Titre : Chronique de l'Institut colonial français
Auteur : Institut colonial français (Paris). Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1928-01-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32741574v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 janvier 1928 15 janvier 1928
Description : 1928/01/15 (A8,N1)-1928/12/30 (A8,N22). 1928/01/15 (A8,N1)-1928/12/30 (A8,N22).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32017120
Source : CIRAD, 2018-238734
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2019
CHRUMÇLE DE L'INSTITUT COLONIAL FRANÇAIS
o
grands coups de ïouet, lançaient les mules dans la des
cente. Comme des lolles, dans le tapage des colliers à
clochettes, elles se précipitaient. La poussière montait !
Les roues rafistolées avec du chilïon, les caissons rapié
cés avec du 1er blanc,le frein remplace par une chaussure,
tout le charroi grinçait à se tendre, 1 on croyait qu'au
tournant tout allait s’abattre dans le fossé... mais il y
a un bon Dieu pour les attelages créoles : chacun cassait
à souhait son contour et tous, à la queue-leu-leu, se met
taient à trotter sur la chaussée... Là-haut, sur la colline,
les cheminées blanches des sucreries pareilles à des châ
teaux, roulaient dans l’air bleu leur épaisse fumée cou
leur de sirop.
La Sucrerie de la Ravine des Cabris ! La Sucrerie
de la Terre-Bouge ! La Sucrerie des Grands Bois ! La
Sucrerie de Langevin ! Stella Matutina ! De quels beaux
noms brillaient pour nous ces « Etablissements » qui
honoraient notre terre comme des églises. Avec leurs co
lonnes blanches, leurs frontons éclatants que le vol des
pigeons couronne,-à cause aussi des frises sonores de
chevaux, de mules et de bœufs qui, dans un ordre de
procession, venaient décharger devant leurs degrés l’arc-
en-ciel des cannes, c’était pour nous comme les Temples
du Travail. On y pénétrait, on s’y égarait, on s’y attardait
avec exaltation. Passionnante leçon de choses : dans une
mystérieuse pénombre mordorée comme le caramel, les
antiques paniers de rotin battaient leurs cascades odo
rantes de sirop brûlant ; les turbines, dans le tourbil
lonnement de la vapeur et l’écharpe des fumées blanches,
donnaient magiquement au sucre rouge la pureté étince
lante de la neige. Jamais les Indiens ne nous paraissaient
plus beaux, plus heureux que souples et silencieux, pen
chés vers ces machines qu’ils servaient comme des dieux !
Par la grand’route, ombragée de vacois, et que faisait
toujours tintante le grelot vantard des carrioles des petits
Blancs des hauts, nous rentrions à la case. Grisés de no
tre terre fortunée, grisés de cette terre qui embaume le
ciel, grisés de tout ce que produisent de finesse capiteuse
racines, feuillages, fleurs et fruits, grisés de l’odeur des
distilleries de géranium et d’ylang-ylang, grisés de l’odeur
des vanilleries, grisés du chant mêlé des bengalis, dès
montardiers et des becs-roses, grisés du travail des hom
mes qui, lui aussi, palpite si spontanément de notre ter
re qu’il en jaillit comme une poésie.
Oue les soirs sous nos Tropiques sont emplis de ma
jesté ! Avant que la nuit ne nous fermât dans notre caœ,
on aimait se grouper sur la butte, d’où la vue, d’un bord
du ciel à l’autre s’étendait sur l’Océan Indien. Les car
reaux de caféiers verts, les carreaux de manioc rougt ;
les savanes de maïs, les mille plateaux de cannes que la
brise tressait comme des nattes de paille, les jardins
malabares et les vergers luisants qui enveloppaient le
quartier, toute la terre de l’île, choyée par deux siècles de
plantation, descendait, vermeille, vers la mer. Et dans
la rade, sorti de notre port, un long voilier aux voiles
gonflées — qui partait pour la France — semblait navi
guer vers le soleil.
Marius-Arv Leblond.
La Vie des Colonies
VERS LA RÉALISATION
DU TRANSSAHARIEN
Notre confrère, M. Robert Raynaud,
a annoncé dans le Temps du 10 janvier
que 1’ « on va jaire le Transsaharien ».
Il est assez piquant de constater que cette
information avait paru, à peu près sous
le même titre, dans le Journal, en 1924,
sur la foi d’un article écrit spécialement
pour notre Chronique bi-mensuelle par
M. Du Vivier de Streel.
Il convient de rappeler au surplus
qu’en 1924 l’Institut Colonial Français
s était préoccupé de la question et avait
réuni une commission d’études. Celle-ci,
après de longs travaux préparatoires,
avait fait adopter à Funanimité, au cours
d une séance plénière qui réunissait une
assistance considérable, le vœu (( que le
vote parlementaire apporte une conclu
sion définitive à cette entreprise nationale
destinée à assurer notre sécurité et notre
expansion, la soudure de notre Afrique
avec la Métropole et le resserrement de
1 amitié française avec les nations colo
nisatrices voisines ».
Dans un prochain numéro, nous nous
étendrons p! s longuement sur ce projet,
et nous nous bornons à donner aujour
d’hui l’essentiel de l’article si documenté
de M. Raynaud.
« Voici une grande et bonne nouvelle
pour la France coloniale et pour la
France tout court.
« Après des hésitations jort honora
bles, puisqu’il s’agissait de prendre une-
décision capitale pour notre avenir en
Afrique, après le recueillement nécessaire
qui prépare les grands actes, le gouverne
ment — Finances, Travaux Publics, In
térieur, Guerre et Colonies — vient de
fixer sa résolution. On fera le Transsa-
harien.
« Le gouvernement vient de décider
de créer un « Office du Transsaha
rien », office d’Etat qui groupera des
personnalités officielles et techniques
choisies pour leur autorité et leur compé
tence.
a Considérant qu’un capital de 12
millions et demi suffirait pour la mise au
point d’études déjà faites et qu’il con
vient surtout de vérifier, le projet de loi
qui sera soumis au Parlement avant la
fin de la présente législature, c est-à-dire
dans les trois mois, prévoit l’intervention
de l’Etat français pour 4 millions {en
deux annuités de 2 millions en 1928 et
1929), de l’Algérie pour 3 millions {en
deux annuités analogues), du Maroc pour
1 million {deux annuités), de la Tunisie
pour 500.000 francs {deux annuités), de
l’Afrique Occidentale pour 1 million
{deux annuités), de telle manière que la
dépense échelonnée sera peu sensible à
ces divers budgets. A ces contributions
s’ajouteraient celles des réseaux de Paris-
Lyon-Méditerranée, de Paris à Orléans
et du Midi, chacun pour un million.
(( C’est sur ces bases que le Président
du Conseil et le Ministre des Travaux
Publics viennent, par un échange de let
tres, de se mettre d’accord. Les études
pourront donc commencer dès le mors
d’octobre prochain pour être terminées en
avril 1929.
« C’est probablement l’ensemble des
grands réseaux français qui recevra cette
mission {de construire le Transsaharien et
d’en assurer l’exploitation).
« L’on ne saurait assez insister sur la
multiplication spontanée de la richesse
créée, dans les colonies plus que partout
ailleurs, par le rail. D’autre part, il faut
savoir que cinq cents colons de l’Afrique
du Nord, à l’étroit dans leurs domaines,
manifestent déjà l’intention, dès que le
Transsaharien sera commencé, et sans
o
grands coups de ïouet, lançaient les mules dans la des
cente. Comme des lolles, dans le tapage des colliers à
clochettes, elles se précipitaient. La poussière montait !
Les roues rafistolées avec du chilïon, les caissons rapié
cés avec du 1er blanc,le frein remplace par une chaussure,
tout le charroi grinçait à se tendre, 1 on croyait qu'au
tournant tout allait s’abattre dans le fossé... mais il y
a un bon Dieu pour les attelages créoles : chacun cassait
à souhait son contour et tous, à la queue-leu-leu, se met
taient à trotter sur la chaussée... Là-haut, sur la colline,
les cheminées blanches des sucreries pareilles à des châ
teaux, roulaient dans l’air bleu leur épaisse fumée cou
leur de sirop.
La Sucrerie de la Ravine des Cabris ! La Sucrerie
de la Terre-Bouge ! La Sucrerie des Grands Bois ! La
Sucrerie de Langevin ! Stella Matutina ! De quels beaux
noms brillaient pour nous ces « Etablissements » qui
honoraient notre terre comme des églises. Avec leurs co
lonnes blanches, leurs frontons éclatants que le vol des
pigeons couronne,-à cause aussi des frises sonores de
chevaux, de mules et de bœufs qui, dans un ordre de
procession, venaient décharger devant leurs degrés l’arc-
en-ciel des cannes, c’était pour nous comme les Temples
du Travail. On y pénétrait, on s’y égarait, on s’y attardait
avec exaltation. Passionnante leçon de choses : dans une
mystérieuse pénombre mordorée comme le caramel, les
antiques paniers de rotin battaient leurs cascades odo
rantes de sirop brûlant ; les turbines, dans le tourbil
lonnement de la vapeur et l’écharpe des fumées blanches,
donnaient magiquement au sucre rouge la pureté étince
lante de la neige. Jamais les Indiens ne nous paraissaient
plus beaux, plus heureux que souples et silencieux, pen
chés vers ces machines qu’ils servaient comme des dieux !
Par la grand’route, ombragée de vacois, et que faisait
toujours tintante le grelot vantard des carrioles des petits
Blancs des hauts, nous rentrions à la case. Grisés de no
tre terre fortunée, grisés de cette terre qui embaume le
ciel, grisés de tout ce que produisent de finesse capiteuse
racines, feuillages, fleurs et fruits, grisés de l’odeur des
distilleries de géranium et d’ylang-ylang, grisés de l’odeur
des vanilleries, grisés du chant mêlé des bengalis, dès
montardiers et des becs-roses, grisés du travail des hom
mes qui, lui aussi, palpite si spontanément de notre ter
re qu’il en jaillit comme une poésie.
Oue les soirs sous nos Tropiques sont emplis de ma
jesté ! Avant que la nuit ne nous fermât dans notre caœ,
on aimait se grouper sur la butte, d’où la vue, d’un bord
du ciel à l’autre s’étendait sur l’Océan Indien. Les car
reaux de caféiers verts, les carreaux de manioc rougt ;
les savanes de maïs, les mille plateaux de cannes que la
brise tressait comme des nattes de paille, les jardins
malabares et les vergers luisants qui enveloppaient le
quartier, toute la terre de l’île, choyée par deux siècles de
plantation, descendait, vermeille, vers la mer. Et dans
la rade, sorti de notre port, un long voilier aux voiles
gonflées — qui partait pour la France — semblait navi
guer vers le soleil.
Marius-Arv Leblond.
La Vie des Colonies
VERS LA RÉALISATION
DU TRANSSAHARIEN
Notre confrère, M. Robert Raynaud,
a annoncé dans le Temps du 10 janvier
que 1’ « on va jaire le Transsaharien ».
Il est assez piquant de constater que cette
information avait paru, à peu près sous
le même titre, dans le Journal, en 1924,
sur la foi d’un article écrit spécialement
pour notre Chronique bi-mensuelle par
M. Du Vivier de Streel.
Il convient de rappeler au surplus
qu’en 1924 l’Institut Colonial Français
s était préoccupé de la question et avait
réuni une commission d’études. Celle-ci,
après de longs travaux préparatoires,
avait fait adopter à Funanimité, au cours
d une séance plénière qui réunissait une
assistance considérable, le vœu (( que le
vote parlementaire apporte une conclu
sion définitive à cette entreprise nationale
destinée à assurer notre sécurité et notre
expansion, la soudure de notre Afrique
avec la Métropole et le resserrement de
1 amitié française avec les nations colo
nisatrices voisines ».
Dans un prochain numéro, nous nous
étendrons p! s longuement sur ce projet,
et nous nous bornons à donner aujour
d’hui l’essentiel de l’article si documenté
de M. Raynaud.
« Voici une grande et bonne nouvelle
pour la France coloniale et pour la
France tout court.
« Après des hésitations jort honora
bles, puisqu’il s’agissait de prendre une-
décision capitale pour notre avenir en
Afrique, après le recueillement nécessaire
qui prépare les grands actes, le gouverne
ment — Finances, Travaux Publics, In
térieur, Guerre et Colonies — vient de
fixer sa résolution. On fera le Transsa-
harien.
« Le gouvernement vient de décider
de créer un « Office du Transsaha
rien », office d’Etat qui groupera des
personnalités officielles et techniques
choisies pour leur autorité et leur compé
tence.
a Considérant qu’un capital de 12
millions et demi suffirait pour la mise au
point d’études déjà faites et qu’il con
vient surtout de vérifier, le projet de loi
qui sera soumis au Parlement avant la
fin de la présente législature, c est-à-dire
dans les trois mois, prévoit l’intervention
de l’Etat français pour 4 millions {en
deux annuités de 2 millions en 1928 et
1929), de l’Algérie pour 3 millions {en
deux annuités analogues), du Maroc pour
1 million {deux annuités), de la Tunisie
pour 500.000 francs {deux annuités), de
l’Afrique Occidentale pour 1 million
{deux annuités), de telle manière que la
dépense échelonnée sera peu sensible à
ces divers budgets. A ces contributions
s’ajouteraient celles des réseaux de Paris-
Lyon-Méditerranée, de Paris à Orléans
et du Midi, chacun pour un million.
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du Conseil et le Ministre des Travaux
Publics viennent, par un échange de let
tres, de se mettre d’accord. Les études
pourront donc commencer dès le mors
d’octobre prochain pour être terminées en
avril 1929.
« C’est probablement l’ensemble des
grands réseaux français qui recevra cette
mission {de construire le Transsaharien et
d’en assurer l’exploitation).
« L’on ne saurait assez insister sur la
multiplication spontanée de la richesse
créée, dans les colonies plus que partout
ailleurs, par le rail. D’autre part, il faut
savoir que cinq cents colons de l’Afrique
du Nord, à l’étroit dans leurs domaines,
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