici, un étrange contraste
avec le sévère appareil guerrier que nous
avons entrevu à l'arrivée. Notre éton-
nement sera à son comble lorsque, à
croupetons, nous ferons honneur à une
savoureuse^ et délicate diffa servie entre
un piano à queue, une table- Louis XV
chargée de revues et de journaux, devant
une énorme pendule Empire dont la boîte
à musique nous comblera, de quart d'heure en quart
d'heure, de tous les airs de chansons à la mode
de 1913.
En vérité, sans qu'il soit besoin de nous expatrier
au Hoggàr, n'y a-t-il pas dans ces seuls contrastes de
quoi fournir à notre imagination la trame du plus
étrange des romans?
Au jour, le lendemain, après avoir pris congé de
notre hôte, nous pénétrons à nouveau dans ce pays
mystérieux par le vaste espace, à la fois cour d'hon-
neur et place d'armes, que nous traversions la veille.
Autour de nous, c'est un grouillement de familiers du
lieu et de leurs hôtes de passage, bêtes et gens mon-
tant ou descendant du col. Sur la grande voie condui-
sant du Sud aux souks et fondouks de Marrakech,
Telouet reste, malgré la route, le gîte d'étape, le
caravansérail où les caravaniers s'arrêtent pour la
nuit. Et, accroupis à 'terre, nous reconnaissons les
faces sculpturales rencontrées la veillé, les mêmes
gestes pleins de noblesse, les mêmes ânons chargés
d'énormes couffins de thé et de sucre, de dattes et de
roses séchées. Sur un terre-plein, des femmes dévoilées
tressent les motifs rouge vif du sombre r'liff
glaoua.
Sous les regards de toute une foule juchée sur les
terrasses, nous montons en selle, et nous voilà bientôt
trottinant vers la vallée de l'Ounila, où nous convient
d'autres merveilles.
Après Telouet, c'est à l'Ounila, en effet, qu'il
convient de se rendre si l'on veut achever honnêtement
la tournée entreprise. Une heure quarante-cinq de
sghriga (1) n'est pas faite pour
arrêter un .touriste assoiffé de
visions nouvelles, désireux
d'emporter de sa course
d'inoubliables impressions, ou
simplement curieux de son
naturel.
Pans d'éboulis piquetés de thuyas vert sombre,
arêtes rocheuses aux vives bigarrures, champs de
neige suspendus, forment, alentour, un magnifique
triptyque. Laissant. divaguer notre esprit, comme
vont nos mules, nous pourrions nous croire pèlerinant
dans quelque coin des Alpes méridionales. Mais, sou-
dain, une ruée de cavaliers jaillit sur la piste, se
précipite, nous dépasse dans un crépitement de coups
de feu et disparaît dans un tintamarre effroyable.
Nous devons à ces bruyants chasseurs, de mouflons un'
brusque retour à la réalité. Nous ne saurions d'ail-
leurs nous en plaindre, tant celle-ci est séduisante.
Mais, enfin, dans ces gorges sauvages, si les temps
héroïques n'étaient révolus, n'aurions-nous pas eu
quelque raison de nous inquiéter de cette véritable
course à la mort au-dessus d'un abîme vertigineux et
de ces coups de moukhalas tirés à nos oreilles?
La petite pointe d'émotion que vient de nous donner
cet incident pittoresque est bien faite d'ailleurs pour
nous perméttre de mesurer à sa valeur tout le chemin
parcouru par nos officiers des Affaires indigènes dans
la pacification de la montagne.
Nous en sommes là de nos réflexions, auand un
(1) Vaste et confortable selle indigène.
Animiter de l'Ounila et ses kasbahs. Ensemble architectural le plus pittoresque, le plus étrange qu'on puisse rêver. ..
DANS LE GRAND ATLAS DE TÉLOCJET ET L'OUNILA
Maroc. — Dans le grand Atlas : L'imposante et légendaire kasbah de Telouet.
[texte_manquant]
AJI delà la fête aveu-
glante du feu se
jouant sur les foules
orientales de Djema
el Fna, se dressent,
parfois irréelles
comme un mirage, . parfois
altières comme des guerriers mystérieux et inacces-
sibles, les cimes neigeuses du Grand Atlas.
Nombreux, aujourd'hui, sont ceux qui se sont
laissé tenter par ses « vallées noyées d'ombre »
toutes frissonnantes d'austérité et ses kasbahs médié-
vales pleines de risques pittoresques. Le touriste digne
de ce nom, passager rapide ou séjournant, ne quitte
plus Marrakech avant d'être « allé en montagne ».
Cependant, fort peu de ceux parvenus au faîte enneigé
du Tizi n'Tichka (2 200 mètres), d'où la vue plonge
sur les versants ocrés -et les grandes étendues saha-
riennes nimbées de diffuses clartés, ont encore
glissé dans ce pays récemment ouvert à l'Européen,
pays tout imprégné de légendes et peuplé d'inconnu.
Il y a pourtant là, tout proche, le plus étonnant
spectacle qu'il soit possible de contempler.
Tout à coup, à un tournant de la route, se développe
devant nos yeux étonnés et confondus un étrange et
grandiose panorama. L'imposante et légendaire
kasbah de Telouet, berceau des Glaoua, grands sei-
gneurs de l'Atlas, est là, à notre portée, largement
étalée sur le vert vif de ses terrasses cultivées, sertie
dans le plus prestigieux'des cirques de hauts monts
pointant vers le ciel leurs grands pans flambés de
brun rouge, écharpés de névés éblouissants. Au sortir
du palace de la Mamounia, sans autre
transition que l'émerveillement continu
de cinq modestes heures de route, nous
venons de pénétrer dans la féerique évo-
cation d'un âge disparu.
Avec ses multiples enceintes rehaussées
de badigeons blancs et d'étranges orne-
mentations primitives, avec sa. cinquan-
taine de tours chevronnées d'échàuguettes
et de mâchicoulis, ses centaines de meur-
trières sournoises, ses mille créneaux
polyédriques, Dar Caïd Glaouï est bien
fait pour que s'engendrent dans nos
esprits les plus lyriques des contes des
Mille et une Nuits. Lorsque nous traver-
sons son labyrinthe de cours intérieures,
nous n'avons aucune. peine à nous ima-
giner derrière ses portes massives tous les
sombres mystères de Telouet : son harem
aux cinq cents femmes, ses oubliettes où
se^ jouaient hier encore, dit-on, des
scènes effroyables.
Mais, Si Hamou, grand caïd et maître
de céans, est là pour nous rappeler à une
plus aimable et moins effarouchante
réalité. A sa suite, nous parcourons une
galerie aux sveltes et élégantes colon-
nades et pénétrons dans le plus délicieux
des patios. Les orangers en fleurs, l'eau
ruisselant d'une vasque en fil ténu, les
traînées de soleil divaguant sur la fine
mosaïque, font, ici, un étrange contraste
avec le sévère appareil guerrier que nous
avons entrevu à l'arrivée. Notre éton-
nement sera à son comble lorsque, à
croupetons, nous ferons honneur à une
savoureuse^ et délicate diffa servie entre
un piano à queue, une table- Louis XV
chargée de revues et de journaux, devant
une énorme pendule Empire dont la boîte
à musique nous comblera, de quart d'heure en quart
d'heure, de tous les airs de chansons à la mode
de 1913.
En vérité, sans qu'il soit besoin de nous expatrier
au Hoggàr, n'y a-t-il pas dans ces seuls contrastes de
quoi fournir à notre imagination la trame du plus
étrange des romans?
Au jour, le lendemain, après avoir pris congé de
notre hôte, nous pénétrons à nouveau dans ce pays
mystérieux par le vaste espace, à la fois cour d'hon-
neur et place d'armes, que nous traversions la veille.
Autour de nous, c'est un grouillement de familiers du
lieu et de leurs hôtes de passage, bêtes et gens mon-
tant ou descendant du col. Sur la grande voie condui-
sant du Sud aux souks et fondouks de Marrakech,
Telouet reste, malgré la route, le gîte d'étape, le
caravansérail où les caravaniers s'arrêtent pour la
nuit. Et, accroupis à 'terre, nous reconnaissons les
faces sculpturales rencontrées la veillé, les mêmes
gestes pleins de noblesse, les mêmes ânons chargés
d'énormes couffins de thé et de sucre, de dattes et de
roses séchées. Sur un terre-plein, des femmes dévoilées
tressent les motifs rouge vif du sombre r'liff
glaoua.
Sous les regards de toute une foule juchée sur les
terrasses, nous montons en selle, et nous voilà bientôt
trottinant vers la vallée de l'Ounila, où nous convient
d'autres merveilles.
Après Telouet, c'est à l'Ounila, en effet, qu'il
convient de se rendre si l'on veut achever honnêtement
la tournée entreprise. Une heure quarante-cinq de
sghriga (1) n'est pas faite pour
arrêter un .touriste assoiffé de
visions nouvelles, désireux
d'emporter de sa course
d'inoubliables impressions, ou
simplement curieux de son
naturel.
Pans d'éboulis piquetés de thuyas vert sombre,
arêtes rocheuses aux vives bigarrures, champs de
neige suspendus, forment, alentour, un magnifique
triptyque. Laissant. divaguer notre esprit, comme
vont nos mules, nous pourrions nous croire pèlerinant
dans quelque coin des Alpes méridionales. Mais, sou-
dain, une ruée de cavaliers jaillit sur la piste, se
précipite, nous dépasse dans un crépitement de coups
de feu et disparaît dans un tintamarre effroyable.
Nous devons à ces bruyants chasseurs, de mouflons un'
brusque retour à la réalité. Nous ne saurions d'ail-
leurs nous en plaindre, tant celle-ci est séduisante.
Mais, enfin, dans ces gorges sauvages, si les temps
héroïques n'étaient révolus, n'aurions-nous pas eu
quelque raison de nous inquiéter de cette véritable
course à la mort au-dessus d'un abîme vertigineux et
de ces coups de moukhalas tirés à nos oreilles?
La petite pointe d'émotion que vient de nous donner
cet incident pittoresque est bien faite d'ailleurs pour
nous perméttre de mesurer à sa valeur tout le chemin
parcouru par nos officiers des Affaires indigènes dans
la pacification de la montagne.
Nous en sommes là de nos réflexions, auand un
(1) Vaste et confortable selle indigène.
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