N° II MAI 1902 JOURNAL D'AGRICULTURE TROPICALE 137
Afrique, n'a été faite dans des conditions
telles que l'on puisse être fixé sur l'avenir de
cette culture. C'est une question à reprendre
expérimentalement par le commencement.
A. CHEVALIER.
Paris, icr mai 1902.
Les Incendies et le Henequen
(Lettre de M. L. HAUTEFEUlLLE).
Notre ami L. HAUTEFEUILLE a été témoin, l'an-
née dernière, de plusieurs incendies graves, dans
une exploitation d'agaves textiles (Agave ri-
gida, variété épineuse) à Cayo-Romano, île dé-
pendant de Cuba ; il a pu se rendre compte que
cette sorte d'accidents ne doit pas être rare
dans les cultures d'agaves. D'autre part, nous
croyons connaître à peu près tout ce qui existe
de sérieux en fait de documents imprimés relatifs
à ce genre de culture, et dans aucun nous n'a-
vons trouvé mention du danger de feu : c'est
pourquoi il nous a semblé utile de demander à
M. HAUTEFEUILLE quelques développements. Nous
serions contents de recevoir sur cette question
d'autres indications.
« Vous avez paru vous étonner du danger
que présente le feu pour des plantations de
henequen, cette plante grasse n'étant pas
précisément combustible, comme l'est la
canne à sucre. C'est que mes lettres, vous
racontant les désastres .dont j'ai été letémoin,
manquaient de clarté.
« La différence est grande entre les champs
de canne et les plantations de henequen.
Dans les premiers, pas d'herbe. Dès que la
canne, après quelques soins de culture, a
pris le dessus, elle étouffe toute végétation ;
mais elle constitue pour le feu, en certaine
saison, un aliment de premier ordre. Riende
connu et de fréquent comme les incendies
de champs de canne dont nous avons tous lu
des descriptions. J'ai assisté, dans le centre
de Cuba, à un de ces sinistres. Pour un Pa-
risien, ce spectacle n'est pas banal.
« Dans les plantations de henequen, la
plante subit les effets du feu, lequel est ali-
menté par la brousse, mais elle ne contribue
pas ou elle contribue pour une faible part à
l'entretenir.
« Je ne sais pas comment les choses se
passent au Yucatan, patrie du henequen;
mais je crois me rappeler que M. DE JONG,
de Java, dont l'article m'a été communiqué
par vous au commencement de l'année der-
nière, soutient, s'appuyant sur la pratique,
que le gazonnement du sol, loin de nuire à la
croissance du henequen, lui est favorable.
« Je suis tenté de penser de même. Il est,
d'ailleurs, possible que l'entretien d'une plan-
tation de henequen dans un état de propreté
analogue à nos cultures européennes revien-
drait, en climat tropical, à un prix que la
valeur du produit ne comporte-pas; mais, si
le gazonnement du sol peut être considéré
comme rationnel, c'est à la condition que
l'herbe soit courte. Or, dans les plantations
de Cayo-Romano (Cuba), nous avons trop
souvent rencontré une brousse (MANIGUA.)
beaucoup trop haute, brousse presque tota-
lement desséchée à la fin de la saison sèche.
Cette brousse nuit au développement des
plants de henequen en contribuant à lelt
étouffer. Elle est, pour ces plants, une me-
nace parce qu'elle contribue non seulement
à propager les incendies, mais à en accroître
l'intensité.
« Plus la mauvaise herbe est haute et ser-
rée, plus les dégâts sont importants. Sur un
gazon sec, superficiel, le feu, s'il est poussé
par le vent, court parfois à la sur face du sol
sans entamer sensiblement les pieds de la
plante cultivée. Les jeunes plants, les rejets
sont perdus, toutefois.
« Dans des carrés envahis par une végé-
tation arbustive, le feu séjourne ; il dure; il
s'élève; il atteint et dessèche les feuilles les
plus hautes des agaves. Ainsi retenu sur
place, il a le temps de s'attaquer aux troncs,
plus secs et plus ligneux, et il les ronge
alors d'une manière irréparable.
« J'ai vu le feu se comporter de manière
bien différente, suivant, naturellement, l'in-
tensité du vent, mais suivant aussi l'état de
la végétation couvrant le sol et suivant l'état
