LES CRUES DU FLEUVE ROUGE (DÉBOISEMENT ET INONDATIONS)
Le Bulletin Economique de l'Indochine a publié (No 106, de janvier-février 1914) une étude très intéressante de M. l'Ingénieur chef de service Normandin sur les crues du Fleuve Rouge. Malheureusement, elle n'est pas en tous points exacte, surtout en ce qui concerne l'action de la Forêt, et la direction du Bulletin n'a été que sage de faire à ce sujet les plus expresses réserves. Les opinions qui y sont émises à l'égard du rôle de la couverture forestière sont, en effet, de nature à fausser les idées du public sur ce point et nous croyons de notre devoir de forestier, autant que de vieux tonkinois, de présenter une face toute différente de la question. Nous ne regretterons qu'une chose, c'est de ne pas avoir une plus grande compétence personnelle et, par suite, de nous trouver en infériorité vis-à-vis de l'autorité que doit être en la matière l'auteur de l'étude dont nous parlons, Ingénieur, chef de service des Travaux publics et spécialiste de l'hydraulique agricole.
Tout d'abord, et malgré les erreurs commises, involontairement certes, par M. Normandin, nous nous félicitons de ce que des personnalités aussi influentes serrent de près et dissèquent, pour ainsi dire, ces questions vitales afin de les porter à la connaissance du public qui, sans cela, en ignorerait totalement.
Comme nous l'avons dit ailleurs, la lumière ne peut que jaillir de la controverse et c'est en glanant à droite et à gauche les propositions qui peuvent paraître le plus utiles, pour rejeter celles défectueuses, que l'on pourra aboutir à l'adoption des mesures les plus propres à pallier les effets des crues et à poursuivre la réalisation de ces mesures.
Au cas présent, si elle ne s'en tenait qu'à la théorie de M. Normandin, l'opi- nion générale serait induite en erreur et il est non seulement utile, mais néces- saire, indispensable, d'éclairer autrement cette opinion. Nous reconnaissons bien volontiers qu'il est des phénomènes de la Nature d'une puissance telle que les forces humaines ne peuvent rien contre, ou si peu que rien. Les volcans, les tremblements de terre, les raz de marée, les cyclones ou les typhons, les inon- dations provenant de crues exceptionnelles auxquelles les accidents météoriques ne sont pas étrangers, sont de cet ordre. Tout le monde le sait, évidemment ; mais, en ce qui concerne particulièrement les inondations, personne ne veut ou n'ose en convenir et M. l'Ingénieur Normandin a eu le rare courage de le dire publiquement. Nous ne pouvons que l'en approuver, car ce n'est pas en cachant une partie du mal que l'on peut arriver à le guérir ; mais bien en étalant à nu toute la plaie, si désagréable cela soit-il pour tout le monde.
Où nous ne sommes plus d'accord avec M. Normandin, c'est quand il dénie à la Forêt le pouvoir d'influer sur les crues exceptionnelles pour les atténuer.
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