N° 12 — JUIN 1902 JOURNAL D'AGRICULTURE TROPICALE 171
sur tout le territoire des Etats-Unis, où
elle est hautement appréciée. Pour conseryer
aux mots leur acception locale, ce fruit ne
saurait être classé dans les « plantains »
sans commettre une absurdité ; autant dire
que c'estune pommede terre. Si, d'autre part,
on devait prendre les mots dans l'acception
qui leur est attribuée dans l'Inde, la « ba-
nane de Jamaïque » serait bien un « plantain»,
mais celle des Canaries le serait aussi. C'est
tout ce qu'il y a de vrai au fond d'une mysti-
fication qui paraît avoir causé grand tort à
la banane de Jamaïque au près des consom-
mateurs anglais. »
Le Thielaviopsis et la Sélection de la Canne
D'après M. ALBERT HOWARD
Nature de la maladie. Objet et portée
des expériences de M. Howard. — Dans
notre premier numéro (juillet 1901), nous
avons publié différentes formules de mix-
tures insecticides, employées dans l'Inde an-
glaise pour protéger les boutures de cannes
contre les tei*mites et les borers. Le sujet
dont nous allons nous occuper aujourd'hui
se rattache à une préoccupation du même
ordre, mais les ennemis qu'il s'agit de vain-
cre ne sont pas des insectes, ce sont des
champignons inférieurs appartenant à l'es-
pèce Thielaviopsisethaceticus de MM. WENT
et WAKKER, laquelle est identique avec Tri-
chosphaeria Sacchari, MASSEE. (I)
Ce parasite, largement répandu dans les
pays les plus variés, puisqu'il sévit à Java,
dans toutes les Antilles, en Guyane britan-
nique, au Surinam, s'introduit par les bles-
sures des cannes et ne tarde pas à en amener
la mort, la maladie étant caractérisée par des
symptômes très nets et dont le plus facile à
constater est une odeur particulière qu'on
perçoit en cassant ou en fendant le sujet
soupçonné. Cette odeur rappelle celle de l'a-
nanas, d'où le nom, MALADIE DE L'ANANAS
(« ananasziekte » des Hollandais de Java,
« pine apple disease » des Anglais aux In-
des Occidentales). Le même parasite attaque,
d'ailleurs, aussi les ananas, en particulier
dans l'île d'Antigua, en s'introduisant par
(1) La bibliographie de ce champignon est relati-
vement considérable. Nous ne saurions reproduire
ici celle que M. HOWARD cite à la fin de son mémoire;
mais il nous paraît utile de rappeler deux beaux
mémoires français omis par lui. Ce sont: PRILLIEUX
et DELACROIX, SOC. Mycologique, iSg5, p. 75 avec
1 pl. — Id. 1897, p. 112.
N. DE LA RÉD.
les solutions de continuité de l'écorce ; il est
cause de ce que bon nombre de ces ananas,
expédiés à destination des Etats-Unis, se
pourrissent en cours de route.
Pour le moment, nous ne nous occuperons
que de la canne seule. Pour celle-ci, M. AL-
BERT HOWARD, mycologiste du gouvernement
à la Barbade, paraît avoir trouvé un remède
souverain et il a publié, à cette occasion, un
mémoire dont on ne saurait contester la très
haute importance, tant en raison de la gra-
vité de la maladie visée, que par le fait de
certaines généralisations qu'il a pu tirer de
l'étude attentive de ses manifestations.
En effet, M. HOWARD indique le moyen de
réduire dans une très forte proportion les
frais de plantation des champs de cannes, en
réduisant à presque rien les remplacements
nécessités par le dépérissement des boutures;
or, à la Barbade, par exemple, on considère
3o p. 100 comme étant la moyenne du dé-
chet dans les bonnes exploitations, et dans
quelques-unes, moins favorisées, il atteint
même un taux très supérieur. En outre, par
une suite de raisonnements que nous expose-
rons plus loin, il se trouve que le traitement
anticryptogamique préventif, préconisé par
M. HOWARD, permettra de modifier très pro-
fondément les procédés de multiplication et
de sélection des cannes, en usage actuelle-
ment.
Les planteurs antillais ont l'habitude de
choisir, pour la reproduction, des sommets
de préférence aux boutures prises dans le
corps de la canne, des rejetons de préférence
aux cannes vierges; c'est que les fragments
chétifs, à entrenœuds courts et pauvres en
sucre sont infiniments plus résistants au Thie-
