Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-07-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1929 01 juillet 1929
Description : 1929/07/01-1929/07/31. 1929/07/01-1929/07/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743132v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Page 10
Les Annales Coloniales
qui nous étions et ce que nous fai-
sions là.
Alors le cafetier tirait un son rauque
du fond de sa gorge. La mule accélé-
rait son pas, la roue grinçait plus fort,
et l'eau chantait dans la rigole avant
de se déverser, en bas, dans l'abreu-
voir, entre les deux petites coupoles.
En face de nous, à l'autre extrémité
de la terrasse s'élevait un mur, creusé
d'un miihab. Parfois, un client des ar-
cades montait. Sans un regard de curio-
sité vers nous, il allait droit au mur, dé-
posait ses babouches, se débarrassait de
son burnous, puis faisait sa prière de-
vant la niche. Avant de s'en aller, il
remerciait le Rétributeur de l'eau et
l'ombre trouvée sur son chemin et bé-
nissait les fondateurs de ce saint relais
aromatique.
Car le cafetier nous conta que cette
noria était une institution pieuse, un
bien habous, créé, il y a bien longtemps
— alors qu'il n'y avait ni puits, ni ver-
dure à deux lieux à la ronde — par
deux frères caravaniers, qui dormaient
eux-mêmes sous ces deux coupoles ver-
tes, là, de chaque côté de l'abreuvoir,
où ils entendaient, éternellement, le pié-
tinement de la mule, le chant de la roue
hydraulique, la prière de l'Islam et les
soupirs d'aise des errants dont chacun
emportait en son cœur la douceur des
arcades et le parfum des roses d'Allah.
Le soleil se couchait sur la plaine. De
fauve, elle devenait lilas. En bas, les
troupeaux se précipitaient vers l'abreu-
voir. Nous percevions leur clapotante et
reniflante bousculade, les appels des
bergers.
Puis tout s'apaisa. Un gamin vint dé-
tacher la mule, le cafetier cueillit une
dernière rose, me l'offrit en me mon-
trant les fraternelles coupoles :
— Louange au Maître des mondes,
dit-il, qui a permis à la rose de ne lais-
ser derrière elle que son parfum et à
l'homme la trace de ses bienfaits !
..............
Et voici, je crois, le plus joli souve-
nir de mon arrivée en Tunisie.
Myriam HARRY.
PAUL CAMBON ET L'ŒUVRE FRANÇAISE
EN TUNDSDE (188201929)
On vient d'inaugurer à Tunis un monu-
ment à la mémoire de Paul Cambon, le pre-
mier représentant du protectorat français, le
grand citoyen à qui revient l'honneur avec
Jules Ferry, d'avoir jeté sur le sol africain
les bases de cette oeuvre qui a décidé des
destinées coloniales de la France, au début
de l'ère républicaine. De Cambon en Tuni-
sie à Lyautey au Maroc, quel achèvement
de 1885 à 1915, en trente ans sans aucun
recul, de l'effort séculaire qu'Alger se pré-
pare à célébrer en 1930.
Lorsque Jules Ferry reçut en septembre
1880 de Jules Grévy, qui s'obstinait à écar-
ter Gambetta, la charge de former le minis-
tère avec Barthélemy-Saint-Hilaire aux Af-
faires Etrangères, il n'y avait, chez les hom-
mes d'Etat du nouveau régime constitué par
la retraite de Mac-Mahon, aucun dessein co-
lonial, aucune tentation même d'action exté-
rieure.
Ce n'était pas cependant que ne fussent
venues du dehors à la France abandonnée
en j8yi par toute l'Europe à son vainqueur,
et de son vainqueur même, des offres ten-
tantes. Une lettre curieuse adressée par M. de
Bismarck à son ambassadeur à Paris, M. de
Hohenlohe le 8 avril 1880 pouvait ouvrir
à l'ambition qu'il désirait éveiller chez les
Français de belles perspectives : « Notre
domaine d'entente avec la France s'étend
depuis le golfe de Guinée jusqu'à la Belgi-
que. Moins nous sommes disposés à tolérer
son action à l'Est, plus nous sommes dis-
posés à l'aider à acquérir tout dédomma-
gement ailleurs, et en Afrique. L'absence
de desseins politiques de notre part dans ces
régions nous permet de reconnaître que le
peuple français, qui grâce à un plus fort
mélange de sang germanique est la plus puis-
sante des nations romanes, peut prétendre à
une prépondérance de civilisation dans le
monde roman, et hors d'Europe. Si la France
considère cette base d'extension politique
comme répondant à ses intérêts, elle peut
non seulement compter sur notre désintéres-
sement, mais même sur notre intention de lui
servir, en arrière, de garde. » Hommage sin-
gulier aux énergies françaises que la défaite
n'avait pas abattues, mais évidemment sin-
cère, puisqu'il était dicté au maître de la
politique allemande par sa foi dans la supé-
riorité du sang germanique. Il ne tenait
donc qu'à ces énergies de se déployer dans
le domaine méditerranéen et atlantique.
Au Congrès de Berlin, Bismarck avait dé-
cidé l'Angleterre à nous laisser agir en
Tunisie. Le ministère Beaconsfield-Salis-
bury en avait donné à Waddington l'assu-
rance écrite que confirmaient le langage du
chancelier à M. de Saint-Val lier le 5 jan-
vier 1879, et tous ses ordres à M. de Hohen-
lohe : point d'Espagne qui pût se réserver
un protectorat au Maroc, auquel elle ten-
dait alors, convoquant une conférence à Ma-
drid en 1880 dans laquelle l'Allemagne
soutint les intérêts légitimes de la France,
« en raison de ses possessions algériennes »;
et pour la même raison, point d'Italie qui
s'installât à Tunis, comme elle y tendait
depuis 1871 trop visiblement.
Cette bienveillance marquée, ces sugges-
tions même du chancelier, dont la politique
depuis le Congrès de Berlin dominait l'Eu-
rope, loin d'encourager les ministres fran-
çais à chercher hors d'Europe des compen-
sations aux pertes de 1871, un champ d'ac-
tivité à la nation qui réfaisait ses forces et
ses destinées, leur inspirèrent une défiance
qui se traduisit pendant trois années dans
leurs conseils. M. Hanotaux tient de
source sûre le propos du maréchal Mac Ma-
hon à M. Waddington lui apportant de Ber-
lin les offres de l'Allemagne et de l'Angle-
terre relatives à la Tunisie, langage de sol-
dat : « Ils veulent me f... l'Italie sur le dos,
maintenant. Jamais je ne consentirai ». Le
président Grévy, Jules Ferry lui-même et
Gambetta opposèrent, en termes plus parle-
mentaires, le même refus aux instances de
Barthélemy-Saint-Hilaire, qui avait succédé à
Waddington au Quai d'Orsay: « Une affaire
à Tunis, dans une année d'élections, mon
cher, vous n'y pensez pas. »
Qu'ils le voulussent ou non, il y avait à Tu-
nis en 1881, une affaire, ou plutôt des affaires
dangereuses pour la sécurité de la frontière
algérienne, analogues aux affaires d'Egypte à
la même date, déterminées par les prodigali-
tés et le désordre semblables des gouver-
nements de ces deux pays, beys ou vice-rois.
Comme Ismaïl au Caire, Mohammed Sha-
dok depuis 1859 a gaspillé ses revenus déjà
compromis par ses prédécesseurs; il s'est mis
à la merci des prêteurs européens, des ban-
quiers qui l'exploitent. >Ses favoris, ses fonc-
tionnaires, Mustapha Kasnadar, Khereddine,
Mustapha ben Ismaïl, les grands caïds ont
trafiqué de ses largesses, et des commissions
de ses emprunts aux dépens d'un peuple ré-
duit à la misère, à l'exil, à la révolte ou au
brigandage. Une commission européenne de
la dette tunisienne créée en 1869 s'est efforcée
de 1869 à 1875 d'apporter quelque ordre
dans ce chaos. Dès 1871, un consul fran-
çais, M. Botmiliau, a déclaré à Paris que
« si cet ordre ne se rétablit pas, la France
sera obligée d'occuper la Régence dans un
avenir peu éloigné. » Et son successeur, en
1875, M. Roustan, l'a répété pendant cinq
ans d'une façon plus pressante encore, à
mesure que s'aggravait le mal incurable de
l'anarchie et de la ruine.
Pourquoi cette nécessité d'une interven-
tion française, que dans la République, ni
l'opinion, ni le Parlement, ni les ministres
ne souhaitaient alors?
L'Algérie, cette masse de 300.000 kilomè-
tres carrés, taillée de la Méditerranée au
Sahara, à l'ouest et à l'est, dans la grande
presqu'île montagneuse qu'on appelle le
Maghreb ou la Berbérie, n'a pas plus de
frontières du côté de la Tunisie que du Ma-
roc qui sont ses prolongements.
C'est aux confins de la province de Cons-
tantine, dans les massifs de Soukharas et de
la Medjerda où se rejoignent les deux grands
massifs de l'Atlas saharien et de l'Atlas tel-
lien, épines dorsales du Maghreb, que nais-
sent pour porter et entretenir la vie dans une
magnifique vallée jusqu'au golfe de Tunis
deux des principales rivières de la Régence,
la Medjerda et l'oued Mellag, son affluent,
unis auprès de Souk-el-Arba dans la fertile
plaine de Daklha: routes de ffeuves et de val-
lées qui, en d'autres régions, eussent servi
d'artères à la civilisation, mais alors placées
sous la perpétuelle menace des tribus ber-
bères, qui peuplaient les montagnes fores-
tières de la Kroumirie et de l'Atlas, véri.
tables nids presque inaccessibles de pillards
rebelles à toute loi, et surtout à la faible
autorité du bey. Lorsque, non sans peine,
la France avait obtenu en 1880 de pousser
à l'Est par la vallée de la Medjerda, le che-
min de fer de Bone-Guelma, aux premiers
travaux les chantiers de la Compagnie fu-
rent, ainsi que nos frontières, envahis par
des bandes armées, descendues des monta-
gnes, qui semblaient avoir reçu un mot d'or.
dre de Tunis.
Dieu sait comme la presse d'opposition
alors s'est plue, avec Rochefort, à railler ces
Kroumirs fantômes découverts à point nom-
mé par les ministres français pour motiver
une intervention, « une guerre électorale D.
Intervention cependant que Jules Ferry
d'abord ne souhaitait pas. Elle lui fut pres-
Les Annales Coloniales
qui nous étions et ce que nous fai-
sions là.
Alors le cafetier tirait un son rauque
du fond de sa gorge. La mule accélé-
rait son pas, la roue grinçait plus fort,
et l'eau chantait dans la rigole avant
de se déverser, en bas, dans l'abreu-
voir, entre les deux petites coupoles.
En face de nous, à l'autre extrémité
de la terrasse s'élevait un mur, creusé
d'un miihab. Parfois, un client des ar-
cades montait. Sans un regard de curio-
sité vers nous, il allait droit au mur, dé-
posait ses babouches, se débarrassait de
son burnous, puis faisait sa prière de-
vant la niche. Avant de s'en aller, il
remerciait le Rétributeur de l'eau et
l'ombre trouvée sur son chemin et bé-
nissait les fondateurs de ce saint relais
aromatique.
Car le cafetier nous conta que cette
noria était une institution pieuse, un
bien habous, créé, il y a bien longtemps
— alors qu'il n'y avait ni puits, ni ver-
dure à deux lieux à la ronde — par
deux frères caravaniers, qui dormaient
eux-mêmes sous ces deux coupoles ver-
tes, là, de chaque côté de l'abreuvoir,
où ils entendaient, éternellement, le pié-
tinement de la mule, le chant de la roue
hydraulique, la prière de l'Islam et les
soupirs d'aise des errants dont chacun
emportait en son cœur la douceur des
arcades et le parfum des roses d'Allah.
Le soleil se couchait sur la plaine. De
fauve, elle devenait lilas. En bas, les
troupeaux se précipitaient vers l'abreu-
voir. Nous percevions leur clapotante et
reniflante bousculade, les appels des
bergers.
Puis tout s'apaisa. Un gamin vint dé-
tacher la mule, le cafetier cueillit une
dernière rose, me l'offrit en me mon-
trant les fraternelles coupoles :
— Louange au Maître des mondes,
dit-il, qui a permis à la rose de ne lais-
ser derrière elle que son parfum et à
l'homme la trace de ses bienfaits !
..............
Et voici, je crois, le plus joli souve-
nir de mon arrivée en Tunisie.
Myriam HARRY.
PAUL CAMBON ET L'ŒUVRE FRANÇAISE
EN TUNDSDE (188201929)
On vient d'inaugurer à Tunis un monu-
ment à la mémoire de Paul Cambon, le pre-
mier représentant du protectorat français, le
grand citoyen à qui revient l'honneur avec
Jules Ferry, d'avoir jeté sur le sol africain
les bases de cette oeuvre qui a décidé des
destinées coloniales de la France, au début
de l'ère républicaine. De Cambon en Tuni-
sie à Lyautey au Maroc, quel achèvement
de 1885 à 1915, en trente ans sans aucun
recul, de l'effort séculaire qu'Alger se pré-
pare à célébrer en 1930.
Lorsque Jules Ferry reçut en septembre
1880 de Jules Grévy, qui s'obstinait à écar-
ter Gambetta, la charge de former le minis-
tère avec Barthélemy-Saint-Hilaire aux Af-
faires Etrangères, il n'y avait, chez les hom-
mes d'Etat du nouveau régime constitué par
la retraite de Mac-Mahon, aucun dessein co-
lonial, aucune tentation même d'action exté-
rieure.
Ce n'était pas cependant que ne fussent
venues du dehors à la France abandonnée
en j8yi par toute l'Europe à son vainqueur,
et de son vainqueur même, des offres ten-
tantes. Une lettre curieuse adressée par M. de
Bismarck à son ambassadeur à Paris, M. de
Hohenlohe le 8 avril 1880 pouvait ouvrir
à l'ambition qu'il désirait éveiller chez les
Français de belles perspectives : « Notre
domaine d'entente avec la France s'étend
depuis le golfe de Guinée jusqu'à la Belgi-
que. Moins nous sommes disposés à tolérer
son action à l'Est, plus nous sommes dis-
posés à l'aider à acquérir tout dédomma-
gement ailleurs, et en Afrique. L'absence
de desseins politiques de notre part dans ces
régions nous permet de reconnaître que le
peuple français, qui grâce à un plus fort
mélange de sang germanique est la plus puis-
sante des nations romanes, peut prétendre à
une prépondérance de civilisation dans le
monde roman, et hors d'Europe. Si la France
considère cette base d'extension politique
comme répondant à ses intérêts, elle peut
non seulement compter sur notre désintéres-
sement, mais même sur notre intention de lui
servir, en arrière, de garde. » Hommage sin-
gulier aux énergies françaises que la défaite
n'avait pas abattues, mais évidemment sin-
cère, puisqu'il était dicté au maître de la
politique allemande par sa foi dans la supé-
riorité du sang germanique. Il ne tenait
donc qu'à ces énergies de se déployer dans
le domaine méditerranéen et atlantique.
Au Congrès de Berlin, Bismarck avait dé-
cidé l'Angleterre à nous laisser agir en
Tunisie. Le ministère Beaconsfield-Salis-
bury en avait donné à Waddington l'assu-
rance écrite que confirmaient le langage du
chancelier à M. de Saint-Val lier le 5 jan-
vier 1879, et tous ses ordres à M. de Hohen-
lohe : point d'Espagne qui pût se réserver
un protectorat au Maroc, auquel elle ten-
dait alors, convoquant une conférence à Ma-
drid en 1880 dans laquelle l'Allemagne
soutint les intérêts légitimes de la France,
« en raison de ses possessions algériennes »;
et pour la même raison, point d'Italie qui
s'installât à Tunis, comme elle y tendait
depuis 1871 trop visiblement.
Cette bienveillance marquée, ces sugges-
tions même du chancelier, dont la politique
depuis le Congrès de Berlin dominait l'Eu-
rope, loin d'encourager les ministres fran-
çais à chercher hors d'Europe des compen-
sations aux pertes de 1871, un champ d'ac-
tivité à la nation qui réfaisait ses forces et
ses destinées, leur inspirèrent une défiance
qui se traduisit pendant trois années dans
leurs conseils. M. Hanotaux tient de
source sûre le propos du maréchal Mac Ma-
hon à M. Waddington lui apportant de Ber-
lin les offres de l'Allemagne et de l'Angle-
terre relatives à la Tunisie, langage de sol-
dat : « Ils veulent me f... l'Italie sur le dos,
maintenant. Jamais je ne consentirai ». Le
président Grévy, Jules Ferry lui-même et
Gambetta opposèrent, en termes plus parle-
mentaires, le même refus aux instances de
Barthélemy-Saint-Hilaire, qui avait succédé à
Waddington au Quai d'Orsay: « Une affaire
à Tunis, dans une année d'élections, mon
cher, vous n'y pensez pas. »
Qu'ils le voulussent ou non, il y avait à Tu-
nis en 1881, une affaire, ou plutôt des affaires
dangereuses pour la sécurité de la frontière
algérienne, analogues aux affaires d'Egypte à
la même date, déterminées par les prodigali-
tés et le désordre semblables des gouver-
nements de ces deux pays, beys ou vice-rois.
Comme Ismaïl au Caire, Mohammed Sha-
dok depuis 1859 a gaspillé ses revenus déjà
compromis par ses prédécesseurs; il s'est mis
à la merci des prêteurs européens, des ban-
quiers qui l'exploitent. >Ses favoris, ses fonc-
tionnaires, Mustapha Kasnadar, Khereddine,
Mustapha ben Ismaïl, les grands caïds ont
trafiqué de ses largesses, et des commissions
de ses emprunts aux dépens d'un peuple ré-
duit à la misère, à l'exil, à la révolte ou au
brigandage. Une commission européenne de
la dette tunisienne créée en 1869 s'est efforcée
de 1869 à 1875 d'apporter quelque ordre
dans ce chaos. Dès 1871, un consul fran-
çais, M. Botmiliau, a déclaré à Paris que
« si cet ordre ne se rétablit pas, la France
sera obligée d'occuper la Régence dans un
avenir peu éloigné. » Et son successeur, en
1875, M. Roustan, l'a répété pendant cinq
ans d'une façon plus pressante encore, à
mesure que s'aggravait le mal incurable de
l'anarchie et de la ruine.
Pourquoi cette nécessité d'une interven-
tion française, que dans la République, ni
l'opinion, ni le Parlement, ni les ministres
ne souhaitaient alors?
L'Algérie, cette masse de 300.000 kilomè-
tres carrés, taillée de la Méditerranée au
Sahara, à l'ouest et à l'est, dans la grande
presqu'île montagneuse qu'on appelle le
Maghreb ou la Berbérie, n'a pas plus de
frontières du côté de la Tunisie que du Ma-
roc qui sont ses prolongements.
C'est aux confins de la province de Cons-
tantine, dans les massifs de Soukharas et de
la Medjerda où se rejoignent les deux grands
massifs de l'Atlas saharien et de l'Atlas tel-
lien, épines dorsales du Maghreb, que nais-
sent pour porter et entretenir la vie dans une
magnifique vallée jusqu'au golfe de Tunis
deux des principales rivières de la Régence,
la Medjerda et l'oued Mellag, son affluent,
unis auprès de Souk-el-Arba dans la fertile
plaine de Daklha: routes de ffeuves et de val-
lées qui, en d'autres régions, eussent servi
d'artères à la civilisation, mais alors placées
sous la perpétuelle menace des tribus ber-
bères, qui peuplaient les montagnes fores-
tières de la Kroumirie et de l'Atlas, véri.
tables nids presque inaccessibles de pillards
rebelles à toute loi, et surtout à la faible
autorité du bey. Lorsque, non sans peine,
la France avait obtenu en 1880 de pousser
à l'Est par la vallée de la Medjerda, le che-
min de fer de Bone-Guelma, aux premiers
travaux les chantiers de la Compagnie fu-
rent, ainsi que nos frontières, envahis par
des bandes armées, descendues des monta-
gnes, qui semblaient avoir reçu un mot d'or.
dre de Tunis.
Dieu sait comme la presse d'opposition
alors s'est plue, avec Rochefort, à railler ces
Kroumirs fantômes découverts à point nom-
mé par les ministres français pour motiver
une intervention, « une guerre électorale D.
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