200 JOURNAL D'AGRICULTURE TROPICALE NI 73 — JUILLET 1907 ]
du fait que, d'une façon générale, la floraison
des meilleurs arbres n'a pas lieu en même
temps que celle des plus mauvais, quoiqu'il y
ait des exceptions à la règle. Mais, quand bien
même cette fécondation croisée devrait dimi-
nuer de moitié la rapidité de la sélection, il y
aurait, malgré tout, amélioration de l'espèce.
60 « On peut croire encore que cette pratique
culturale doit demander un travail tellement
considérable qu'elle devient par là même im-
possible. Si, en effet, on doit noter chaque
jour la quantité de latex formée par chaque
arbre, les gommiers pouvant être traités sui-
vant la nouvelle méthode employée à Suoi-Giao,
cent cinquante jours par an, au minimum, il
faudra une comptabilité telle que l'on ne pourra
s'y livrer qu'avec un personnel par trop dis-
pendieux. »
— Mais là n'est pas encore la critique qui
doive nous faire rejeter la pratique de la sélec-
tion. En effet, l'étude approfondie que nous
avons faite de la question nous a montré qu'il
n'était nul besoin de ce travail considérable, et
que quelques rendements journaliers, judi-
cieusement pris sur chaque arbre, suffisaient
amplement pour se faire une idée de la valeur
réciproque des tlevea brasiliensis. Nous verrons,
du reste, plus loin, comment ces mensurations
doivent être faites.
70 « On a dit enfin, qu'avec l'âge, il y avait
atténuation des différences individuelles de
rendement et que, de ce fait, l'importance de
la sélection était bien diminuée. »
— Nous avons, pour notre compte, constaté
pendant plusieurs années déjà, que les Heveas
donnant la plus grande quantité de latex ne
perdent pas leur valeur avec l'âge; c'est ainsi
qu'ils sont restés en tête, comme rendement,
pendant trois années consécutives. M. CIBOT a
remarqué de même (Le caoutchouc au Rio-
Béni, « J. d'A. T. ». n° 18) que certains arbres ne
donnaient jamais que quelques gouttes de
lalex au fond des tichelas. Il s'agit bien pour-
tant, dans ce cas, de peuplements naturels
dont les sujets sont certainement très âgés.
Du reste, en admettant même cette atténuation,
elle n'en subsiste pas moins, et, quand bien
même elle deviendrait complète, la sélection
aurait encore pour effet de nous donner des
Heveas précoces, ce qui n'est pas à dédaigner,
lorsque l'on songe que nous devrons attendre
au moins six à sept ans avant de pouvoir sai-
gner les arbres.
Considérations générales au sujet de la pi a- .¡
tique de la sélection. — Nous devons mainte-
nant entrer dans quelques considérations gé- 1
nérales et noter les particularités dont la -ï
connaissance est indispensable à*l'opération de
la sélection.
Après la mise en train, qui correspond à une
période de vingt jours environ de rendements
régulièrement croissants, la quantité de latex
fournie chaque matin par un arbre est assez
constante d'un jour à l'autre, si les conditions
météorologiques ne changent pas subitement.
Cependant, nous avons remarqué bien souvent
des sautes brusques que nous ne savons encore
à quoi attribuer. Tel arbre, de moyenne infé-
rieure, peut donner un jour une quantité de
latex bien supérieure à son rendement journa-
lier, pour retomber le lendemain à sa produc-
tion misérable. De même un Hevea qui fournit
en général une forte quantité de latex peut,
certains jours, tomber au rang des mauvais
caoutchoutiers.
Nous avons pu constater de nombreux
exemples de ce fait, et nous citerons le cas
typique suivant :
Le 3 novembre 1906, parcelle H, 49c saignée,
une forte proportion des Heveas traités d'une
façon régulière donnent une quantité de latex
bien au-dessus de leur moyenne et, le lende-
main, retombent à leurs rendements précé-
dents, tandis que les arbres qui, la veille,
avaient peu donné, accroissent ce jour-là leur
productivité d'une façon déconcertante quoique
aussi fugace. Nous nous sommes assurés que
cela ne provenait pas de la négligence de l'in-
digène opérant les saignées, et ne pouvons
encore que signaler sans l'expliquer cette ano-
malie qui se rencontre fréquemment chez les
sujets isolés.
Nous tirons de là cet enseignement qu'il ne
faut pas se contenter du rendement d'un seul
jour pour déterminer la valeur respective des
arbres à caoutchouc.
- Lorsque les feuilles des Ileveas commen-
cent à jaunir, le rendement augmente pour
diminuer avec leur chute, puis arriver à être
presque nul lorsqu'elles sont complètement
tombées, et reprendre enfin plus tard avec la
végétation. C'est là un phénomène très net
que nous avons observé sur de nombreux
sujets. Notons encore que la chute des feuilles
n'a pas lieu en même temps chez les divers
arbres, quoiqu'elle se produise à des époques
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