Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-07-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1929 01 juillet 1929
Description : 1929/07/01-1929/07/31. 1929/07/01-1929/07/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9743132v
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 9
L'amphithéâtre d'EI.Djem.
taines de mètres de la mer, déploie la mer-
veilleuse forêt de ses palmiers à travers la-
quelle coulent des ruisseaux d'eau vive? On
les a décrites trop souvent pour que je dise
leur charme et la surprise que l'on éprouve
devant leur luxuriance, après avoir franchi
des centaines de kilomètres d'espace déser-
tique.
A parler franc, ce n'est pas l'activité de
la Tunisie, ni la beauté de ses paysages, de
ses monuments ou de ses villes qui m'ont
causé les impressions les plus vives.
J'ai été frappé surtout par l'attachement
profond que les indigènes tunisiens témoi-
gnent à la France, par les excellentes rela-
tions que les Européens de nationalité diffé-
rente entretiennent les uns avec les autres et
avec les habitants du pays. Les indigènes ont
donné au cours de la guerre une preuve
éclatante de loyalisme en combattant dans
nos armées, sur le sol français, en restant
fidèles à la nation protectrice dans leur pays
pourtant dégarni de troupes. Ce loyalisme
a été renforcé encore quand ils ont constaté
que les victimes de la guerre tunisiennes
avaient les mêmes droits à pension que les
Français. Il n'est pas de mesure qui les ait
frappés davantage et qui nous ait valu plus
de sympathie.
Les populations du sud qui n'avaient pas
vu depuis longtemps de membre du Gouver-
nement Français m'ont fait partout un ac-
cueil enthousiaste et leurs marques de sym
pathie allaient, je le comprenais bien, à la
France plutôt qu'à ma personne. A Gabès,
des manières de bardes indigènes improvi-
sèrent des chants qui disaient la fierté des
Tunisiens d'avoir combattu pour un pays qui
leur avait donné des écoles, des médecins,
des routes et la paix. A Sfax, à Madhia, à
Monastir, à Sousse, à Kairouan, partout où
je m'arrêtai, les anciens combattants indigè-
nes me présentaient, avec une confiance tou-
chante, leurs requêtes ou réclamations con-
cernant leurs pensions. Pour eux, j'incarnais
la justice puisque je représentais le gouver-
nement français.
Quelques réconfortantes que soient les im-
pressions nécessairement superficielles que
j'ai rapportées de Tunisie (car je ne peux
pas me flatter d'avoir tout vu et tout com-
pris en huit jours) je dois à la vérité d'ap-
Sbeitla. — Les trois temples capitolins.
porter quelques ombres au tableau, mais les
Français de Tunisie n'en sont en rien res-
ponsables. Pour que les richesses du sol et
du sous-sol du protectorat soient mises en
valeur comme elles méritent de l'être, il faut
tout d'abord qu'elles soient mieux connues
des Français de la métropole et peut-être se-
rait-il nécessaire de faire, dans ce sens, une
propagande active par le livre, la confé-
rence, le cinéma. Il parait indispensable en-
core d'attirer vers cette région de l'Afrique
du Nord des jeunes gens pleins de force,
d'énergie et d'activité. Il n'y a pas de colo-
nisation sans colons, c'est une vérité élémen-
taire et la France ne doit pas se borner à
donner des « cadres » si excellents soient-
ils. Enfin, il serait désirable que les capitaux
français se dirigeassent vers les entreprises
tunisiennes qui n'ont besoin que d'argent
pour être de tout premier ordre. La petite
épargne, trop souvent pillée par des cheva-
liers d'industrie, trouverait là des placements
sûrs, fructueux, en même temps que d'un
grand intérêt national.
Faire connaître la Tunisie, la faire ap-
précier, c'est faire œuvre patriotique. Mais
n'en pourrait-on pas dire autant pour toutes
nos colonies?
Louis ANTÉRIOU,
Député de l'Ardèche,
Ministre des Pensions.
LA
LES
^©§IS 0'ÂLLÂH
C'était en 1907, à mon premier
voyage en Tunisie, quelque part sur la
route de Tunis à Bizerte. Nous filions
en tricar entre un paysage aride et mo-
notone. Soudain, à une sorte de car-
refour, où convergeaient des pistes dé-
sertiques, un éblouissant bouquet de
verdure semblait suspendu dans l'air.
C'était une noria qui dominait deux
charmants édicules à coupole verte, re-
liés par un abreuvoir. Sur un second
côté un café précédé de trois arcades.
Des bergers et des nomades s'y repo-
saient. Nous arrêtâmes notre véhicule,
nous disposant à les imiter.
Mais le cafetier, un citadin fort dis-
tingué, à gebba mauve et turban blanc.
nous invita à le suivre sur la pente qui
montait à la noria. Un mulet aveuglé
y tournait attaché à l'axe d'une roue
hydraulique. Autour de cette humi-
dité, un jardin merveilléux avait jailli,
un jardin d'orangers en fleurs et de ro-
ses dont la suavité nous enivrait. Nous
allâmes nous asseoir sur un banc en ma-
çonnerie à l'extrémité delà terrasse, tan-
dis que le cafetier partit nous apporter
des tassettes de moka et de l'eau claire
dans de jolis vases étrusques.
Il nous tendit encore une rose et un
brin de basilic, puis, frottant lui-même
une feuille de citronnier entre ses doigts,
il s'assit à nos pieds.
Derrière nous se déroulait la plaine
morne où des troupeaux soulevaient des
couloirs de poussière fauve. Devant nous
la mule aveuglée écrasait sous ses sa-
bots des pétales embaumés, et, chaque
fois qu'elle s'approchait de nous, elle
ralentissait son allure et dressait ses in-
quiètes oreilles comme pour surprendre
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L'amphithéâtre d'EI.Djem.
taines de mètres de la mer, déploie la mer-
veilleuse forêt de ses palmiers à travers la-
quelle coulent des ruisseaux d'eau vive? On
les a décrites trop souvent pour que je dise
leur charme et la surprise que l'on éprouve
devant leur luxuriance, après avoir franchi
des centaines de kilomètres d'espace déser-
tique.
A parler franc, ce n'est pas l'activité de
la Tunisie, ni la beauté de ses paysages, de
ses monuments ou de ses villes qui m'ont
causé les impressions les plus vives.
J'ai été frappé surtout par l'attachement
profond que les indigènes tunisiens témoi-
gnent à la France, par les excellentes rela-
tions que les Européens de nationalité diffé-
rente entretiennent les uns avec les autres et
avec les habitants du pays. Les indigènes ont
donné au cours de la guerre une preuve
éclatante de loyalisme en combattant dans
nos armées, sur le sol français, en restant
fidèles à la nation protectrice dans leur pays
pourtant dégarni de troupes. Ce loyalisme
a été renforcé encore quand ils ont constaté
que les victimes de la guerre tunisiennes
avaient les mêmes droits à pension que les
Français. Il n'est pas de mesure qui les ait
frappés davantage et qui nous ait valu plus
de sympathie.
Les populations du sud qui n'avaient pas
vu depuis longtemps de membre du Gouver-
nement Français m'ont fait partout un ac-
cueil enthousiaste et leurs marques de sym
pathie allaient, je le comprenais bien, à la
France plutôt qu'à ma personne. A Gabès,
des manières de bardes indigènes improvi-
sèrent des chants qui disaient la fierté des
Tunisiens d'avoir combattu pour un pays qui
leur avait donné des écoles, des médecins,
des routes et la paix. A Sfax, à Madhia, à
Monastir, à Sousse, à Kairouan, partout où
je m'arrêtai, les anciens combattants indigè-
nes me présentaient, avec une confiance tou-
chante, leurs requêtes ou réclamations con-
cernant leurs pensions. Pour eux, j'incarnais
la justice puisque je représentais le gouver-
nement français.
Quelques réconfortantes que soient les im-
pressions nécessairement superficielles que
j'ai rapportées de Tunisie (car je ne peux
pas me flatter d'avoir tout vu et tout com-
pris en huit jours) je dois à la vérité d'ap-
Sbeitla. — Les trois temples capitolins.
porter quelques ombres au tableau, mais les
Français de Tunisie n'en sont en rien res-
ponsables. Pour que les richesses du sol et
du sous-sol du protectorat soient mises en
valeur comme elles méritent de l'être, il faut
tout d'abord qu'elles soient mieux connues
des Français de la métropole et peut-être se-
rait-il nécessaire de faire, dans ce sens, une
propagande active par le livre, la confé-
rence, le cinéma. Il parait indispensable en-
core d'attirer vers cette région de l'Afrique
du Nord des jeunes gens pleins de force,
d'énergie et d'activité. Il n'y a pas de colo-
nisation sans colons, c'est une vérité élémen-
taire et la France ne doit pas se borner à
donner des « cadres » si excellents soient-
ils. Enfin, il serait désirable que les capitaux
français se dirigeassent vers les entreprises
tunisiennes qui n'ont besoin que d'argent
pour être de tout premier ordre. La petite
épargne, trop souvent pillée par des cheva-
liers d'industrie, trouverait là des placements
sûrs, fructueux, en même temps que d'un
grand intérêt national.
Faire connaître la Tunisie, la faire ap-
précier, c'est faire œuvre patriotique. Mais
n'en pourrait-on pas dire autant pour toutes
nos colonies?
Louis ANTÉRIOU,
Député de l'Ardèche,
Ministre des Pensions.
LA
LES
^©§IS 0'ÂLLÂH
C'était en 1907, à mon premier
voyage en Tunisie, quelque part sur la
route de Tunis à Bizerte. Nous filions
en tricar entre un paysage aride et mo-
notone. Soudain, à une sorte de car-
refour, où convergeaient des pistes dé-
sertiques, un éblouissant bouquet de
verdure semblait suspendu dans l'air.
C'était une noria qui dominait deux
charmants édicules à coupole verte, re-
liés par un abreuvoir. Sur un second
côté un café précédé de trois arcades.
Des bergers et des nomades s'y repo-
saient. Nous arrêtâmes notre véhicule,
nous disposant à les imiter.
Mais le cafetier, un citadin fort dis-
tingué, à gebba mauve et turban blanc.
nous invita à le suivre sur la pente qui
montait à la noria. Un mulet aveuglé
y tournait attaché à l'axe d'une roue
hydraulique. Autour de cette humi-
dité, un jardin merveilléux avait jailli,
un jardin d'orangers en fleurs et de ro-
ses dont la suavité nous enivrait. Nous
allâmes nous asseoir sur un banc en ma-
çonnerie à l'extrémité delà terrasse, tan-
dis que le cafetier partit nous apporter
des tassettes de moka et de l'eau claire
dans de jolis vases étrusques.
Il nous tendit encore une rose et un
brin de basilic, puis, frottant lui-même
une feuille de citronnier entre ses doigts,
il s'assit à nos pieds.
Derrière nous se déroulait la plaine
morne où des troupeaux soulevaient des
couloirs de poussière fauve. Devant nous
la mule aveuglée écrasait sous ses sa-
bots des pétales embaumés, et, chaque
fois qu'elle s'approchait de nous, elle
ralentissait son allure et dressait ses in-
quiètes oreilles comme pour surprendre
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