Titre : La Dépêche coloniale illustrée
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-09-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327559237
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 septembre 1903 15 septembre 1903
Description : 1903/09/15 (A3,N17). 1903/09/15 (A3,N17).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743155v
Source : CIRAD, 2016-191284
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
LA DÉPÊCHE COLONIALE ILLUSTRÉE 235
les agents du fisc me prennent tout mon bien? Je
ne produis que pour vivre et nourrir ma famille,
et cela me suffit. » (deKerdrec-Cheny).
Heureux encore quand il peut vivre !
Charles de Foucauld, très impressionné , par
ces misères, nous en fait un tableau qui résume,
de sa touche vive et colorée, toute l'existence
du paysan indigène :
« Tristes régions où le gouvernement fait payer
- cher au peuple une sécurité qu'il ne lui donne
pas; où, entre les voleurs et le caïd, riches et
pauvres n'ont -point de répit ; où l'autorité ne
protège personne, menace les biens de tous;
où l'Etat encaisse toujours sansjamais faire la
moindre dépense pour l'agriculture, le commerce
ou le bien public; où là justice se vend, où l'in-
justice s'achète, où le travail de l'homme ne lui
profite pas.
« Ajoutez à cela l'usure pratiquée par les juifs,
et la prison pour dettes. Tel est le Blad-el-
Maghzen, c'est-à-dire le territoire soumis à l'au-
torité et soi-disant protégé par elle.
« On travaille le jour, il faut, veiller la nuit ;
ferme-t-on l'œil un instant, les maraudeurs en-
lèvent prestement bestiaux et récoltes. Toujours
sur le qui-vive. 1
« A force de fatigues et de soins
a-t-on sauvé les moissons ; les a-t-
on rentrées ? Il reste à les dérober
à la rapacilé du caïd. On se hâte de
les enfouir ; on crie misère, on
se plaint du manque de récolte.
Mais les émissaires veillent. Ils
vous ont vu aller au marché sans
acheter du grain, donc vous en
avez ? Vous voilà signalé. Vite une
troupe d'une vingtaine de Mok-
hanis arrive chez vous, fouille la
maison ou la tente, vide les silos,-
enlève tout ce qu'elle trouve, le blé
et le reste, troupeaux, esclaves, etc.
Cela vous apprendra à dissimuler.
Vous étiez riche le matin, vous
êtes pauvre le soir.
« Telle est l'histoire qu'on en-
tend à chaque pas. Aussi les tra-
vailleurs marocains qui fréquentent
nos chantiers et reviennent d'Algé-
rie, après les moissons, envient-ils
le sort de leurs voisins, les indigè-
nes de l'Oranie, sort qui leur, pa-
raît in\raisemblable. Pays, dit-il,
où il est si doux de vivre en paix et sans in-
quiétude, qu'on ait peu ou beaucoup. Les rou-
tes sûres, les chemins de fer rapides, le com-
merce facile et loyal, le respect de la propriété,
la paix et la justice pour tous, grands et pe-
o tits. » -
Et de Foucauld ajoute : cc Que leur pays si
misérable quoique si riche serait heureux dans
ces conditions ».
Le fisc marocain, s'ajoutant au banditisme 1
1. ARMÉE MAROCAINE, CAID M LA (CAPITAINE) 2. TYPE ARABE (A DROITE)
ET TYPE BERBÈRE — 3. LE MARQUIS DE SEGONZAO EN EXPLORATION AU MAROtl
— 4. FEMMES JUIVES ET LEUR ESCLAVE NOIRE — 5. TYPES JUIFS A MOGADOR
privé paralyse tous les labeurs et toutes les
initiatives.
L'agriculture se trouve encore arrêtée par le
défaut absolu de moyens de communications.
Certaines régions particulièrement fertiles
surproduiraient pour leur population, tandis que
non loin de là, les grains font défaut : impossi-
ble d'y parvenir, un large fleuve, une monta-
gne, des pillards arrêtent.
C'est ainsi que quelques famines ont été si
cruelles au Maroc.
Leur liste en est longue ; la dernière date de
1878. Elle s'établit à la suite d'une invasion de
sauterelles et de sécheresse, dans le Sous. Le
choléra, le typhus survinrent.
Mouley-Hassen ne prit guère de dispositions
pour conjurer ces divers fléaux. Il, ordonna bien,
des distributions de blé, mais les caïds prirent
tout pour eux. A Marrakech on vida les silos ;
ils ne contenaient que des poussières,les grains
déposés depuis 30 ans avaient été dévorés par
les insectes.
On a évalué le chiffre des victimes à 3 mil-
lions.
On sait qu'il est ordonné pour payer aux fa-
mines de réunir dans les silos, appelés mtamer
tout ce qu'on peut conserver de céréales.
En fait ces accumulations stupidesne servent
qu'au Maghzen et à ses gens ; et on ne l'a vu,
rarement, en livrer une partie que pressé par
la foule affamée.
Non seulement le sultan ne lente aucun effort
pour remédier à ces m,aux, mais
il envoie en outre ses chevaux et -
' ses soldats dans ses provinces les
moins touchées, forçant les habi-"
tants à se dépouiller du peu qu'il
leur reste pour les nourrir (Dr L.
Raynaud).
Loin d'encourager l'agriculture
en vue de développer sa produc-
tion, et ses bénéfices, on la res-
treint en interdisant aux Marocains
l'exportation des grains. On espère
par le ce moyen puéril retenir dans
e royaume des ressources pour les
temps de disette.
Cette prohibition a été levée une
première fois au XVIll8 siècle dans
- l'espoir de se procurer les moyens
de soutenir la lutte contre l'Espa-
gne ; une autre fois (1891-93) cette
mesure libérale a été annulée par
des droits excèssifs à la sortie. Enfin
en 1901 l'autorisation a été établie,
sous certaines réserves.
Productions ét cullures. végéta-
les. — Comme le constateM. A. Ber-
nard (Les Productions, l'Agriculture et l'Industrie
au Maroc) (1) « la flore du Maroc est encore
• trop imparfaitement connue pour qu'on puisse
déterminer exactement ses relations avec les.flo-
(1) Revue des Sciences pures et appliquées, Février, Mars,
1903.
les agents du fisc me prennent tout mon bien? Je
ne produis que pour vivre et nourrir ma famille,
et cela me suffit. » (deKerdrec-Cheny).
Heureux encore quand il peut vivre !
Charles de Foucauld, très impressionné , par
ces misères, nous en fait un tableau qui résume,
de sa touche vive et colorée, toute l'existence
du paysan indigène :
« Tristes régions où le gouvernement fait payer
- cher au peuple une sécurité qu'il ne lui donne
pas; où, entre les voleurs et le caïd, riches et
pauvres n'ont -point de répit ; où l'autorité ne
protège personne, menace les biens de tous;
où l'Etat encaisse toujours sansjamais faire la
moindre dépense pour l'agriculture, le commerce
ou le bien public; où là justice se vend, où l'in-
justice s'achète, où le travail de l'homme ne lui
profite pas.
« Ajoutez à cela l'usure pratiquée par les juifs,
et la prison pour dettes. Tel est le Blad-el-
Maghzen, c'est-à-dire le territoire soumis à l'au-
torité et soi-disant protégé par elle.
« On travaille le jour, il faut, veiller la nuit ;
ferme-t-on l'œil un instant, les maraudeurs en-
lèvent prestement bestiaux et récoltes. Toujours
sur le qui-vive. 1
« A force de fatigues et de soins
a-t-on sauvé les moissons ; les a-t-
on rentrées ? Il reste à les dérober
à la rapacilé du caïd. On se hâte de
les enfouir ; on crie misère, on
se plaint du manque de récolte.
Mais les émissaires veillent. Ils
vous ont vu aller au marché sans
acheter du grain, donc vous en
avez ? Vous voilà signalé. Vite une
troupe d'une vingtaine de Mok-
hanis arrive chez vous, fouille la
maison ou la tente, vide les silos,-
enlève tout ce qu'elle trouve, le blé
et le reste, troupeaux, esclaves, etc.
Cela vous apprendra à dissimuler.
Vous étiez riche le matin, vous
êtes pauvre le soir.
« Telle est l'histoire qu'on en-
tend à chaque pas. Aussi les tra-
vailleurs marocains qui fréquentent
nos chantiers et reviennent d'Algé-
rie, après les moissons, envient-ils
le sort de leurs voisins, les indigè-
nes de l'Oranie, sort qui leur, pa-
raît in\raisemblable. Pays, dit-il,
où il est si doux de vivre en paix et sans in-
quiétude, qu'on ait peu ou beaucoup. Les rou-
tes sûres, les chemins de fer rapides, le com-
merce facile et loyal, le respect de la propriété,
la paix et la justice pour tous, grands et pe-
o tits. » -
Et de Foucauld ajoute : cc Que leur pays si
misérable quoique si riche serait heureux dans
ces conditions ».
Le fisc marocain, s'ajoutant au banditisme 1
1. ARMÉE MAROCAINE, CAID M LA (CAPITAINE) 2. TYPE ARABE (A DROITE)
ET TYPE BERBÈRE — 3. LE MARQUIS DE SEGONZAO EN EXPLORATION AU MAROtl
— 4. FEMMES JUIVES ET LEUR ESCLAVE NOIRE — 5. TYPES JUIFS A MOGADOR
privé paralyse tous les labeurs et toutes les
initiatives.
L'agriculture se trouve encore arrêtée par le
défaut absolu de moyens de communications.
Certaines régions particulièrement fertiles
surproduiraient pour leur population, tandis que
non loin de là, les grains font défaut : impossi-
ble d'y parvenir, un large fleuve, une monta-
gne, des pillards arrêtent.
C'est ainsi que quelques famines ont été si
cruelles au Maroc.
Leur liste en est longue ; la dernière date de
1878. Elle s'établit à la suite d'une invasion de
sauterelles et de sécheresse, dans le Sous. Le
choléra, le typhus survinrent.
Mouley-Hassen ne prit guère de dispositions
pour conjurer ces divers fléaux. Il, ordonna bien,
des distributions de blé, mais les caïds prirent
tout pour eux. A Marrakech on vida les silos ;
ils ne contenaient que des poussières,les grains
déposés depuis 30 ans avaient été dévorés par
les insectes.
On a évalué le chiffre des victimes à 3 mil-
lions.
On sait qu'il est ordonné pour payer aux fa-
mines de réunir dans les silos, appelés mtamer
tout ce qu'on peut conserver de céréales.
En fait ces accumulations stupidesne servent
qu'au Maghzen et à ses gens ; et on ne l'a vu,
rarement, en livrer une partie que pressé par
la foule affamée.
Non seulement le sultan ne lente aucun effort
pour remédier à ces m,aux, mais
il envoie en outre ses chevaux et -
' ses soldats dans ses provinces les
moins touchées, forçant les habi-"
tants à se dépouiller du peu qu'il
leur reste pour les nourrir (Dr L.
Raynaud).
Loin d'encourager l'agriculture
en vue de développer sa produc-
tion, et ses bénéfices, on la res-
treint en interdisant aux Marocains
l'exportation des grains. On espère
par le ce moyen puéril retenir dans
e royaume des ressources pour les
temps de disette.
Cette prohibition a été levée une
première fois au XVIll8 siècle dans
- l'espoir de se procurer les moyens
de soutenir la lutte contre l'Espa-
gne ; une autre fois (1891-93) cette
mesure libérale a été annulée par
des droits excèssifs à la sortie. Enfin
en 1901 l'autorisation a été établie,
sous certaines réserves.
Productions ét cullures. végéta-
les. — Comme le constateM. A. Ber-
nard (Les Productions, l'Agriculture et l'Industrie
au Maroc) (1) « la flore du Maroc est encore
• trop imparfaitement connue pour qu'on puisse
déterminer exactement ses relations avec les.flo-
(1) Revue des Sciences pures et appliquées, Février, Mars,
1903.
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