Page 6
Les Annales Coloniales :
P>[R@PU€TI]©M ET £@MMISI€E
PI lA BANANE EM GUADELOUPE
« Ce n'est pas un mince service rendu aux
classes laborieuses du pays que d'avoir fait de
la banane un article des plus communs de la
charrette du colporteur ».
Ainsi s'exprimait, naguère, un parlementaire
anglais à la Chambre des Communes, montrant
la valeur que donnent nos voisins à l'importa-
tion de la banane en Europe.
Ce qui est vrai pour l'Angleterre l'est en-
core, et considérablement plus, pour les Etats-
Unis.
Le nord de l'Europe, la Suède, la Nor-
vège, le Danemark, la Hollande sont de
grands consommateurs de cet excellent fruit.
Il ne semble pas exister de commerce ayant
pris une plus rapide extension. Les premières
bananes importées en France provenaient des
Iles Canaries, et leur nombre paraît actuelle-
ment dérisoire au regard du nombre de ton-
nes qui sont maintenant importées annuelle-
ment dans notre pays.
Pour fixer les idées, il suffit de citer quel-
ques chiffres. En France on consomme actuel-
lement environ 500.000 quintaux de bananes
fraîches et cette consommation par rapport à
celle des autres pays est de :
France, 10 bananes par tête et par an.
Grande-Bretagne, 30 bananes par tête et
par an.
Etats-Unis d'Amérique, 110 bananes par
tête et par an.
L'infime quantité consommée par la France
indique suffisamment, sans qu'il soit besoin d'in-
sister, dans quelle proportion pourra se déve-
lopper la vente de la banane en France lorsque
ce fruit y sera aussi apprécié qu'en Amérique.
La France a pourtant fait des progrès très
considérables et les chiffres d'importation pen-
dant ces dix dernières années sont des plus
éloquents :
1920 10.200 tonnes
1921 ........... 24. 100 tonnes
1923 """""" 46.500 tonnes
1928 """""" 50.000 tonnes
environ pour les 10 premiers mois et représen-
tent une somme de 253 millions de francs.
Mais la France reste en retard comparative-
ment aux autres consommations mondiales.
La culture de la banane en vue de l'expor-
tation du fruit n'a été réalisée que par deux
groupes :
Le groupe des Canaries,
Le groupe des Antilles anglaises et Améri-
que centrale.
Aux Canaries, à l'heure actuelle, la plus
petite parcelle de terrain plantable en bananier
est cultivée pour le fruit et nous ne croyons
pas qu'il soit possible de faire un plus grand
effort que celui déjà réalisé : l'exportation de
ces îles restera importante, mais elle a atteint
son point culminant.
Aux Antilles Anglaises et en Amérique
Centrale, le monopole de la production est dé-
tenu par la Société américaine et anglaise
l'United Fruit C° qu'on ne peut comparer
qu'aux grands trusts mondiaux du pétrole, du
coton et autres produits industriels, détenus par
nos amis Américains.
L'effort accompli est réellement formidable,
mais l'accroissement de la demande dépasse
considérablement les possibilités de développe-
ment de la culture.
Quelques chiffres encore...
Aux Etats-Unis seulement, la valeur des im-
portations annuelles, d'après le « statistical abs-
traet » (publication officielle de Washington),
atteint 70.000.000 de régimes de bananes,
auxquels il faut ajouter 10.000.000 de régimes
importés annuellement en Angleterre.
D'ailleurs, l'exemple des Etats-Unis est
suivi presque partout ; prenons au hasard ; la
Suède, par exemple, recevait :
Tonnes de bananes
En 1910 618
En 1914 936
En 1921 1.711
En 1923 5.090
En 1928 ................ 11.000
De plus, le marché allemand, qui, avant
la guerre, était avec l'Angleterre le plus con-
sidérable, recommence à s'ouvrir, et la de-
mande dans ce pays redevient de plus en plus
importante.
La raison principale du succès de la ba-
nane dans le monde entier, et particulière-
ment aux Etats-Unis, est d'abord la valeur
inestimable de cet aliment.
La raison secondaire, et qui n'est pas à dé-
daigner, c'est l'esprit d'organisation de nos
anciens alliés.
N'est-il pas possible, profitant de l'ensei-
gnement de nos amis, de créer en France un
organisme semblable, mettant pour cela au
service de la mère patrie une des colonies
françaises qui en tirerait une source inestimable
de revenus ?
Chacun sait quelle prospérité les Espagnols
ont su faire naître, grâce à la culture de la
banane, aux Iles Canaries qui, jusqu'alors,
nourrissaient à peine leurs habitants.
L'exemple de l'Ile de la Jamaïque est
également fort intéressant. Le capitaine Baker
commença à exporter la banane de la Jamaï-
que il y a 55 ans. A cette époque, le chiffre
des exportations était pour cette île de 18.200
francs, et en 1912 cette même exploitation
donnait à ceux qui s'y livraient des revenus
dépassant 100.000.000 de francs.
Si les Français sont encore de petits clients,
mais des clients fidèles de la banane des Ca-
naries et des Antilles anglaises, il ne faut pas
oublier que celui qui créa l'industrie du froid,
Charles Tellier, était des nôtres, et que, d'au-
tre part, nous avons dans la mer des Antilles,
et mieux placées que les colonies anglaises,
parce que plus près de la France, des colonies
qui fournissent des bananes supérieures, comme
finesse de goût, à toutes celles que l'on con-
somme en payant un lourd tribut à l'étranger.
Nos colonies d'Amérique, et en particulier
la Guadeloupe, sont actuellement très riches
en fruits ; les plantations premières ne sont pas
à faire, elles existent, non seulement comme
bananeraies, mais dans les plantations de ca-
féiers comme source d'ombre et de protection.
Il n'y a plus qu'à les étendre pour obtenir
une production suffisante pour la fourniture de
la majeure partie des fruits consommés en
France, et cela à des prix mettant la banane à
la portée de toutes les bourses.
C'est ce dont nous sommes convaincus, c'est
ce que nous avons prouvé par nos expériences,
et c'est dans le but de convaincre ceux qui
sont susceptibles d'apporter leur concours à la
tâche entreprise que nous faisons cet exposé.
La Guadeloupe
Située aux environs du 15e degré de lati-
tude Nord et du 63e degré de longitude
Ouest, à la même hauteur que les Iles du
Cap Vert, la Jamaïque et le Honduras, la
Guadeloupe présente le maximum des qualités
requises aux pays tropicaux, tout en étant favo-
risée quant aux inconvénients inhérents à la
situation de ces régions.
Le pays présente, pour le commerce euro-
péen, un avantage primordial : c'est la pre-
mière terre rencontrée par un navire faisant
route sur l'Amérique Centrale. On peut comp-
ter qu'un vapeur mettant 18 à 20 jours pour
aller de Santa-Martha à Rotterdam gagnerait
8 à 10 jours de traversée, s'il pouvait charger
à la Guadeloupe et 6 à 8 jours s'il chargeait à
la Martinique.
Ce navire pourrait pratiquement, en mar-
chant normalement et prenant la direction
Nord-Nord-Est, passer les Tropiques au bout
La Pointe-à-Pitre. — Un coin du Jardin Botanique. (Cl. Boisel.)
Les Annales Coloniales :
P>[R@PU€TI]©M ET £@MMISI€E
PI lA BANANE EM GUADELOUPE
« Ce n'est pas un mince service rendu aux
classes laborieuses du pays que d'avoir fait de
la banane un article des plus communs de la
charrette du colporteur ».
Ainsi s'exprimait, naguère, un parlementaire
anglais à la Chambre des Communes, montrant
la valeur que donnent nos voisins à l'importa-
tion de la banane en Europe.
Ce qui est vrai pour l'Angleterre l'est en-
core, et considérablement plus, pour les Etats-
Unis.
Le nord de l'Europe, la Suède, la Nor-
vège, le Danemark, la Hollande sont de
grands consommateurs de cet excellent fruit.
Il ne semble pas exister de commerce ayant
pris une plus rapide extension. Les premières
bananes importées en France provenaient des
Iles Canaries, et leur nombre paraît actuelle-
ment dérisoire au regard du nombre de ton-
nes qui sont maintenant importées annuelle-
ment dans notre pays.
Pour fixer les idées, il suffit de citer quel-
ques chiffres. En France on consomme actuel-
lement environ 500.000 quintaux de bananes
fraîches et cette consommation par rapport à
celle des autres pays est de :
France, 10 bananes par tête et par an.
Grande-Bretagne, 30 bananes par tête et
par an.
Etats-Unis d'Amérique, 110 bananes par
tête et par an.
L'infime quantité consommée par la France
indique suffisamment, sans qu'il soit besoin d'in-
sister, dans quelle proportion pourra se déve-
lopper la vente de la banane en France lorsque
ce fruit y sera aussi apprécié qu'en Amérique.
La France a pourtant fait des progrès très
considérables et les chiffres d'importation pen-
dant ces dix dernières années sont des plus
éloquents :
1920 10.200 tonnes
1921 ........... 24. 100 tonnes
1923 """""" 46.500 tonnes
1928 """""" 50.000 tonnes
environ pour les 10 premiers mois et représen-
tent une somme de 253 millions de francs.
Mais la France reste en retard comparative-
ment aux autres consommations mondiales.
La culture de la banane en vue de l'expor-
tation du fruit n'a été réalisée que par deux
groupes :
Le groupe des Canaries,
Le groupe des Antilles anglaises et Améri-
que centrale.
Aux Canaries, à l'heure actuelle, la plus
petite parcelle de terrain plantable en bananier
est cultivée pour le fruit et nous ne croyons
pas qu'il soit possible de faire un plus grand
effort que celui déjà réalisé : l'exportation de
ces îles restera importante, mais elle a atteint
son point culminant.
Aux Antilles Anglaises et en Amérique
Centrale, le monopole de la production est dé-
tenu par la Société américaine et anglaise
l'United Fruit C° qu'on ne peut comparer
qu'aux grands trusts mondiaux du pétrole, du
coton et autres produits industriels, détenus par
nos amis Américains.
L'effort accompli est réellement formidable,
mais l'accroissement de la demande dépasse
considérablement les possibilités de développe-
ment de la culture.
Quelques chiffres encore...
Aux Etats-Unis seulement, la valeur des im-
portations annuelles, d'après le « statistical abs-
traet » (publication officielle de Washington),
atteint 70.000.000 de régimes de bananes,
auxquels il faut ajouter 10.000.000 de régimes
importés annuellement en Angleterre.
D'ailleurs, l'exemple des Etats-Unis est
suivi presque partout ; prenons au hasard ; la
Suède, par exemple, recevait :
Tonnes de bananes
En 1910 618
En 1914 936
En 1921 1.711
En 1923 5.090
En 1928 ................ 11.000
De plus, le marché allemand, qui, avant
la guerre, était avec l'Angleterre le plus con-
sidérable, recommence à s'ouvrir, et la de-
mande dans ce pays redevient de plus en plus
importante.
La raison principale du succès de la ba-
nane dans le monde entier, et particulière-
ment aux Etats-Unis, est d'abord la valeur
inestimable de cet aliment.
La raison secondaire, et qui n'est pas à dé-
daigner, c'est l'esprit d'organisation de nos
anciens alliés.
N'est-il pas possible, profitant de l'ensei-
gnement de nos amis, de créer en France un
organisme semblable, mettant pour cela au
service de la mère patrie une des colonies
françaises qui en tirerait une source inestimable
de revenus ?
Chacun sait quelle prospérité les Espagnols
ont su faire naître, grâce à la culture de la
banane, aux Iles Canaries qui, jusqu'alors,
nourrissaient à peine leurs habitants.
L'exemple de l'Ile de la Jamaïque est
également fort intéressant. Le capitaine Baker
commença à exporter la banane de la Jamaï-
que il y a 55 ans. A cette époque, le chiffre
des exportations était pour cette île de 18.200
francs, et en 1912 cette même exploitation
donnait à ceux qui s'y livraient des revenus
dépassant 100.000.000 de francs.
Si les Français sont encore de petits clients,
mais des clients fidèles de la banane des Ca-
naries et des Antilles anglaises, il ne faut pas
oublier que celui qui créa l'industrie du froid,
Charles Tellier, était des nôtres, et que, d'au-
tre part, nous avons dans la mer des Antilles,
et mieux placées que les colonies anglaises,
parce que plus près de la France, des colonies
qui fournissent des bananes supérieures, comme
finesse de goût, à toutes celles que l'on con-
somme en payant un lourd tribut à l'étranger.
Nos colonies d'Amérique, et en particulier
la Guadeloupe, sont actuellement très riches
en fruits ; les plantations premières ne sont pas
à faire, elles existent, non seulement comme
bananeraies, mais dans les plantations de ca-
féiers comme source d'ombre et de protection.
Il n'y a plus qu'à les étendre pour obtenir
une production suffisante pour la fourniture de
la majeure partie des fruits consommés en
France, et cela à des prix mettant la banane à
la portée de toutes les bourses.
C'est ce dont nous sommes convaincus, c'est
ce que nous avons prouvé par nos expériences,
et c'est dans le but de convaincre ceux qui
sont susceptibles d'apporter leur concours à la
tâche entreprise que nous faisons cet exposé.
La Guadeloupe
Située aux environs du 15e degré de lati-
tude Nord et du 63e degré de longitude
Ouest, à la même hauteur que les Iles du
Cap Vert, la Jamaïque et le Honduras, la
Guadeloupe présente le maximum des qualités
requises aux pays tropicaux, tout en étant favo-
risée quant aux inconvénients inhérents à la
situation de ces régions.
Le pays présente, pour le commerce euro-
péen, un avantage primordial : c'est la pre-
mière terre rencontrée par un navire faisant
route sur l'Amérique Centrale. On peut comp-
ter qu'un vapeur mettant 18 à 20 jours pour
aller de Santa-Martha à Rotterdam gagnerait
8 à 10 jours de traversée, s'il pouvait charger
à la Guadeloupe et 6 à 8 jours s'il chargeait à
la Martinique.
Ce navire pourrait pratiquement, en mar-
chant normalement et prenant la direction
Nord-Nord-Est, passer les Tropiques au bout
La Pointe-à-Pitre. — Un coin du Jardin Botanique. (Cl. Boisel.)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.05%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.05%.
- Collections numériques similaires Numba, la bibliothèque numérique du Cirad Numba, la bibliothèque numérique du Cirad /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "NmBA001"Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"
- Auteurs similaires Ruedel Marcel Ruedel Marcel /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ruedel Marcel" or dc.contributor adj "Ruedel Marcel")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 8/28
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k97431301/f8.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k97431301/f8.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k97431301/f8.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k97431301
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k97431301