Ib6 JOURNAL D'AGRICULTURE TROPICALE No 24 JUIN 1903
nous pensons qu'il peut être utile aux plan-
teurs intéressés de mieux connaître certains
emplois et certains débouchés du fruit qu'ils
cultivent.
Sucre. Jusqu'ici, à notre connaissance,
l'extraction du sucre de bananes n'avait pas
donné lieu à des essais industriels impor-
tants, mais le journal américain « Tea,
Coffee and Sugar » nous a tout récemment
appris qu'une Compagnie s'organisait, à
Cuba, pour préparer 1.000 barils de sucre
de bananes par jour; nous ne reproduisons
cette information que sous toutes réserves.
Ce sucre se présenterait, à l'état sec, avec
une légère couleur brune; il serait très
agréable au goût, et posséderait une saveur
rappelant quelque peu son origine. Ajoutons
enfin qu'il reviendrait à 40 ou 60 moins
cher que la cassonnade ordinaire, et son
prix de détail suivrait la même proportion.
A ce sujet, il est bon d'entrer dans quel-
ques détails sur la teneur en sucre du fruit
en question (1). Chacun sait que la banane,
d'abord très riche en matière amylacée, subit
rapidement, à la maturité, une transforma-
tion qui amène cette matière à l'état de
sucre.
Bien que les chiffres indiqués par les di-
vers chimistes qui ont analysé les bananes
varient quelque peu, nous pouvons admettre
que celles-ci, à maturité complète, contien-
nent à l'état frais, de 15 à 20 (et même
parfois 25 %) de matières sucrées totales, et
environ 5o à l'état sec. La nature exacte
des différents sucres ici présents ne paraît
pas avoir été complètement déterminée, non
plus que l'influence des espèces ou variétés.
LÉPINE indique, sur 13,14 de sucre
total : 9,04 de sucre incristallisable, et 4,10
desucre cristallisable. CORENWINDER a trouvé,
sur un total de 20 environ : 15,90 de
sucre cristallisable, et 5,go de sucre inter-
verti (mélange de glucose et de lévulose) : il
en conclut que les bananes pourraient don-
ner lieu à l'extraction d'un sucre industriel.
(1) Pour tout ce qui concerne les sucres des fruits,
et tous les sucres en général, on consultera avanta-
geusement l'ouvrage de M. MAQUENNE, dont l'éloge
n'est plus à faire (L. MAQUENNE : Les Sucres et leurs
vrincipaux dérivés. Paris, chez Carré).
PRINSEN GEERLIGS a obtenu un minimum
de 13,68 de saccharose.
D'après BUIGNET, ces fruits contien-
draient (en poids de pulpe fraîche) 10 de
sucres réducteurs totaux, et 5 de saccha-
rose; il est intéressant d'opposer ces propor-
tions à celles que l'on observe dans l'ananas,
où se trouvent 1 1,3 de saccharose et 2 de
sucre réducteur (BUIGNET). Enfin, le « Teys-
mannia », de Java, a dernièrement repro-
duit, d'après l'annuaire de la société « Ooft-
teelt », les analyses de quatre variétés de ba-
nanes (pisangs), analyses dont nous extra
yons les chiffres suivants :
P.Radja P. Radja sereh P. Mas P. Ambon
Dextrose(I). 12,70 10,44 8,94 5,76
Lévulose. 9,60 11,35 10,08 9,49
Saccharose. 1,94 1,19 3,86 2,46
Bien qu'il paraisse s'agir certainement ici
de fruits mûrs, la teneur en saccharose est
extrêmement faible, et la variabilité ainsi
constatée de cette teneur mérite d'attirer
l'attention.
Tout au moins dans les cas les plus favo-
rables, la banane semble cependant pouvoir
se prêter à une extraction industrielle du
sucre cristallisable ; mais, ici, l'idéal de la
sucrerie moderne, la suppression des mé-
lasses, ne saurait, bien entendu, être pour-
suivi, la forte proportion du sucre incristal-
lisable naturel s'y opposant. Il resterait à
aviser au meilleur parti à tirer de ces mé-
lasses.
Alcool. Il serait possible de convertir en
alcool ce sous-produit de la fabrication du
sucre de bananes; nous manquons de ren-
seignements directs sur ce sujet, mais, en ce
qui concerne l'alcoolisation des bananes
elles-mêmes, les renseignements sont au con-
traire assez précis. Des essais effectués
depuis longtemps, ont surabondamment
prouvé qu'il est possible d'obtenir un alcool
de consommation avec les bananes mûres,
dans lesquelles la saccharification de la ma-
tière amylacée s'est produite spontanément.
Si quelques tentatives récemment faites dans
cette voie n'ont donné que de mauvais résul-
tats, il paraît permis d'incriminer les pro-
cédés employés, les essais d'industries de
(1) Glucose.
