Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-01-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1929 01 janvier 1929
Description : 1929/01/01-1929/01/31. 1929/01/01-1929/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743138b
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Page 10
Les Annales Coloniales
arcades aveugles, comme pour murer ,la vie in-
time. Une sorte de mystère ambiant trame en-
core, semble-t-il, de romanesques et sanglantes
légendes entre l'or de Tombouctou, le yatagan
berbère et les « Lalla » voilées.
Une dernière porte s'ouvre, comme une toile
se lève, sur un décor prodigieusement luxueux :
découpures d'une délicatesse inouïe, broderies
sans fin, ornements à jour rehaussés de couleur
et d or. Toutes les surfaces sont ouvrées comme
des tapis de Perse et fleuries à la façon des
châles des Indes. Le plafond arabe, fait de
niches en miniatures, de stalactites géométri-
ques, prend l'aspect d'une grotte et donne une
inoubliable impression de fraîcheur.
La mélancolie règne entre le cèdre peint et
sculpté, 1 'émail, les fontaines au centre des jar-
dins, les orangers, les ibiscus, les bananiers, les
roses et les jasmins doubles.
Peut-être ces yeux de fleurs, en pétales ou
en zelliges comme ceux des précieuses houris,
doivent-ils demeurer soigneusement cachés à la
curiosité des profanes ?
« Mes cinq doigts dans ton œil. » — Je
viens d apprendre que les djinns vivent confor-
tablement installés sous ma
paupière et la marmaille
tondue a lancé contre moi
les paroles sacrées de l'exor-
cisme. Les ai-je trop lon-
guement regardés ? C'est
possible. Les enfants en
robe longue sont si jolis en
dépit de la teigne qui les
afflige. (Heureusement que
l assistance médicale, sous
la direction du docteur Co-
lombani est à la hauteur de
sa tâche!)
Les rues de Marrakech
offrent un bel exemple de
mouvement perpétuel dans
l'intense circulation de ce
peuple pieds nus. Beau-
coup sont vêtus comme les
serfs du treizième siècle
d une chemise-sac serrée à
la taille.
« Balek... balek... » Per-
sonne ne s'inquiète de sa-
voir si vous entendez et com-
prenez « Balek ». Ce mot
magique supprime les em-
bouteillages de la voie pu-
blique, car rien ne s'arrête,
ni pieds, ni pattes, ni roues. Le museau tiède
et humide de l'âne, le genou souple du mulet,
le cou articulé du chameau, repoussent le pié-
ton vers les étalages de dattes fraîches et les
pains coniques de graisse. Un blanc coursier
arabe monté par un seigneur de l'Atlas en cos-
tume d'apparat, caracole avec autant d'aisance
que sur une piste de cirque, entre les automo-
biles, les bicyclettes, les motocyclettes ; le
marchand d'eau, l'outre en peau de chèvre sur
le dos, tient le milieu de la chaussée et les en-
terrements, les mariages, les cortèges à l'occa-
sion de la circoncision musulmane, débouchent
sur la frénétique place Djemaa el Fna. — Dje-
maa el Fna ! le plus extraordinaire déballage
humain qui se puisse concevoir. Tous les ta-
lents, tous les commerces, toutes les gales, tou-
tec les couleurs de peau s'exhibent sous des
flots de loques qui sont des tentes bleues, jau-
nes, rouges eue domine la tête montée des cha-
meaux. A l'abri des échoppes de fortune, le
barbier rase avec un couteau ébréché, sa dexté-
rité à tondre tient du miracle, il est médecin,
dentiste, oculiste selon les besoins de la clientèle.
Un marchand, planté comme un mannequin de
cire à 1 'étalage, somnole au centre de ses tas
d'oranges, de citrons, de dattes, de grenades,
des mouches se posent sur les fruits éclatés et
toutes gluantes du sucre des dattes, elles sé-
journent sur les yeux purulents du marchand
endormi en Allah.
Colporteurs de cotonnades, et de fer blanc,
bijoutiers de pacotilles, cordonniers de souliers
incurables, raccommodeuses de hardes désespé-
rées, sur cette foire endiablée, ivre de couleurs,
de mouvement et de bruits, qui sent le chien
mouillé, le suint de mouton, l'huile rance, la
sueur des hommes et des bêtes, le crottin
d'ânes, l'encens et le délicieux thé à la men-
the, tout le monde vend et achète quelque cho-
se, et n'importe quoi, entre le marabout un
gros chapelet d'ambre aux doigts et les très
jeunes danseurs Chleuh en surplis d'enfants de
chœur.
Quel regret de ne passer que quelques mi-
nutes là où il faudrait séjourner des heures. A
la vitesse d'un dromadaire en course, nous tra-
versons les souks.
Ah ! l'extraordinaire marché-labyrinthe avec
des allées couvertes de palmes et de roseaux,
bordées d'échoppes en bois où tout le jour, ac-
croupi sur son étalage, le vendeur couve sa
marchandise.
Depuis combien de siècles cette activité pri-
mitive est-elle figée dans ces bahuts souvent
fendus par d'inquiétantes lézardes et qui ne
tiennent debout que par miracle. On patauge
Meknès. — Pavillon dans le jardin d'essai Photo Ch. Mourey.
dans la boue, il faut disputer le chemin aux
ânes, aux cavaliers, aux chameaux, à la foule,
aux chiens affamés chasseurs de rats. Les ven-
deurs de babouches occupent des placards ta-
pissés d'or et de broderies par toutes les san-
dales, vertes, oranges et blanches, à la mode
des héros du Trésor de Bagdad.
Le Souk des forgerons date de Tubalcaïn
constructeur de la tour de Babel — et les tein-
turiers pavoisent leurs cours d'écheveaux de
laine et de soie ; le vert, le jaune-safran, le
rouge, le bleu, sortent des cuves fumantes, au
fond des soupentes, selon les procédés en usage
à Tyr 2.500 ans avant J.-C.
Bâtie aux portes du désert, Marrakech la Do-
rée exerce un irrésistible attrait sur les tribus
nomades. De la mer de feu et de sable où l'ho-
rizon sans obstacle coud le ciel à la terre, les
caravanes arrivent avides de plaisirs après des
mois et des mois de privations et le trafic des
marchandises se fait entre Djemaa el Fna et
les Souks. j
Parfois un phonographe sonne une manière
d ' hallali... Comment prédire la durée de ces
coutumes cernées par la formidable machinerie
de notre siècle. L'électricité est devenue une
habitude,, elle coule dans les Veines arabes, le
fer blanc, la porcelaine remplacent l'antioue
vaisselle de terre et I art se perd de tourner les
petites écuelles rougeâtres semblables à celles
trouvées à Herculanum. La lézarde s'agrandit,
des blocs s'effondrent, parmi toutes ces formes
périmées d'existence. Qu'en décideront les en-
fants en robes longues ? Ils écoutent, regardent,
mendient, observent plus qu'ils ne jouent. Ils
ne croient guère ni en Jéhovah, ni en Allah et
s'emploient volontiers chez les Européens, tou-
tes les fois où 1 occasion s'en présente. Qui sait
jusqu'à quel point la civilisation arabe est mi-
née par l'anarchie des tribus et l'inertie des in-
dividus ? Toute une race s'est enlisée dans les
versets stagnants du Coran.
Les enfants en robes longues, mangeurs de
tartines à l'huile, oublieront peut-être les beaux
soirs de^ Marrakech à l'heure où l'Atlas n'est
plus qu une nuée au flanc noir, dans quelques
bureaux de la Métropole, entre la machine à
écrire et les cours de la Bourse.
Je pense au glissement silencieux des civili-
sations. Les grandes étapes de l'humanité ne
s inscrivent ni par siècle, ni par régime politi-
que, ni par conquête légendaire, mais plutôt
par la répercussion (lentement pénétrante) dans
les mœurs de telle évolution rurale, industriel-
le. financière.
Que reste-t-il des Grands Emirs Saadiens ?
de mélancoliques cercueils ivoirins oubliés dans
la pénombre d'une chambre
merveilleuse, entre les orties
et les dalles brisées.
Tandis que le chemin de
fer et les autocars poursui-
vent la conquête méthodique
des routes du Sud, vers
Tombouctou, la gloire saa-
dienne de Moulay Ahsmed
El Mansour le Doré, ne
fait plus vivre (de quelques
sous) que le gardien berbère
des minces et magnifiques
tombes.
MEKNÈS
Je n'oublierai pas l'émo-
tion éprouvée devant les rui-
nes, dominatrices encore, de
la ville de Moulay Ismaël
le Magnifique. A perte de
vue s'étendent des colonnes
massives, couleur de sang
séché. Vers le zénith d'un
bleu cru, elles s'enlèvent
d'un tel élan d'apothéose
qu 'on s'intéresse passionné-
ment au passé de ce monde
fini.
C est que Moulay Ismaël voulut bâtir une
Meknès à la taille de Versailles. La gloire de
Louis XIV faisait rêver cet homme étrange,
d une avarice sordide, mais grandiose en ses
desseins, cruel envers ses sujets, et cependant
plus entiché de Mahométisme que le Prophète
lui-même. Il allait, pieds nus, parmi son peu-
ple et lui enseignait la loi.
Tandis que Mme de Maintenon employait
son crédit à faire légitimer les bâtards de sang
royal, sous les oliviers de Meknès, tout en
mangeant son méchoui, assis, solitaire, sur une
peau de mouton, Ismaël le Magnifique son-
geait avec amour à la brillante princesse de
Conti, fille de la très prolifique Mme de Mon-
tespan.
Avant de demander en mariage cette pré-
cieuse main que les Mémoires nous peignent
d 'un dessin très parfait, il présidait lui-même
à la réalisation de sa conception gigantesque :
quarante kilomètres de remparts, des palais,
des mosquées, des écuries et des greniers.
Le chef-d 'œuvre de Meknès est encore à
l heure actuelle la porte monumentale Bab-el-
Mansour, profonde et haute comme une nef de
cathédrale, rayonnante de stuc taillé, de bri-
ques, de marbre, de mosaïque. L'arc outre-
passé symbole de l'hégire, supporte un fronton
fastueux qui accuse toujours sa première ori-
gine, à la mode de Byzance.
Versailles s'élevait dans Meknès et la prin-
cesse de Conti n'arrivait pas. L'humeur du ter-
Les Annales Coloniales
arcades aveugles, comme pour murer ,la vie in-
time. Une sorte de mystère ambiant trame en-
core, semble-t-il, de romanesques et sanglantes
légendes entre l'or de Tombouctou, le yatagan
berbère et les « Lalla » voilées.
Une dernière porte s'ouvre, comme une toile
se lève, sur un décor prodigieusement luxueux :
découpures d'une délicatesse inouïe, broderies
sans fin, ornements à jour rehaussés de couleur
et d or. Toutes les surfaces sont ouvrées comme
des tapis de Perse et fleuries à la façon des
châles des Indes. Le plafond arabe, fait de
niches en miniatures, de stalactites géométri-
ques, prend l'aspect d'une grotte et donne une
inoubliable impression de fraîcheur.
La mélancolie règne entre le cèdre peint et
sculpté, 1 'émail, les fontaines au centre des jar-
dins, les orangers, les ibiscus, les bananiers, les
roses et les jasmins doubles.
Peut-être ces yeux de fleurs, en pétales ou
en zelliges comme ceux des précieuses houris,
doivent-ils demeurer soigneusement cachés à la
curiosité des profanes ?
« Mes cinq doigts dans ton œil. » — Je
viens d apprendre que les djinns vivent confor-
tablement installés sous ma
paupière et la marmaille
tondue a lancé contre moi
les paroles sacrées de l'exor-
cisme. Les ai-je trop lon-
guement regardés ? C'est
possible. Les enfants en
robe longue sont si jolis en
dépit de la teigne qui les
afflige. (Heureusement que
l assistance médicale, sous
la direction du docteur Co-
lombani est à la hauteur de
sa tâche!)
Les rues de Marrakech
offrent un bel exemple de
mouvement perpétuel dans
l'intense circulation de ce
peuple pieds nus. Beau-
coup sont vêtus comme les
serfs du treizième siècle
d une chemise-sac serrée à
la taille.
« Balek... balek... » Per-
sonne ne s'inquiète de sa-
voir si vous entendez et com-
prenez « Balek ». Ce mot
magique supprime les em-
bouteillages de la voie pu-
blique, car rien ne s'arrête,
ni pieds, ni pattes, ni roues. Le museau tiède
et humide de l'âne, le genou souple du mulet,
le cou articulé du chameau, repoussent le pié-
ton vers les étalages de dattes fraîches et les
pains coniques de graisse. Un blanc coursier
arabe monté par un seigneur de l'Atlas en cos-
tume d'apparat, caracole avec autant d'aisance
que sur une piste de cirque, entre les automo-
biles, les bicyclettes, les motocyclettes ; le
marchand d'eau, l'outre en peau de chèvre sur
le dos, tient le milieu de la chaussée et les en-
terrements, les mariages, les cortèges à l'occa-
sion de la circoncision musulmane, débouchent
sur la frénétique place Djemaa el Fna. — Dje-
maa el Fna ! le plus extraordinaire déballage
humain qui se puisse concevoir. Tous les ta-
lents, tous les commerces, toutes les gales, tou-
tec les couleurs de peau s'exhibent sous des
flots de loques qui sont des tentes bleues, jau-
nes, rouges eue domine la tête montée des cha-
meaux. A l'abri des échoppes de fortune, le
barbier rase avec un couteau ébréché, sa dexté-
rité à tondre tient du miracle, il est médecin,
dentiste, oculiste selon les besoins de la clientèle.
Un marchand, planté comme un mannequin de
cire à 1 'étalage, somnole au centre de ses tas
d'oranges, de citrons, de dattes, de grenades,
des mouches se posent sur les fruits éclatés et
toutes gluantes du sucre des dattes, elles sé-
journent sur les yeux purulents du marchand
endormi en Allah.
Colporteurs de cotonnades, et de fer blanc,
bijoutiers de pacotilles, cordonniers de souliers
incurables, raccommodeuses de hardes désespé-
rées, sur cette foire endiablée, ivre de couleurs,
de mouvement et de bruits, qui sent le chien
mouillé, le suint de mouton, l'huile rance, la
sueur des hommes et des bêtes, le crottin
d'ânes, l'encens et le délicieux thé à la men-
the, tout le monde vend et achète quelque cho-
se, et n'importe quoi, entre le marabout un
gros chapelet d'ambre aux doigts et les très
jeunes danseurs Chleuh en surplis d'enfants de
chœur.
Quel regret de ne passer que quelques mi-
nutes là où il faudrait séjourner des heures. A
la vitesse d'un dromadaire en course, nous tra-
versons les souks.
Ah ! l'extraordinaire marché-labyrinthe avec
des allées couvertes de palmes et de roseaux,
bordées d'échoppes en bois où tout le jour, ac-
croupi sur son étalage, le vendeur couve sa
marchandise.
Depuis combien de siècles cette activité pri-
mitive est-elle figée dans ces bahuts souvent
fendus par d'inquiétantes lézardes et qui ne
tiennent debout que par miracle. On patauge
Meknès. — Pavillon dans le jardin d'essai Photo Ch. Mourey.
dans la boue, il faut disputer le chemin aux
ânes, aux cavaliers, aux chameaux, à la foule,
aux chiens affamés chasseurs de rats. Les ven-
deurs de babouches occupent des placards ta-
pissés d'or et de broderies par toutes les san-
dales, vertes, oranges et blanches, à la mode
des héros du Trésor de Bagdad.
Le Souk des forgerons date de Tubalcaïn
constructeur de la tour de Babel — et les tein-
turiers pavoisent leurs cours d'écheveaux de
laine et de soie ; le vert, le jaune-safran, le
rouge, le bleu, sortent des cuves fumantes, au
fond des soupentes, selon les procédés en usage
à Tyr 2.500 ans avant J.-C.
Bâtie aux portes du désert, Marrakech la Do-
rée exerce un irrésistible attrait sur les tribus
nomades. De la mer de feu et de sable où l'ho-
rizon sans obstacle coud le ciel à la terre, les
caravanes arrivent avides de plaisirs après des
mois et des mois de privations et le trafic des
marchandises se fait entre Djemaa el Fna et
les Souks. j
Parfois un phonographe sonne une manière
d ' hallali... Comment prédire la durée de ces
coutumes cernées par la formidable machinerie
de notre siècle. L'électricité est devenue une
habitude,, elle coule dans les Veines arabes, le
fer blanc, la porcelaine remplacent l'antioue
vaisselle de terre et I art se perd de tourner les
petites écuelles rougeâtres semblables à celles
trouvées à Herculanum. La lézarde s'agrandit,
des blocs s'effondrent, parmi toutes ces formes
périmées d'existence. Qu'en décideront les en-
fants en robes longues ? Ils écoutent, regardent,
mendient, observent plus qu'ils ne jouent. Ils
ne croient guère ni en Jéhovah, ni en Allah et
s'emploient volontiers chez les Européens, tou-
tes les fois où 1 occasion s'en présente. Qui sait
jusqu'à quel point la civilisation arabe est mi-
née par l'anarchie des tribus et l'inertie des in-
dividus ? Toute une race s'est enlisée dans les
versets stagnants du Coran.
Les enfants en robes longues, mangeurs de
tartines à l'huile, oublieront peut-être les beaux
soirs de^ Marrakech à l'heure où l'Atlas n'est
plus qu une nuée au flanc noir, dans quelques
bureaux de la Métropole, entre la machine à
écrire et les cours de la Bourse.
Je pense au glissement silencieux des civili-
sations. Les grandes étapes de l'humanité ne
s inscrivent ni par siècle, ni par régime politi-
que, ni par conquête légendaire, mais plutôt
par la répercussion (lentement pénétrante) dans
les mœurs de telle évolution rurale, industriel-
le. financière.
Que reste-t-il des Grands Emirs Saadiens ?
de mélancoliques cercueils ivoirins oubliés dans
la pénombre d'une chambre
merveilleuse, entre les orties
et les dalles brisées.
Tandis que le chemin de
fer et les autocars poursui-
vent la conquête méthodique
des routes du Sud, vers
Tombouctou, la gloire saa-
dienne de Moulay Ahsmed
El Mansour le Doré, ne
fait plus vivre (de quelques
sous) que le gardien berbère
des minces et magnifiques
tombes.
MEKNÈS
Je n'oublierai pas l'émo-
tion éprouvée devant les rui-
nes, dominatrices encore, de
la ville de Moulay Ismaël
le Magnifique. A perte de
vue s'étendent des colonnes
massives, couleur de sang
séché. Vers le zénith d'un
bleu cru, elles s'enlèvent
d'un tel élan d'apothéose
qu 'on s'intéresse passionné-
ment au passé de ce monde
fini.
C est que Moulay Ismaël voulut bâtir une
Meknès à la taille de Versailles. La gloire de
Louis XIV faisait rêver cet homme étrange,
d une avarice sordide, mais grandiose en ses
desseins, cruel envers ses sujets, et cependant
plus entiché de Mahométisme que le Prophète
lui-même. Il allait, pieds nus, parmi son peu-
ple et lui enseignait la loi.
Tandis que Mme de Maintenon employait
son crédit à faire légitimer les bâtards de sang
royal, sous les oliviers de Meknès, tout en
mangeant son méchoui, assis, solitaire, sur une
peau de mouton, Ismaël le Magnifique son-
geait avec amour à la brillante princesse de
Conti, fille de la très prolifique Mme de Mon-
tespan.
Avant de demander en mariage cette pré-
cieuse main que les Mémoires nous peignent
d 'un dessin très parfait, il présidait lui-même
à la réalisation de sa conception gigantesque :
quarante kilomètres de remparts, des palais,
des mosquées, des écuries et des greniers.
Le chef-d 'œuvre de Meknès est encore à
l heure actuelle la porte monumentale Bab-el-
Mansour, profonde et haute comme une nef de
cathédrale, rayonnante de stuc taillé, de bri-
ques, de marbre, de mosaïque. L'arc outre-
passé symbole de l'hégire, supporte un fronton
fastueux qui accuse toujours sa première ori-
gine, à la mode de Byzance.
Versailles s'élevait dans Meknès et la prin-
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