Titre : La Dépêche coloniale illustrée
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-29
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327559237
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 février 1908 29 février 1908
Description : 1908/02/29 (A8,N4). 1908/02/29 (A8,N4).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97429967
Source : CIRAD, 2016-191284
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2016
LA DEPECHE COLONIALE ILLUSTREE 71
dans la mosquée du fondateur de la ville de
Fez, Moulaï Eddris II. Il n'existe peut-ètre pas,
dans tout le Maroc, de marabout aussi vénéré
LE DOCTEUR G. SAMNÉ.
que celui-là, et sa violation était considérée
comme une chose impossible. Cependant les
soldats qui recherchaient Oudiy le firent sor-
tir par la force du lieu sacré et le tuèrent aus-
sitôt.
Cette curieuse institution de l'inviolabilité
des mosquées est presque identique à. l'ancien
droit d'asile qui existait en France au moyen
âge. Bien qu'elle soit opposée à tous les prin-
cipes d'une bonne justi-ce répressive, cette
coutume a cependant un certain avantage dans
un pays comme le Maroc, où la pitié est in-
connue et où les châtiments les plus cruels
sont infligés aux criminels. Le droit d'asile
corrige l'excès de barbarie de la loi pénale et
atténue la férocité des mœurs.
Quelquefois, la qualité de hornl n'est pas ex-
clusivement limitée au tombeau d'un saint.
Elle peut s'étendre à un quartier tel que celui
de Moulaï Eddris à. Fez, ou même à une ville
entière comme Ouezzan.
En dehors des tombeaux de saints, il existe
aussi des endroits, des personnes ou des cho-
ses qui sont considérés comme horm et qui
peuvent préserver les criminels du châtiment.
Les écuries du sultan sont horm. De même les
légations et consulats. Les chérifs sont invio-
lables, et- aussi certaines personnes se trou-
vant dans des conditions particulières. C'est
ainsi que l'individu poursuivi qui, dans sa
fuite. rencontre une vieille femme et lui touche
le sein, ne peut plus être arrêté ; son geste si-
gnifiait que cette femme était désormais sa
mère, et qu'il se plaçait sous sa protection et
sous celle de la tribu dont sa protectrice dé-
pend.
Parmi les objets qui sont considérés comme
sacrés et auxquels est attachée une sorte de
sauvegarde, nous citerons les canons qui
exercent une action bienfaisante sur les indi-
vidus réfugiés auprès d'eux. On ne peut plus
désormais atteindre ces individus, et les artil-
leurs pourvoient charitablement à leur subsis-
tance.
Certains horm sont entretenus par des ha-
bous, tel celui de Ben Achir à Salé, de sorte
que les réfugiés ne sont- pas obligés de s'expo-
ser à être pris pour subvenir à leurs besoins
matériels.
Le horm étant une institution exclusivement
religieuse, il serait considéré 'comme grave-
ment violé si tout autre qu'un musulman en
franchissait le seuil.
On peut rapprocher du horm le zoúag, lieu
sacré qui confère également l'immunité- à ce-
lui qui s'y réfugie, mais dont l'accès n'est pas
interdit aux infidèles, tel le droit d'asile des
canons.
Une particularité du zouag, c'est qu'il n'a
pas de habou, de sorte que le réfugié ne tarde
pas à être dans la pénible alternative de se ren-
dre à ceux qui le poursuivent ou de mourir de
faim. Parfois, le mokkadem lui vient en aide
au moyen d'un ingénieux subterfuge. Il con-
fie au protégé l'étoffe (zif) qui couvre le sarco-
phage ou un objet quelconque à l'usage du
culte, montrant que la protection du saint
s'étend sur celui qui porte cette étoffe ou cet
objet, quel que. soit l'endroit où il se trouve.
Il faut d'ailleurs reconnaître qu'il est relati-
vement facile au sultan de rompre le privilège
du zouag, comme celui du horm. Il lui suffit
pour cela de trouver une assemblée d'oulémas
consentant à interpréter la loi dans le sens
qu'on leur indique. Avec un peu de bonne vo-
CAMP DU DOCTEUR SAMNÉ A OULD HACHEMI, CHEZ LES BENI HASSEN.
lonté, on découvre toujours une excellente rai-
son pour excuser la violation du droit d'asile,
ne fût-ce qu'en rappelant qu'au cours des lut-
MULETIER MAROCAIN.
tes qu'il eut à soutenir, Mahomet versa le sang
- dans la Kaaba.
De grandes fêtes sont organisées périodique-.
M. F. GUEUGNON.
ment en l'honneur des saints et attirent du
monde de régions souvent lointaines. Ces 'fêtes,
appelées mousem, ont quelque analogie avec
les pardons de Bretagne, car elles présentent
le même caractère religieux et sont également
accompagnées de réjouissances d'ordre pro-
fane. Aux mousem, on fait des sacrifices de
bétail et on brûle de l'encens devant le sanc-
tuaire. Et ce sont aussi des festins accompa-
gnés de musique, de chants et de danses. Par
un privilège spécial, les hommes et les femmes
peuvent se voir sans voiles pendant la durée
de la fète. Cet usage est tout à fait courant, en
particulier à la fête annuelle d'Abd es Selam
ben Mechich.
Au Maroc, la coutume donne force de loi aux
serments faits au nom d'un saint. Il existe
pourtant quelques procédés habiles pour éviter
les conséquences religieuses du faux serment.
C'est ainsi que les commerçants de Fez, avant
d'acheter ou de créer leur fonds, vont faire un.
pèlerinage au tombeau de Moulaï Eddris et lui
promettent une part de leurs bénéfices. Dès ce
moment, lorsqu'un acheteur demande le prix
d'un objet, ils peuvent répondre en invoquant
le nom du saint en toute sécurité : « Hak Mou-
laï Eddris. » Or, hak signifie part, et on peut
supposer qu'ils indiquent que le saint est asso-
cié à leurs opérations !
En quittant Lalla Maïmouna, nous nous di-
rigeons vers Larache, faisant ainsi un crochet
vers le nord-ouest avant d'entrer dans le
Gharb. La région que nous traversons est très
fertile et souvent bien cultivée. Le maïs et
l'orge dominent et sont d'une belle venue.
L'eau est d'ailleurs abondante dans toute la ré-
dans la mosquée du fondateur de la ville de
Fez, Moulaï Eddris II. Il n'existe peut-ètre pas,
dans tout le Maroc, de marabout aussi vénéré
LE DOCTEUR G. SAMNÉ.
que celui-là, et sa violation était considérée
comme une chose impossible. Cependant les
soldats qui recherchaient Oudiy le firent sor-
tir par la force du lieu sacré et le tuèrent aus-
sitôt.
Cette curieuse institution de l'inviolabilité
des mosquées est presque identique à. l'ancien
droit d'asile qui existait en France au moyen
âge. Bien qu'elle soit opposée à tous les prin-
cipes d'une bonne justi-ce répressive, cette
coutume a cependant un certain avantage dans
un pays comme le Maroc, où la pitié est in-
connue et où les châtiments les plus cruels
sont infligés aux criminels. Le droit d'asile
corrige l'excès de barbarie de la loi pénale et
atténue la férocité des mœurs.
Quelquefois, la qualité de hornl n'est pas ex-
clusivement limitée au tombeau d'un saint.
Elle peut s'étendre à un quartier tel que celui
de Moulaï Eddris à. Fez, ou même à une ville
entière comme Ouezzan.
En dehors des tombeaux de saints, il existe
aussi des endroits, des personnes ou des cho-
ses qui sont considérés comme horm et qui
peuvent préserver les criminels du châtiment.
Les écuries du sultan sont horm. De même les
légations et consulats. Les chérifs sont invio-
lables, et- aussi certaines personnes se trou-
vant dans des conditions particulières. C'est
ainsi que l'individu poursuivi qui, dans sa
fuite. rencontre une vieille femme et lui touche
le sein, ne peut plus être arrêté ; son geste si-
gnifiait que cette femme était désormais sa
mère, et qu'il se plaçait sous sa protection et
sous celle de la tribu dont sa protectrice dé-
pend.
Parmi les objets qui sont considérés comme
sacrés et auxquels est attachée une sorte de
sauvegarde, nous citerons les canons qui
exercent une action bienfaisante sur les indi-
vidus réfugiés auprès d'eux. On ne peut plus
désormais atteindre ces individus, et les artil-
leurs pourvoient charitablement à leur subsis-
tance.
Certains horm sont entretenus par des ha-
bous, tel celui de Ben Achir à Salé, de sorte
que les réfugiés ne sont- pas obligés de s'expo-
ser à être pris pour subvenir à leurs besoins
matériels.
Le horm étant une institution exclusivement
religieuse, il serait considéré 'comme grave-
ment violé si tout autre qu'un musulman en
franchissait le seuil.
On peut rapprocher du horm le zoúag, lieu
sacré qui confère également l'immunité- à ce-
lui qui s'y réfugie, mais dont l'accès n'est pas
interdit aux infidèles, tel le droit d'asile des
canons.
Une particularité du zouag, c'est qu'il n'a
pas de habou, de sorte que le réfugié ne tarde
pas à être dans la pénible alternative de se ren-
dre à ceux qui le poursuivent ou de mourir de
faim. Parfois, le mokkadem lui vient en aide
au moyen d'un ingénieux subterfuge. Il con-
fie au protégé l'étoffe (zif) qui couvre le sarco-
phage ou un objet quelconque à l'usage du
culte, montrant que la protection du saint
s'étend sur celui qui porte cette étoffe ou cet
objet, quel que. soit l'endroit où il se trouve.
Il faut d'ailleurs reconnaître qu'il est relati-
vement facile au sultan de rompre le privilège
du zouag, comme celui du horm. Il lui suffit
pour cela de trouver une assemblée d'oulémas
consentant à interpréter la loi dans le sens
qu'on leur indique. Avec un peu de bonne vo-
CAMP DU DOCTEUR SAMNÉ A OULD HACHEMI, CHEZ LES BENI HASSEN.
lonté, on découvre toujours une excellente rai-
son pour excuser la violation du droit d'asile,
ne fût-ce qu'en rappelant qu'au cours des lut-
MULETIER MAROCAIN.
tes qu'il eut à soutenir, Mahomet versa le sang
- dans la Kaaba.
De grandes fêtes sont organisées périodique-.
M. F. GUEUGNON.
ment en l'honneur des saints et attirent du
monde de régions souvent lointaines. Ces 'fêtes,
appelées mousem, ont quelque analogie avec
les pardons de Bretagne, car elles présentent
le même caractère religieux et sont également
accompagnées de réjouissances d'ordre pro-
fane. Aux mousem, on fait des sacrifices de
bétail et on brûle de l'encens devant le sanc-
tuaire. Et ce sont aussi des festins accompa-
gnés de musique, de chants et de danses. Par
un privilège spécial, les hommes et les femmes
peuvent se voir sans voiles pendant la durée
de la fète. Cet usage est tout à fait courant, en
particulier à la fête annuelle d'Abd es Selam
ben Mechich.
Au Maroc, la coutume donne force de loi aux
serments faits au nom d'un saint. Il existe
pourtant quelques procédés habiles pour éviter
les conséquences religieuses du faux serment.
C'est ainsi que les commerçants de Fez, avant
d'acheter ou de créer leur fonds, vont faire un.
pèlerinage au tombeau de Moulaï Eddris et lui
promettent une part de leurs bénéfices. Dès ce
moment, lorsqu'un acheteur demande le prix
d'un objet, ils peuvent répondre en invoquant
le nom du saint en toute sécurité : « Hak Mou-
laï Eddris. » Or, hak signifie part, et on peut
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cié à leurs opérations !
En quittant Lalla Maïmouna, nous nous di-
rigeons vers Larache, faisant ainsi un crochet
vers le nord-ouest avant d'entrer dans le
Gharb. La région que nous traversons est très
fertile et souvent bien cultivée. Le maïs et
l'orge dominent et sont d'une belle venue.
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