Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-05-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mai 1929 01 mai 1929
Description : 1929/05/01-1929/05/31. 1929/05/01-1929/05/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743134p
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Page 6
Les Annales Coloniales
leur capacité, par leur vitesse et par leur
rayon d'action.
Ce qui fait avant tout l'avantage des cha-
lutiers, ce n'est pas qu'ils assurent plus de
confort aux marins, ou un travail moins pé-
nible, car, tout bien pesé, les marins des cha-
lutiers ont à peu près les mêmes risques que
ceux des voiliers et une vie aussi dure à cer-
tains moments. La supériorité du chalutier
est de permettre la pêche et l'utilisation de
poissons autre que la morue.
Le chalut amène dans son filet en même
temps que la morue 80 % de poissons ; or ces
poissons, les chalutiers ne pouvaient jusqu'à
présent les utiliser. Ne pouvant les conser-
ver, ils devaient les rejeter à la mer. On a
songé à aménager à bord de certains chalu-
tiers des appareils pour la fabrication de la
farine de poisson qui sert déjà comme ali-
ment pour les animaux ou comme engrais et
qui peut devenir un excellent aliment, même
pour l'homme. Cette industrie nouvelle est,
en ce moment même, mise au point sur deux
chalutiers de Saint-Malo, « Le Sergent-
Gouarne » et « L'Aspirant-Brun ».
On calcule qu'un chalutier peut Ïabriquer
300 tonnes de farine ; à 2.850 fr. la tonne, on
voit combien peut être utile et lucrative cette
utilisation d'un sous-produit.
On a dit beaucoup de mal du chalutier. On
l'a rendu responsable de la crise actuelle. Ce
reproche est injuste
Les chalutiers et les voiliers ne peuvent
pêcher dans les mêmes endroits, ce sont les
expériences mêmes du Commandant Beaugé
qui le prouvent: si la pêche à Terre-Neuve
se faisait seulement au chalutier, les trois
quarts de la surface des bancs de Terre-
Neuve sont et demeureraient inexploités
parce que ces fonds où se trouve la morue
sont inaccessibles à des filets traînants.
L'abandon des voiliers entraînerait la
« mise en jachère » des trois quarts au moins
des terrains de pêche.
Il y a donc encore de beaux jours pour nos
vrais et braves Terre-Neuvas de la marine à
voiles ; la seule qui comble et fasse les vrais
marins !
Si l'on évalue chaque bâtiment en moyenne
à un million, c'est un capital de 160 millions
que représente la flotte de pêche maritime et
si l'on évalue à 500.000 francs le coût de
l'armement de chaque navire, c'est une
somme de 80 millions qui est engagée cha-
que année pour la campagne de pêche.
La crise de production
Les lieux de pêche à Terre-Neuve ont une
superficie représentant à peu près celle de la
France. Ils ont la forme d'un quadrilatère
d'une largeur moyenne de 1.110 kilomètres,
d'une hauteur moyenne de 555 kilomètres.
Arrivés sur les bancs, après trois semaines
de traversée si le vent est bon, les bateaux
se groupent.
Il existe plusieurs points de rassemble-
ment. Ce sont de l'Ouest à l'Est: le Banque-
reau, le banc de Misaine, le banc de Saint-
Pierre, le banc à Vert, qui sont au Sud de
l'île de Terre-Neuve, le grand banc de Terre-
Neuve qui est au Sud-Est et le petit banc
du Bonnet Flamand, plus loin, au large, à
l'Est du Grand Banc.
Ce sont ces deux derniers bancs qui sont
surtout fréquentés par les voiliers.
Pendant huit mois le pêcheur va accom-
plir le plus dur des métiers, luttant contre le
vent, la mer, le froid, le brouillard, heureux
s'il revient vivant, sinon enrichi.
Le produit de cet énorme travail qui exige
tant de résistance, tant de courage et un
amour si profond de la mer, a pour résultat
de mettre sur le marché français 15 millions
de kilos de morues dans les années mau-
vaises et 75 millions de kilos dans les bonnes
années. En 1927, pour une production de
57.976.777 kilos, les potts de Saint-Malo et
Saint-Servan figurent pour 17.685.453 et Fé-
camp 11.904.683. Voici d'ailleurs, ci-contre,
le graphique de la production en kilos et en
francs.
La simple lecture de ce graphique montre
que la production varie beaucoup d'une
année à l'autre.
Or nous vivons, en ce moment, les années
de... (( pêches maigres ». L'année 1927 a été
déficitaire à Terre-Neuve, surtout pour les
chalutiers, et 1928 a également été une
année pénible.
Quelle est la cause de cette crise de pro-
duction t
Les voiliers accusent les chalutiers; ne
nous arrêtons- pas a cette explication.
Les hauts et les bas se sont produits avant
l'apparition des chalutiers, avant 1907. De
plus, loin de se concurrencer, les deux modes
de pêche différents peuvent se compléter sans
se gêner car, comme nous l'avons vu, ils ne
recherchent pas les mêmes fonds, le voilier
(sédentaire) ayant besoin de fonds vivants,
caillouteux; le chalutier ne pouvant traîner
ses engins que sur des fonds de sable.
L'explication véritable, on l'a cherchée,
et, semble-t-il, trouvée en étudiant les varia-
tions qui se produisent dans l'état des eaux
sur les lieux de pêche. De remarquables
expériences et études ont été faites en ce
sens.
Les mémoires de M. Rallier du Baty, de
M. Habert, publiés par l'Office Scientifique
et Technique des Pêches, le rapport publié
par le Directeur de cet Office, M. B. Le Da-
nois, les rapports de 1927 et '1928 de M. le
commandant Beaugé, chargé de mission par
ce même organisme, viennent de donner des
indications précieuses sur le mouvement du
poisson.
Il semble bien résulter de ces travaux que
le rythme de la production de la pêche cor-
respond au rythme des transgressions chau-
des ; l'abondance de la morue de Terre-
Neuve serait ainsi liée à l'abondance d'eau
polaire. Les années où le Gulf-Stream en-
vahit le banc et chasse l'encornet, petite
pieuvre dont la morue est très friande, la
pêche s'en ressent profondément. Il n'y a
pas lieu de s'inquiéter de cette crise de pro.
duction puisque ses causes physiques et pé-
riodiques sont passagères et aujourd'hui con-
nues.
Les conditions de travail
sur les lieux de pèche
A un autre point de vue, la pêche de
Terre-Neuve est menacée; les marins se
plaignent et la main-d'œuvre qualifiée man-
quera bientôt aux armateurs qui ne se décide-
ront pas à faire les concessions nécessaires.
Au point de vue humain, ils le doivent et
beaucoup d'entre eux l'ont compris, mais il
en est qui exploitent trop rigoureusement. Le
métier de pêcheur à la morue est terrible-
ment dur.
Il a été, il y a quelques jours, décrit par
notre confrère Marius Lavigne, qui vient de
faire une étude sur place de la question.
« On se lève dès que point le jour gris,
vers 2 heures du matin.
Le doris est mis à l'eau; les pêcheurs sau-
tent dedans et partent, chacun ayant son
« aire de vent » désignée par le capitaine et
que le patron de doris doit suivre autant que
Les Annales Coloniales
leur capacité, par leur vitesse et par leur
rayon d'action.
Ce qui fait avant tout l'avantage des cha-
lutiers, ce n'est pas qu'ils assurent plus de
confort aux marins, ou un travail moins pé-
nible, car, tout bien pesé, les marins des cha-
lutiers ont à peu près les mêmes risques que
ceux des voiliers et une vie aussi dure à cer-
tains moments. La supériorité du chalutier
est de permettre la pêche et l'utilisation de
poissons autre que la morue.
Le chalut amène dans son filet en même
temps que la morue 80 % de poissons ; or ces
poissons, les chalutiers ne pouvaient jusqu'à
présent les utiliser. Ne pouvant les conser-
ver, ils devaient les rejeter à la mer. On a
songé à aménager à bord de certains chalu-
tiers des appareils pour la fabrication de la
farine de poisson qui sert déjà comme ali-
ment pour les animaux ou comme engrais et
qui peut devenir un excellent aliment, même
pour l'homme. Cette industrie nouvelle est,
en ce moment même, mise au point sur deux
chalutiers de Saint-Malo, « Le Sergent-
Gouarne » et « L'Aspirant-Brun ».
On calcule qu'un chalutier peut Ïabriquer
300 tonnes de farine ; à 2.850 fr. la tonne, on
voit combien peut être utile et lucrative cette
utilisation d'un sous-produit.
On a dit beaucoup de mal du chalutier. On
l'a rendu responsable de la crise actuelle. Ce
reproche est injuste
Les chalutiers et les voiliers ne peuvent
pêcher dans les mêmes endroits, ce sont les
expériences mêmes du Commandant Beaugé
qui le prouvent: si la pêche à Terre-Neuve
se faisait seulement au chalutier, les trois
quarts de la surface des bancs de Terre-
Neuve sont et demeureraient inexploités
parce que ces fonds où se trouve la morue
sont inaccessibles à des filets traînants.
L'abandon des voiliers entraînerait la
« mise en jachère » des trois quarts au moins
des terrains de pêche.
Il y a donc encore de beaux jours pour nos
vrais et braves Terre-Neuvas de la marine à
voiles ; la seule qui comble et fasse les vrais
marins !
Si l'on évalue chaque bâtiment en moyenne
à un million, c'est un capital de 160 millions
que représente la flotte de pêche maritime et
si l'on évalue à 500.000 francs le coût de
l'armement de chaque navire, c'est une
somme de 80 millions qui est engagée cha-
que année pour la campagne de pêche.
La crise de production
Les lieux de pêche à Terre-Neuve ont une
superficie représentant à peu près celle de la
France. Ils ont la forme d'un quadrilatère
d'une largeur moyenne de 1.110 kilomètres,
d'une hauteur moyenne de 555 kilomètres.
Arrivés sur les bancs, après trois semaines
de traversée si le vent est bon, les bateaux
se groupent.
Il existe plusieurs points de rassemble-
ment. Ce sont de l'Ouest à l'Est: le Banque-
reau, le banc de Misaine, le banc de Saint-
Pierre, le banc à Vert, qui sont au Sud de
l'île de Terre-Neuve, le grand banc de Terre-
Neuve qui est au Sud-Est et le petit banc
du Bonnet Flamand, plus loin, au large, à
l'Est du Grand Banc.
Ce sont ces deux derniers bancs qui sont
surtout fréquentés par les voiliers.
Pendant huit mois le pêcheur va accom-
plir le plus dur des métiers, luttant contre le
vent, la mer, le froid, le brouillard, heureux
s'il revient vivant, sinon enrichi.
Le produit de cet énorme travail qui exige
tant de résistance, tant de courage et un
amour si profond de la mer, a pour résultat
de mettre sur le marché français 15 millions
de kilos de morues dans les années mau-
vaises et 75 millions de kilos dans les bonnes
années. En 1927, pour une production de
57.976.777 kilos, les potts de Saint-Malo et
Saint-Servan figurent pour 17.685.453 et Fé-
camp 11.904.683. Voici d'ailleurs, ci-contre,
le graphique de la production en kilos et en
francs.
La simple lecture de ce graphique montre
que la production varie beaucoup d'une
année à l'autre.
Or nous vivons, en ce moment, les années
de... (( pêches maigres ». L'année 1927 a été
déficitaire à Terre-Neuve, surtout pour les
chalutiers, et 1928 a également été une
année pénible.
Quelle est la cause de cette crise de pro-
duction t
Les voiliers accusent les chalutiers; ne
nous arrêtons- pas a cette explication.
Les hauts et les bas se sont produits avant
l'apparition des chalutiers, avant 1907. De
plus, loin de se concurrencer, les deux modes
de pêche différents peuvent se compléter sans
se gêner car, comme nous l'avons vu, ils ne
recherchent pas les mêmes fonds, le voilier
(sédentaire) ayant besoin de fonds vivants,
caillouteux; le chalutier ne pouvant traîner
ses engins que sur des fonds de sable.
L'explication véritable, on l'a cherchée,
et, semble-t-il, trouvée en étudiant les varia-
tions qui se produisent dans l'état des eaux
sur les lieux de pêche. De remarquables
expériences et études ont été faites en ce
sens.
Les mémoires de M. Rallier du Baty, de
M. Habert, publiés par l'Office Scientifique
et Technique des Pêches, le rapport publié
par le Directeur de cet Office, M. B. Le Da-
nois, les rapports de 1927 et '1928 de M. le
commandant Beaugé, chargé de mission par
ce même organisme, viennent de donner des
indications précieuses sur le mouvement du
poisson.
Il semble bien résulter de ces travaux que
le rythme de la production de la pêche cor-
respond au rythme des transgressions chau-
des ; l'abondance de la morue de Terre-
Neuve serait ainsi liée à l'abondance d'eau
polaire. Les années où le Gulf-Stream en-
vahit le banc et chasse l'encornet, petite
pieuvre dont la morue est très friande, la
pêche s'en ressent profondément. Il n'y a
pas lieu de s'inquiéter de cette crise de pro.
duction puisque ses causes physiques et pé-
riodiques sont passagères et aujourd'hui con-
nues.
Les conditions de travail
sur les lieux de pèche
A un autre point de vue, la pêche de
Terre-Neuve est menacée; les marins se
plaignent et la main-d'œuvre qualifiée man-
quera bientôt aux armateurs qui ne se décide-
ront pas à faire les concessions nécessaires.
Au point de vue humain, ils le doivent et
beaucoup d'entre eux l'ont compris, mais il
en est qui exploitent trop rigoureusement. Le
métier de pêcheur à la morue est terrible-
ment dur.
Il a été, il y a quelques jours, décrit par
notre confrère Marius Lavigne, qui vient de
faire une étude sur place de la question.
« On se lève dès que point le jour gris,
vers 2 heures du matin.
Le doris est mis à l'eau; les pêcheurs sau-
tent dedans et partent, chacun ayant son
« aire de vent » désignée par le capitaine et
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