Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-05-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mai 1929 01 mai 1929
Description : 1929/05/01-1929/05/31. 1929/05/01-1929/05/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743134p
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
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possible, pour deux raisons: pour ne pas
rencontrer un camarade sur le même lieu de
pêche et pour retrouver son chemin au retour
si la tempête s'élève, si le vent souffle, em-
portant en un sens opposé le bruit de la
corne à brume qui ne cesse de mugir à bord
du trois-mâts goélette, mais que l'on n'en-
tend pas du doris perdu en mer.
Le doris revient vers 7 heures. Une partie
des lignes posées la veille au soir ont été
relevées ; les lourds poissons gris ont été dé-
tachés des « hains », jetés au fond du doris
qu'ébranlent leurs sauts convulsifs.
Les mains, malgré les gants de laine, sont
déchirées, crevassées, douloureuses. Ce n'est
pas le moment d'y penser. Il faut ramener
la lourde cargaison que le capitaine compte,
que le saleur tue, éventre, sale.
Puis, repartir tout de suite pour un
deuxième tour; relever d'autres lignes, avec,
aux mains, une cuisson de plus en plus dou-
loureuse, que l'on oublie pourtant quand il y
a beaucoup de poissons au bout des lignes.
A 9 heures, on « touche » de nouveau le
-bateau.
Le temps d' cc éléreguer » le poisson et de
boëtter toutes les lignes enfin relevées, et il
est midi. On mange. Quoi? Des conserves,
de la soupe de poisson, des poissons frais
pêchés au petit bonheur.
A 5 heures, il faut repartir, aller tendre
les cordes pour le lendemain. Cela vous
mène jusqu'à 8 heures du soir. On rentre. On
Le lavage mécanique de la morue, avant le séchage.
(Phuto M. F. Reproduction interdite).
Saint-Pierre. — Séchage de la morue sur la grève.
(Photo M. F. Reproduction interdite).
mer roule quatre ou six dorissiers dans le
suaire mouvar\t des eaux. Sans compter que
chaque campagne de Terre-Neuve voit la
disparition de plusieurs grands voiliers. »
Heureusement, depuis la guerre, l'état des
bateaux et les conditions du travail se sont
bien améliorés. Les hommes sont mieux
nourris, mieux couches ; beaucoup de bateaux
ont des fours à pain; les réservoirs à eau
sont mieux soignés.
Aujourd'hui, ce dont les marins souffrent
le plus, moralement et physiquement, c'est
l'isolement.
Deux bâtiments sont chargés de leur por-
ter assistance ; le navire hôpital la Sainte-
/ eannc-tV Arc appartenant a l'œuvre des
mers, et le stationnaire de la marine mili-
taire, la Villc-cTYs.
Cette protection est tout à fait insuffisante..
Elle n'existe pas au moment où elle serait le
plus utile (la catastrophe du chalutier Paci-
fique•, en décembre dernier l'a bien montré),
c'est-à-dire au moment de l'arrivée et du dé-
part des bâtiments.
L.es bateaux-hopitaux Saieite-l eanne-d? Arc
et le stationnaire de surveillance La Ville-
d'Ys — qui n'est d'ailleurs resté que 5 jours
sur ce banc — ont, nous l'avons vu, une
superficie de 130.000 kilomètres it parcourir.
A dix niruds de vitesse, il leur faut plus de
dîne. On va dormir, à la condition de n'être
pas de quart. Le quart, par beau temps, est
pris par un pêcheur; par deux quand la mer
est mauvaise.
Et cela recommence de jour en jour, pen-
dant six mois.
Quand il fait beau, on n'a qu'un souci:
la pêche. Quand se déchaîne la tempête, il
s'en ajoute un autre ; sauver sa peau.
Si le temps est trop mauvais, on ne part
pas, malgré les objurgations du capitaine, en
dépit de sa mauvaise humeur.
Malheureusement la tempête ne fixe pas
son heure. Il est des sautes de vent aussi
brusques que des sautes d'humeur féminines,
et plus dangereuses encore.
Le vent s'élève et gronde ; la mer s'agite.
C'est le moment de rallier le bateau ; tant
pis pour la pêche. Mais souvent, il est déjà
trop tard.
Les deux hommes du doris ont pris les
rames, hissé la voile. Ils n'entendent plus la
corne à brume dont la tempête disperse les
mugissements tristes comme un glas.
Pendant des heures, plusieurs jours quel-
quefois, ils luttent contre le froid, contre la
brume, contre les vagues et le vent. Ils
n'avancent plus.
Une vague rejette la frêle embarcation qui
danse sur les flots, désemparée, folle. Ils lut-
tent contre la mort, mais, tous les ans, la
La pesée de la morue dans une usine de préparation
(Photo M. F. Reproduction interdite).
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possible, pour deux raisons: pour ne pas
rencontrer un camarade sur le même lieu de
pêche et pour retrouver son chemin au retour
si la tempête s'élève, si le vent souffle, em-
portant en un sens opposé le bruit de la
corne à brume qui ne cesse de mugir à bord
du trois-mâts goélette, mais que l'on n'en-
tend pas du doris perdu en mer.
Le doris revient vers 7 heures. Une partie
des lignes posées la veille au soir ont été
relevées ; les lourds poissons gris ont été dé-
tachés des « hains », jetés au fond du doris
qu'ébranlent leurs sauts convulsifs.
Les mains, malgré les gants de laine, sont
déchirées, crevassées, douloureuses. Ce n'est
pas le moment d'y penser. Il faut ramener
la lourde cargaison que le capitaine compte,
que le saleur tue, éventre, sale.
Puis, repartir tout de suite pour un
deuxième tour; relever d'autres lignes, avec,
aux mains, une cuisson de plus en plus dou-
loureuse, que l'on oublie pourtant quand il y
a beaucoup de poissons au bout des lignes.
A 9 heures, on « touche » de nouveau le
-bateau.
Le temps d' cc éléreguer » le poisson et de
boëtter toutes les lignes enfin relevées, et il
est midi. On mange. Quoi? Des conserves,
de la soupe de poisson, des poissons frais
pêchés au petit bonheur.
A 5 heures, il faut repartir, aller tendre
les cordes pour le lendemain. Cela vous
mène jusqu'à 8 heures du soir. On rentre. On
Le lavage mécanique de la morue, avant le séchage.
(Phuto M. F. Reproduction interdite).
Saint-Pierre. — Séchage de la morue sur la grève.
(Photo M. F. Reproduction interdite).
mer roule quatre ou six dorissiers dans le
suaire mouvar\t des eaux. Sans compter que
chaque campagne de Terre-Neuve voit la
disparition de plusieurs grands voiliers. »
Heureusement, depuis la guerre, l'état des
bateaux et les conditions du travail se sont
bien améliorés. Les hommes sont mieux
nourris, mieux couches ; beaucoup de bateaux
ont des fours à pain; les réservoirs à eau
sont mieux soignés.
Aujourd'hui, ce dont les marins souffrent
le plus, moralement et physiquement, c'est
l'isolement.
Deux bâtiments sont chargés de leur por-
ter assistance ; le navire hôpital la Sainte-
/ eannc-tV Arc appartenant a l'œuvre des
mers, et le stationnaire de la marine mili-
taire, la Villc-cTYs.
Cette protection est tout à fait insuffisante..
Elle n'existe pas au moment où elle serait le
plus utile (la catastrophe du chalutier Paci-
fique•, en décembre dernier l'a bien montré),
c'est-à-dire au moment de l'arrivée et du dé-
part des bâtiments.
L.es bateaux-hopitaux Saieite-l eanne-d? Arc
et le stationnaire de surveillance La Ville-
d'Ys — qui n'est d'ailleurs resté que 5 jours
sur ce banc — ont, nous l'avons vu, une
superficie de 130.000 kilomètres it parcourir.
A dix niruds de vitesse, il leur faut plus de
dîne. On va dormir, à la condition de n'être
pas de quart. Le quart, par beau temps, est
pris par un pêcheur; par deux quand la mer
est mauvaise.
Et cela recommence de jour en jour, pen-
dant six mois.
Quand il fait beau, on n'a qu'un souci:
la pêche. Quand se déchaîne la tempête, il
s'en ajoute un autre ; sauver sa peau.
Si le temps est trop mauvais, on ne part
pas, malgré les objurgations du capitaine, en
dépit de sa mauvaise humeur.
Malheureusement la tempête ne fixe pas
son heure. Il est des sautes de vent aussi
brusques que des sautes d'humeur féminines,
et plus dangereuses encore.
Le vent s'élève et gronde ; la mer s'agite.
C'est le moment de rallier le bateau ; tant
pis pour la pêche. Mais souvent, il est déjà
trop tard.
Les deux hommes du doris ont pris les
rames, hissé la voile. Ils n'entendent plus la
corne à brume dont la tempête disperse les
mugissements tristes comme un glas.
Pendant des heures, plusieurs jours quel-
quefois, ils luttent contre le froid, contre la
brume, contre les vagues et le vent. Ils
n'avancent plus.
Une vague rejette la frêle embarcation qui
danse sur les flots, désemparée, folle. Ils lut-
tent contre la mort, mais, tous les ans, la
La pesée de la morue dans une usine de préparation
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