Titre : Les Annales coloniales : revue mensuelle illustrée / directeur-fondateur Marcel Ruedel
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-09-01
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Contributeur : Monmarson, Raoul (1895-1976). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326934111
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1929 01 septembre 1929
Description : 1929/09/01-1929/09/30. 1929/09/01-1929/09/30.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97431301
Source : CIRAD, 2016-191112
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
Les Annales Coloniales
Page 3 :
cain fut pressuré jusque dans ses profon-
deurs pour fournir aux planteurs européens
des Antilles la main-d'œuvre noire néces-
saire à l'exploitation des îles tropicales. La
razzia, la traite, la mise en esclavage de
toute une race furent comme la rançon de
la mise en valeur de l'Amérique centrale.
Ces paradis naturels devinrent des enfers
sociaux. On a pu évaluer à plus de 10 mil-
lions en trois cents ans le nombre des nègres
et des négresses qui furent ainsi transplan-
tés de Guinée, du Soudan, du Congo, sur
les rivages de la mer Caraïbe. Les pre-
mières générations de ces noirs africains,
assujetties sous le fouet aux travaux écra-
sants des mines ou des plantations, dispa-
rurent sans descendance comme avaient dis-
paru les dernières générations caraïbes. Ce
ne fut que bien lentement, sous l'afflux sans
cesse renouvelé de nouveaux transports de
Le coupeur de canne à sucre.
(Etude inédite de Germaine Casse.)
Femme portant la canne à sucre.
(Etude inédite de Germaine Casse.)
négriers, que la famille noire africaine se
reforma en Amérique, recomposant de mille
tribus éparses une véritable race nouvelle,
plus ou moins mêlée au sang, lui-même très
confus, de ces maîtres d'origine blanche.
Les premiers de ces maîtres étaient venus
d'Espagne et du Portugal à la suite de
Colomb et de Cortez. Arrivèrent ensuite les
Normands, les Bretons, les Anglais, les
Hollandais, les Danois, tous les capitaines
d'aventure et les colons d'audace qui vinrent
chercher fortune ou refaire leur vie aux
eldorados du Nouveau Monde. Les Petites
Antilles furent ainsi colonisées, de 1635 à
1695, par de petits gentilshommes nor-
mands, bretons ou angevins, Belain d'Es-
nambuc, Charles de l'Olive, Du Plessis,
Houël, de Poincy, etc. La place me man-
querait, dans ce court exposé, pour retracer
l'histoire pittoresque et souvent tragique de
cette colonisation. On la trouvera, d'ailleurs,
écrite dans les vieux livres si curieux de
Rochefort, de Dutertre, du Père Labat, et
aussi dans le grand ouvrage, célèbre au
xviii" siècle, de Raynal sur les Indes-Occi-
dentales.
Successivement, la culture du tabac (du
petun, comme on disait au xvii" siècle), puis
celle du coton, et enfin celle de la canne à
sucre figurent à la base de cette histoire
coloniale de nos Antilles françaises, au-des-
sus de laquelle brillent les illustres noms
de ses fondateurs, le cardinal de Richelieu
et le grand Colbert. Le moment le plus
éclatant de cette première société coloniale
fut l'époque du règne de Louis XVI, au
temps des riches planteurs, des belles
créoles, du commerce du sucre et des épices.
L'esclavage des noirs s'était singulièrement
adouci, notamment dans la bonne Guade-
loupe. Mais ces adoucissements mêmes n'en
rendaient que plus cuisante l'inhumanité
fondamentale. Aussi, lorsque éclatèrent les
premiers coups de tonnerre de la Révolution
française, l'écho s'en répercuta dans toutes
les Antilles au point d'y devenir le signal
de l'affranchissement des races de couleur.
A la Guadeloupe, ce fut un député de la
Convention nationale, Victor Hugues, dé-
légué par elle comme commissaire de la
République, qui proclama les noirs hommes
libres et les arma contre l'invasion étran-
gère. Avec l'aide de l'héroïque mulâtre Del-
grès et des Guadeloupéens de couleur, il put
repousser victorieusement les Anglais. Ainsi
la première grande libération nationale des
esclaves noirs reste liée à l'acte suprême de
la défense nationale en 1793. Cent vingt
ans plus tard, les arrière-petits-fils des af-
franchis de Victor Hugues devaient encore
s'en souvenir, pour la gloire commune de la
France et de la Guadeloupe, sur nos champs
de bataille européens des armées du Nord-
Est et de l'armée d'Orient.
Associée dès les premières heures à la
guerre pour l'indépendance française,
l'émancipation sociale des noirs et des hom-
mes de couleur aurait pu nous conserver
Saint-Domingue et Haïti en même temps
que la Guadeloupe et la Martinique. Mal-
heureusement, Napoléon-Bonaparte, bien
qu'il eût épousé une blanche martiniquaise,
la séduisante Joséphine de Beauharnais,
commit l'erreur, en partie irréparable, de
rétablir l'esclavage aux Antilles. Au lieu
de parachever le geste utile et noble de la
Convention, il recula au delà de l'ancien ré-
gime, il remit dans les fers de l'esclavage
les millions de noirs que la République
venait de faire citoyens, il provoqua ainsi
ces révolutions antillaises où la France per-
dit les trois quarts de son diadème colonial
d'alors.
Il fallut, quarante ans plus tard, les
grandes voix de Schœlcher et de Lamartine,
avec la proclamation de la seconde Répu-
blique, pour que la société coloniale nou-
velle fût enfin fondée sur l'égalité des races.
La race noire, à côté de la race blanche,
vint alors siéger officiellement à l'Assem-
blée nationale dans la personne du Guade-
loupéen Mathieu, aux côtés de l'Européen
Schœlcher.
La troisième République a définitivement
consolidé le régime de la démocratie colo-
niale antillaise. Depuis soixante ans,
la Guadeloupe et la Martinique n'ont cessé
d'être représentées au Parlement français.
Les lois et décrets de la métropole ont été
successivement promulgués et appliqués
Page 3 :
cain fut pressuré jusque dans ses profon-
deurs pour fournir aux planteurs européens
des Antilles la main-d'œuvre noire néces-
saire à l'exploitation des îles tropicales. La
razzia, la traite, la mise en esclavage de
toute une race furent comme la rançon de
la mise en valeur de l'Amérique centrale.
Ces paradis naturels devinrent des enfers
sociaux. On a pu évaluer à plus de 10 mil-
lions en trois cents ans le nombre des nègres
et des négresses qui furent ainsi transplan-
tés de Guinée, du Soudan, du Congo, sur
les rivages de la mer Caraïbe. Les pre-
mières générations de ces noirs africains,
assujetties sous le fouet aux travaux écra-
sants des mines ou des plantations, dispa-
rurent sans descendance comme avaient dis-
paru les dernières générations caraïbes. Ce
ne fut que bien lentement, sous l'afflux sans
cesse renouvelé de nouveaux transports de
Le coupeur de canne à sucre.
(Etude inédite de Germaine Casse.)
Femme portant la canne à sucre.
(Etude inédite de Germaine Casse.)
négriers, que la famille noire africaine se
reforma en Amérique, recomposant de mille
tribus éparses une véritable race nouvelle,
plus ou moins mêlée au sang, lui-même très
confus, de ces maîtres d'origine blanche.
Les premiers de ces maîtres étaient venus
d'Espagne et du Portugal à la suite de
Colomb et de Cortez. Arrivèrent ensuite les
Normands, les Bretons, les Anglais, les
Hollandais, les Danois, tous les capitaines
d'aventure et les colons d'audace qui vinrent
chercher fortune ou refaire leur vie aux
eldorados du Nouveau Monde. Les Petites
Antilles furent ainsi colonisées, de 1635 à
1695, par de petits gentilshommes nor-
mands, bretons ou angevins, Belain d'Es-
nambuc, Charles de l'Olive, Du Plessis,
Houël, de Poincy, etc. La place me man-
querait, dans ce court exposé, pour retracer
l'histoire pittoresque et souvent tragique de
cette colonisation. On la trouvera, d'ailleurs,
écrite dans les vieux livres si curieux de
Rochefort, de Dutertre, du Père Labat, et
aussi dans le grand ouvrage, célèbre au
xviii" siècle, de Raynal sur les Indes-Occi-
dentales.
Successivement, la culture du tabac (du
petun, comme on disait au xvii" siècle), puis
celle du coton, et enfin celle de la canne à
sucre figurent à la base de cette histoire
coloniale de nos Antilles françaises, au-des-
sus de laquelle brillent les illustres noms
de ses fondateurs, le cardinal de Richelieu
et le grand Colbert. Le moment le plus
éclatant de cette première société coloniale
fut l'époque du règne de Louis XVI, au
temps des riches planteurs, des belles
créoles, du commerce du sucre et des épices.
L'esclavage des noirs s'était singulièrement
adouci, notamment dans la bonne Guade-
loupe. Mais ces adoucissements mêmes n'en
rendaient que plus cuisante l'inhumanité
fondamentale. Aussi, lorsque éclatèrent les
premiers coups de tonnerre de la Révolution
française, l'écho s'en répercuta dans toutes
les Antilles au point d'y devenir le signal
de l'affranchissement des races de couleur.
A la Guadeloupe, ce fut un député de la
Convention nationale, Victor Hugues, dé-
légué par elle comme commissaire de la
République, qui proclama les noirs hommes
libres et les arma contre l'invasion étran-
gère. Avec l'aide de l'héroïque mulâtre Del-
grès et des Guadeloupéens de couleur, il put
repousser victorieusement les Anglais. Ainsi
la première grande libération nationale des
esclaves noirs reste liée à l'acte suprême de
la défense nationale en 1793. Cent vingt
ans plus tard, les arrière-petits-fils des af-
franchis de Victor Hugues devaient encore
s'en souvenir, pour la gloire commune de la
France et de la Guadeloupe, sur nos champs
de bataille européens des armées du Nord-
Est et de l'armée d'Orient.
Associée dès les premières heures à la
guerre pour l'indépendance française,
l'émancipation sociale des noirs et des hom-
mes de couleur aurait pu nous conserver
Saint-Domingue et Haïti en même temps
que la Guadeloupe et la Martinique. Mal-
heureusement, Napoléon-Bonaparte, bien
qu'il eût épousé une blanche martiniquaise,
la séduisante Joséphine de Beauharnais,
commit l'erreur, en partie irréparable, de
rétablir l'esclavage aux Antilles. Au lieu
de parachever le geste utile et noble de la
Convention, il recula au delà de l'ancien ré-
gime, il remit dans les fers de l'esclavage
les millions de noirs que la République
venait de faire citoyens, il provoqua ainsi
ces révolutions antillaises où la France per-
dit les trois quarts de son diadème colonial
d'alors.
Il fallut, quarante ans plus tard, les
grandes voix de Schœlcher et de Lamartine,
avec la proclamation de la seconde Répu-
blique, pour que la société coloniale nou-
velle fût enfin fondée sur l'égalité des races.
La race noire, à côté de la race blanche,
vint alors siéger officiellement à l'Assem-
blée nationale dans la personne du Guade-
loupéen Mathieu, aux côtés de l'Européen
Schœlcher.
La troisième République a définitivement
consolidé le régime de la démocratie colo-
niale antillaise. Depuis soixante ans,
la Guadeloupe et la Martinique n'ont cessé
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